Emmanuel Todd, historien, démographe et anthropologue, était l’invité du Face à face sur BFMTV - RMC.
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00:00 L'une des obsessions des Américains, c'est d'empêcher, depuis le début,
00:04 je pense que c'est ça les véritables objectifs stratégiques des Américains,
00:09 c'est d'empêcher la coopération de l'Allemagne et la Russie.
00:13 Un rapprochement Allemagne-Russie ?
00:16 C'est la terreur des géopoliticiens américains.
00:18 Mais ça va rater, parce que la guerre va finir par cesser.
00:24 Si je vous comprends bien, la Russie va finir par gagner cette guerre ?
00:27 Mais ce n'est pas la Russie qui gagne, c'est l'Occident qui perd.
00:31 Et c'est la réalité qui va gagner.
00:33 La réalité, c'est qu'on n'est pas à l'époque de la guerre de 1914.
00:37 À l'époque de la guerre de 1914, ou à la veille de la guerre de 1914,
00:41 on était dans un monde de nations en expansion démographique.
00:46 La puissance économique, industrielle et militaire jaillissait de partout.
00:52 Et tout le monde avait peur que son voisin soit plus rapide dans la croissance.
00:56 Les Français avaient peur des Allemands, les Anglais avaient peur des Allemands,
01:00 les Allemands avaient peur des Russes.
01:02 Il y avait des ressources démographiques inépuisables.
01:05 Et ça a permis d'entretenir deux guerres mondiales.
01:07 Mais maintenant, ce qui caractérise le monde avancé, c'est le déficit démographique.
01:12 C'est-à-dire qu'on est dans un monde, au sortir de cette guerre,
01:16 on s'apercevra qu'on est dans un monde de puissance faible,
01:19 avec des populations déclinantes, et un monde qui ne se fera plus la guerre.
01:25 Et donc le monde d'après, on nous promet une Russie sous domination russe, pas du tout.
01:31 - Une Ukraine sous domination russe, un monde sous domination russe.
01:33 - Oui, pardon, excusez-moi.
01:35 Et de toute façon, ce que je voulais dire, c'était une Europe,
01:38 disons que j'étais à deux pas de la vérité linguistique.
01:41 Mais pas du tout.
01:43 Ce qu'on aura après, c'est-à-dire qu'une fois que,
01:46 alors là je le dis franchement, honnêtement,
01:49 que les États-Unis auront accepté de se retirer de leur empire,
01:54 de leur asile, de toutes ces régions où ils entrediennent les conflits.
01:57 J'ai fait un postscript au livre pour dire qu'ils ont aussi contribué
02:00 à envenimer la situation à Gaza dans des proportions considérables.
02:04 Il y a à Washington une préférence, j'analyse en détail,
02:08 je fais une sorte d'anthropologie de la classe dirigeante américaine,
02:11 des géopoliticiens américains, une case qui est vide de morale,
02:15 est à zéro de la moralité, de la religion, etc.
02:18 Ne reste qu'une préférence pour l'argent et la guerre,
02:21 une sorte de jouissance à mettre le désordre en eurasie.
02:26 Et au contraire de ce que tout le monde pense, on se dit
02:30 qu'allons-nous devenir quand les États-Unis ne nous protégeront plus ?
02:34 - Mais vous vous dites qu'il ne se passera rien.
02:35 - Mais pas du tout, on sera en paix.
02:37 On sera en paix.
02:39 La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Europe,
02:41 c'est la disparition des États-Unis.
02:44 - Les États-Unis sont en quelque sorte des...
02:46 sont belliqueux, au fond, sont belliqueux.
02:48 - C'est ce que j'appelle nihilisme, c'est le concept central du livre.
02:52 C'est-à-dire que vous n'avez plus de religion,
02:55 vous avez un état zéro des croyances,
02:57 mais l'homme reste l'homme, il est angoissé,
02:59 il n'y a plus rien et tout ce que vous obtenez,
03:02 c'est une déification du rien et ça s'appelle le nihilisme.