Laurent Delmas, journaliste.
Retrouvez les éditos culture sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-culture
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00:00 Grâce à vous Laurent Delmas, exceptionnellement ce lundi.
00:03 Laurent, vous nous parlez ce matin des profs au cinéma.
00:06 Oui parce que c'est après Demain Mercredi que sort sur les écrans le nouveau film écrit
00:11 et réalisé par Thomas Lilti.
00:13 Vous savez, ce médecin devenu cinéaste et dont les trois premiers films, à l'instar
00:19 d'Hippocrate, avec Vincent Lacoste, se déroulaient dans le monde médical.
00:23 Mais cette fois avec un métier sérieux, son quatrième long métrage, dont il s'intéresse
00:28 aux profs d'un collège.
00:30 Casting plus qu'impeccable, de Lacoste à Exarchopoulos en passant par Bourgoin et Cluset,
00:35 belle écriture dans l'air du temps qui pourrait faire songer au premier épisode
00:39 d'une série à venir.
00:40 Indéniable sincérité du regard et du propos.
00:43 Je vous sens déjà déçu par tant d'impression positive de ma part.
00:47 De fait, les profs ont depuis longtemps envahi le cinéma français.
00:51 Depuis Zéro de conduite de Jean Vigo, les réalisateurs n'en finissent plus de nous
00:55 dire ce qu'ils pensent des enseignants, un peu pour le meilleur.
00:59 Et c'est le cas de Lilty.
01:00 La plupart du temps pour le pire, la majorité des profs au cinéma sont des frustrés, grincheux,
01:06 autoritaires et névrosés, tendance prof de Schulman ou du Comus.
01:10 Ce que je trouve d'autant plus injuste.
01:12 Car à titre personnel, je suis pour la béatification laïque et généralisée du corps enseignant,
01:19 dont son utilité sociale est sacrée.
01:21 Des gens, voyez-vous, qui consacrent leur vie à convertir des petits morveux criards
01:26 en futurs adultes, un temps soit peu éclairé, ne peuvent pas être foncièrement mauvais.
01:31 Mais c'est quand même la liberté des cinéastes de représenter les profs comme
01:34 ils le veulent, Laurent.
01:35 N'en doutons pas, Léa.
01:36 Surtout quand ils visent juste.
01:37 Comme Thomas Lilty avec la scène la plus réussie du film, celle de la visite d'une
01:42 inspectrice pédagogique dans la classe de Louisbourgouin.
01:45 Vous en connaissez-vous beaucoup de professions ou un intervalle régulier tout au long de
01:50 votre carrière.
01:51 Quelqu'un, mandaté par votre hiérarchie, vient assister en direct à votre travail
01:57 et vous convoque dans la foulée pour vous en faire la critique au lance-flammes pédagogique.
02:01 Vous imaginez un envoyé de l'ArkHomme ce matin en studio durant le 7-10 et qui, immédiatement
02:06 après euvien, vous voit Léa et vous dit "bon ouais, la troisième question à juper,
02:11 franchement, faiblarde, hein ? Et à vous Nicolas, dites, la transition entre Vaskolovitch
02:16 et Serrel ce matin, vous l'avez écrite avec un croissant dans les mains, etc."
02:20 Mais qui pourrait supporter ça ? Et puis les cinéastes font du sur place avec cette
02:25 profession.
02:26 On trouve dans le film de Lilti les mêmes scènes que l'on voyait déjà dans "Une
02:29 semaine de vacances de tavernier" sorties il y a presque un demi-siècle.
02:33 Celle par exemple où un prof a héri, humilie, sans le vouloir, un collègue novice incapable
02:39 de faire cesser le chahut dans sa classe.
02:41 Ça prouve, me direz-vous, que rien n'a changé, hélas.
02:44 Oui mais alors pourquoi y revenir sans cesse et sans effet ? Il faut dire que même les
02:49 cinéastes les plus bienveillants à l'égard des profs dérapent parfois.
02:53 "Tavernier", commençait ainsi son très beau film par une citation totalement contraditoire
02:59 et affligeante de Jacques Prévert, je cite "Éducation nationale de point tout condamné
03:03 à vivre aura la tête bourrée".
03:05 Il est 9h48, vous êtes bien sur France Inter et je viens de dire du mal de Jacques Prévert,
03:10 inconscient que je suis.
03:11 Tant pis pour moi, j'en appelle officiellement ce matin à l'adoption d'un moratoire
03:16 de 5 ans sur la production de films de fiction consacrés aux profs et à l'éducation nationale.
03:21 Après tout, il existe beaucoup d'autres professions absentes ou presque des grands
03:25 écrans et pourtant, on aurait envie de voir des films sur les architectes ou les assureurs,
03:30 histoire de se venger un peu d'habiter des immeubles moches et de décrypter à la loupe
03:35 des contrats illisibles et léonins.
03:37 Chiche.
03:38 NICOLAS : Espérons que l'appel de Delmas soit entendu.
03:41 Merci Laurent.