La Mauritanie et Nous
Film de Michael Hoare
Episode 3 : Arrestations, procès des militants des Flams
Trois témoins, Ibrahima et Habsa Sall et Mamadou Bocar Ba racontent le détail des arrestations, des interrogations et du procès des vingt-sept militants des Flams jugés après la répression contre les auteurs du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé ». Les évènements sont racontés du point de vue des personnes arrêtées mais aussi, grâce à Habsa Sall, du point de vue des femmes qui tentaient d’apporter secours et solidarité de l’extérieur des lieux d’enfermement.
Ibrahima Abou SALL, Mamadou Bocar BA, Habsa SALL
Film de Michael Hoare
Episode 3 : Arrestations, procès des militants des Flams
Trois témoins, Ibrahima et Habsa Sall et Mamadou Bocar Ba racontent le détail des arrestations, des interrogations et du procès des vingt-sept militants des Flams jugés après la répression contre les auteurs du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé ». Les évènements sont racontés du point de vue des personnes arrêtées mais aussi, grâce à Habsa Sall, du point de vue des femmes qui tentaient d’apporter secours et solidarité de l’extérieur des lieux d’enfermement.
Ibrahima Abou SALL, Mamadou Bocar BA, Habsa SALL
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00:00:52 Donc vous vous êtes arrêté?
00:01:00 Donc moi j'ai été arrêté à la maison
00:01:04 donc c'était le 4 septembre
00:01:08 et bon j'étais, parce que mes enfants étaient partis en vacances
00:01:14 chez leur tante à Dakar
00:01:17 et j'étais donc avec mon épouse à la maison
00:01:21 et parce que j'avais un objectif, début 87 il fallait que je soutienne ma thèse
00:01:28 donc j'avais terminé la rédaction, je faisais toutes les corrections
00:01:31 et les soirs je restais très tard parce qu'on était en vacances
00:01:35 et pendant ce temps aussi on continuait à faire le travail d'enquête
00:01:40 parce qu'à chaque fois qu'on produisait un document
00:01:42 on le distribuait
00:01:44 on déléguait certains individus pour aller s'infiltrer dans tous les milieux
00:01:49 pour savoir, pour avoir les points de vue, les avis des gens
00:01:52 bon c'est sur la base de toutes ces critiques qu'on faisait certaines corrections
00:01:57 pour le prochain document
00:01:59 et donc on collectait tous les avis
00:02:03 mais j'étais surtout sur la rédaction de ma thèse
00:02:09 et entre temps on avait été contacté par des jeunes officiers noirs
00:02:16 une semaine avant et qui voulaient être aussi formés politiquement
00:02:21 et aussi formés du point de vue d'organisation structure
00:02:25 parce que beaucoup de jeunes officiers avaient été très marqués par le manifeste
00:02:30 notamment sur la problématique de l'avenir de tous ces cadres
00:02:35 parce que ce qu'on avait constaté c'est que beaucoup d'entre eux
00:02:41 avaient leur avenir bloqué
00:02:45 malgré leurs compétences
00:02:47 tout seulement parce que par cette politique d'arabisation
00:02:50 et nous l'avions signalé d'ailleurs dans le manifeste
00:02:53 et qui nous avaient demandé de les aider à se structurer
00:02:57 et donc comment les former
00:03:01 comment se structurer à l'intérieur du pays
00:03:03 comment communiquer entre eux et tout
00:03:05 et on avait pris rendez-vous le 4 septembre à la maison
00:03:10 alors j'étais
00:03:13 parce qu'on avait quelques petits travaux à faire dans la maison
00:03:17 des réflexions et j'étais avec les ouvriers
00:03:21 et mon épouse m'a dit il y a des gens qui viennent te chercher
00:03:25 qui te cherchent
00:03:27 bon je pensais que c'était eux
00:03:29 parce qu'on avait rendez-vous à 14h
00:03:31 je pensais que c'était eux et je me suis dit ah oui
00:03:33 ça doit être un tel
00:03:36 et je suis descendu
00:03:38 c'était deux policiers
00:03:41 un mort
00:03:43 et un haratine mais qui est originaire de Kaydi
00:03:45 qui parlait couramment
00:03:47 un poulard
00:03:49 que j'avais eu l'occasion de rencontrer
00:03:52 quelques mois auparavant
00:03:54 non je crois que c'était deux ans auparavant
00:03:57 il y a eu un incident parce que
00:03:59 j'avais changé mon passeport
00:04:01 et dans le cadre de la politique d'arabisation
00:04:04 de négation de nos identités
00:04:06 ils avaient commencé à enlever les noms
00:04:08 les noms patronimiques
00:04:10 donc on avait mis seulement Ibrahima Abu
00:04:12 Ibrahima Abu Zakaria, le nom de mon père
00:04:14 j'ai dit que non
00:04:16 bon ça c'était toujours dans le cadre de cette politique de négation de nos identités africaines
00:04:20 bon il m'a reconnu
00:04:22 j'ai dit voyez à le commissaire
00:04:24 qui a besoin de vous
00:04:26 pour cela
00:04:28 il dit d'accord j'arrive
00:04:30 je n'avais pas soupçonné
00:04:33 que le matin ils avaient commencé à arrêter
00:04:36 certains de nos camarades
00:04:38 dont Simon Mbodiou Youssouf qui travaille à la banque centrale
00:04:40 et j'ai pris mon sac
00:04:43 et j'ai dit ça bon
00:04:45 on était en train de faire du thé
00:04:47 j'ai dit bon tu suspends la séance de thé
00:04:49 j'arrive tout de suite
00:04:51 mais c'est quatre ans plus tard que je suis revenu à la maison
00:04:54 et je suis parti donc
00:04:56 arrivé au commissariat
00:05:00 j'ai entendu le policier dire au commissaire
00:05:05 monsieur Sal est arrivé
00:05:09 donc on m'a introduit dans le bureau du commissaire
00:05:12 il prend le téléphone
00:05:14 il téléphone tout de suite pour dire
00:05:16 l'élément est arrivé
00:05:18 à qui il a dit je ne sais pas peut-être que c'est la direction de la sécurité
00:05:21 bon il s'est mis à dire oui
00:05:24 vous avez fait des choses extrêmement graves
00:05:26 vous allez voir
00:05:28 vous êtes des traîtres
00:05:30 je ne lui ai même pas répondu
00:05:32 bon ensuite
00:05:34 on nous a amené à l'école de police
00:05:36 et arrivé à l'école de police
00:05:39 on nous a mis à l'entrée
00:05:41 déshabillé
00:05:43 tous nos bagages
00:05:45 et on a mis dans une salle isolée
00:05:49 avec un policier
00:05:52 avec son fusil
00:05:55 et lorsque les C supérieurs sont partis
00:05:58 ils m'ont dit oui
00:06:00 vous avez fait des choses extrêmement graves
00:06:02 j'ai dit quelque chose extrêmement grave
00:06:04 oui mais vous voulez renverser le régime
00:06:06 c'est très grave
00:06:08 et ça c'est le policier
00:06:10 parce que à partir de mon arrestation jusqu'à ma libération
00:06:14 on n'a jamais eu de contact
00:06:16 avec des policiers
00:06:18 en dehors des policiers
00:06:21 arratinés ou morts
00:06:23 on avait écarté tous les policiers
00:06:25 tous les policiers
00:06:27 ou alors faussonniqués
00:06:30 ou poulards
00:06:32 uniquement des policiers arratinés et morts
00:06:34 bon ensuite
00:06:36 la première nuit nous l'avons gelée
00:06:38 passé seul
00:06:40 il ne fallait pas se coucher
00:06:42 il fallait marcher
00:06:44 dès qu'on commençait à affaiblir un peu
00:06:46 on s'assoit
00:06:48 c'est le coup de sifflet
00:06:50 et la menace d'un fusil
00:06:52 si vous vous couchez
00:06:54 on tire sur vous
00:06:56 espèce de salopard
00:06:58 je lui ai dit vous n'avez pas à m'aigrir
00:07:00 on ne se connait pas
00:07:02 je lui ai dit mais vous êtes des traîtres
00:07:04 bon j'ai compris qu'il était complètement monté contre moi
00:07:06 je n'ai pas voulu insister
00:07:08 alors le lendemain j'étais complètement épuisé
00:07:10 et ensuite on nous a transféré dans un autre bâtiment
00:07:12 mais avant qu'on nous transfère
00:07:14 j'ai entendu
00:07:16 j'ai reconnu des voix qui passaient
00:07:18 que ce soit
00:07:20 Gaye Mamanou
00:07:22 Gaye Oumar pardon
00:07:24 et aussi Sy Sakhir
00:07:26 et j'ai appris aussi que les TEN
00:07:28 Youssouf Gaye et tout s'étaient arrêtés
00:07:30 donc j'ai compris qu'il y a des arrestations
00:07:32 mais quels sont les liens
00:07:34 entre moi et TEN
00:07:36 et ces individus
00:07:38 je ne sais pas
00:07:40 mais c'est au fur et à mesure
00:07:42 que j'entendais tel tel tel tel a été arrêté
00:07:44 que j'ai commencé à comprendre
00:07:46 peut-être que ça doit être un lien
00:07:48 avec les flammes
00:07:50 bon
00:07:52 ensuite on nous a transféré
00:07:54 dans un autre bâtiment de l'école
00:07:56 où
00:07:58 j'ai vu les autres
00:08:00 que ce soit les Djikoutaf sur eux
00:08:02 et dans la nuit du jeudi au vendredi
00:08:04 la nuit donc
00:08:08 on m'a dit
00:08:10 de sortir
00:08:12 les mêlés derrière le dos
00:08:14 et on m'a conduit
00:08:16 dans une cour et j'ai vu
00:08:18 quelqu'un assis
00:08:20 à une chaise
00:08:22 derrière lui il y avait le drapeau de la mort
00:08:24 entouré par des policiers
00:08:26 avec des fusils
00:08:28 alors j'étais tellement épuisé
00:08:30 que je ne réalisais pas vraiment
00:08:32 l'action
00:08:34 et un policier qui m'a donné une chiffre
00:08:36 il m'a dit "ça va bien" devant le commissaire
00:08:38 le directeur
00:08:40 "la Mauritanie vous a donné tout
00:08:42 et maintenant
00:08:44 vous voulez renverser la Mauritanie
00:08:46 vous êtes des étrangers
00:08:48 qui voulez renverser en tout cas
00:08:50 ce régime"
00:08:52 je n'ai pas répondu
00:08:54 et il m'a dit "c'est vous Ibrahima Goussane"
00:08:56 j'ai dit "oui c'est moi"
00:08:58 "fils de tel, fils de tel"
00:09:00 j'ai dit "oui"
00:09:02 "bon vous êtes arrêté parce que vous avez trahi
00:09:04 le pays qui vous a accueilli"
00:09:06 je n'ai pas répondu
00:09:08 bon ensuite
00:09:10 on m'a reconduit
00:09:12 dans la cellule où j'étais
00:09:14 parce que nous étions tous dans la même cellule
00:09:16 nous étions tous
00:09:18 chacun dans une cellule
00:09:20 mais après on nous a mis dans
00:09:22 Thiko Tafsir et moi on nous a mis dans une cellule
00:09:24 et
00:09:26 maintenant les interrogatoires
00:09:28 ont commencé
00:09:30 j'ai été conduit devant
00:09:32 le commissaire de Daï
00:09:34 qui m'a dit de me présenter
00:09:38 "vous êtes membre de Flamme"
00:09:40 j'ai dit "non"
00:09:42 "Flamme c'est quoi?"
00:09:44 j'ai dit que je ne connais pas
00:09:46 "c'est vous qui avez produit le manifeste?"
00:09:48 "non"
00:09:50 "je ne connais pas"
00:09:52 "manifeste c'est quoi?"
00:09:54 j'ai ignoré systématiquement
00:09:56 "d'accord, on va voir"
00:09:58 ils m'ont ramené
00:10:00 le lendemain ils m'ont reconvoqué
00:10:02 toujours la nuit, mutuellement
00:10:04 "c'est vous qui avez produit le manifeste?"
00:10:06 "non"
00:10:08 "bon d'accord, on va
00:10:10 chez vous, on va faire des fouilles"
00:10:12 ils m'ont amené
00:10:14 le premier jour
00:10:16 ils ont fouillé
00:10:18 ils n'ont rien trouvé
00:10:20 j'ai dit "oui mais de toute façon
00:10:22 vous n'avez trouvé" parce que
00:10:24 dans mon bureau
00:10:26 il n'y avait que des livres
00:10:28 je suis sur la table, j'avais laissé
00:10:30 toute la thèse que j'étais en train de corriger
00:10:32 ils n'ont rien trouvé
00:10:34 je savais où se trouvaient
00:10:36 les documents
00:10:38 parce que sur une pile
00:10:40 de mes journaux de mon diplomatique
00:10:42 j'avais donc
00:10:44 réparti tous ces documents compromettants
00:10:46 d'autres je les avais enterrés
00:10:48 parce que c'est un travail qu'on avait
00:10:50 commencé à assimiler
00:10:52 depuis qu'on était étudiant
00:10:54 les documents il fallait toujours les enterrer
00:10:56 quelque part
00:10:58 pour qu'on puisse les retrouver
00:11:00 et d'autres documents
00:11:02 je les avais répartis dans la maison
00:11:04 bon, on n'a rien trouvé
00:11:08 et le lendemain
00:11:10 on est revenu, vitamment
00:11:12 et
00:11:14 ils se sont mis à fouiller
00:11:16 et ils ont commencé à trouver quelques documents
00:11:18 surtout un document
00:11:20 sur lequel
00:11:22 c'est un manuscrit
00:11:24 j'avais commencé à faire
00:11:26 le compte rendu
00:11:28 du déroulement
00:11:30 de la rédaction
00:11:32 du manifeste
00:11:34 la commission de rédaction, comment ça s'est passé
00:11:36 jusqu'à la sortie du document
00:11:38 comment ça a été
00:11:40 distribué et tout
00:11:42 et il dit "voilà, vous vous aviez dit que
00:11:46 ce n'est pas vous qui avez rédigé le manifeste
00:11:48 voilà des preuves"
00:11:50 je dis "oui, mais c'est tout ce que j'ai"
00:11:52 mais au fur et à mesure qu'il fouillait
00:11:54 il retrouvait les documents
00:11:56 qui nous avaient été donnés
00:11:58 par nos informateurs
00:12:00 et sur ces documents
00:12:02 par exemple sur le document de l'agriculture
00:12:04 celui qui me l'avait donné
00:12:06 il y avait son nom écrit en arabe
00:12:08 bon, celui qui nous avait donné
00:12:10 des informations sur l'armée
00:12:12 les statuts et tout
00:12:14 il y avait son nom, j'avais écrit son nom
00:12:16 et tout
00:12:18 et là
00:12:20 bon, moi ce qui m'inquiétait surtout aussi
00:12:22 c'est que j'avais la liste
00:12:24 de tous les officiers noirs
00:12:26 et bizarres à qui
00:12:28 on avait remis
00:12:30 le manifeste
00:12:32 et puisque
00:12:34 lorsqu'ils m'ont interrogé la première fois
00:12:36 ils m'avaient dit que
00:12:38 j'avais un projet de coup d'état
00:12:42 avec des officiers noirs et morts
00:12:44 j'ai dit que non, je n'avais aucun lien
00:12:46 avec des officiers noirs et morts
00:12:48 bon, ce qui fait que
00:12:50 la personne qui nous avait donné
00:12:52 ces informations sur l'armée
00:12:54 c'était le capitaine
00:12:56 Kévé Abdoulayachim
00:12:58 qui était mon voisin
00:13:00 bon
00:13:02 ceci les a encouragés
00:13:04 c'est tout ce que vous avez comme document
00:13:06 j'ai dit oui c'est tout, il a dit à l'autre policier
00:13:08 non, non, on va continuer à fouiller
00:13:10 et ils sont
00:13:12 allés dans notre chambre à coucher
00:13:14 or dans cette chambre
00:13:16 à coucher je me souviens c'était le 29 août
00:13:18 un ami, un aîné
00:13:22 qui s'appelle Mourtoudou
00:13:24 qui avait passé quelques jours
00:13:26 à la maison, je lui ai dit
00:13:28 tu pars aujourd'hui mais j'ai pas eu l'occasion
00:13:30 de te faire visiter la maison
00:13:32 donc je te la fais visiter
00:13:34 alors on est entré dans
00:13:36 notre chambre à coucher, j'ai soulevé
00:13:38 le matelas, je lui ai montré des documents
00:13:40 du MPAM et aussi
00:13:44 des flammes lorsque j'étais secrétaire général
00:13:46 toutes ces documentations que j'avais projet
00:13:48 d'envoyer au Sénégal pour le cacher là-bas
00:13:50 alors je lui ai montré
00:13:52 il m'a dit mais Ibrahima ça c'est dangereux
00:13:54 mais il faut
00:13:56 détruire ces documents ou bien les sortir
00:13:58 j'ai dit oui, j'ai bien l'intention
00:14:00 de le faire, parce que j'ai l'intention
00:14:02 de l'envoyer au Sénégal, de le cacher là-bas
00:14:04 mon épouse m'a dit oui
00:14:06 je lui ai dit ça parce que c'est très dangereux
00:14:08 parce que si jamais on prend ces documents
00:14:10 ou tu te rends compte tous ces noms
00:14:12 c'est extrêmement dangereux
00:14:14 alors lorsqu'ils sont
00:14:16 entrés dans la chambre
00:14:18 à coucher, moi j'étais très inquiet
00:14:20 parce que si jamais ils découvraient
00:14:22 ces documents, ce serait
00:14:24 extrêmement grave
00:14:26 en fouillant, ils ont fini par retrouver les documents
00:14:28 ce qui est à l'origine d'arrestation
00:14:32 de beaucoup de nos camarades
00:14:34 on m'en veut jusqu'à présent
00:14:38 pour beaucoup c'est moi qui
00:14:40 c'est moi qui ai dénoncé
00:14:42 tous ces camarades
00:14:44 j'ai dit que non, c'est pas moi, malheureusement
00:14:46 c'est qu'on a tous ces documents
00:14:48 tous les procès-verbaux de nos réunions
00:14:50 toutes ces documentations, jusqu'au plus
00:14:52 petit détail, ils ont
00:14:54 trouvé ces informations
00:14:56 c'est pourquoi il y a eu cette accélération
00:14:58 des séries d'arrestations, même si
00:15:00 une liste de 40 personnes avait été
00:15:02 déjà faite avant
00:15:04 les arrestations
00:15:06 ce qui est paradoxal c'est que
00:15:08 il y a des individus qui figuraient
00:15:10 sur ces listes
00:15:12 qui n'ont pas été arrêtés
00:15:14 particulièrement un, c'est après
00:15:16 qu'on a compris qu'il avait été récupéré
00:15:18 par le système
00:15:20 et qui donnait toutes les informations
00:15:22 parce qu'un policier nous avait
00:15:24 abordé un jour
00:15:26 par l'intermédiaire de mon épouse
00:15:28 en disant que telle personne, il ne faut jamais
00:15:30 le recevoir à la maison
00:15:32 parce qu'il y a une relation permanente
00:15:34 à la sûreté, il vient régulièrement à la sûreté
00:15:36 voir le directeur de la sûreté
00:15:38 et voir aussi le ministre de l'intérieur
00:15:40 le Colonel Semper
00:15:42 bon, c'est après qu'on a compris
00:15:46 le rôle qu'il jouait
00:15:48 Non, franchement parlé
00:15:56 moi je n'ai pas participé à la rédaction du manifeste
00:15:58 mais lorsque je quittais
00:16:00 Nouakchott pour venir en stage ici
00:16:02 c'était au mois de janvier
00:16:04 donc j'ai été contacté par
00:16:06 des militants de flammes
00:16:08 à l'époque ils ne m'avaient pas dit qu'ils étaient militants de flammes
00:16:10 ils m'ont donné le document
00:16:12 pour que je le remette à quelqu'un
00:16:14 qui était ici déjà en stage
00:16:16 donc j'ai amené le document et après
00:16:18 quand je quittais, ils m'ont dit qu'ils étaient en train de rédiger un document
00:16:20 et que s'ils le terminaient
00:16:22 ils allaient me l'envoyer
00:16:24 pour que j'essaie de le ventiler ici avant mon retour
00:16:26 parce que c'était prévu
00:16:28 qu'ils me l'envoient au mois d'avril
00:16:30 mais ils ne me l'ont pas envoyé
00:16:32 et après que je suis retourné en Mauritanie
00:16:34 je suis retourné au mois de juin, début juin
00:16:36 donc là j'ai trouvé que le manifeste était déjà sorti
00:16:38 et finalement
00:16:40 ils ne me l'ont pas envoyé
00:16:42 mais quand je suis rentré en Mauritanie
00:16:44 j'ai trouvé une situation qui était
00:16:46 très... comment dire...
00:16:48 ça bougeait beaucoup
00:16:50 parce que c'était un moment d'abord
00:16:52 où il y avait un blocage au niveau du syndicat national
00:16:54 c'est-à-dire le syndicat
00:16:56 le syndicat des travailleurs
00:16:58 ils étaient dans les réimplantations
00:17:00 mais il y avait une tension très grande
00:17:02 entre les différentes forces
00:17:04 et surtout
00:17:06 mais ils se consentaient que les négro-africains
00:17:08 étaient mobilisés pour défendre leurs intérêts
00:17:10 c'était la même chose, le même blocage
00:17:12 qu'il y avait au niveau du syndicat des étudiants
00:17:14 donc ils étaient aussi en train de parler
00:17:16 pour changer leur bureau
00:17:18 et là aussi
00:17:20 les gens étaient
00:17:22 très divisés
00:17:24 parce que les négro-africains étaient
00:17:26 vraiment mobilisés
00:17:28 pour défendre... donc il y avait des blocages partout
00:17:30 ça c'était déjà en 96
00:17:32 au mois de... moi je suis arrivé au mois de juin
00:17:34 donc au mois de juin-juillet
00:17:36 et en plus il y avait
00:17:38 en perspective
00:17:40 il y avait des municipales qui devaient être organisées
00:17:42 donc moi quand je suis arrivé
00:17:44 donc les militants de flamme m'ont
00:17:46 contacté
00:17:48 bon, mais ils ne m'ont pas contacté en tant que militant de...
00:17:50 ils ne m'ont pas dit qu'ils étaient des militants de flamme
00:17:52 mais ils m'ont dit qu'ils étaient dans un mouvement de préparation des élections
00:17:54 municipales et qu'ils voulaient que
00:17:56 je participe avec eux
00:17:58 dans le cadre de cette campagne là
00:18:00 donc moi je suis venu d'arriver, donc je me suis mis à leur disposition
00:18:02 on a travaillé ensemble
00:18:04 et les arrestations
00:18:06 de septembre là
00:18:08 nous ont trouvé justement dans cette campagne de préparation
00:18:10 là des municipales
00:18:12 parce que nous c'était le jour des arrestations
00:18:14 s'ils avaient seulement attendu par exemple à 17h
00:18:16 nous on devait être à la réunion
00:18:18 et ils auraient pu prendre tout le monde ensemble
00:18:20 mais ils ont commencé les arrestations à
00:18:22 11h du matin
00:18:24 avant 17h
00:18:26 certains ont su qu'il y avait les arrestations
00:18:28 bon, nous sommes allés là où on devait faire la réunion
00:18:30 donc ils ont mis un piqué là-bas
00:18:32 pour dire que tout celui qui venait il fallait qu'il parte
00:18:34 parce qu'il y avait déjà des...
00:18:36 donc c'était une agitation assez grande, à l'époque moi je ne connaissais pas les flammes
00:18:38 donc il y a eu les arrestations
00:18:40 nous on a arrêté des personnes
00:18:42 avec lesquelles nous on était, on travaillait
00:18:44 donc pour moi, à partir du moment
00:18:46 où on a arrêté ces gens là et que moi je travaillais avec eux
00:18:48 bon, je me suis dit que
00:18:50 il faudrait qu'on continue le travail qu'on faisait
00:18:52 parce que sinon ça n'a pas de sens
00:18:54 et c'est pourquoi je suis encore allé
00:18:56 à la recherche des gens, parce qu'à un moment donné, quand il y a eu
00:18:58 les arrestations, les gens qui étaient organisés
00:19:00 les personnes organisées, se sont retrouvées
00:19:02 entre elles, comme moi je n'étais pas encore organisé
00:19:04 donc j'étais un peu à l'écart, donc il a fallu encore
00:19:06 que j'aille pour chercher les gens
00:19:08 et quand je les ai trouvés finalement, ils ont accepté de me
00:19:10 de... presque de me coopter
00:19:12 donc je suis rentré un peu dans ce truc là
00:19:14 par le biais justement
00:19:16 d'une commission qu'on avait mise en place
00:19:18 pour un peu venir en aide aux détenus
00:19:20 aux familles des détenus
00:19:22 parce que nous avons dit qu'il y a eu des personnes qui sont arrêtées
00:19:24 donc si on les arrête, c'est normal que nous aussi
00:19:26 que nous ne sommes pas arrêtés pour l'instant
00:19:28 que nous puissions nous mobiliser pour un peu aider leur famille
00:19:30 bon, parce que ils ne sont pas là
00:19:32 ils ne travaillent pas, donc leur famille ne va pas être
00:19:34 aidée, donc on a fait un comité de soutien
00:19:36 aux détenus noirs
00:19:38 et c'est dans ce cadre que moi j'ai été arrêté
00:19:40 parce que la répression a touché tout le monde finalement
00:19:42 après qu'il y ait eu les jeunes
00:19:44 qui ont brûlé les voitures, vraiment
00:19:46 dans leur propre initiative
00:19:48 après il y a eu des arrestations
00:19:50 qui ont touché tout le monde
00:19:52 et dans cette répression là, finalement, tout le monde a été touché
00:19:54 donc comme ça que moi j'ai été arrêté
00:19:56 donc en octobre 1986
00:19:58 octobre 1986
00:20:00 14 octobre 1986 précisément
00:20:02 et donc le manifeste est sorti
00:20:04 il est sorti
00:20:06 comme on a dit en avril
00:20:08 il a été fait en avril, bon il est sorti
00:20:10 un peu plus tard qu'avril
00:20:12 et les arrestations ont commencé en septembre
00:20:14 mais en fait quand les arrestations ont commencé
00:20:16 en septembre c'était les grandes vacances
00:20:18 et les enfants n'étaient pas là
00:20:20 donc j'étais seule avec Ibrahima dans notre maison
00:20:22 puisqu'Ibrahima était en train de rédiger sa thèse
00:20:24 il avait besoin d'un peu de tranquillité
00:20:26 on avait envoyé les enfants en vacances
00:20:28 au Sénégal
00:20:30 et donc on est restés tous les deux à la maison
00:20:32 et donc le 4 septembre
00:20:34 quand les arrestations ont commencé
00:20:36 nous on était presque pas au courant
00:20:38 que les arrestations avaient commencé
00:20:40 d'autant plus que moi j'étais au bureau
00:20:42 et
00:20:44 en fait
00:20:46 je suis restée, je suis allée au bureau
00:20:48 et puis je suis restée une heure, deux heures de temps
00:20:50 et puis à un moment donné je me disais "oh moi je me sens pas bien"
00:20:52 et je suis rentrée chez moi
00:20:54 donc ce qui fait que j'ai pas, puisque moi
00:20:56 la direction des douanes où j'étais
00:20:58 se trouve collée au commissariat
00:21:00 et c'est là qu'on amenait
00:21:02 les gens qui avaient été arrêtés
00:21:04 donc si j'étais restée au bureau
00:21:06 peut-être que j'aurais su qu'il y avait des arrestations
00:21:08 mais comme je suis pas restée au bureau
00:21:10 je suis rentrée chez moi parce que je me sentais pas bien
00:21:12 donc j'ai pas suivi
00:21:14 et donc on a mangé, une fois qu'on a mangé
00:21:16 moi je me suis mise à faire le thé
00:21:18 et Ibrahima est retournée à son bureau
00:21:20 qui est juste à l'entrée de
00:21:22 notre maison et
00:21:24 chaque fois je lui ai amené son thé et puis à un moment donné
00:21:26 on a eu
00:21:28 la sonnerie
00:21:30 et Ibrahima m'a trouvée dans le salon
00:21:32 en me disant "il y a des inspecteurs de police
00:21:34 qui sont là, qui me disent de l'accompagner
00:21:36 donc suspend le thé
00:21:38 je vais avec eux et je reviens"
00:21:40 donc moi j'ai suspendu le thé
00:21:42 j'ai attendu
00:21:44 à 17h je voyais personne arriver
00:21:46 18h personne arrivait
00:21:48 donc je suis sortie, j'ai pris ma voiture
00:21:50 et je suis allée chez une amie
00:21:52 et je lui ai dit, elle m'a dit "mais qu'est-ce que c'est pas?"
00:21:54 j'ai dit "je sais pas, il y a des policiers qui sont venus chercher Ibrahima
00:21:56 mais je sais pas pourquoi
00:21:58 ils sont venus le chercher, j'ai attendu
00:22:00 depuis lors, je l'ai pas vu revenir
00:22:02 je sais pas ce qu'il se passe"
00:22:04 elle me dit "ah bon, mais où est-ce qu'on peut avoir des informations?"
00:22:06 j'ai dit "ben attends, je vais aller voir
00:22:08 un ami qu'on avait qui était dans le mouvement
00:22:10 qui s'appelle Balas
00:22:12 Balas Nsoma, je lui ai dit "ben je vais aller le voir
00:22:14 peut-être qu'il va me... lui il doit être au courant"
00:22:16 donc j'ai été le voir
00:22:18 et je lui ai dit "mais qu'est-ce qu'il se passe
00:22:20 Ibrahima, les policiers sont venus
00:22:22 le chercher depuis 3h
00:22:24 je sais pas, 14h, je le vois toujours pas venir"
00:22:26 elle me dit "mais on va aller au commissariat
00:22:28 pour voir"
00:22:30 donc on est parti au commissariat et là on a rencontré
00:22:32 le commissaire Diara qui nous a dit "mais vous êtes pas au courant
00:22:34 depuis hier on est en train d'arrêter des gens
00:22:36 votre mari fait partie
00:22:38 du deuxième groupe peut-être
00:22:40 de la fin, de ceux qui ont été arrêtés
00:22:42 mais depuis ce matin
00:22:44 on est en train d'arrêter
00:22:46 des gens
00:22:48 des intellectuels
00:22:50 des gens, donc lui
00:22:52 il fait partie de cette vague là, ce matin
00:22:54 il y a
00:22:56 Ibrahima qui a été arrêté, il y a Ligibre qui a été
00:22:58 arrêté, donc il a commencé à nous citer
00:23:00 les gens qui avaient été arrêtés
00:23:02 ils sont tous à l'école de police
00:23:04 donc on a dit "bon ben on va aller voir
00:23:06 si on peut aller à l'école de police pour voir"
00:23:08 et quand on est arrivé sur la rue qui desservait l'école
00:23:10 de police, on nous a dit "non non, vous pouvez
00:23:12 pas passer, c'est barré"
00:23:14 Bon, lorsque nous sommes retournés donc
00:23:32 à l'école de police avec les interlocuteurs
00:23:34 oui j'ai reconnu
00:23:36 de toute façon je suis membre
00:23:38 des Flammes, c'est nous qui avons endigé
00:23:40 le manifeste
00:23:42 Bon, évidemment il y avait d'autres
00:23:44 listes qu'il n'avait pas retrouvées que j'avais enterré
00:23:46 notamment les officiers, tous mes
00:23:48 rendez-vous avec ces jeunes officiers
00:23:50 que je devais rencontrer le 4 septembre
00:23:52 et parmi eux
00:23:54 il y a un qui a été fusillé le 6 décembre
00:23:56 1987
00:24:00 c'est le lieutenant
00:24:02 Sy Saïdou
00:24:04 c'est lui qui devait me venir me voir avec d'autres
00:24:06 le 4 septembre à la maison
00:24:08 Bon, évidemment, beaucoup ont fait courir
00:24:10 le bruit que le coup d'état
00:24:12 le projet de coup d'état avait été
00:24:14 organisé par les Flammes mais en réalité non
00:24:16 on avait rien à voir avec ce projet
00:24:18 de coup d'état qui a été à l'origine
00:24:20 des arrestations et aussi des
00:24:22 des exécutions des trois officiers
00:24:24 le 6 septembre
00:24:26 au mois de septembre
00:24:28 décembre pardon
00:24:30 1987
00:24:32 Bon, donc maintenant
00:24:34 durant les interrogatoires il y avait des confrontations
00:24:36 alors les gens venaient
00:24:40 est-ce que c'est lui
00:24:42 Ibrahima Saïd ? J'ai dit oui
00:24:44 alors certains
00:24:46 percevaient ça très mal
00:24:48 pour eux je les ai dénoncés, j'ai dit que non
00:24:50 je n'y peux rien, votre liste et tout
00:24:52 tout ce que nous avons fait
00:24:54 vos noms se trouvent sur ces documents
00:24:56 je ne peux que confirmer
00:24:58 ce qui est là
00:25:00 ce reproche
00:25:02 va me poursuivre jusqu'en prison
00:25:04 parce que j'ai l'habitude
00:25:06 toujours de prendre des notes partout partout partout
00:25:08 et même en prison
00:25:10 je continue à prendre des notes
00:25:14 bon ça c'est une parenthèse
00:25:16 je continue à prendre des notes
00:25:18 et une fois
00:25:20 les gens l'ont très mal pris
00:25:22 parce que
00:25:24 ils disaient que j'étais un danger pour eux
00:25:26 parce qu'à chaque fois que je prenais des notes
00:25:28 ces notes étaient susceptibles de tomber entre les mains encore
00:25:30 des gardes
00:25:32 et que ça pouvait aussi
00:25:34 nous compliquer les choses
00:25:36 donc il ne faut plus écrire
00:25:38 alors une fois
00:25:40 il y a quelqu'un qui est venu me dire
00:25:44 attention ils sont en train de préparer
00:25:46 ça c'était à la prison de Lorchotte
00:25:48 des gens sont en train de préparer un coup contre toi
00:25:50 ils veulent prendre tes notes
00:25:52 et les déchirer
00:25:54 donc il faut essayer de les garder quelque part
00:25:56 bon j'en ai parlé à Djigoutof
00:25:58 il m'a dit que non de toute façon
00:26:00 tu restes tranquille
00:26:02 c'est pas la peine d'insister
00:26:04 tu restes tranquille
00:26:06 et le lendemain
00:26:08 bon j'ai caché mes notes quelque part
00:26:10 dans mon sac et le lendemain
00:26:12 lorsque je me suis réveillé
00:26:14 j'ai trouvé que mon sac avait été fouillé
00:26:16 et ça a créé un incident
00:26:18 mais après on a demandé à ce qu'on calme les choses
00:26:20 parce que si jamais les gardes entendaient
00:26:22 toutes ces interpellations
00:26:24 ça allait attirer leur attention
00:26:26 et ça allait compliquer les choses
00:26:28 donc on n'a qu'à rester tranquille
00:26:30 bon j'ai dit d'accord
00:26:32 mais ça a disparu
00:26:34 donc toutes mes notes que j'avais
00:26:36 depuis le jour de nos arrestations
00:26:38 jusqu'au 19 juillet 1987
00:26:40 ça a disparu
00:26:42 et malgré tout
00:26:44 j'ai continué à reprendre mes notes
00:26:46 mais de façon très clandestine
00:26:48 ce qui fait que jusqu'à ma sortie
00:26:50 très rare étaient
00:26:52 les personnes qui
00:26:54 qui savaient
00:26:56 que je prenais des notes
00:26:58 donc pour en revenir
00:27:00 aux interrogatoires
00:27:02 pour moi j'avais une stratégie
00:27:04 parce qu'il y avait des documents qui étaient restés
00:27:06 à la maison
00:27:08 notamment sur toutes nos organisations
00:27:10 notamment nos liens avec
00:27:12 les militaires et même les listes
00:27:14 de gens
00:27:16 de personnalités politiques
00:27:18 nationales comme étrangères
00:27:20 à qui on avait envoyé ces documents
00:27:22 il ne fallait pas qu'on tombe là-dessus
00:27:24 bon je leur ai dit oui c'est tous les documents
00:27:26 que nous avions
00:27:28 et puisqu'ils avaient retrouvé ces listes
00:27:30 et leurs noms
00:27:32 à chaque fois qu'il y avait confrontation
00:27:34 j'ai dit oui mais de toute façon vous avez
00:27:36 leurs noms, je n'ai pas à confirmer
00:27:38 et
00:27:40 il y a eu des incidents
00:27:42 des incidents assez malheureux
00:27:44 qui ont
00:27:46 beaucoup conditionné mes relations
00:27:48 avec certains en prison
00:27:50 et jusqu'à aujourd'hui
00:27:52 donc nous avons
00:27:56 été transférés
00:27:58 à la prison civile
00:28:00 et jugés
00:28:02 pour aller rapidement et jugés
00:28:04 C'était à quelle époque que vous avez le jugement?
00:28:06 Le 11 septembre
00:28:08 Le 11 septembre 1980
00:28:10 donc nous avons été arrêtés
00:28:12 en 1986
00:28:14 Donc vous êtes en prison depuis une semaine à peu près
00:28:16 D'abord arrêtés à l'adression
00:28:18 à l'école de police
00:28:20 ensuite transférés le 9
00:28:22 et le 11 nous avons été jugés
00:28:24 et condamnés
00:28:26 pour
00:28:28 moi pour 5 ans de prison
00:28:30 et 10 ans de perte de citoyenneté
00:28:32 et d'interdiction de séjour
00:28:34 sur l'ensemble du territoire
00:28:36 en dehors du village
00:28:38 où je suis né
00:28:40 Bon, j'ai écrit
00:28:42 quelques documents pour
00:28:44 laisser un trois des traces
00:28:46 sur le nombre de personnes qui ont été arrêtées
00:28:48 tous les camarades
00:28:50 qui ont été arrêtés, torturés
00:28:52 et aussi
00:28:54 condamnés
00:28:58 Pour ce qui concerne les tortures
00:29:00 on a pratiqué
00:29:04 différents types de tortures
00:29:06 il y a la torture psychologique
00:29:08 des menaces
00:29:10 d'arrestation des membres de vos familles
00:29:12 des simulacres d'exécution
00:29:14 on vous amène à la plage
00:29:16 on vous
00:29:18 on vous attache les yeux
00:29:20 et on menace des simulacres
00:29:22 d'exécution
00:29:24 des tortures physiques, des tortures morales
00:29:26 mais ce qui m'a surtout
00:29:28 impressionné c'est
00:29:30 bon ça c'est un discours
00:29:32 que je lisais mais
00:29:34 que je n'avais jamais entendu parler
00:29:36 ou prononcé par
00:29:38 un individu
00:29:40 que notre assimilation à des
00:29:42 juifs, que nous serions
00:29:44 massacrés un jour
00:29:46 qu'on va nous expulser de notre territoire
00:29:48 Bon, de toute façon cette problématique
00:29:50 cette question nous l'avions
00:29:52 déjà dénoncée depuis 1975
00:29:54 on savait déjà qu'il y avait une préparation
00:29:56 mais à l'époque le système n'avait pas
00:29:58 tous les moyens et n'avait pas aussi
00:30:00 toutes les capacités de le faire
00:30:02 mais au fur et à mesure que le temps passait
00:30:04 que ce système s'organisait on sentait vraiment
00:30:06 qu'il y avait bien une volonté d'organiser
00:30:08 des expulsions de populations
00:30:10 négro-africaines et ça c'est un discours
00:30:12 qu'ils ont beaucoup tenu
00:30:14 parce que le directeur de la sécurité
00:30:16 il lisait page
00:30:18 par page le manifeste
00:30:20 et lorsqu'il est arrivé sur
00:30:22 le chapitre concernant l'agriculture
00:30:24 lorsqu'on dénonçait cette politique
00:30:26 de confiscation
00:30:28 des terres de la vallée, il dit mais ce sont des terres
00:30:30 qui appartiennent à des arabes de toute façon
00:30:32 un jour ou l'autre on vous expulsera
00:30:34 de toutes ces terres pour y installer nos populations
00:30:36 donc c'est ce qui a été fait en 1989
00:30:38 donc pour retourner en prison
00:30:42 ça n'a pas été facile
00:30:44 parce que beaucoup d'entre nous
00:30:46 n'avions pas du tout
00:30:48 digéré
00:30:50 ou bien n'avions pas du tout
00:30:52 accepté le fait
00:30:54 d'avoir été condamné
00:30:56 condamné à 4 ans
00:30:58 ou 5 ans de prison
00:31:00 pour perdre sa citoyenneté
00:31:02 disons que
00:31:06 si certains ont très mal digéré ça
00:31:08 d'autres l'ont beaucoup accepté
00:31:10 dans la mesure où ils vous diront que oui
00:31:12 nous nous combattons, il faut s'attendre
00:31:14 à toute situation
00:31:16 à s'attendre à ce que nous soyons
00:31:18 tués, parce que nous sommes en train de lutter
00:31:20 contre un système que nous voulons détruire
00:31:22 on est dans la logique des choses
00:31:24 donc il ne faut pas être surpris
00:31:26 que nous soyons arrêtés, que nous soyons torturés
00:31:28 qu'on nous tue
00:31:30 évidemment il n'y en a pas beaucoup qui avaient ce raisonnement
00:31:32 mais disons que ceci quand même
00:31:34 disons nous tous
00:31:36 qui avions ce raisonnement
00:31:38 ça nous a beaucoup servi
00:31:40 pour notre capacité
00:31:42 de résistance moralement
00:31:44 face à toutes ces tortures
00:31:46 physiques que nous subissions
00:31:48 à Oualata
00:31:50 et à d'autres
00:31:52 non, n'ont pas du tout
00:31:54 digéré cela
00:31:56 certains sont affaiblis
00:31:58 certains sont morts, d'autres
00:32:00 ont été complètement traumatisés par cela
00:32:02 Ibrahim, je peux revenir sur le procès un tout petit peu
00:32:04 juste pour savoir
00:32:06 comment vous avez vécu ce procès
00:32:08 il y avait un moment où vous avez pu contacter votre famille
00:32:10 les familles étaient là ou pas là ?
00:32:12 non, on n'était pas en contact avec nos familles
00:32:14 on était complètement isolé de nos familles
00:32:16 on était seulement en contact, même ça aussi
00:32:18 c'est une seule fois
00:32:20 qu'on a autorisé nos avocats
00:32:22 à
00:32:24 venir nous voir
00:32:26 à la prison de Nogchot
00:32:28 et ils nous ont fait comprendre
00:32:30 qu'on refusait systématiquement de leur donner nos dossiers
00:32:32 pour qu'ils les examinent
00:32:34 bon, de toute façon
00:32:36 ces avocats aussi savaient pertinemment
00:32:38 que c'est des procès politiques
00:32:40 alors que eux, ce qu'ils voulaient
00:32:42 c'est nous juger en tant que droit commun
00:32:44 des criminels
00:32:46 qui menacent l'existence
00:32:48 de la Mauritanie, qui menacent le régime
00:32:50 et donc ce sont
00:32:52 des procès de droit commun
00:32:54 ce qu'ils voulaient
00:32:56 et bon, nous on savait
00:32:58 déjà que
00:33:00 c'était déjà fait
00:33:02 et le premier procès qui a eu lieu
00:33:04 ce qui est paradoxal
00:33:06 c'est qu'on ne faisait même pas l'effort
00:33:08 de nous faire comprendre
00:33:10 parce que moi je ne comprenais pas du tout l'arabe
00:33:12 comme d'autres aussi qui ne comprenaient pas du tout l'arabe
00:33:14 ce sont nos camarades même qui nous tradisaient
00:33:16 bon, j'ai eu l'occasion d'écrire
00:33:18 dans mon témoignage
00:33:20 à Montpellier
00:33:22 à l'occasion de la conférence nationale
00:33:24 d'amnistie internationale
00:33:26 que je ne comprenais rien
00:33:28 c'est Djigo Tafsirou qui me traduisait tout
00:33:30 parce qu'on était là assis
00:33:32 l'un en face de l'autre
00:33:34 et
00:33:36 tout ceci
00:33:38 montre que c'est toute une mise en scène
00:33:40 et il y a certains
00:33:42 on avait des policiers
00:33:44 qui n'osaient pas nous approcher
00:33:46 mais qui étaient là, qui écoutaient
00:33:48 les propos du président du tribunal
00:33:50 quand il était à son bureau
00:33:52 de toute façon ces individus là, il faut les massacrer
00:33:54 systématiquement, il faut les éliminer
00:33:56 c'est le discours qu'ils tenaient
00:33:58 donc on n'était pas là en face
00:34:00 d'un tribunal
00:34:02 de l'état, on était là
00:34:04 en face d'un tribunal de l'état
00:34:06 du système qui
00:34:08 voulait faire un exemple
00:34:10 un exemple contre des individus
00:34:12 qui contestent ce système
00:34:14 et qui veulent le détruire
00:34:16 donc on nous a
00:34:18 dans le verset
00:34:20 dans le verdict
00:34:22 ça c'est Tafsir qui me l'a expliqué
00:34:24 qui me l'a traduit, le verdict, on nous a assimilé à des juifs
00:34:26 et que le
00:34:28 on nous a assimilé à des juifs, donc il faut expulser
00:34:30 ces individus de l'espace
00:34:32 mauritanien, ce sont des éléments
00:34:34 nuisibles, comme les juifs étaient des
00:34:36 éléments nuisibles dans l'espace
00:34:38 de l'islam en tant que mohammed
00:34:40 oui en fait, quand ils ont été
00:34:42 arrêtés, parmi les
00:34:44 gens qui étaient arrêtés, il y en a qui se connaissaient
00:34:46 qui se fréquentaient déjà
00:34:48 qui se connaissaient depuis longtemps, qui se fréquentaient
00:34:50 et donc
00:34:52 bien sûr tout de suite, celles qui se connaissaient
00:34:54 et qui se fréquentaient, on formait un groupe
00:34:56 tout de suite, puisqu'on allait chez les
00:34:58 unes, chez les autres, pour avoir
00:35:00 des informations, puisque
00:35:02 quand ils étaient à l'école de police, on ne pouvait pas les voir
00:35:04 et donc on a appris qu'ils devaient
00:35:06 aller être
00:35:08 présentés devant le procureur
00:35:10 donc on s'est organisé et
00:35:12 chaque matin, on allait devant
00:35:14 le tribunal pour
00:35:16 attendre qu'on les amène pour qu'on puisse les voir
00:35:18 donc celles qui se connaissaient, dont les
00:35:20 maris, puisque
00:35:22 c'est bien que
00:35:24 les femmes, c'était
00:35:26 un regroupement d'organisation
00:35:28 donc parmi ces organisations, l'organisation
00:35:30 où Ibrahim était
00:35:32 il était avec d'autres personnes qui
00:35:34 travaillaient ensemble, donc ils faisaient des réunions
00:35:36 chez nous ou chez ces gens là
00:35:38 donc on se connaissait, la femme de Sayyidou Ghan
00:35:40 qui n'était pas de l'UMPM
00:35:42 mais qu'on se connaissait depuis longtemps, puisqu'il y a
00:35:44 plusieurs tracts qu'on a tapés ensemble
00:35:46 à l'époque, d'une façon
00:35:48 clandestine, la femme de
00:35:50 Bafara, voilà ces gens
00:35:52 la femme de Nidjibril, c'est des gens
00:35:54 qu'on se connaissait, la femme d'Ibrahim
00:35:56 on se connaissait, on se fréquentait
00:35:58 et donc déjà ce noyau dur
00:36:00 tout de suite, on s'est regroupé
00:36:02 il y avait la femme aussi de Sari Brahim
00:36:04 et on se retrouvait
00:36:06 donc au tribunal et on
00:36:08 attendait, on attendait et c'est là qu'on a
00:36:10 rencontré d'autres femmes qu'on ne
00:36:12 connaissait pas, mais bon
00:36:14 on connaissait les maris mais les femmes on ne les connaissait pas parce qu'il n'y avait pas
00:36:16 toutes les femmes n'étaient pas
00:36:18 impliquées sur le plan politique
00:36:20 donc on ne les connaissait pas, il y en a qui étaient
00:36:22 impliquées sur le plan politique, d'autres
00:36:24 même si elles n'étaient pas impliquées sur le
00:36:26 plan politique, savaient que leur mari
00:36:28 faisait de la politique, donc voyait
00:36:30 les gens aller et venir, d'autres qui étaient
00:36:32 complètement novices, qui ne connaissaient rien
00:36:34 donc on s'est retrouvées toutes comme ça
00:36:36 devant le tribunal à attendre qu'on les
00:36:38 défère
00:36:40 pour pouvoir les voir déjà
00:36:42 puisqu'on n'avait aucune nouvelle, c'est comme ça qu'on les a
00:36:44 rencontrés la première fois, c'était devant le tribunal
00:36:46 et ensuite il a fallu s'organiser
00:36:48 s'organiser pourquoi? Parce qu'après
00:36:50 ils ont été déférés, ils ont été
00:36:52 mis en dépôt comme on dit
00:36:54 à la prison de
00:36:56 Nouakchott et à la prison de Nouakchott
00:36:58 c'était nous qui fournissions les repas
00:37:00 et c'est nous qui aussi
00:37:02 récupérions leurs habits pour les laver
00:37:04 donc il fallait qu'on s'organise
00:37:06 entre nous on s'est organisé
00:37:08 donc on se retrouvait toutes à midi
00:37:10 une heure devant la prison
00:37:12 pour amener les repas
00:37:14 et le soir aussi pour amener les repas du soir
00:37:16 et accessoirement récupérer
00:37:18 leurs habits pour les laver et les amener
00:37:20 et c'est comme ça que finalement de petits
00:37:22 groupes on est devenus un grand groupe
00:37:24 à se connaître toutes, ensuite
00:37:26 il y a eu la deuxième vague d'arrestations
00:37:28 quand il y a eu des manifestations parce qu'il y a eu une
00:37:30 deuxième vague d'arrestations
00:37:32 un mois et demi je crois après
00:37:34 ces femmes se nous ont retrouvées
00:37:36 devant la prison
00:37:38 de Nouakchott donc c'est comme ça
00:37:40 que ensemble
00:37:42 on a eu à mener des luttes ensemble parce que
00:37:44 il faut savoir qu'à l'époque en 1986
00:37:46 nous on a été
00:37:48 on n'avait pas
00:37:50 d'appui
00:37:52 on n'avait pas d'accompagnateur, il n'y avait pas
00:37:54 de mouvement politique
00:37:56 ou de parti politique ou même d'association
00:37:58 ce qu'on appelle maintenant les associations
00:38:00 humanitaires, il n'y avait personne
00:38:02 à la limite on était, si je puis dire
00:38:04 entre guillemets des pestiférés, tout le monde
00:38:06 nous fuyait, on ne voyait plus personne, les parents
00:38:08 les amis, même des amis
00:38:10 quand on les rencontrait personne n'osait nous fréquenter
00:38:12 parce que ils avaient mis en
00:38:14 c'était presque une terreur
00:38:16 parce que devant chez nous ils avaient mis des policiers
00:38:18 et quand les gens venaient nous voir
00:38:20 ils étaient interrogés, quand ils avaient une voiture
00:38:22 on prenait le numéro de leur voiture
00:38:24 donc finalement tout le monde nous fuyait
00:38:26 donc comme tout le monde nous fuyait, on était obligés
00:38:28 de se retrouver entre nous
00:38:30 et de faire nos choses entre nous
00:38:32 Tu peux préciser de quelles manifestations
00:38:34 tu parles, il y avait des manifestations
00:38:36 il y a eu des manifestations quand le premier
00:38:38 groupe a été arrêté
00:38:40 quand le premier groupe a été arrêté il y a eu des manifestations
00:38:42 de solidarité
00:38:44 au premier groupe arrêté, il y a même eu
00:38:46 des stations d'essence brûlées
00:38:48 il y a eu plein de manifestations
00:38:50 des graffiti partout
00:38:52 et c'est comme ça que
00:38:54 le deuxième groupe a été arrêté
00:38:56 et quand le deuxième groupe a été arrêté
00:38:58 il y a eu le
00:39:00 au tribunal, ils se sont retrouvés
00:39:02 tous ensemble, ça c'était le deuxième groupe
00:39:04 des membres flammes
00:39:06 et supposés flammes, parce qu'on sait très bien que
00:39:08 dans ces groupes là, il y en a qui étaient vraiment
00:39:10 flammes et d'autres qui ont été pris
00:39:12 comme ça, qui étaient supposés flammes mais qui n'étaient pas
00:39:14 flammes, donc ça c'est le deuxième groupe qui a été
00:39:16 arrêté, je crois
00:39:18 vers le mois d'octobre
00:39:20 [Musique]
00:39:40 Alors raconte nous un peu comment ça s'est passé
00:39:42 à partir d'octobre, vous étiez
00:39:44 arrêté. Voilà, à partir d'octobre, donc moi
00:39:46 j'étais arrêté le 14 octobre
00:39:48 donc j'étais à la
00:39:50 en ce moment on m'a amené directement
00:39:52 au premier arrondissement, à l'époque
00:39:54 ça s'appelle Théarette, donc c'était
00:39:56 l'ancien camp militaire de la 6ème
00:39:58 région militaire, bon c'est là où on nous a
00:40:00 amené, bon j'ai trouvé déjà beaucoup de monde qui était arrêté
00:40:02 parce que moi j'étais pas... C'était à côté de Noakchott
00:40:04 Oui c'est à Noakchott, c'était à
00:40:06 c'est dans le quartier de Noakchott, même quartier périphérique
00:40:08 de Noakchott, bon finalement
00:40:10 donc on nous a amené là et puis
00:40:12 on nous a torturé pendant 15 jours
00:40:14 on est resté 15 jours ici sous la torture
00:40:16 bon après on nous a déféré devant le juge
00:40:18 et après on nous a mis en prison
00:40:20 Et quand vous dit torture vous dit tabassage ?
00:40:22 Tabassage, tabassage
00:40:24 on est accroément, vous connaissez le jaguar ?
00:40:26 Vous vous en avez pas d'intérêt à expliquer ce que c'est le jaguar ?
00:40:28 Donc voilà, le jaguar, donc c'est on vous prend
00:40:30 on vous met une barre de fer ici
00:40:32 donc vous avez donc la tête en bas
00:40:34 et les pieds en l'air comme ça
00:40:36 et puis on vous tape ça jusqu'au sang
00:40:38 comme ça si on vous laisse vous pouvez même pas marcher
00:40:40 jusqu'à ce que vous vous évanouissiez
00:40:42 Donc c'est vraiment des
00:40:44 tortures très dures
00:40:46 que moi j'ai subi parce que
00:40:48 quand on est venu vraiment pour eux
00:40:50 ils ont trouvé les chefs des
00:40:52 jeunes, des gangs
00:40:54 donc ils font ça, donc il faut nous taper
00:40:56 pour nous faire avouer des choses qu'ils voulaient qu'on avoue
00:40:58 Qu'est ce qu'ils voulaient que vous vous avouiez ?
00:41:00 Moi je crois
00:41:02 qu'en fait quand ils nous ont pris
00:41:04 c'était même pas pour qu'on avoue parce qu'en fait
00:41:06 ils savaient que nous on était
00:41:08 constitué en comité de soutien, ça ils le savaient
00:41:10 avant que moi je me sois appris
00:41:12 bon, ils savaient que
00:41:14 enfin en tout cas les gens leur ont dit
00:41:16 qu'on était pas au courant des trucs des jeunes
00:41:18 pour bruler les voitures mais ils voulaient
00:41:20 qu'on dise que c'est nous
00:41:22 qui leur avons donné le
00:41:24 le mot d'ordre
00:41:26 voilà, pour faire ça
00:41:28 bon et aussi à un moment donné ils nous ont voulu
00:41:30 qu'on compromette des personnalités
00:41:32 négro-africaines
00:41:34 Ils voulaient savoir qui vous connaissiez
00:41:36 Voilà, ils nous donnaient des noms
00:41:38 pour dire que est ce que celui là nous a pas fait ça
00:41:40 non, non, non, non, ils voulaient que vous
00:41:42 vous compromettiez certaines personnes
00:41:44 Et est ce qu'ils pensaient que vous étiez
00:41:46 adhérent avec une carte
00:41:48 dans la flamme à ce moment là
00:41:50 avec les femmes?
00:41:52 Non, à l'époque on avait pas parlé de flammes
00:41:54 C'était juste avec les émeutes
00:41:56 C'était juste avec les émeutes, les brûlés, les voitures brûlées
00:41:58 le comité de soutien et autre
00:42:00 D'accord, donc ça a duré deux semaines
00:42:02 vous dites? Deux semaines
00:42:04 Et après? Après on nous a déféré
00:42:06 on est allé devant le juge, après on nous a emmené en prison
00:42:08 on est resté en prison
00:42:10 Et vous étiez condamné pour quoi?
00:42:12 Moi on m'a arrêté le 14 octobre
00:42:14 donc on nous a déféré après à la fin du mois d'octobre
00:42:16 donc nous sommes restés en prison jusqu'au 7 mars
00:42:18 je crois, en tout cas jusqu'au mois de mars
00:42:20 on a été jugé au mois de mars
00:42:22 donc quand on a été jugé, moi j'ai été condamné à 4 ans de prison
00:42:24 Pour?
00:42:28 incitation à l'émeute?
00:42:30 Appartenance à une organisation
00:42:32 non autorisée
00:42:34 à caractère raciste
00:42:36 incendie de voiture
00:42:38 des trucs comme ça
00:42:40 D'accord
00:42:42 Et les rapports que vous avez pu avoir avec votre famille à ce moment là?
00:42:44 Comment vous dire?
00:42:46 Non, on ne voyait pas nos familles
00:42:48 on était en prison, on était réclus
00:42:50 seulement nos familles nous envoyaient de quoi manger
00:42:52 mais on ne les voyait pas
00:42:54 Est-ce qu'ils ont eu droit à un avocat
00:42:56 ou de l'assistance juridique pendant le procès?
00:42:58 Le procès, il y a eu des avocats qui se sont constitués
00:43:00 mais vous savez, quand des avocats se constituent
00:43:02 et que le jugement est fait
00:43:04 avant même qu'il y ait le rendu du jugement
00:43:06 ça ne sert à rien
00:43:08 effectivement, ils avaient des avocats
00:43:10 mais vous avez des avocats
00:43:12 vous avez la plupart des gens qui avaient été arrêtés
00:43:14 qui ne parlaient pas arabe
00:43:16 vous avez un jugement qui est fait en arabe
00:43:18 où les gens ne pouvaient pas se défendre
00:43:20 où je crois même que le premier procès
00:43:22 les avocats, je crois qu'ils ont boycotté
00:43:24 ils ne sont pas venus
00:43:26 eux, ils ont refusé de parler
00:43:28 et voilà, donc comme on dit
00:43:30 ce n'était pas un jugement
00:43:32 donc quand il s'agissait
00:43:34 d'amener les repas à un moment donné
00:43:36 quand ils ont eu le premier jugement
00:43:38 avant la peine
00:43:40 quand la peine a été confirmée
00:43:42 ils nous ont dit
00:43:44 les habits, vous ne les prenez plus
00:43:46 vous amenez les repas
00:43:48 mais les habits, vous ne les lavez plus
00:43:50 il a fallu qu'on se mobilise
00:43:52 qu'on aille au ministère de l'intérieur
00:43:54 faire des meetings
00:43:56 pour qu'après, ce soit rétabli
00:43:58 Vous avez eu la condamnation tout de suite
00:44:00 au tribunal ?
00:44:02 On a eu la condamnation tout de suite
00:44:04 on a eu la condamnation
00:44:06 et lorsqu'on a fait un appel
00:44:08 cette condamnation a été confirmée
00:44:10 donc ça a été confirmé
00:44:12 et donc
00:44:14 nous allions faire
00:44:16 4 ans de prison
00:44:18 pourquoi ? Parce que nous avons contesté
00:44:20 un système, nous avons contesté
00:44:22 cette politique raciste d'arabisation
00:44:24 contre les populations non arabes
00:44:26 en Mauritanie
00:44:28 alors que nous nous avions demandé
00:44:30 à ce qu'il y ait un débat national, c'est tout
00:44:32 on n'a pas demandé à...
00:44:34 parce que lorsque le manifeste a été produit
00:44:36 ça a été distribué
00:44:38 pour sensibiliser l'opinion arabe
00:44:40 et pour sensibiliser l'opinion internationale arabe aussi
00:44:42 et la France
00:44:44 l'état français qui est toujours
00:44:46 l'allié du système Beidan
00:44:48 ils ont pris le manifeste
00:44:50 ils l'ont complètement déformé
00:44:52 en mettant
00:44:54 là-dedans
00:44:56 si jamais on prenait le pouvoir
00:44:58 on allait massacrer tous les arabes
00:45:00 prendre les femmes arabes
00:45:02 qui sont en état de grossesse, déchirer leur
00:45:04 ventre et les massacrer systématiquement
00:45:06 alors ce document
00:45:08 lorsqu'ils l'ont complètement déformé
00:45:10 ils l'ont distribué à toutes les ambassades
00:45:12 arabes en Ouakchott
00:45:14 ils l'ont distribué à l'ambassade de France
00:45:16 ils l'ont distribué au journal
00:45:18 Jeune Afrique, dont on connait
00:45:20 les opinions vis-à-vis de la Mauritanie
00:45:22 vis-à-vis des Noirs et il y a eu
00:45:24 une campagne de communication
00:45:26 pour diaboliser
00:45:28 les flammes et montrer
00:45:30 aussi que les flammes
00:45:32 qui sont des extrémistes sont aidées
00:45:34 par le Sénégal
00:45:36 qui selon eux
00:45:38 veulent déstabiliser la Mauritanie
00:45:40 et aussi aidées par l'état d'Israël
00:45:42 donc pour légitimer leurs actions
00:45:44 il fallait qu'ils trouvent des arguments
00:45:46 démagogiques
00:45:48 mensongers pour pouvoir
00:45:50 le faire
00:45:52 c'est pourquoi
00:45:54 beaucoup de pays arabes, beaucoup d'ambassades arabes
00:45:56 des journaux arabes, Jeune Afrique
00:45:58 tout le monde a pris le relais
00:46:00 de cette campagne en faisant comprendre
00:46:02 que les flammistes ce sont des extrémistes
00:46:04 qui n'aiment pas les arabes, qui détestent les arabes
00:46:06 et si jamais ils ont l'occasion de tuer
00:46:08 les arabes, ils les tuent
00:46:10 Donc pour vous-même, là maintenant
00:46:12 vous avez été condamné tout de suite
00:46:14 au procès, vous êtes resté
00:46:16 dans les environs de Nouakchott ou...
00:46:18 Non, on était à la prison Nouakchott
00:46:20 entre la prison Nouakchott et le tribunal
00:46:22 c'est...
00:46:24 moins d'un kilomètre
00:46:26 moins d'un kilomètre
00:46:28 et nous sommes restés à la prison Nouakchott
00:46:30 nous n'avons jamais eu l'occasion
00:46:32 de voir nos familles
00:46:34 nous ne pouvions pas les voir
00:46:36 et on était complètement isolés
00:46:38 et paradoxalement
00:46:40 c'était au mois de septembre
00:46:42 de septembre
00:46:44 de septembre
00:46:46 1987
00:46:48 on a eu
00:46:50 à arrêter des bassistes
00:46:52 le régime les avait accusés d'avoir voulu
00:46:56 organiser un coup d'état contre
00:46:58 contre Oultaïa
00:47:00 souvent il y a des contradictions entre eux
00:47:02 ils s'entretuent
00:47:04 mais ils s'entendent tous sur une chose
00:47:06 la Mauritanie est un pays arabe
00:47:08 il ne peut être dirigé que par les arabes
00:47:10 et que ce sont les arabes qui sont supérieurs
00:47:12 aux noirs
00:47:14 bon, quelles que soient leurs contradictions internes
00:47:16 et ils ont donc arrêté ces dirigeants
00:47:18 bassistes
00:47:20 et lorsque nous avons appris qu'ils allaient
00:47:22 qu'ils allaient donc être installés
00:47:24 avec nous à la prison
00:47:26 Nouakchott, nous avons tenu
00:47:28 rapidement une réunion
00:47:30 quelle attitude il faut avoir à leur regard
00:47:32 bon, certains disaient non
00:47:34 il ne faut pas les recevoir, il ne faut pas leur parler
00:47:36 je me souviens Tafsirou a dit
00:47:38 non, on les reçoit
00:47:40 on les reçoit, on les reçoit
00:47:42 correctement, parce que n'oublions pas que nous avons
00:47:44 une culture, une culture
00:47:46 on te dit que quand ton ennemi
00:47:48 vient dans ta maison
00:47:50 tu l'accueilles selon nos traditions
00:47:52 et dès qu'il sort de ta maison
00:47:54 tu peux lui faire tout ce qu'il veut
00:47:56 ce qu'on appelle le "té dungal"
00:47:58 on les accueille, bon, maintenant si ils nous montrent notre visage d'hostile
00:48:00 nous répondons en conséquence
00:48:02 bon, lorsqu'ils sont arrivés
00:48:04 eux aussi
00:48:06 ils nous avaient tellement diabolisés
00:48:08 qu'ils avaient fini même par être convaincus
00:48:10 de la propagande qu'ils faisaient
00:48:12 mais lorsqu'ils ont vu qu'on les avait accueillis
00:48:14 on avait étalé une natte
00:48:16 on avait apporté de l'eau et tout
00:48:18 ils étaient très surpris de cet accueil
00:48:20 parce qu'ils s'attendaient à ce qu'on les agresse tout de suite
00:48:22 bon, ensuite
00:48:26 on avait demandé à l'un d'entre nous
00:48:28 parce qu'on avait beaucoup parmi nous
00:48:30 qui avaient fait les pays arabes
00:48:32 qui connaissaient parfaitement bien aussi la société mort
00:48:34 on leur a
00:48:36 on lui a dit
00:48:38 d'aller rester avec eux pour
00:48:40 savoir exactement
00:48:42 ce qu'ils font, ce qu'ils pensent et tout
00:48:44 et c'est ainsi que
00:48:46 je me souviens que celui-là
00:48:48 il est venu nous dire un jour
00:48:50 ils ont tellement peur de nous
00:48:52 qu'ils disent qu'il faut
00:48:54 toujours faire attention à ces individus
00:48:56 vous voyez
00:48:58 vous les voyez jouer aux damiers
00:49:00 dans quelques minutes
00:49:02 ils se tournent vers l'islam
00:49:04 ils sont compétents, vous les entendez parler anglais
00:49:06 français, il y en a qui parlent russe
00:49:08 il y en a qui parlent allemand, il y en a qui parlent arabe
00:49:10 et ils sont de toutes les compétences
00:49:12 c'est des individus extrêmement dangereux
00:49:14 donc il ne faut pas accepter de discuter avec eux
00:49:16 bon, quoi qu'il en soit
00:49:18 ils nous ont demandé
00:49:20 un débat, ils ont proposé un débat
00:49:22 nous avons accepté
00:49:24 donc c'est le bureau en entier qui a été arrêté
00:49:26 le bureau des flammes
00:49:28 bon, nous sommes restés avec eux
00:49:30 parce que c'est la direction aussi des Bassis qui a été arrêtée
00:49:32 nous avons discuté longuement
00:49:34 et ils nous ont dit
00:49:36 voilà, que nous souhaiterions
00:49:38 que cette rencontre
00:49:40 fasse l'objet d'un compte-rendu qui sera diffusé
00:49:42 à l'extérieur
00:49:44 nous leur avons dit que non
00:49:46 nous n'avons rien à voir avec vous
00:49:48 dès lors que nous avons eu l'occasion souvent
00:49:50 de discuter avec certains d'entre vous
00:49:52 parce que certains d'entre vous
00:49:54 étaient avec nous à l'université
00:49:56 vous connaissez nos positions
00:49:58 nous connaissons vos positions
00:50:00 mais nous n'avons pas à produire un document
00:50:02 rendant compte
00:50:04 de cette discussion que nous avons eu aujourd'hui
00:50:06 une discussion sur laquelle
00:50:08 nous ne sommes pas arrivés à nous entendre
00:50:10 parce que je me souviens effectivement
00:50:12 j'avais posé la question
00:50:14 à un qui s'appelle Mehmet
00:50:16 je l'avais trouvé à l'université d'Akkar
00:50:18 il était au département d'histoire
00:50:20 je lui ai dit "Mais Mehmet, tu sais très bien
00:50:22 que moi je ne suis pas du tout arabe
00:50:24 et tu as fait l'histoire, tu connais dans quelles circonstances
00:50:26 ce pays
00:50:28 a été construit par la colonisation
00:50:30 comment vivaient les populations entre elles
00:50:32 donc tu ne peux pas
00:50:34 véhiculer l'idéologie selon laquelle
00:50:36 c'est un pays arabe
00:50:38 les circonstances dans lesquelles les arabes sont venus en Afrique
00:50:40 alors moi
00:50:42 je n'ai pas envie d'être arabe en m'entendant
00:50:44 je suis ce que je suis
00:50:46 et si je ne suis pas
00:50:48 arabe, que vais-je faire ?
00:50:50 alors
00:50:52 Bredel me dit "Oui, mais si tu ne veux pas
00:50:54 être arabe, tu traverses le territoire
00:50:56 tu vas sur la rive sénégalaise
00:50:58 alors c'est en ce moment
00:51:00 que tu es arabe, tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:02 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:04 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:06 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:08 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:10 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:12 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:14 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:16 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:18 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:20 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:22 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:24 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:26 et tu vas sur la rive sénégalaise
00:51:28 alors là ça a choqué certains
00:51:30 mais pour nous c'était de nouveaux arguments
00:51:32 j'ai dit oui mais c'est le système Beidouin
00:51:34 il y a une nuance
00:51:36 il y a une différence entre les noirs et les morts
00:51:38 il y a une nuance entre les noirs et les morts
00:51:40 mais ce qui nous a surtout inquiété
00:51:42 c'est que un jour un officier
00:51:44 est arrivé le rendre visite
00:51:46 est arrivé le rendre visite
00:51:48 alors j'ai dit qu'on ne comprend pas
00:51:50 qu'un officier vienne rendre visite
00:51:52 à des prisonniers politiques bassistes
00:51:54 à des prisonniers politiques bassistes
00:51:56 alors lorsque notre réseau a fait des enquêtes
00:51:58 alors lorsque notre réseau a fait des enquêtes
00:52:00 ce n'était pas un officier mort
00:52:02 c'était un membre de l'ambassade d'Irak
00:52:04 à Longchot
00:52:06 à qui on avait prêté une tenue d'officier montritanien
00:52:08 et comme ça
00:52:10 avec la complicité du ministère de l'intérêt de l'armée
00:52:12 il est venu rendre visite
00:52:14 donc au bassiste
00:52:16 et les encourager de tenir
00:52:18 parce que notre ami était là
00:52:20 bon il faisait semblant de dormir et d'écouter
00:52:22 mais celui-ci les encourageait à rester
00:52:24 voilà, beaucoup de gens ont fini par comprendre
00:52:26 voilà, beaucoup de gens ont fini par comprendre
00:52:28 peut-être qu'ils ne faisaient pas une analyse
00:52:30 très approfondie de la situation
00:52:32 très approfondie de la situation
00:52:34 mais pour nous ça a été encore un argument de plus
00:52:36 mais pour nous ça a été encore un argument de plus
00:52:38 pour faire comprendre
00:52:40 à toutes ces personnes qui étaient très sceptiques
00:52:42 à toutes ces personnes qui étaient très sceptiques
00:52:44 que c'est un système qui est là qui pratique une politique de discrimination
00:52:46 que c'est un système qui est là qui pratique une politique de discrimination
00:52:48 nous les noirs ça fait depuis
00:52:50 depuis
00:52:52 depuis juillet septembre 1986
00:52:54 depuis juillet septembre 1986
00:52:56 jusqu'à septembre 1987
00:52:58 on ne voyait pas nos familles
00:53:00 on ne voyait pas
00:53:02 on nous envoyait tout simplement en Europe
00:53:04 alors que le lendemain
00:53:06 après l'emprisonnement de ces bassistes
00:53:08 après l'emprisonnement de ces bassistes
00:53:10 on les a autorisés à voir leurs familles
00:53:12 et leurs amis
00:53:14 nous on nous a arrêtés
00:53:16 en octobre, donc début novembre
00:53:18 on nous a déféré là-bas
00:53:20 au mois d'août, sans voir nos familles
00:53:22 et au mois d'août
00:53:24 on a arrêté des bassistes
00:53:26 qu'on avait pris en réunion
00:53:28 en flagrant délit, on les a arrêtés
00:53:30 on les a mis avec nous
00:53:32 et quand ils sont venus, le jour de leur arrivée
00:53:34 on a ouvert leurs portes pour que leurs familles viennent les voir
00:53:36 donc nos familles sont venues
00:53:38 nous voir aussi quelques temps
00:53:40 mais après eux on les a libérés, juste 10 jours après
00:53:42 je crois qu'on les a libérés
00:53:44 et quand on les a libérés, on a encore fermé les portes
00:53:46 bon, on est resté comme ça
00:53:48 jusqu'à ce qu'on nous ait transféré à Oualata
00:53:50 on n'a pas vu nos familles
00:53:52 jusqu'au...
00:53:54 pardon, quand il y a eu en octobre
00:53:56 87
00:53:58 il y a eu ce qu'ils ont appelé
00:54:00 la tentative de coup d'état
00:54:02 donc quand il y a eu ça
00:54:04 et que les jeunes ont été arrêtés
00:54:06 non ça c'était des noirs, des négro-africains
00:54:08 les capitaines
00:54:10 le lieutenant, finalement
00:54:12 donc finalement quand il y a eu ça, après ils ont ouvert encore les portes
00:54:14 parce qu'ils voulaient détendre un peu l'atmosphère
00:54:16 mais c'était en train de préparer l'autre chose
00:54:18 donc les familles sont venues nous voir pendant deux semaines
00:54:20 mais avant qu'on ne transfère sur Oualata
00:54:22 sinon...
00:54:26 - Donc vous avez été transféré sur Oualata en 87 ?
00:54:28 - En 87, oui, fin 87
00:54:30 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:32 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:34 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:36 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:38 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:40 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:42 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:44 [L'attentat de la France a été signé en 1987]
00:54:46 - Bon, et donc il y a eu le fameux procès
00:54:48 le procès de ces bassistes
00:54:50 il y avait un débat
00:54:52 c'était intéressant
00:54:54 bon, nous on était convaincus
00:54:56 de toute façon qu'ils allaient être libérés
00:54:58 dans la phase dans laquelle nous étions
00:55:00 il n'était pas question d'aiguiser des contradictions entre eux
00:55:02 ce n'était pas le moment
00:55:04 d'autres disaient "si, si, si, de toute façon ils seront condamnés comme nous"
00:55:06 et bon, le jour du procès
00:55:08 ils ont été libérés
00:55:10 ils ont été libérés
00:55:12 ils ont été libérés
00:55:14 ils ont été libérés
00:55:16 et ils ne sont pas revenus
00:55:18 et ils ne sont pas revenus
00:55:20 bon, pour nous encore c'était des arguments
00:55:22 alors nous avons décidé
00:55:24 d'envoyer une lettre
00:55:26 une lettre
00:55:28 au gouvernement
00:55:30 pour leur expliquer
00:55:32 cette différence
00:55:34 de comportement
00:55:36 vis-à-vis des populations
00:55:38 donc ce n'était pas un gouvernement ni un état neutre
00:55:40 mais c'est un gouvernement ou un état qui était là
00:55:42 en faveur
00:55:44 d'une ethnie
00:55:46 au détriment d'autre
00:55:48 et je me souviens
00:55:50 il y a des
00:55:52 personnes qui ne voulaient pas du tout
00:55:54 qu'on écrive cette lettre
00:55:56 mais nous l'avons quand même écrite
00:55:58 malgré quelques réticences
00:56:00 nous l'avons envoyée
00:56:02 bon, et parce que
00:56:04 quand on disait "vous êtes en prison, vous êtes menacé
00:56:06 et vous continuez aussi à avoir
00:56:08 un tel discours"
00:56:10 nous leur avons dit "oui, mais nous sommes conséquents
00:56:12 avec nous-mêmes, nous sommes en prison
00:56:14 en Mauritanie, et il y a la prison
00:56:16 extrêmement restreinte, c'est celle dans laquelle
00:56:18 nous sommes aujourd'hui, mais il y a une prison large
00:56:20 c'est la Mauritanie, mais en Mauritanie
00:56:22 les Noirs ne se sentent pas libres
00:56:24 donc que vous soyez dans cette prison restreinte
00:56:26 ou bien que vous soyez dans le territoire
00:56:28 vous êtes toujours en prison
00:56:30 et vous devez toujours continuer à combattre
00:56:32 bon, maintenant
00:56:36 il y a eu ce projet
00:56:38 de coup d'état des officiers
00:56:40 des officiers Noirs
00:56:42 bon, ils ont été arrêtés
00:56:44 et un jour
00:56:46 le matin, on nous a dit "oui,
00:56:48 que vous pouvez, que vous avez
00:56:50 l'autorisation de recevoir des visites
00:56:52 bon, on ne comprenait pas
00:56:54 pourquoi, mais c'est après qu'on a compris
00:56:56 que parce que lorsque ces officiers ont été arrêtés
00:56:58 et enfermés à Jereda
00:57:00 beaucoup de familles s'y rendaient
00:57:04 et pour détourner donc
00:57:06 ces familles de la prison
00:57:08 de Jereda
00:57:10 on a autorisé les familles
00:57:12 des prisonniers civils
00:57:14 à être visitées
00:57:16 à visiter
00:57:18 à nous visiter
00:57:20 et donc
00:57:22 c'est comme ça que nous avons eu l'occasion
00:57:24 de visiter
00:57:26 de bénéficier des visites de nos familles
00:57:28 jusqu'au
00:57:30 procès, procès de militaires
00:57:32 qui ont été condamnés
00:57:34 trois à la peine capitale
00:57:36 et les autres
00:57:38 à perpétuité, oui, en 20 ans
00:57:40 donc il y a eu différentes peines
00:57:42 donc quand Ibrahima est allé à Oualata
00:57:44 c'est quand même plusieurs centaines de kilomètres
00:57:46 de la porte à côté, oui
00:57:48 quand il est parti à Oualata
00:57:50 ils sont partis sans...
00:57:52 parce qu'un matin
00:57:54 on se retrouve à la prison
00:57:56 on ne nous a jamais laissé entrer
00:57:58 donc c'était toujours devant la porte
00:58:00 on arrivait à la porte
00:58:02 on donnait le repas
00:58:04 à un garde
00:58:06 qui amenait le repas
00:58:08 de temps en temps on les voyait par la fenêtre
00:58:10 quand ils étaient autorisés
00:58:12 alors on avait mis en place
00:58:14 des couilles de déformation
00:58:16 parce qu'on arrivait
00:58:18 à la ceinture
00:58:20 d'abord on avait
00:58:22 des bols
00:58:24 dans les bols il y avait le couvercle
00:58:26 donc on dévissait le couvercle
00:58:28 et à l'époque il y avait ce qu'on appelait
00:58:30 les papiers plures
00:58:32 c'est le papier bible
00:58:34 quand on faisait, quand les gens tapaient
00:58:36 on avait le papier
00:58:38 fort et après
00:58:40 il y avait le papier fin
00:58:42 qu'on mettait derrière
00:58:44 donc c'est ce papier là, on écrivait
00:58:46 on les pliait, on les mettait autour
00:58:48 de la vis qui rentre dans le cul
00:58:50 on les mettait à l'intérieur et on vissait
00:58:52 et donc quand il le recevait
00:58:54 et parfois on mettait des papiers verts quand tu le recevais
00:58:56 c'est pour ça qu'on donnait des informations
00:58:58 de l'extérieur
00:59:00 donc ils ouvraient
00:59:02 et puis ils regardaient, ils disaient
00:59:04 quand tu avais les tenues ils faisaient la même chose, ils envoyaient les boîtes
00:59:06 et donc il y avait des petits
00:59:08 des tenues de droits communs
00:59:10 des enfants, des mineurs
00:59:12 puisque cette prison là, il y avait des mineurs, des gosses de 11 ans
00:59:14 12 ans, 10 ans
00:59:16 c'était eux qui faisaient
00:59:18 ils s'étaient attachés à ces gosses, ils mangeaient avec eux
00:59:20 et c'est comme ça que jusqu'au jour
00:59:22 où il y a quelqu'un qui avait mal
00:59:24 vissé
00:59:26 ensuite on a retrouvé un autre système
00:59:28 c'était les
00:59:30 les palmes qu'on utilisait
00:59:32 pour attacher
00:59:34 le bol
00:59:36 c'est un système d'ailleurs que j'ai
00:59:38 utilisé après moi pour quand j'ai été déportée
00:59:40 quand j'avais encore pas là, quand j'ai été déportée
00:59:42 on prenait donc le pain
00:59:44 il faisait un grand
00:59:46 un grand roulet comme ça
00:59:48 et donc une fois qu'on avait
00:59:50 écrit le document, on le pliait, on le glissait
00:59:52 dedans
00:59:54 et on l'attachait, quand il recevait
00:59:56 le pain, il sortait le petit bout
00:59:58 il faisait aussi plusieurs choses
01:00:00 donc il y a toujours, on trouve toujours des
01:00:02 petits systèmes de
01:00:04 pour communiquer, il y en avait un qui était trouvé
01:00:06 on en trouvait un autre quoi
01:00:08 donc pendant toute cette période
01:00:10 au moins pendant au moins
01:00:12 deux semaines ou trois semaines j'ai oublié
01:00:14 on recevait nos familles
01:00:16 mais pas de façon assez régulière
01:00:18 mais on les recevait quand même
01:00:20 et juste après la
01:00:22 coordonnation, on a interdit aux familles
01:00:24 de venir nous rendre visite
01:00:26 bon évidemment
01:00:28 on avait eu des informations que
01:00:30 le projet de nous transférer
01:00:32 à l'intérieur du pays
01:00:34 bon on ne savait pas où est-ce qu'il fallait
01:00:36 nous transférer
01:00:38 soit
01:00:40 à Ata
01:00:42 soit à Ouarata
01:00:44 soit à Ayoun
01:00:46 soit dans une autre localité
01:00:48 mais en dehors de Nogchot
01:00:50 parce que Nogchot était un point
01:00:52 central et
01:00:54 beaucoup de personnalités étrangères
01:00:56 ayant la possibilité de venir à Nogchot
01:00:58 cherchant à nous rencontrer
01:01:00 avec l'autorisation des autorités
01:01:02 bon
01:01:04 c'est à la fin
01:01:06 que nous avons
01:01:08 appris de source sûre que nous allions
01:01:10 être transférés à Ouarata
01:01:12 mais notre séjour d'abord
01:01:16 à la prison de Nogchot
01:01:18 au départ
01:01:20 elle a été extrêmement
01:01:22 pénible parce que
01:01:24 d'abord beaucoup d'entre nous
01:01:26 n'arrivaient pas à
01:01:28 accepter ce fait
01:01:30 cette réalité donc psychologiquement
01:01:32 extrêmement perturbée
01:01:34 et deuxièmement le comportement
01:01:36 même des gardes à notre égard
01:01:38 il y avait des gardes noirs
01:01:42 particulièrement des Alpoulari
01:01:44 et des Soninko
01:01:46 qui essayaient quand même de nous aider mais
01:01:48 lorsque le régime a compris
01:01:50 que cette présence de gardes noirs
01:01:52 est constituée pour eux un danger
01:01:54 dans la mesure où nous faisons
01:01:56 communiquer l'information à l'extérieur
01:01:58 donc on les a tous remplacés par des
01:02:00 Haratins et des Bizans
01:02:02 et des sanctions
01:02:04 étaient prises contre toute personne
01:02:06 parce que dans la prison il y avait des prisonniers
01:02:08 politiques nous-mêmes mais aussi
01:02:10 il y avait des prisonniers de droits communs
01:02:12 et ce qui était remarquable, nous n'avions pas
01:02:14 conscience de cette réalité aussi
01:02:16 c'est qu'il y avait des enfants
01:02:18 je crois le plus jeune avait
01:02:20 quel âge, avait 8 ou 9 ans
01:02:22 des Haratins
01:02:24 qui étaient emprisonnés
01:02:26 et qui étaient
01:02:28 torturés
01:02:30 je me souviens une fois, on n'avait plus de
01:02:32 lumière, on n'avait plus de bougies
01:02:34 et on avait demandé
01:02:36 à ce qu'on nous envoie des bougies
01:02:38 la garde a refusé systématiquement
01:02:40 mais un jeune Haratin
01:02:42 nous avait fait passer
01:02:44 clandestinement une bougie
01:02:46 mais lorsque le
01:02:48 sergent, le brigadier pardon, l'a appris
01:02:50 mais il a torturé l'enfant
01:02:52 c'est des enfants
01:02:54 qui étaient emprisonnés
01:02:56 emprisonnés, torturés
01:02:58 et vivaient dans des conditions
01:03:00 extrêmement pénibles
01:03:02 et nous avions même eu l'occasion d'attirer
01:03:04 l'attention de l'extérieur
01:03:06 sur ce fait, si on ne pouvait pas informer
01:03:08 aussi
01:03:10 que ce soit Amnesty International
01:03:12 ou d'autres associations humanitaires
01:03:14 sur ces pratiques
01:03:16 d'emprisonnement des enfants qui étaient torturés
01:03:18 et même, il y en a même qui faisaient
01:03:20 l'objet de pédophilie et autres
01:03:22 bon
01:03:24 [Musique]
01:03:26 [Musique]
01:03:28 [Musique]
01:03:30 [Musique]
01:03:32 et donc ça s'est passé comme ça jusqu'au moment
01:03:34 où quand il devait partir
01:03:36 à Haratin
01:03:38 la veille de leur départ c'était donc
01:03:40 la veille du 12 décembre
01:03:42 ils sont partis je crois le 11 décembre
01:03:44 par veille
01:03:46 j'avais
01:03:48 un cousin qui travaillait au ministère
01:03:50 au ministère
01:03:52 du ministère de la justice
01:03:54 alors on a été
01:03:56 les voir
01:03:58 je rentre à la maison à 7h
01:04:00 et je le trouve à la maison et il me dit
01:04:02 tu sais que les Bahamas ils vont partir à Haratin demain
01:04:04 j'ai dit ah bon
01:04:06 il dit ouais bon j'ai su tomber sur
01:04:08 la décision
01:04:10 au niveau du criminel
01:04:12 donc demain il doit être
01:04:14 transgagé et de toute façon
01:04:16 on vient de la prison, ils sont pas à Haratin
01:04:18 et après
01:04:20 je suis confinante, je suis en prison
01:04:22 c'était pendant un mois où on avait autorisé
01:04:24 parce que c'est après
01:04:26 quand on a fait la repression c'est le mois
01:04:28 où il y a eu
01:04:30 le procès des militaires
01:04:32 qui avaient entré dans l'état de 97
01:04:34 donc pendant le mois où ils étaient
01:04:36 en procès on a ouvert les portes
01:04:38 pour les voir
01:04:40 parce qu'on avait pas le droit d'aller les voir
01:04:42 c'est à ce moment là qu'on a commencé
01:04:44 donc ils étaient dans la cour de la prison
01:04:46 et les gens venaient les voir dans la cour
01:04:48 on allait pas dans la chambre mais dans la cour
01:04:50 donc il y a eu plein de gens comme ça qui sont venus
01:04:52 les voir
01:04:54 et donc c'est comme ça qu'on allait
01:04:56 là-bas, on a amené les enfants et donc nous on venait
01:04:58 de rentrer, moi je venais de rentrer, quand j'ai eu l'information
01:05:00 donc j'ai reflopé le vacu, j'ai été prendre
01:05:02 mon cd, elle est là la femme
01:05:04 de Parfara, elle est la femme
01:05:06 de Mahassoum
01:05:08 je lui ai dit mais si il paraît que les gens vont aller
01:05:10 ramener demain on va y aller, donc quand on est partis on a trouvé
01:05:12 des femmes qui étaient pas encore parties, j'ai dit allez
01:05:14 je vous ai dit par exemple on va vous aller transférer demain au
01:05:16 alata, je me rappelle il y avait le vieux
01:05:18 Emile Souté qui nous a engueulé
01:05:20 il nous a crié tout seul, il nous a dit qu'est-ce que c'est que ça, on raconte
01:05:22 des histoires, demain c'est le 12, je sais pas après
01:05:24 demain c'est le 12, on va certainement être investis
01:05:26 et vous venez nous raconter qu'on va aller au alata
01:05:28 il nous a engueulé comme du poisson
01:05:30 de poulet je me rappelle
01:05:32 il a dit non mais nous on a appris la formation
01:05:34 et elle vient de l'hôpital, je sais pas après
01:05:36 c'est des histoires, allez sortez
01:05:38 et puis bon, les gens commençaient à pleurer
01:05:40 ils nous ont mettés avec mon père, sortez
01:05:42 et on est repartis
01:05:44 et comme la femme de Fava
01:05:46 elle avait quitté son logement
01:05:48 bien qu'elle était assistante sociale
01:05:50 mais elle avait quitté son logement de fonction
01:05:52 donc elle avait rejoint un logement
01:05:54 qui était plus petit donc elle avait des affaires
01:05:56 qu'elle avait conservées chez moi
01:05:58 et donc il y avait des avis de Fava
01:06:00 et il m'avait demandé est-ce que tu peux pas amener les avis à Fava
01:06:02 parce que je veux pas qu'il parte comme ça
01:06:04 il a ses avis à la maison donc je suis pas telle
01:06:06 de venir de Fava, on est repartis
01:06:08 on a ouvert l'armoire, on a fait les épées et tout
01:06:10 on est repartis à la prison
01:06:12 et au moment où j'arrive à la prison, je me garde
01:06:14 je vois les camions
01:06:16 qui venaient chercher les camions
01:06:18 militaires
01:06:20 on s'est pas, on descend, on arrive
01:06:22 et puis les gens nous disent non non
01:06:24 personne ne peut rentrer, on a des avis
01:06:26 non non, ils ont refusé
01:06:28 donc on est restés là à voir les
01:06:30 militaires descendre
01:06:32 les camions qui venaient les chercher
01:06:34 il devait être 22h
01:06:36 22h, 23h, 24h
01:06:38 les places ont été
01:06:40 circulées, voilà
01:06:42 on avait rien à faire, on s'est dit on peut partir
01:06:44 et le lendemain je suis allée
01:06:46 donc le lendemain
01:06:48 je vais au travail et puis j'ai la femme
01:06:50 de, je crois c'est la femme
01:06:52 de Fava Mbwaka
01:06:54 qui est venue me voir au bureau
01:06:56 en me disant ça y est ils sont partis
01:06:58 d'ailleurs on a envoyé quelqu'un pour lui dire de venir
01:07:00 prendre leurs affaires, je lui ai dit mais quelles affaires
01:07:02 ils sont partis sans rien, ils n'ont rien amené
01:07:04 alors je suis comme ça, on y va
01:07:06 ils arrivent et là on ouvre la porte
01:07:08 de leur chambre, ils étaient et tout, on est disant
01:07:10 on récupérait leurs affaires et en fait
01:07:12 on a trouvé leur sac, leur
01:07:14 leur sac de couchage, leur magasin de couchage
01:07:16 en fait tout, ils n'avaient rien amené
01:07:18 et donc
01:07:20 il y avait des petits
01:07:22 doigts communs qui étaient là, qui nous disaient
01:07:24 ils sont venus le soir
01:07:26 dans la nuit, alors en fait c'est après
01:07:28 qu'on a appris comment ça s'est passé, en fait
01:07:30 on appelait l'un d'entre eux
01:07:32 dès qu'ils sortaient on lui mettait des menottes et
01:07:34 on mettait dans la voiture, les Ibrahima
01:07:36 qui avaient cru à ce qu'on leur avait dit
01:07:38 qu'effectivement ils partaient
01:07:40 n'ont pas voulu se changer, ils ont gardé leurs
01:07:42 habits, ce sont des habits, ils s'attendaient
01:07:44 tel Yusuke
01:07:46 qui nous disait c'est pas vrai, c'est des histoires, avait son pyjama
01:07:48 lui tranquillement, il avait ton maillot
01:07:50 donc il est parti en pyjama
01:07:52 ils sont tous partis tel qu'ils étaient habillés
01:07:54 donc quand on est arrivés on a trouvé leurs affaires
01:07:56 tout plat
01:07:58 et donc on a tout récupéré, donc on s'est
01:08:00 retrouvé à la maison et puis on a dit
01:08:02 c'est passé comme ça et on s'est
01:08:04 remobilisés et on est allé
01:08:06 faire un setting au ministère
01:08:08 au ministère de l'intérieur
01:08:10 et là on a été rejoint
01:08:12 par quelques femmes de militaires
01:08:14 parce que quand ils partaient à Ouarathès
01:08:16 ils sont partis avec des militaires
01:08:18 donc là c'est là où les
01:08:20 femmes de militaires, 3 ou 4 qui étaient là
01:08:22 qui sont venus nous rejoindre, donc c'est là où on a
01:08:24 formé notre, on a encore eu
01:08:26 donc en fait les femmes de militaires
01:08:28 on les a retrouvées, on est allé au ministère de l'intérieur
01:08:30 et c'est là qu'on les a trouvées
01:08:32 donc on a
01:08:34 formé un petit groupe, il y en avait 4 ou 5
01:08:36 qui étaient là
01:08:38 et donc on est resté, on est allé au ministère
01:08:40 de l'intérieur, on a fait des settings au ministère de l'intérieur
01:08:42 on a été reçu par le directeur, à l'époque il était
01:08:44 directeur de la synthèse, on a dit
01:08:46 comment ça a été
01:08:48 construit ici
01:08:50 en Mauritanie après le sévènement de 89
01:08:52 donc on est resté là
01:08:54 on était, et puis
01:08:56 le fait aussi que
01:08:58 on avait la femme, les deux femmes
01:09:00 de Tenni Soufgué
01:09:02 alors la particularité des deux
01:09:04 femmes de Tenni Soufgué c'est que Tenni Soufgué
01:09:06 a été
01:09:08 un peu
01:09:10 le parrain de la femme de
01:09:12 Mauritanie, c'est lui
01:09:14 puisque c'est lui il parait qui avait fait
01:09:16 qui avait intercédé à l'époque
01:09:18 pour faire le mariage entre
01:09:20 Mauritanie et, parce que c'était
01:09:22 les parents étaient amis
01:09:24 et donc
01:09:26 la femme de
01:09:28 Mawia était très proche de cette famille là
01:09:30 et donc quand on a fait, on est
01:09:32 partis, on a fait des settings
01:09:34 on a séparé, on a tout fait
01:09:36 le directeur
01:09:38 de la synthèse nous a dit bon vous prenez tout
01:09:40 ça, moi je vais vous donner la réponse
01:09:42 donc on a pris toutes les affaires, on les a amenées
01:09:44 chez moi, on est toutes, en général c'était là
01:09:46 le lieu de
01:09:48 rendez-vous
01:09:50 du tout parce que j'ai eu la chance
01:09:52 d'avoir une femme dedans, donc tout était là
01:09:54 et donc
01:09:56 et la femme de tel musulmé
01:09:58 a essayé de faire appel
01:10:00 à la femme de Mawia qui connaissait
01:10:02 particulièrement, en passant par
01:10:04 le père de cette femme
01:10:06 parce que c'était des amis, des collègues
01:10:08 ils sont partis sans sa fille
01:10:10 et moi je ne me récoltais pas
01:10:12 à ma fille pour lui dire
01:10:14 il expliquait, parce que on joue
01:10:16 beaucoup à l'affectif, joue
01:10:18 beaucoup aux relations
01:10:20 des trucs comme ça, c'est pour ça que parfois quand on dit
01:10:22 on ne peut pas faire un amalgame
01:10:24 on ne peut pas dire tous les mots sont comme ça
01:10:26 ou tous les arabes ont l'air comme ça, parce qu'on a des liens
01:10:28 parfois particulier avec certains ou d'autres
01:10:30 c'est pas
01:10:32 c'est pas
01:10:34 on ne peut pas globaliser
01:10:36 et donc elle avait pas l'aide
01:10:38 elle passait par l'intermédiaire de cette
01:10:40 jeune femme d'ailleurs, on a eu
01:10:42 beaucoup de luttes
01:10:44 qu'on s'est battues
01:10:46 ou c'est par son
01:10:48 intermédiaire qu'on a pu aboutir
01:10:50 donc
01:10:52 nos familles avaient appris
01:10:54 que nous allions être transférés
01:10:56 bon, elles ont pris
01:10:58 elles ont fait tout le nécessaire pour nous
01:11:00 demander
01:11:02 ce dont nous avions besoin, les médicaments
01:11:04 et tout le reste
01:11:06 mais on n'a jamais réussi à amener
01:11:08 tout, parce que
01:11:10 tout était confisqué et dans la nuit
01:11:12 du 8
01:11:14 au 9, après l'exécution
01:11:16 le 6
01:11:18 le 3
01:11:20 le lieutenant Basseidi
01:11:22 Sara Madou et Sisseidou
01:11:24 donc
01:11:26 dans la nuit du 8 au 9, on nous a transférés
01:11:28 à Oualata
01:11:30 (musique)
01:11:54 (musique)
01:12:08 (musique)
01:12:10 moderne.
01:12:13 >>
01:12:16 >>
01:12:19 >>
01:12:22 >>
01:12:25 >>
01:12:28 >>
01:12:31 >>
01:12:34 [SILENCE]