Traitement des douleurs neuropathiques après un cancer du sein

  • l’année dernière
Après un cancer du sein, la douleur neuropathique est encore le type de douleur chronique individuelle le plus fréquent chez les patientes guéries. Celles qui sont concernées vont alors ressentir des symptômes parfois invalidants dans la vie quotidienne. Et quand le corps souffre, souvent la tête suit. Mais la douleur n’est pas une fatalité et il est possible désormais d’aider ces femmes à aller vers le mieux grâce à une prise en charge précoce. On en parle aujourd’hui avec le Dr Émilie Piquet-Raynaud, médecin algologue et le Dr Magali Niederoest, gynécologue.
Transcript
00:00 [Musique]
00:10 Après un cancer du sein, la douleur neuropathique reste le type de douleur chronique individuelle
00:14 le plus fréquent chez les patients de guérie.
00:16 Ces douleurs peuvent s'avérer invalidantes dans la vie quotidienne
00:19 et quand le corps souffre, la tête suit.
00:22 Mais la douleur n'est pas une fatalité grâce à une prise en charge précoce.
00:26 Il est désormais possible d'aider ces femmes à aller vers le mieux
00:29 et c'est justement le sujet dont on parle aujourd'hui
00:31 avec le docteur Émilie Piquet-Reynaud, médecin-algologue
00:35 et le docteur Magali Niederrost, gynécologue.
00:37 Bonjour mesdames.
00:38 – Bonjour.
00:39 – Alors docteur Niederrost, ces douleurs peuvent se manifester
00:42 sous la forme de fourmillements, de décharges électriques, d'hyperalgésie,
00:45 là on parle vraiment du système nerveux qui est assez sensible.
00:48 Quelle est la cause finalement de ces douleurs ?
00:50 – On explique la survenue de ces douleurs par plusieurs raisons
00:53 et qui sont les différents temps des traitements.
00:56 Le premier temps de la prise en charge des cancers du sein, c'est la chirurgie
00:59 et c'est la première raison de survenue de ces douleurs
01:03 qui s'explique simplement par le geste chirurgical
01:06 qui blesse en fait les petits nerfs qui sont responsables de la sensibilité,
01:09 de la peau du sein, de la peau de l'air axillaire et de la face interne du bras
01:14 qui sont les zones les plus touchées par ces douleurs neuropathiques.
01:17 Elles peuvent aussi être majorées par le traitement de radiothérapie
01:21 qui survient après la chirurgie le plus souvent
01:25 mais également par la chimiothérapie quand elle est nécessaire pour le traitement.
01:30 – Peut-être ce qu'on comprend aussi c'est qu'il y a certaines douleurs
01:33 qui sont plutôt localisées autour du sein
01:35 et d'autres douleurs qui finalement vont se faire ressentir ailleurs dans le corps.
01:38 – Tout à fait, les douleurs neuropathiques localisées
01:40 sont plutôt le fait de la chirurgie et de la radiothérapie
01:43 et les douleurs liées à la chimiothérapie sont plutôt des douleurs périphériques
01:47 que les femmes ressentent au niveau des extrémités des mains et des pieds.
01:51 – Et est-ce que ces douleurs elles sont fréquentes ?
01:52 Est-ce qu'elles sont invalidantes ?
01:54 – Alors en réalité elles sont beaucoup plus fréquentes que ce qu'on pourrait penser
01:59 et les études font état d'environ 30% de patientes
02:03 qui pourraient souffrir de douleurs de type neuropathique.
02:06 Dans certaines études même ce taux a été évalué jusqu'à 60%.
02:11 Elles peuvent être relativement invalidantes et surtout impacter la qualité de vie
02:15 et même accroître le stress et l'anxiété.
02:17 – Docteur Piccherino, je me tourne vers vous.
02:18 Déjà on va dire une chose c'est que la douleur ce n'est pas une fatalité.
02:21 Alors quelles sont les solutions pour ces patientes ?
02:24 – Alors oui vous avez tout à fait raison.
02:25 Les douleurs neuropathiques ne doivent pas être une fatalité
02:28 car il y a des solutions qui existent.
02:30 Donc il est vrai que les douleurs neuropathiques
02:32 ont la problématique de peu ou pas répondre aux antalgiques classiques
02:35 et donc il va falloir avoir recours à des classes thérapeutiques différentes.
02:41 Les recommandations reposent sur la prise notamment des antidépresseurs tricycliques,
02:46 des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
02:48 ou encore des antipyleptiques gabapentinoïdes qu'on va utiliser à dose antalgique.
02:53 On peut également utiliser des traitements antalgiques topiques
02:57 qui vont permettre d'avoir une action locale sur les récepteurs des fibres nerveuses
03:00 et qui compléteront également le traitement.
03:03 Je pense qu'il est important également de préciser
03:05 que cette prise en charge doit être globale.
03:06 Il ne faut pas oublier la prise en charge fonctionnelle,
03:08 notamment la kinéthérapie qui a toute sa place dans la rééducation post-opératoire
03:14 mais également de prendre en charge la composante émotionnelle
03:16 car c'est une maladie qui impacte et des douleurs également
03:20 qui peuvent avoir un fort authentissement sur le plan émotionnel.
03:24 – Très bien, donc là on a évoqué la prise en charge
03:26 mais j'imagine que plus elle est précoce cette prise en charge, plus ce sera efficace.
03:31 Donc moi ce qui m'intéresserait de savoir c'est
03:32 à partir de quel moment ces femmes doivent-elles consulter
03:36 et vers qui doivent-elles se tourner en priorité ?
03:39 – Une prise en charge précoce me paraît essentielle effectivement.
03:42 Ces douleurs ne doivent pas être négligées
03:44 car elles ont un fort impact, comme je viens de vous le dire,
03:47 un fort impact sur la qualité de vie
03:49 et donc il faut vraiment qu'elles soient dépistées, qu'elles soient repérées.
03:52 De plus, on va éviter la chronicisation et donc la complexification de ces douleurs
03:56 et du coup améliorer leur prise en charge.
03:59 Ces douleurs, il faut en parler, effectivement il ne faut pas les banaliser
04:02 et donc les patientes, si elles présentent des symptômes à type de douleurs,
04:07 type brûlure, fourmillement, picotement, décharge ou encore sensation de froid douloureux
04:11 sont des caractéristiques très particulières des douleurs neuropathiques
04:15 et donc qui doivent orienter vers ce diagnostic.
04:18 Et donc il est important que les patientes puissent en parler à leur médecin traitant,
04:22 leur oncologue mais également le chirurgien qui les revoit en post-opératoire
04:27 pour qu'on puisse les prendre en charge.
04:29 De plus, il est important de préciser qu'il existe un outil de dépistage,
04:33 un outil simple, rapide, qui s'appelle le DN4,
04:36 DN4 pour douleurs neuropathiques en cas de question
04:39 et qui est un questionnaire qui va nous permettre de dépister les douleurs neuropathiques
04:42 avec une très bonne sensibilité et spécificité
04:45 et qui va nous orienter vers la présence de douleurs neuropathiques
04:49 si ce score est supérieur ou égal à 4/10.
04:52 – Alors je me retourne vers vous, docteur Niederrest,
04:54 on parle aussi des douleurs fantômes post-mastectomie,
04:58 est-ce que là aussi on parle de douleurs neuropathiques ou est-ce que c'est autre chose ?
05:02 – Non, ça s'apparente vraiment aux douleurs neuropathiques,
05:05 ces fameuses douleurs du membre fantôme,
05:08 les patientes ont l'impression de ressentir l'organe encore présent
05:12 alors que c'est souvent après une mastectomie que ça survient à une ablation complète
05:17 et en effet ça s'apparente tout à fait à ces douleurs neuropathiques
05:22 et de les dépister c'est important, alors c'est assez rare cependant.
05:27 – Est-ce que la prise en charge est la même ?
05:29 – Là je laisserai plus volontiers ma collègue parler de ça
05:31 mais c'est vrai que c'est plutôt rare et donc…
05:35 – Oui donc la prise en charge effectivement va reposer sur la prise en charge
05:38 des douleurs neuropathiques avec quelques subtilités en plus
05:42 par rapport à la sensation de membre fantôme effectivement
05:46 mais le maître mot c'est quand même la composante neuropathique.
05:49 – Donc on arrive bientôt au terme de cette émission
05:51 et justement s'il y avait un seul message à retenir et à faire passer à ces femmes
05:54 qui peut-être ressentent des douleurs, qu'est-ce qu'on pourrait leur dire ?
05:57 – C'est très important que ces femmes puissent s'exprimer librement
06:01 sur leurs ressentis et sur les douleurs qu'elles présentent
06:06 et qu'elles puissent les exprimer à tous les intervenants,
06:08 à tous les médecins qu'elles rencontrent
06:10 et qui ont participé à leur prise en charge dans le cancer du sein,
06:14 que ce soit leur chirurgien, leur radiothérapeute ou l'oncologue,
06:17 de même que le médecin traitant.
06:19 Ce message s'adresse aussi à mes collègues, à nos collègues
06:23 pour qu'ils soient très sensibilisés à ces symptômes-là
06:28 et qu'ils puissent les dépister et les orienter vers les collègues algologues
06:31 pour qu'elles puissent avoir une prise en charge adaptée
06:34 et notamment avec l'échelle DN4 qui est très facile à utiliser.
06:38 – Ça facilite en tout cas le démarche.
06:40 – C'est très facilitant et ça permet vraiment
06:43 de leur proposer cette prise en charge optimale.
06:46 – Merci beaucoup, alors je me tourne également vers vous pour une dernière question.
06:49 À ignorer les symptômes et si les douleurs persistent,
06:52 finalement à quel type de complications peut-on s'exposer ?
06:55 – Le risque, c'est un risque de rentrer dans une douleur chronique,
06:59 par des phénomènes de sensibilisation et du coup d'avoir des douleurs
07:02 qui déjà ne sont pas de prise en charge aisées, vont être plus compliquées,
07:07 vont aussi retentir sur d'autres composantes et donc impacter la qualité de vie.
07:13 La prise en charge précoce permet d'enrayer ce processus le plus rapidement possible
07:18 et que les patientes puissent vivre de la meilleure des façons cette guérison.
07:24 – Super, merci beaucoup pour ce joli mot de fin, merci à vous deux
07:27 et puis merci à vous de nous avoir suivis.
07:29 Je vous dis à très bientôt pour de nouvelles expertises santé.
07:31 [Musique]

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