Manger c'est voter - Dans la Somme avec Remi Cardon

  • il y a 7 mois
Élus par les territoires, les sénatrices et les sénateurs connaissent le terrain et côtoient les acteurs de notre patrimoine agricole et nourricier, tout ce qui fait de la France un pays où le contenu de l'assiette relève d'un engagement quotidien.
Vincent Ferniot rencontre ces hommes et ces femmes, en compagnie d'un sénateur ou d'une sénatrice, sur son territoire. Année de Production : 2024
Transcript
00:00 ...
00:01 -Retrouvez "Manger, c'est voter"
00:03 avec le concours général agricole.
00:05 ...
00:07 Musique rythmée
00:08 -Retrouvez "Manger, c'est voter"
00:10 avec Mutualia, la mutuelle des territoires.
00:14 ...
00:17 Musique rythmée
00:20 ...
00:22 -Bonjour à tous.
00:23 Je suis devant le château de Peronne,
00:25 belle cité de la Somme.
00:27 Je voulais pas que vous pensiez...
00:29 -Le château de Peronne est à la Somme, à Peronne.
00:31 On va visiter ce beau département
00:33 en compagnie du sénateur Rémi Cardon,
00:36 Benjamin du Sénat et faisant partie
00:38 du groupe socialiste, écologiste et républicain.
00:40 Il va nous emmener à la visite de la Somme,
00:43 qui est une terre vraiment agraire.
00:45 Musique rythmée
00:47 ...
01:02 Musique douce
01:04 ...
01:11 -Bonjour, monsieur le sénateur. -Bonjour. Vous allez bien ?
01:14 -Oui, formidable.
01:16 Vous étiez en train de contempler ces beaux volatiles.
01:18 C'est pas le Mipède ? -Ce sont les signes de Camon.
01:21 -Ca me fait drôler. Je suis pas le seul
01:23 de vous appeler monsieur le sénateur
01:25 et d'avoir un sénateur qui a l'âge d'être mon fils.
01:28 Ils sont nombreux, au Sénat, à avoir ce rapport.
01:31 -J'ai eu, effectivement, des maladresses,
01:33 mais il y a aussi de la bienveillance
01:35 auprès de mes collègues. -Un peu de paternalisme ?
01:38 -Ouais, parfois, il y en a qui osent.
01:40 Après, eux, ils ont passé quelques années
01:43 pour arriver sénateur, et puis, moi,
01:45 je suis sur les starting blocks. -Boum, direct.
01:47 -Donc à la fois curieux par le spécimen Rémi Cargon,
01:50 je pense, en tout cas, et après,
01:52 plutôt de la bienveillance pour travailler ensemble.
01:55 -Vous avez quel âge, aujourd'hui ? -29.
01:58 -29. Et vous êtes entré au Sénat à...
02:00 -26. -26 ans.
02:01 -Plus jeune sénateur de la Ve République,
02:04 d'après Wikipédia.
02:05 Musique jazz
02:08 -J'imagine qu'il a fallu faire beau preuve très vite.
02:11 -Exactement. Deux mois après, on arrivait.
02:13 J'ai dû convaincre mes collègues socialistes,
02:16 dans mon groupe, les 64 sénateurs,
02:18 qu'il fallait une proposition de loi
02:20 sur l'extension du RSA pour les moins de 25 ans,
02:23 des droits nouveaux dès 18 ans.
02:24 Au vu de la précarité étudiante qu'on a pu vivre et qu'on vit,
02:28 j'ai voulu lancer ce débat dans une assemblée conservateur.
02:31 Je dois vous dire que ça a eu de l'écho.
02:34 Derrière, j'étais assez satisfait,
02:36 même si le résultat a été négatif à la fin.
02:38 Mais ce qui est intéressant, c'est que ça a amené le débat.
02:42 Il y a eu des sondages autour de ça,
02:44 et les Français étaient favorables.
02:46 Donc, j'ai fait une partie du chemin.
02:48 -En plus, vous avez dit que le rythme sénatorial
02:51 n'était pas le mien.
02:52 -On m'a demandé ce que c'était. Je disais que c'était le TGV.
02:55 -Grâce à moi, on parle TGV. Très bien.
02:58 Est-ce que vous avez eu un mentor politique ?
03:01 -J'ai pas eu de mentor, plutôt des inspirations.
03:04 Par exemple, j'étais bouleversé
03:06 à un moment où j'étais avec mon père
03:08 aux rues, au resto universitaire,
03:11 et mon père m'a pointé du doigt et m'a dit
03:13 "Ces deux étudiants ont un plateau pour deux."
03:16 Je me suis dit... J'étais assez jeune.
03:18 "Comment ça se fait ? Tu fais un peu le naïf."
03:21 Il m'a dit "Ils vont devoir le partager."
03:24 C'est là-dessus que j'ai voulu me dire
03:26 que je devais m'engager en politique.
03:28 C'est un peu le déclic.
03:30 J'ajoute à ça la dignité dans les logements insalubles
03:33 que j'ai pu voir de mes propres yeux.
03:35 J'ai été assez proche des valeurs de la fondation Abbé Pierre,
03:39 des combats qu'il a menés à une certaine époque.
03:42 Pour moi, dans la République française,
03:44 pour que tout le monde trouve son compte,
03:46 il faut que chaque personne puisse se loger et se nourrir.
03:50 Après, toutes les autres étapes derrière peuvent découler.
03:53 -La valeur essentielle de votre engagement
03:56 chez les socialistes, c'est le partage ?
03:58 -Le partage de la valeur.
04:00 Chacun peut partager en fonction de ses revenus.
04:03 C'est la question sociale et écologique.
04:05 Je me suis bien trouvé au PS.
04:07 -Dans cette ville, l'eau est partout,
04:09 car elle est traversée par la Somme,
04:11 avec de nombreux bras.
04:13 Les ortillonnages, ce sont ces îlots de verdure.
04:16 Vous m'emmenez les voir ? -Allez.
04:18 -A l'heure du déjeuner, nous serons à la table du maraîcher,
04:21 un restaurant inter-entreprise qui cuisine les légumes locaux.
04:25 Pour le dessert, nous irons goûter les yaourts fermiers
04:28 de Géry Compert.
04:29 Puis direction Argoule, dans la baie de Somme,
04:32 pour ouvrir quelques pâtés éthérines de la famille Vendos,
04:35 où visite alors une belle bergère qui garde ses moutons,
04:39 des agneaux de prés salés.
04:40 Mais tout de suite, direction les ortillonnages d'Amiens,
04:44 au bord de la Somme.
04:45 Ces jardins aquatiques, ce sont les ortillonnages.
04:48 La racine, horticulture, ortillonnage.
04:51 Musique douce
04:53 ...
04:57 Quelqu'un ?
04:58 -Ouais ? Ah !
04:59 -Bonjour. -Ah, bonjour.
05:01 -C'est Géry Compert. -Bienvenue à l'île Offroy.
05:04 -Bonjour. -C'est vous, le Robinson ?
05:07 -On essaye de survivre sur les ortillonnages
05:10 et sur les marais.
05:12 -Qu'avez-vous comme parcelles ?
05:14 -On est sur ce qu'on appelle la micro-agriculture.
05:17 On est sur un hectare au total de surface "productive",
05:21 et puis surtout, rotation permanente quasiment des parcelles,
05:25 de façon à ce qu'on ait systématiquement quelque chose...
05:28 -Toute l'année. -Toute l'année.
05:30 Dans les serres et à l'extérieur.
05:32 On est sur l'île de la Somme, sur les alluvions
05:34 qui ont été apportées pendant des dizaines de milliers d'années.
05:38 Les ortillonnages constituent un écosystème très productif.
05:41 -Autour d'Amiens,
05:42 combien il reste de maraîchers dans les ortillonnages ?
05:45 -Ouais, donc, on était, il y a un siècle, plus de 1 000.
05:49 Il y avait, sur les 250 hectares, 300 maximum des ortillonnages,
05:53 1 000 maraîchers.
05:54 On est aujourd'hui moins d'une quinzaine,
05:57 avec une surface cultivée qui dépasse pas les 15-20 hectares.
06:01 Donc, du coup, oui, le modèle est interrogé
06:04 face à l'agriculture intensive, face à l'agriculture de plein champ,
06:08 alors qu'on a la chance d'être au milieu de la population.
06:11 Les ortillonnages d'Amiens, ça invite dans la ville.
06:13 On est au pied de la cathédrale. C'est le circuit court.
06:16 -Les ortillonnages d'Amiens, c'est une image d'épinal ?
06:19 -Oui, c'est les erreurs du passé.
06:21 C'est-à-dire qu'il y a eu des privatisations de parcelles
06:24 pour faire parfois des cabanes Airbnb,
06:27 parfois juste un jardin perso, à titre perso.
06:31 Quand vous devez lancer une petite exploitation agricole
06:34 et que le coût du foncier représente 10 fois le coût
06:36 d'une exploitation à 10, 15, 20 km,
06:39 on n'est pas sur le même pied d'égalité
06:41 et on se tire une balle dans le pied.
06:44 -Elle a une couleur incroyable, cette terre.
06:49 C'est la terre d'ici ? Vous avez pas mis dessus de l'or brun ?
06:52 -Il y a des endroits encore plus tourbeux dans les ortillonnages.
06:56 La tourbe, c'était ce qui se chauffait il y a quelques années.
07:00 On est quand même obligés d'arroser malgré la présence de l'eau
07:03 tout autour de nous.
07:04 -De quoi avez-vous besoin ?
07:06 De plus de mains, de plus d'ingénierie,
07:08 de terres supplémentaires ?
07:10 -On a besoin que les circuits courts puissent lutter à armes égales
07:14 avec la grande distribution.
07:15 On a des logiques agro-industrielles
07:18 auxquelles on a du mal à faire face.
07:20 En organisant au plus près du terrain la logistique,
07:23 le marketing autour des circuits courts,
07:25 des choses que les agriculteurs savent pas faire,
07:28 on nous enlèverait une bonne épine du pied.
07:30 On pourrait discuter... -Lutter par armes égales ?
07:33 -En tout cas, apparaître aux yeux des consommateurs,
07:36 non pas comme les petits artisans du coin,
07:38 mais avoir des capacités d'intervention
07:40 et de distribution au moins égales.
07:42 La question du foncier, très clairement,
07:45 si on n'est pas aidé de ce point de vue-là,
07:47 il y aura pas d'autres nouvelles installations,
07:50 il y aura des difficultés. -Pourquoi ça passe pas ?
07:52 -Parce qu'il y a peut-être une volonté de pérenniser plutôt
07:56 une agriculture dite "agro-alimentaire",
08:00 en particulier les gros.
08:01 On sent qu'il y a un lobbying très fort au Sénat en la matière.
08:05 Pourquoi aujourd'hui, les petites parcelles,
08:07 et en particulier l'île aux fruits en est l'exemple,
08:10 ils sont pas subventionnés à leur juste valeur ?
08:13 Parce qu'ils apportent un contenu de qualité,
08:15 en plus à proximité de villes comme Amiens.
08:18 -Merci beaucoup, Fred. Bravo pour ce que vous faites.
08:21 -Ah non. -A bientôt.
08:22 -A bientôt. -Courage.
08:24 -Monsieur le sénateur, c'est l'heure du déjeuner.
08:26 Vous m'emmenez où ? -A la table du maraîcher.
08:29 C'est un restaurant inter-entreprise qui dit "circuit court",
08:32 puisqu'il alimente un centre d'EHPAD, de restauration scolaire.
08:35 Et puis, surtout, il travaille sur l'insertion professionnelle,
08:39 car des personnes en situation de handicap travaillent ici.
08:42 -Ah, bah écoutez, au moins, ils m'emmènent pas sur leur nom.
08:45 On est accueillis par les maraîchers.
08:47 D'où viennent ces beaux légumes ? -Epsom de Jezincourt,
08:51 donc du maraîchage sans phyto.
08:53 -Ah ! Pas bio, mais sans phyto. -Voilà.
08:55 -Tout à fait.
08:56 Génial. Si c'est ça qu'on sert à table...
08:59 Musique jazz
09:00 ...
09:08 Bonjour, Laurent. -Bonjour, Vincent.
09:10 -Vu votre chemise et votre gabarit,
09:12 c'est le patinage artistique qui vous intéresse ?
09:14 -Ah non, pas du tout. -Plutôt le rugby.
09:17 On arrive en pleine heure du déjeuner.
09:19 Comment ça fonctionne sur l'organisation du personnel ?
09:22 -On est une plateforme de formation.
09:24 On est l'Epsom,
09:25 l'établissement public de santé médico-sociale.
09:28 On accueille des personnes en situation de handicap
09:31 pour les former au métier de la restauration.
09:33 Notre priorité, c'est l'inclusion.
09:35 Bien sûr, la formation et l'inclusion,
09:37 mais chaque jeune, chez nous, est épanoui.
09:40 Et notre plus belle réussite, c'est de voir les usagers
09:43 sortir d'ici et trouver du boulot.
09:45 -On voit qu'il y a un accent sur la qualité du déjeuner.
09:48 Par exemple, ce buffet de desserts, millefeuille, fondant chocolat.
09:51 Pour quel ticket moyen, ici ?
09:53 -Cinq à six euros.
09:55 -Pour un menu complet ? -Oui, un menu complet.
09:59 -Je sais pas comment vous tenez vos cours.
10:01 -C'est très dur, mais on a la chance
10:03 de pouvoir travailler avec des producteurs locaux.
10:06 Hier, j'étais sur Fontaine-sur-Somme,
10:08 parce qu'on a réservé quatre boeufs pour au mois d'octobre
10:11 pour la bête à l'équilibre.
10:13 On a la chance de pouvoir toucher bourguignon, du steak,
10:16 du roast beef ou de la saucisse campagnarde.
10:19 -13,50 euros le kilo ? -Oui.
10:21 -Il faut rappeler que 80 % sont des terres agricoles.
10:25 Il faut connecter nos circuits courts
10:27 en fonction des arrondissements et des secteurs
10:29 qu'on peut avoir en Somme. On a des vraies spécialités.
10:33 -Vous venez d'où ? Votre parcours, votre métier ?
10:35 -Je suis cuisinier. -Ah, voilà.
10:37 Ce que j'allais me dire, c'est pas un administratif.
10:40 Si vous êtes obsessionnel de la qualité du produit
10:43 et de la cuisine qui est servie, c'est que c'est votre coeur.
10:46 -Béopi cuisine, c'est ça qui parle.
10:49 -Au lycée hôtelier Edouard Grande.
10:51 -Combien ça fait de repas servis par jour ?
10:53 -Ici, sur le site 700.
10:55 -Je ne sais pas pour vous, monsieur le sénateur,
10:57 mais je commence à avoir un peu faim
10:59 avec les odeurs qui montent de la cuisine.
11:02 Je peux me faire un petit plateau ? -Avec grand plaisir.
11:05 -Ca vous intéresse ? On y va, alors.
11:07 Hum... Ca sent bon, ça.
11:09 C'est des aubergines ? Ah, petite croquette !
11:12 Voilà. Vous ne prendez que des aubergines, vous.
11:15 C'est normal, vous avez la ligne.
11:17 -Et la viande où vous voulez.
11:19 Avec des légumes !
11:21 Qu'est-ce que c'est, ça ?
11:23 -C'est une saucisse aux maroilles. -Aux maroilles ?
11:26 -Oui. -L'honneur des Hauts-de-France.
11:28 -On la partage, parce qu'elle est énorme.
11:31 -Je ne suis pas venu pour rien. J'ai ma saucisse.
11:34 -On avait dit qu'on partageait.
11:36 Musique douce
11:38 ...
11:40 -Alors, où est-ce qu'on est, ici ? -A Blessus, 230 habitants.
11:44 On est à la ferme Comper.
11:46 La coutume, ici, c'est de boire du lait cru directement.
11:49 ...
11:58 -On se sert à la tireuse. -Exactement.
12:00 ...
12:03 -Et puis, voilà, la protéine, le lait,
12:06 il a un autre goût quand il sort de la vache.
12:08 Ah, voilà, Géry, c'est le propriétaire.
12:11 -Bonjour, Géry.
12:12 -Donc, je vous ai préparé un assortiment de...
12:16 -Ah, vous faites aussi des yaourts ? -De produits sur la ferme.
12:20 -Génial. A quoi ils sont, ceux-là ?
12:22 -Véronique ?
12:23 Tu parlais, elle est dans la gouttique.
12:26 Bonjour, madame. -Bonjour.
12:27 -Ah, vous avez les cuillères ? Elle avait prévu.
12:30 -Tout à fait.
12:31 -Ce sont des yaourts fermiers ?
12:33 -Oui, mais on n'a pas le droit d'écrire "fermier" dessus.
12:36 -Pourquoi ? -La législation nous l'interdit.
12:39 Parce que dans mon yaourt, je rajoute du sucre,
12:43 qui n'est pas produit sur notre exploitation,
12:45 des fruits qui ne sont pas produits sur notre exploitation.
12:48 -Si je comprends bien, vos yaourts nature,
12:51 en revanche, ils ont le droit d'être inscrits "yaourt fermier".
12:54 -Tout à fait.
12:55 Musique douce
12:57 -Ils sont bons, ces yaourts.
12:59 -Moi, ce qui m'intéresserait, c'est qu'on aille voir vos vaches.
13:04 -Elles sont en pâture quasiment toute l'année.
13:06 Musique douce
13:08 -Je vois qu'il y a une sorte de mix de variétés.
13:10 Vous êtes pour la diversité ? -Oui, tout à fait.
13:13 Ici, vous avez de la raie d'Auchten.
13:15 Ensuite, une race très intéressante, c'est la cimentale,
13:18 par sa rusticité.
13:19 -Elle est bien adaptée, ici ?
13:21 -Elle est bien adaptée au type d'élevage biologique.
13:24 C'est-à-dire sans maïs.
13:26 -Parce que vous faites du lait bio ?
13:28 -Du lait bio à l'herbe, grosso modo.
13:31 -Dans la Somme, ça a du mal à passer,
13:33 parfois, face aux grandes exploitations
13:36 de pommes de terre, de blé, etc.
13:38 Le bio, c'est un peu la partie congrue.
13:40 -Malheureusement, les parents pauvres de l'agriculture,
13:44 ça marienne. C'est un vrai combat.
13:46 Moi, je milite, en tout cas,
13:48 pour qu'on oriente notamment les subventions de la PAC
13:51 vers le bio, pour accompagner,
13:53 faire transiter un maximum d'agriculteurs
13:55 vers le bio, vers la transition.
13:57 -Vous nous dites qu'on ne veut pas être à la fois bio et locabore,
14:01 pas dans notre système, aujourd'hui.
14:03 Vous êtes agriculteur, toute l'eau qui ne tombe pas du ciel,
14:07 il faut la compenser par de l'eau du sous-sol.
14:09 Comment ça marche ?
14:11 -Tout risque d'être remis en cause lié au canal,
14:14 au Seine-Nord-Europe. -Parce que ?
14:16 -Parce que, vous connaissez l'ouvrage "Seine-Nord-Europe".
14:19 -Oui. -Il y a 70 communes autour.
14:21 Là, on est en plein dedans.
14:23 Il y a un remodelage de l'ensemble du parcellaire.
14:26 Ici, je ne suis pas sûr que ça sera encore chez moi.
14:29 -Ah bon ? -Voilà.
14:30 -Vous risquez d'être exproprié ?
14:32 -On dit, toi, au lieu d'avoir 10 parcelles de 1 hectare,
14:35 tu as une parcelle de 10 hectares.
14:37 -Ailleurs. -Voilà.
14:39 -Vous savez, un canal de plus de 100 km,
14:41 on attend ça en 2030, c'est un enjeu majeur pour la somme,
14:44 mais en même temps, les compensations environnementales
14:48 sont attendues. Et l'enjeu de l'eau autour de ce canal aussi.
14:51 Est-ce qu'on va être en capacité de le remplir demain
14:54 si il fait plus de 2 degrés, plus de 3 degrés,
14:57 plus de 4 degrés avec les barrages de l'eau ?
15:00 -Aujourd'hui, les estimations des services de la société du canal,
15:04 c'est qu'on tient bon jusqu'à +1,5.
15:07 -Demain, la diversité dans Bussus,
15:10 si j'ai un bloc de 50 hectares d'un côté
15:13 et un bloc de 50 hectares d'un autre,
15:15 il n'y aura plus de pâture, plus de diversité,
15:17 et je m'orienterai comme tout le monde
15:20 vers des pommes de terre. -Ah oui ?
15:22 L'Asie mange de la frite.
15:24 -La pomme de terre, produite en Picardie,
15:26 elle est travaillée par des industriels belges.
15:29 Une grosse partie, je crois que c'est 3 millions de tonnes,
15:32 qui part dans des marchés...
15:34 -C'est un petit camion, quand même.
15:37 -J'ai pas de droit d'eau spécifique attribué aux pâtures.
15:40 Et pour avoir ce droit d'eau, je vais être obligé de biaiser...
15:44 -En faisant des champs de patates pour les filets noirs.
15:47 Sous le compte de la distribution d'eau,
15:49 on va réussir à les tuer, ces petits agriculteurs ?
15:52 -On se retrouve dans une situation où,
15:55 si la somme, avec son patrimoine agricole,
15:57 n'a pas vocation à chercher une transition vers le bio,
16:00 pour qu'on soit un territoire d'avenir,
16:03 on va louper le coche et on sera, malheureusement,
16:06 ceux qui vont servir les frites en Chine.
16:09 Musique rythmée
16:11 ...
16:13 -On est à Argoole, en Baie-de-Somme,
16:15 et on va visiter la conserverie artisanale Saint-Christophe.
16:18 -La fameuse famille Van Ost. -Exactement.
16:21 Eric et Simon. Simon a repris l'entreprise de son père.
16:24 -Ils font des terrines, qui sont vraiment des marqueurs
16:27 forts de ce coin de France.
16:29 Musique rythmée
16:31 ...
16:44 -Ca, Simon, c'est les autoclaves ? -Oui, les cocottes-figures
16:47 du conserveur. -C'est votre casserole, à vous ?
16:50 -Ca a été cuit hier, et on va le sortir pour passer à l'étiquetage.
16:54 -Jeux sénateurs, on rappelle le principe de l'apertisation,
16:57 de la conserve. Ca comporte à plus de 100 degrés.
17:00 C'est plutôt 110-120, hein ? -Oui, 116.
17:02 116 degrés, en fait, c'est d'avoir 100 degrés à coeur
17:05 pour vraiment être stable.
17:07 -Eric vient de transmettre l'entreprise à son fils,
17:10 c'est ça ? -Oui.
17:11 -Et vous, vous avez démarré il y a une trentaine d'années ?
17:15 -J'ai démarré en 90. -D'accord.
17:17 -On a commencé à faire des conserves avec un autoclave
17:20 où on mettait 140 bocaux. Maintenant, on en met 500
17:22 dans un autoclave, et on en a 6. -C'est incroyable.
17:25 La conserverie, c'est un métier à part.
17:28 Comment est-ce qu'on fait la différence, justement,
17:30 entre l'industriel et l'artisanal ?
17:32 -L'artisanal, déjà, c'est une façon de faire,
17:35 c'est prendre du bon produit, faire quelque chose
17:38 vraiment avec son âme. On aime notre métier,
17:40 mon père m'a transcrit ça. Et artisanalement, c'est aussi,
17:43 on fait 40 % de notre production à la main, quasiment.
17:46 -Ah oui, c'est une manufacture, donc, ici,
17:48 plus qu'une industrie. -Exactement.
17:51 On est agréé CE, et on est aussi agroalimentaire.
17:54 C'est normal aussi qu'on ait des beaux locaux.
17:56 On peut pas faire ça dans la vieille table
17:58 avec les toiles d'araignées et les souris qui passent.
18:01 -Et puis, l'avantage, par rapport à une boîte de conserve,
18:04 c'est que le bocal, c'est transparent.
18:07 Donc, y a pas besoin de non-discours.
18:09 Ce qui est à l'intérieur, on le voit.
18:11 -On peut pas tricher. Un consommateur, c'est important.
18:14 -On a de bonnes bouteilles ? -Oui, très bien.
18:16 On y va. Parce qu'on cause, on cause,
18:18 et on goûte pas grand-chose.
18:20 ...
18:26 -Alors, évidemment, le gras remonte un peu.
18:29 C'est un signe de qualité ? -Oui.
18:31 -Parce qu'il y a pas de texturant qui mélange le gras au reste.
18:34 -C'est ça. -Parce qu'on pourrait se dire
18:37 "ça tient pas leur truc, le gras remonte."
18:39 Non, au contraire. On va sortir ça
18:42 avec la gelée naturelle en dessous.
18:44 -Voilà.
18:45 -Ca, c'est le jus de cuisson, la gelée, en fait.
18:48 ...
18:49 -Je me permets, hein ? -Bien sûr.
18:51 ...
18:53 -Pas trop salé.
18:54 Et ça, c'est difficile, le dosage.
18:56 C'est bon, hein ?
18:57 -Ca pousse à faire des planches à terreau
19:00 avec de l'atterrier. -Ah !
19:01 -Voilà !
19:03 -Vous, vous êtes des obsédés de votre betsum.
19:06 Donc, vous prenez au maximum les produits de la betsum.
19:09 -Il faut mettre en avant son territoire.
19:11 On va pas aller chercher des agneaux, des moutons, des bœufs.
19:15 Ecologiquement, c'est zéro.
19:17 -C'est ce que ferait l'industrie. Ils vous feraient une terrine de canards.
19:20 -On n'est pas industriel, on est artisan.
19:22 C'est ça, la différence.
19:24 ...
19:43 -Bonjour, Laure. -Bonjour.
19:45 -Simon Bernos m'a dit de voir mon ami Laure.
19:48 -Oui, Simon. J'habitais à 4 km de chez lui.
19:50 J'ai travaillé tous mes étés là-bas.
19:52 -Il m'a dit qu'elle était au milieu des présalés,
19:55 une belle bergère, seule, dans ses moutons.
19:58 -Je suis la seule. -Ah oui, c'est ça ?
20:00 -C'est juste ça. -Il y a pas d'autres bergères ?
20:02 -Pas ici, non. Beaucoup en montagne, mais ici, non.
20:05 La Somme, j'ai encore du mal avec la parité.
20:08 -Et comment ça vous est venu ?
20:10 -Je m'occupais de promouvoir l'association des présalés
20:13 et de gérer leur partie administrative.
20:15 Je suis tombée amoureuse du métier, de la vie.
20:18 -Vous avez été confrontée aux dures réalités du terrain.
20:21 -J'ai passé un an dans une bergerie.
20:23 Par contre, la baie, j'ai mis deux ans à vraiment bien la connaître,
20:27 à connaître les dangers.
20:28 C'est une vaste plaine verte, mais il y a des courants.
20:31 En fonction des marées, il y a des zones plus hautes, plus basses.
20:35 -L'eau peut remonter très haut. -Elle peut arriver jusqu'à la route.
20:39 -Avec des forces coefficientes ? -Oui.
20:41 -Ils sont où, les moutons, quand la marée est très haute ?
20:44 -On appelle ça une zone de repli.
20:46 A forte marée, on doit les mettre dans des pâtures de l'autre côté.
20:49 -Je voudrais vérifier un truc. -C'est quoi, le truc ?
20:53 Qu'est-ce que c'est, l'herbe ?
20:56 Vous voulez goûter ?
20:58 Musique douce
21:00 ...
21:02 Elle est bonne ? -Oui, mais elle est salée.
21:05 -Oui, c'est ça. -C'est pas juste du marketing.
21:08 -Non, non. -Les prés sont vraiment salés.
21:11 -Vraiment présalés, ouais, avec des plantes alufites.
21:14 -Qui aiment le sel.
21:15 -Comment vous gérez la situation avec la guerre des prix, l'inflation ?
21:19 -C'est compliqué.
21:21 A la base, on arrivait à valoriser 35 et 45 % plus cher
21:23 qu'un agneau classique.
21:25 C'était une vraie valorisation.
21:27 Aujourd'hui, avec l'inflation, on n'est plus du tout à ça.
21:30 On est à 20 % plus cher, 15 à 20 % plus cher
21:32 qu'un agneau classique français.
21:34 Ce qui fait que moi, l'année dernière, j'ai perdu 6 000 euros.
21:38 -Ah oui ? -Ouais.
21:39 -On n'arrive plus à marger. -Non, plus du tout.
21:42 Mais effectivement, il va falloir que je me trouve un autre projet,
21:45 parce que je dépends complètement.
21:47 J'ai que des moutons, j'ai pas de terre, etc.
21:50 Donc, si je ne me trouve pas quelque chose d'autre,
21:53 j'aimerais trouver quelque chose d'autre
21:55 qui me permettrait de faire ce métier-là par plaisir.
21:58 Malheureusement... -Vous imaginez quoi ?
22:00 -Là, j'aimerais bien faire de l'agritourisme,
22:03 parce que j'ai ma petite cabane de bergère
22:05 que je loue en Airbnb.
22:07 Je suis partie revivre chez mes parents
22:09 pour louer mon logement, et qui fonctionne très bien.
22:12 J'aimerais mettre des tiny house et des roulottes modernes,
22:15 et à la fois faire comprendre mon métier
22:18 à ceux qui logent chez moi.
22:19 -Être éleveuse, aujourd'hui, d'un mouton AOP,
22:23 fierté de la Somme et de la France,
22:25 parce qu'il fait partie de ce panier d'excellence,
22:28 ne suffit pas à vous faire vivre.
22:30 Ca veut dire qu'on l'achète pas assez cher, nous, les consommateurs.
22:34 -Je pense qu'on se rend plus compte du prix de la nourriture.
22:37 On a tellement développé les loisirs,
22:39 que maintenant, tout est centré sur les loisirs
22:42 et plus sur la qualité alimentaire.
22:44 -C'est à cause de la mondialisation.
22:46 Ca a transformé l'état d'esprit des consommateurs
22:49 sur la consommation, le remplacement quali
22:51 avec des choses variées du monde entier.
22:54 On aurait pris le but tête,
22:55 tout simplement, s'occuper de produits à proximité.
22:58 On pensait qu'après le Covid, on allait sortir
23:01 à fond les circuits courts,
23:03 tout le monde se relance là-dedans, les artisans, etc.
23:06 Et au final ?
23:07 -Vous êtes plutôt sensibles
23:09 à la possibilité d'un protectionnisme alimentaire ?
23:12 -Européen.
23:13 Parce que je pense qu'on sera plus forts
23:15 si on a un protectionnisme européen
23:18 pour se battre dans le monde entier.
23:20 -Vous vous sentez bien, quand même.
23:22 -Si on peut valoriser les produits du territoire,
23:24 c'est encore mieux.
23:26 Merci beaucoup. -De rien. Merci à vous.
23:28 -Les prix montent parce que vous le méritez.
23:30 Votre agneau est formidable. -Oui, merci.
23:33 Merci beaucoup.
23:34 Musique douce
23:36 ...
23:44 -C'est incroyable, ce moulin.
23:46 C'est un des sommets de la Somme ? -C'est le moulin de Corée.
23:49 On est dans cette commune et on va aller voir
23:52 l'auberge du moulin Saint-Abanque,
23:54 le restaurant où on a un chef charismatique,
23:56 Sébastien Porté.
23:57 -D'accord.
23:59 Je suppose qu'il va nous faire une spécialité du coin.
24:02 -On va voir. -On va voir.
24:04 Je connaissais le chef Sébastien Porté,
24:07 mais je ne connaissais pas la sous-chef.
24:10 C'est qui, la sous-chef ?
24:11 -Joséphine Porté.
24:13 -Joséphine Porté.
24:14 -Elle est toujours dans le coin pour filer un coup de main.
24:17 -Vous avez promis une ficelle picarde,
24:19 mais c'est une ficelle à votre manière.
24:22 -On aime bien faire les choses à notre manière.
24:25 On va la faire plus costaude.
24:26 Il y a essentiellement des champignons.
24:29 On fait juste une duxelle de champignons,
24:31 pour remplacer le fameux jambon du sanglier.
24:34 Monsieur le sénateur va trancher.
24:36 Vous êtes de droite ou de gauche ? -De gauche.
24:38 -On fait des fines lamelles. -Pensez à l'écric au chou.
24:41 -Au Sénat, je ne suis pas aussi bon.
24:44 -Notre tombée de champignons.
24:47 -L'objectif, dans cette ficelle, c'est le champignon.
24:51 -Regardez bien, Rémi.
24:52 -Là, en fait, la vraie ficelle...
24:54 -Il faut bien rentrer. -Oui, on tire.
24:57 -Tant pour le saucisson que pour la crêpe,
24:59 on fait des carrés avec des ronds. -C'est ça.
25:02 C'est le défi du monde.
25:03 Après, Jo, c'est à toi. -Joséphine, elle nous montre.
25:07 -C'est elle qui va disposer les petites plantes.
25:10 -On prend nos ficelles. Où peut-on se mettre ?
25:12 -Je vous laisse vous installer. Je vous apporte un verre de vin.
25:16 La cour de Bérenice, produit au-dessus d'Amiens.
25:19 -Ah bon, c'est un vin de la Somme ? -Voilà.
25:21 Premier rouge, peut-être, des Hauts-de-France.
25:24 Messieurs, bon appétit.
25:26 -Merci, chef.
25:27 -Oui, c'est pas mal, hein ? Je suis assez surpris.
25:30 -Il se défend bien.
25:31 -Je me posais cette question au bout de cette journée
25:34 passée avec vous, Rémi.
25:36 On a pratiquement eu que des produits,
25:39 des préparations et même du vin, tout dans la Somme.
25:42 C'est un département autosuffisant,
25:44 sur le plan agricole ?
25:45 -C'est un département qui détient, si on en croit les terres,
25:49 autour de nous, 80 % de ces terres sont agricoles.
25:52 Donc, à la fois, il y a un vrai réseau agricole
25:55 puissant, un patrimoine, je dirais.
25:57 Le patrimoine agricole de la Somme est remarquable.
26:00 On est reconnus pour ça.
26:02 -Où est-ce qu'il y a des points noirs dans la Somme ?
26:05 Qu'est-ce qu'il faut améliorer ?
26:07 -Mon rêve, c'est que chacun ait les moyens
26:09 de se payer une ficelle Picard.
26:11 Il faut une sécurité sociale alimentaire.
26:14 Ça va faire partie de mes combats futurs.
26:16 La carte vitale, comme pendant l'Antique,
26:19 l'alimentation, c'est vital.
26:21 Là-dessus, ça fait partie des combats de demain.
26:24 C'est pas normal qu'on voit des gens mourir de faim.
26:27 -Merci, Rémi Cardon. A la Somme, alors.
26:29 -A la Somme.
26:30 -On se retrouve bientôt sur "Manger, c'est voter"
26:33 ou sur la plateforme publicsena.fr. A bientôt.
26:36 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
26:38 Générique
26:40 ...
26:47 -C'était "Manger, c'est voter",
26:51 avec Mutuellia, la mutuelle des territoires.
26:54 ...
26:58 C'était "Manger, c'est voter",
27:01 avec le Concours général agricole.
27:03 ♪ ♪ ♪

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