Les douleurs neuropathiques pelvi-périnéales

  • il y a 9 mois
Les douleurs pelvi-périnéales sont présentes dans le quotidien de nombreux patients et elles sont encore mal connues. Elles touchent aussi bien les hommes que les femmes et peuvent être de différentes origines et notamment d’origines neuropathiques. On en parle justement avec le Dr Thibault Riant et le Dr Amélie Levesque, deux médecins de la douleur qui connaissent bien le sujet. Bonjour à tous les 2 !

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00:10 Les douleurs pelvipérinéales sont présentes dans le quotidien de nombreux patients
00:14 et elles sont encore mal connues.
00:16 Elles touchent aussi bien les hommes que les femmes
00:18 et peuvent être de différentes origines, notamment d'origine neuropathique.
00:23 On en parle justement aujourd'hui avec le Dr Thibault Rillon
00:26 et le Dr Amélie Lévesque, deux médecins de la douleur
00:29 qui connaissent bien le sujet.
00:30 Et bonjour à tous les deux.
00:32 – Bonjour. – Bonjour à vous.
00:33 – Alors Dr Lévesque, est-ce que vous pouvez nous expliquer d'abord
00:36 ce qu'est une douleur pelvipérinéale ?
00:38 – Les douleurs pelvipérinéales, ce n'est pas une douleur,
00:40 déjà c'est plusieurs douleurs, plusieurs types de douleurs différentes.
00:44 C'est tout ce qui va intéresser ce qu'il y a en dessous du short.
00:47 Donc c'est le bas du ventre avec ses organes, ce sont les fesses
00:50 et puis c'est le périnée, ce qu'il y a dans le fond de la culotte
00:53 et c'est des douleurs qui ont plein de causes différentes.
00:56 Ça peut être des causes bien sûr organiques, les organes, la vessie, le rectum,
01:00 l'utérus peuvent être malades, peuvent donner des douleurs.
01:03 Et puis ça peut être aussi des douleurs qui viennent des nerfs.
01:08 Les nerfs qui arrivent dans cette zone-là peuvent donner des douleurs,
01:11 des douleurs neuropathiques très caractéristiques.
01:15 Ça peut être des douleurs qui sont liées aux articulations, d'accord ?
01:18 Le dos peut projeter des douleurs au niveau du pelvis,
01:21 il y a le coccyx aussi, il y a une grande source de douleurs pelviennes et périnéales.
01:26 Il y a des douleurs liées aux muscles en eux-mêmes qui peuvent avoir des dysfonctionnements,
01:31 plus bien se contracter, plus bien se relâcher, ça donne des douleurs.
01:34 Ça peut être des douleurs liées à la peau, on peut avoir du lichen, du psoriasis,
01:38 sans vraiment s'en rendre compte parce qu'on ne regarde pas vraiment dans ce coin-là
01:41 et ça donne des douleurs.
01:42 Et puis ça peut être des douleurs liées aux vaisseaux, aux vaisseaux sanguins j'entends,
01:46 les veines, on peut avoir des varices dans le ventre qui vont donner des douleurs assez diffuses,
01:50 assez difficiles à diagnostiquer.
01:52 Et puis parfois il n'y a rien de tout ça, on a mal un peu partout
01:56 et là on parle de sensibilisation à la douleur.
01:59 C'est le système neurologique de perception à la douleur qui en lui-même est malade,
02:03 qui va en fait exagérer la perception douloureuse alors même qu'il n'y a pas de menace,
02:08 il n'y a rien qui génère vraiment de la douleur dans ce coin-là.
02:12 Et les patients sont tout autant douloureux que s'il y avait effectivement un os cassé,
02:16 un muscle contracturé ou une peau lésée.
02:18 Ces douleurs elles ont une particularité, c'est que comme l'a souligné le Dr Lévesque,
02:22 elles surviennent dans une zone particulière où il y a beaucoup d'éléments qui sont proches
02:28 et elles vont altérer des fonctions qui sont indispensables à notre vie,
02:32 que ce soit la fonction défecatoire, digestive, vésicale pour faire pipi, sexuelle,
02:37 voire même s'asseoir dans le cadre particulier de certaines névralgies.
02:41 Et donc elles vont avoir des conséquences immédiates sur la vie des gens
02:45 et sur la capacité des gens à accepter et à supporter cette douleur.
02:49 Et pourquoi je dis supporter ? Parce qu'il y a une notion de temps.
02:52 La douleur qui nous intéresse c'est une douleur chronique
02:55 et ça veut dire qu'elle dure le plus souvent depuis plus de six mois.
02:59 Et ça c'est vraiment complètement fondamental de comprendre que
03:02 c'est l'ensemble qu'il va falloir prendre en charge, sinon on va complètement se tromper.
03:08 Et dans ces douleurs, vous l'avez dit tout à l'heure et Mme Lévesque l'a évoqué,
03:11 il y a des douleurs de type, ce qu'on appelle neuropathique, par altération du système.
03:16 Et ces douleurs neuropathiques répondent à des critères.
03:19 Ces critères sont que ces douleurs s'expriment sous la forme de brûlures,
03:24 des charges électriques, picotements, fourmillements, gourdissements, sensations de froid,
03:28 et qu'elles surviennent sur un territoire particulier, systématisé.
03:32 Alors ça veut dire quoi, territoire systématisé ?
03:34 Ça veut dire que les nerfs c'est comme des arbres.
03:36 Ça a des racines, des troncs et des branches.
03:38 Et c'est le territoire des branches qui nous intéresse.
03:41 Une douleur qui se situe dans la clairière d'à côté, c'est pas une douleur neuropathique.
03:45 La douleur, elle doit venir sur la houppe de l'arbre.
03:48 Donc par exemple, une douleur punadale, ça va être dans le périnée.
03:51 Une douleur sciatique, ça va être derrière la cuisse.
03:53 Alors vous parliez de douleurs chroniques.
03:56 Ça veut dire qu'elles sont fréquentes.
03:58 Quel va être le type de douleurs ressenties ?
04:01 La plupart du temps, les patients s'ouvrent quotidiennement.
04:04 On l'a dit, c'est des douleurs qui vont être reproduites souvent
04:07 dans les fonctions un peu de base, soit pour aller faire pipi,
04:10 soit pour aller à la selle, soit pour s'asseoir, soit pour avoir des rapports.
04:13 Donc c'est des douleurs qui peuvent être quotidiennes,
04:15 ça peut être des douleurs aussi spontanées.
04:16 Parfois c'est cyclique avec l'endométriose.
04:18 Mais en tout cas, c'est des douleurs qui sont fréquentes quotidiennement.
04:23 Pour la plupart quand même, elles ne réveillent pas la nuit.
04:26 Elles jeûnent pas la nuit.
04:27 Donc c'est un peu les caractéristiques des douleurs de cette zone-là.
04:29 Le mot fréquence peut s'entendre de deux façons.
04:32 Soit fréquente pour le patient, soit fréquente dans la population.
04:35 On estime que les douleurs pelvipérinérales,
04:37 c'est à peu près 20% de la population, essentiellement des femmes.
04:42 Mais c'est le cas de toutes les douleurs chroniques.
04:45 C'est deux tiers de femmes, à peu près.
04:46 – Quand on a des douleurs comme ça,
04:48 on a tendance à aller voir son médecin traitant.
04:50 Est-ce que c'est le bon geste ou est-ce qu'il faut se dire immédiatement
04:54 "je dois aller voir un spécialiste".
04:55 – Je crois que le bon geste est toujours d'aller voir son médecin traitant.
04:58 Parce qu'il faut respecter la douleur pour ce qu'elle est.
05:01 La douleur, elle est essentiellement la marque d'un signal d'alarme.
05:05 Ce signal d'alarme, il est là pour nous prévenir
05:07 que quelque chose se passe dans notre organisme.
05:09 Alors, le plus souvent, il a raison.
05:11 Donc il faut aller chercher ce qui se passe.
05:13 Et de temps en temps, c'est l'alarme elle-même qui dysfonctionne.
05:16 Elle sonne pour tout et n'importe quoi.
05:17 Et c'est à ce moment-là que nous, on va intervenir.
05:20 L'autre cas où on va intervenir, c'est quand il y a une cause,
05:22 certes, qu'on la connaît ou qu'on la devine,
05:24 mais qu'on n'arrive pas à la traiter.
05:25 Typiquement, l'endométriose, il y en a certaines,
05:27 on ne peut pas les traiter chirurgicalement, j'entends.
05:30 – Alors, quand on ressent ces douleurs, on va voir son médecin traitant.
05:33 Et j'imagine qu'il y a une prise en charge aussi spécifique, docteur Lévesque.
05:37 – La prise en charge va dépendre du diagnostic.
05:40 Diagnostic, c'est savoir ce qui se passe réellement
05:43 et pourquoi il y a cette douleur.
05:44 Par exemple, nous, on a des patients qui viennent et ils ne peuvent pas s'asseoir.
05:48 Ils ont des douleurs dans le périnée, dans la zone, dans les fesses quand ils s'assièrent.
05:51 Et là, la prise en charge, elle va complètement dépendre du diagnostic.
05:55 Soit, effectivement, on a des symptômes qu'évoque une douleur neuropathique,
05:59 comme en a parlé le docteur Rian.
06:00 Ça intéresse le territoire du nerf pudendal, l'anus, la vive, le clitoris,
06:04 ou les bourses et la verge et le gland.
06:07 Et là, on va peut-être partir sur un syndrome canalaire du nerf pudendal,
06:11 la névragie pudendale.
06:12 Et puis parfois, ce n'est pas du tout ça.
06:14 En questionnant bien les gens, en fait, c'est l'os qui est dans le fond de la raie des fesses
06:18 qui fait mal, le coccyx, et là, on parle de coccygodémie.
06:21 Et là, la prise en charge, elle est complètement différente.
06:24 Il va falloir d'abord aller faire des examens de radiologie
06:27 en position assise, très important,
06:29 pour éventuellement observer un mouvement anormal du coccyx.
06:33 Parfois, on n'arrive pas bien à savoir si le mouvement
06:37 est vraiment ce qui reproduit les douleurs.
06:39 Et c'est pour ça qu'à Nantes, notamment le docteur Rian,
06:42 a développé une autre technique qui permet d'avoir la participation du patient.
06:46 Enfin, il va vous en parler mieux que moi.
06:48 Et donc, cette technique consiste à faire un examen d'imagerie.
06:52 Mais au lieu de faire une radio, on fait une échographie
06:55 et on va mobiliser le coccyx pendant cette échographie.
06:58 Et cette mobilisation va déclencher ou pas la douleur ?
07:01 La douleur du patient, la douleur habituelle, bien entendu.
07:04 Et si on voit de façon concomitante quelque chose sur le coccyx
07:08 et que le patient nous dit "c'est ça qui me fait mal",
07:11 on aura assez tendance à aller endormir cet endroit-là
07:14 pour vérifier que c'est bien ça qui est en cause.
07:17 Une fois qu'on a endormi cette zone,
07:19 il peut y avoir deux possibilités.
07:21 Soit ça sert comme traitement, c'est-à-dire qu'on va avoir une amélioration dans le temps
07:25 et probablement s'arrêtera là.
07:27 Soit ça ne sert pas comme traitement,
07:28 mais ça nous a donné une bonne indication de l'origine de la douleur.
07:31 Et on pourra discuter de chirurgie qui peut donner d'excellents résultats
07:34 dans 80% des cas environ.
07:35 Évidemment, c'est quand même assez agressif d'aller sur la chirurgie
07:39 ou sur les infiltrations.
07:41 Et c'est pour ça qu'on a mis au point avec le Dr Lévesque
07:43 une technique de traitement par contact avec des produits médicamenteux
07:48 au contact direct de la zone douloureuse,
07:51 qui est finalement très près de la peau,
07:52 puisque le coccyx est pratiquement sous la peau.
07:55 Mais Mme Lévesque va en parler mieux que moi.
07:57 L'idée sur le coccyx, puisqu'on parle de ça,
08:00 c'est de se dire soit parfois effectivement,
08:03 il y a un traitement qui doit nous emmener vers la chirurgie,
08:05 donc c'est le retrait, l'exérès du coccyx,
08:08 on voit que c'est un petit peu invasif,
08:09 les patients ne sont pas toujours très partants,
08:11 soit parfois on n'observe rien d'anormal,
08:13 ni à la radio, ni à l'échographie.
08:16 Et là, on est obligé de comprendre que c'est le nerf
08:18 qui rapporte l'information au cerveau,
08:20 qui est peut-être hypersensible parce qu'il y a eu de la chirurgie,
08:23 parce qu'il y a eu une chute il y a très longtemps.
08:25 Et dans ces cas-là, on essaye d'endormir cette hypersensibilité,
08:30 il y a des traitements locaux qui permettent de faire ça.
08:33 Alors c'est encore un petit peu à l'étude,
08:36 pas le traitement, il est utilisé dans plein d'autres indications.
08:39 Mais sur cette zone-là du coccyx,
08:40 on fait une étude actuellement à Nantes,
08:42 mais dans plein d'autres centres, y compris à Paris.
08:44 Et il ne faut pas que les patients hésitent
08:46 à nous contacter directement au CHU de Nantes.
08:48 – Eh bien le message est passé, Dr Lévesque, merci infiniment.
08:51 Merci Dr Rian.
08:52 – Merci à vous.
08:54 – Et merci à vous tous de nous avoir suivis.
08:56 Je vous dis à très vite pour de nouvelles Expertises santé.
08:59 [Musique]

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