Une année qui commence par l'œuvre de Pierre Bonnard ne peut être une année foncièrement mauvaise.
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00:00 Il est 9h47, édito-culture Laurent Delmas, vous commencez l'année en peinture.
00:05 Oui Nicolas, et une année qui commence par l'œuvre de Pierre Bonnard ne peut être
00:09 une année foncièrement mauvaise.
00:10 Peut-on en dire autant d'une année qui commence par un film de Martin Provost sur Bonnard ?
00:15 Rien n'est moins certain hélas.
00:16 C'est demain, mercredi, que sort sur les écrans le nouveau biopic « Tural » de ce
00:22 cinéaste après celui consacré, souvenez-vous, à la peintre Séraphine.
00:26 Je ne vais pas m'épuiser à sonner de nouveau le toxin du moratoire sur les bio filmés.
00:31 Et pourtant, on tient là un spécimen tout à fait symptomatique.
00:36 De l'art tout à la fois délicat, subtil et complexe de la peinture du génial Bonnard,
00:41 il ne sera jamais réellement question dans ce « Bonnard, Pierre et Marthe ». Pendant
00:45 les 123 très longues minutes que dure le film, pas la moindre tentative pour rendre
00:51 compte de la singularité des tableaux de Pierre Bonnard.
00:54 Tout juste assiste-t-on à la description petite bourgeoise d'un artiste et de son
00:58 art qui ne l'était pourtant pas.
01:01 Rien ne permet de comprendre la fascination que peuvent exercer sur nous les intérieurs
01:07 peints par Bonnard autant que son incroyable sens du cadre pour peindre les extérieurs.
01:12 Rien, rien pour essayer de rendre à l'écran des lumières et des atmosphères qui n'appartiennent
01:18 qu'à lui.
01:19 Reste un regard médiocre sur la vie intime d'un couple et la tentative à la fois naïve
01:24 et démagogique de mettre sur le même plan artistique Pierre et son épouse Marthe.
01:29 Martin Provost doit penser que l'ère du temps l'autorise à tous les excès de
01:33 ce point de vue.
01:34 Passer tellement à côté d'un grand artiste relève après tout d'un sacré talent.
01:39 Et il n'y a donc rien à sauver dans ce film ?
01:40 Ce qu'il faut sauver à tout prix, Nicolas, c'est Bonnard.
01:43 Évidemment, pour cela, on peut se rendre sur la Côte d'Azur au Canet et visiter
01:47 le merveilleux musée qui lui est consacré, ou bien par exemple aller au musée d'Orsay
01:51 à Paris, ou plus simplement se procurer et lire l'exceptionnelle monographie que
01:55 vient de lui consacrer l'historien de l'art Stéphane Guégan aux éditions Azen.
02:01 Japoniste obsessionnel, intimiste espiègle, impressionniste tardif, nudiste voluptueux,
02:08 greffier mélancolique du quotidien et de la fuite du temps.
02:11 Voilà comment, en quelques noms et adjectifs soigneusement choisis, Guégan, dès sa préface,
02:17 nous introduit dans l'univers de Bonnard.
02:19 Voilà ce que n'a pas su faire Martin Provost.
02:21 Et tout le reste du livre est à l'avenant.
02:23 De véritables bonheurs de l'écriture et d'analyse, belles reproductions à l'appui
02:27 pour éclairer l'art de ce peintre qui, jusqu'à la fin de sa vie, se glissa dans
02:32 les musées qui exposaient ses toiles pour, à l'insu des gardiens, les retoucher encore
02:38 et encore.
02:39 Bonnard par Guégan, aux éditions Azen, voilà bien le grand film qu'il faut voir et lire.
02:45 Laurent Delmas, merci et à mardi prochain !