• il y a 11 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Alors notre question du jour, elle vous fait réagir sur les réseaux sociaux et je l'espère
00:03 aussi dans un instant au 04 67 58 6000.
00:06 Les douleurs et les maladies des femmes sont-elles moins prises en considération que celles
00:09 des hommes ? C'est la question qu'on pose ce matin Anne Pinson-Dussel.
00:12 Oui parce qu'il y a une étude qui a été menée notamment par notre invité Xavier
00:16 Baubia.
00:17 Bonjour.
00:18 Bonjour.
00:19 Vous êtes chef du service des urgences au CHU de Montpellier et vous avez donc travaillé
00:22 sur cette étude qui montre qu'avec les mêmes symptômes finalement qu'on soit un homme
00:27 ou une femme, qu'on soit blanc ou qu'on soit noir, on ne suscite pas tout à fait
00:30 la même chose chez les soignants.
00:32 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
00:33 Oui tout à fait.
00:34 En fait l'idée venait du travail sur ce qu'on appelle le raisonnement diagnostique
00:38 qui est le fait que la plupart des médecins établissent leur diagnostic sur un modèle
00:42 qu'on appelle diagnostic intuitif.
00:44 C'est-à-dire qu'en fait ils sont mis devant des situations toute la journée, toute l'année
00:48 au long de leur expérience et qu'ils font qu'au final quand ils se retrouvent devant
00:51 des situations similaires, ils arrivent à établir des diagnostics sans même comprendre
00:55 le cheminement qu'ils font pour y arriver.
00:56 Comme l'intuition en général.
00:58 Et j'ai essayé d'associer cette idée au fait qu'il est montré dans de nombreux pays
01:03 dont en France que l'accès aux soins et notamment la rapidité de prise en charge des patients
01:07 dépendait de leur sexe et de leur origine ethnique.
01:11 Ça c'est quelque chose qui était déjà montré.
01:12 Et donc l'idée c'était de savoir est-ce qu'on avait des préjugés dans notre diagnostic
01:16 intuitif qui a mené au fait qu'on allait moins considérer une plainte en fonction
01:21 de la personne qui venait consulter.
01:24 Et donc la réponse est oui ?
01:25 Alors la réponse est oui.
01:27 On a fait une étude sur 1500 soignants en France, Suisse, Belgique, Monaco et on leur
01:32 a demandé de coter la gravité d'un cas clinique qui était tout le temps le même.
01:36 Mais par contre on y a associé de façon aléatoire une image qui était soit d'homme
01:40 soit de femme et d'apparence ethnique différente.
01:42 Et en effet il y a des différences qui sont significatives.
01:45 Dans quelles proportions ?
01:46 Dans des proportions, alors si on prend par exemple l'homme et la femme, les gens qui
01:51 avaient une image de femme coter que le cas clinique était une urgence vitale dans 62%
01:56 des cas versus 49% quand c'était une femme, donc ça fait une différence de 13%, ce qui
02:00 est quand même pas mal.
02:01 Pour les différences ethniques on est à peu près du même niveau entre les gens d'apparence
02:07 blanche et noire notamment.
02:08 Et puis évidemment si vous prenez les images par images, le pire est la différence entre
02:12 quand ils avaient une image d'homme blanc et une image de femme noire, où là la différence
02:15 était énorme puisque les gens qui avaient un cas clinique associé avec une image d'homme
02:19 blanc jugeaient que c'était une urgence vitale dans 60% des cas alors que c'était 40% quand
02:24 ils avaient une image de femme noire, ce qui est quand même une différence énorme.
02:26 Et pour qu'on comprenne bien, tous ces soignants avaient le même texte qui décrivait exactement
02:30 les mêmes symptômes, c'est ça ? Et c'est juste les photos associées des patients fictifs
02:35 qui différenciaient ?
02:36 Exactement, en fait on a fait générer des photos par un site d'intelligence artificielle
02:44 représentant des hommes et des femmes et leur apparence ethnique et ils avaient tous
02:47 exactement la même description du cas et en fait ce qu'on leur demandait, c'est quelque
02:50 chose qui est fait tous les jours en médecine d'urgence, c'est de coter la priorité à
02:55 l'accueil des urgences sur un niveau de 1 à 5, 1 et 2 étant des urgences vitales et
02:58 3, 4, 5 des urgences qui ne sont pas vitales.
03:01 Donc ça peut avoir évidemment des conséquences très graves ?
03:03 Alors ça peut avoir des conséquences à mon avis surtout sur les délais de prise en charge,
03:08 après j'ai assez confiance dans notre système hospitalier et dans nos services pour faire
03:12 que si vous n'êtes pas pris dans la partie urgence vitale où c'est vrai qu'il y a un
03:16 rapport nombre de soignants sur nombre de patients qui n'est pas le même, mais si vous
03:20 n'êtes qu'en charge dans les urgences, je pense que le diagnostic de toute façon,
03:23 si un diagnostic à faire il sera rattrapé, le problème c'est le délai de prise en charge.
03:29 Alors après on peut toujours dire qu'évidemment le délai de prise en charge peut avoir des
03:32 conséquences bien sûr.
03:33 Sur la manière dont on est soigné derrière, comment vous l'expliquez ça ? Comment on
03:37 explique qu'en 2023 un soignant pense encore que ce qu'a un homme blanc c'est plus grave
03:43 que ce qu'a une femme noire ?
03:44 Alors déjà la première chose c'est que l'étude ne répond pas à cette question,
03:50 donc ça ne peut être que mon avis personnel.
03:52 Moi mon avis personnel est qu'on peut faire cette étude sur tous les corps de métier.
03:56 Je pense même pour être honnête que les soignants à mon avis sont peut-être moins
03:59 discriminants que les autres, mais l'idée c'était de dire qu'on a une histoire, on
04:05 a tous envie dans une société.
04:06 Je pense que si on avait fait cette étude il y a 50 ans ou il y a 100 ans les résultats
04:10 auraient été encore pires.
04:11 J'espère que si on les fait dans 10 ans ils seront moins pires.
04:14 En fait l'idée c'était de dire que le fait de vivre dans une société dans laquelle
04:18 il y a quand même du racisme et du sexisme, ça touche tout le monde, même ceux qui n'en
04:21 ont pas conscience.
04:22 Je voulais juste rappeler le numéro de téléphone, le 04 67 58 6000, parce que si justement vous
04:27 vous êtes rendu compte de cette différence de considération, par exemple si vous l'avez
04:31 vécu ou si vous voulez donner votre avis, réagir à ce que dit notre invité ce matin,
04:35 le professeur Xavier Bobia, n'hésitez pas, 04 67 58 6000, prenez la parole ce matin
04:40 sur France Bleu Héro.
04:41 Vous dites à l'instant, j'espère que si on refait la même étude dans 10 ans les
04:44 choses se seront améliorées.
04:46 Qu'est-ce qu'on peut faire concrètement ? Qu'est-ce que vous pouvez faire à l'hôpital
04:49 pour que les choses changent ?
04:50 Alors la première chose et qui est la plus importante c'est de l'information.
04:53 Ce qu'il faut bien contextualiser c'est que les soignants ont l'habitude d'être
04:58 critiqués, d'être auto-critiqués.
05:00 C'est le rôle notamment de la simulation dans lequel on analyse nos réflexes, nos
05:04 préjugés, la façon qu'on a de travailler et le fait qu'on dise "regardez là il y
05:07 a un petit truc à améliorer" et que derrière dire aux gens "faites attention".
05:10 On en a l'habitude, c'est notre travail de tous les jours.
05:12 Donc en pratique le premier axe c'est l'information et cette information elle passe aussi par
05:16 de l'enseignement, ce qu'on fait à la faculté de médecine qui est de plus en plus
05:19 développé.
05:20 L'ensemble du sujet ça s'appelle les facteurs humains en santé, c'est le fait qu'on
05:23 ne soigne pas pareil si on est fatigué selon nos préjugés etc.
05:26 Et ce sont les choses...
05:27 Qu'on n'ait pas les machines.
05:28 Voilà qu'on n'ait pas les machines.
05:29 Le deuxième axe et sur lequel cette étude à mon avis donne encore plus d'arguments
05:33 c'est qu'il faut que dans nos décisions médicales on ait l'aide, qu'on soit appuyé
05:37 par des échelles objectives et là puisqu'on prend le tri à l'accueil des urgences, la
05:42 société française de médecine d'urgence recommande l'utilisation d'échelles de triage
05:46 qui sont sur des données objectives, les pressions artérielles, fréquences cardiaques
05:49 etc.
05:50 La troisième chose c'est que je pense qu'il faut qu'on travaille, en tout cas nous on
05:52 l'a lancé, sur l'intérêt et sur l'aide du machine learning, de l'intelligence artificielle
05:57 puisqu'en fait quand je vous parle de diagnostic intuitif c'est ce qu'on fait en accumulant
06:00 énormément de données en le ressortant.
06:02 Le problème c'est qu'elles sont aussi avec nos préjugés.
06:04 En fait c'est ce que fait exactement le machine learning mais sans...
06:07 - Comment vous intégrer l'intelligence artificielle à ça du coup ?
06:10 - Alors l'idée c'est, alors ça existe déjà dans certains domaines mais pas dans la douleur
06:14 thoracique à l'admission aux urgences qui était notre sujet, l'idée c'est de mettre
06:17 dans une base de données l'ensemble des données des patients qui rentrent pour douleur thoracique
06:21 aux urgences, l'ensemble, et de demander au machine learning de voir en fonction de l'évolution
06:26 des patients derrière, de prédire la gravité, de prédire ce qui va se passer derrière,
06:30 c'est ce qu'on est en train d'essayer de mettre en place.
06:31 - Et on est sûr que l'intelligence artificielle elle n'a pas de biais sexiste ou raciste comme
06:36 l'humain ?
06:37 - Mon avis c'est que si jamais on met dans la base de données le diagnostic rapide, il
06:43 y aura les mêmes biais puisqu'on met plus de temps à diagnostiquer chez certaines
06:46 personnes, par contre pour s'en prémunir ce qu'on a fait c'est qu'on met le diagnostic
06:50 à un mois après.
06:51 Et si vous venez pour une douleur thoracique aux urgences et que vous avez un diagnostic
06:54 grave, quoi qu'il arrive dans le mois il sera dépisté, il n'y a pas de doute.
06:58 Donc on essaye de tout faire pour que la base de données soit saine mais vous avez raison,
07:01 c'est le principal biais de l'intelligence artificielle, c'est ce qu'on y met dedans.
07:04 - 0467586000, Sylvie est à Soubès, c'est avec nous ce matin, bonjour Sylvie.
07:09 - Bonjour Sylvie.
07:10 - Bonjour, on vous entend moyennement bien, rapprochez-vous du téléphone et on vous
07:15 écoute.
07:16 Alors effectivement elle s'est plutôt éloignée du téléphone, visiblement.
07:21 Sylvie est-ce que vous êtes là ?
07:22 - Oui on vous entend, allez-y on va voir.
07:27 - Voilà je voulais dire qu'il y a une différence pour les gens qui sont soignés, mais par
07:32 rapport aux médecins c'est pareil, il n'y avait pas que des hommes blancs qui répondaient
07:36 aux questions.
07:37 - Non alors c'est une très très bonne question.
07:40 Alors pour ce qui est de l'apparence ethnique, on ne l'a pas demandé, pour deux raisons.
07:44 La première c'était parce qu'on voulait que les gens répondent et qu'on pose des
07:48 questions un peu sensibles, les gens souvent ne répondent pas.
07:50 Et la deuxième c'était qu'on ne voulait pas que les gens se rendent compte de l'objectif
07:54 principal de l'étude.
07:55 - C'est ça, ils n'étaient pas du tout au courant de ce pourquoi ils…
07:57 - Pas du tout, on a appelé l'étude à évaluation visuelle de la gravité, pas plus.
08:01 Par contre la question est très pertinente pour les sexes, puisqu'on a les sexes des
08:04 gens qui ont répondu, et je peux vous dire que les femmes qui ont répondu évaluent
08:08 moins grave les cas cliniques quand ils sont associés à des images de femmes que d'hommes.
08:12 Donc ça ne touche pas que les hommes, ça touche aussi les femmes, cette façon d'évaluer
08:17 avec une différence.
08:18 - Est-ce que le professeur a répondu à votre question Sylvie ?
08:21 - Oui, oui, merci.
08:22 - Eh bien écoutez, alors on vous souhaite une bonne journée, merci de nous avoir appelés
08:25 ce matin.
08:26 Il y a Serge aussi qui est à Restinclière.
08:28 Bonjour Serge.
08:29 - Bonjour.
08:30 - Bonjour.
08:31 - Et comment vous vous sentez ?
08:32 - Eh bien écoutez, moi j'interviens sur l'antenne parce que je n'ai pas trop d'opinion
08:37 concernant les sexes ou les couleurs des patients concernés, mais plutôt sur la différence
08:43 d'âge.
08:44 Ce qu'on constate, et que j'ai encore constaté très très récemment, pour ne pas dire que
08:49 c'était hier, les personnes d'un âge avancé ne sont pas traitées de la même façon qu'une
08:55 personne beaucoup plus jeune.
08:56 - C'est-à-dire pour vous, les personnes plus âgées sont prises plus au sérieux ou moins
08:59 au sérieux du coup Serge ?
09:00 - Beaucoup moins, beaucoup moins.
09:01 Ma belle-mère est tombée hier, elle s'est fait très mal.
09:05 Elle a été emmenée par les pompiers aux urgences, après un certain temps d'attente
09:12 qui reste raisonnable encore, ça je veux bien l'admettre, mais bon, on l'a auscultée,
09:17 on ne l'a même pas recousue alors que c'était ouvert.
09:20 Et puis la tête avait tapé assez fort, c'est pas la peine de faire un scanner à son âge,
09:26 vous comprenez.
09:27 Et ce n'est pas la première fois, là c'est l'exemple d'hier, c'est pour ça qu'il est
09:31 tout frais dans ma mémoire, mais ce n'est pas la seule fois où j'ai constaté que la
09:36 différence était surtout sur la différence d'âge.
09:40 - Xavier Baubiève, dans l'étude, il n'y avait pas de notion d'âge, en revanche, c'est pas
09:43 quelque chose que vous avez testé ?
09:44 - Non, on n'a pas testé, on ne l'a pas étudié en effet.
09:47 - Et ça vous paraît intéressant de le faire, ça peut faire partie des préjugés aussi ?
09:50 - Oui, tout à fait.
09:51 Je pense qu'il y a plusieurs types de questions qu'on pourrait se poser, il y a en effet l'âge,
09:56 il y a aussi le poids, et notamment ce qui est très intéressant avec l'IMC, donc avec
10:00 le poids ou avec l'âge, c'est qu'en fait plus on est âgé ou plus on est obèse, et
10:05 plus on va faire d'événements.
10:06 Donc théoriquement on doit considérer ces gens comme plus à risque.
10:08 Et est-ce que les soignants les considèrent moins ? C'est une question, j'ai entendu la
10:12 remarque de l'auditeur, j'aurais franchement du mal à y répondre.
10:15 En tout cas, je vous le dis sincèrement, pour travailler dans un service d'urgence depuis
10:19 plus de 15 ans, je ne suis pas convaincu de l'âge.
10:23 Peut-être les dépendances, par contre, ça il y a peut-être quelque chose, mais par
10:26 contre l'âge je ne suis pas sûr honnêtement.

Recommandations