• il y a 11 mois

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Pour l'heure, Emmanuel Ducrot. Bonjour Emmanuel. - Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:03 - Les agriculteurs français sont en colère, ils multiplient les manifs depuis 4 jours, ça va s'intensifier,
00:08 vous nous dites, dans les prochaines semaines, pourquoi la coupe des bords ?
00:11 - Il n'y a pas une raison mais sans doute des dizaines qui se superposent,
00:14 des raisons économiques, la difficulté d'être correctement payé pour une production, une crise de sens aussi.
00:20 L'agriculture française a perdu 20% de ses effectifs, soit 100 000 paysans en 10 ans.
00:25 C'est un gigantesque plan social qui l'a touché sans aucun accompagnement.
00:29 - Les agriculteurs dénoncent aussi les incohérences qu'ils vivent au quotidien.
00:32 - Être agriculteur, c'est être Kafka sur son tracteur, c'est être confronté à des normes absurdes françaises,
00:38 européennes, accumulées au fil des années.
00:40 L'idée, c'est de faire mieux, plus vert, plus encadré, plus administré.
00:43 Le résultat est souvent un désastre, des histoires ahurissantes, on n'a qu'à se pencher pour les cueillir.
00:48 Un exemple, Pascal Praud l'évoquait à l'instant, il est devenu impossible en France de curer un fossé.
00:52 Il y a des textes pour encadrer les écoulements d'eau, la biodiversité,
00:56 des règles parfois contradictoires, floues, interprétables.
00:59 Les agriculteurs renoncent.
01:00 Ils ne sont pas fous, un curage inapproprié de fossé les expose à la correctionnelle.
01:05 On a vu ce que ça a donné dans le Pas-de-Calais, des inondations incontrôlables.
01:07 - Absolument. Les prairies sont également synonymes de colère.
01:11 - La tendance en Europe, c'est la réduction de l'élevage bovin.
01:14 Bruxelles n'en veut plus, c'est trop émetteur de méthane,
01:16 mais en même temps Bruxelles veut sauvegarder la prairie, c'est bien la prairie.
01:19 C'est vertueux, c'est de la biodiversité.
01:21 Donc Bruxelles limite la capacité à en faire autre chose,
01:24 un champ pour maintenir ce qu'elle appelle un ratio prairie.
01:27 Vous la voyez venir l'incohérence ?
01:28 Des agriculteurs qui ont vendu leur cheptel sont obligés de garder leur prairie,
01:33 voire de la ressemer en dépit de toute logique.
01:36 On n'en fera rien d'autre, aucune production.
01:38 C'est une de ces injonctions contradictoires qui rendent totalement dingue.
01:41 - Alors il y a aussi cette obligation de laisser 4% des terres en jachère.
01:45 - Ça c'est sans doute un des points qui met les agriculteurs le plus en colère.
01:48 C'est une règle verte européenne.
01:50 On va rendre des terres à la nature,
01:51 on les oblige donc les agriculteurs à mettre 4% de bonnes terres au rencard.
01:56 Et dans le même temps, les importations de céréales ont doublé en Europe en un an.
02:00 40 millions de tonnes venues d'Ukraine ou du Brésil.
02:02 On ne produit plus ici, on importe ce qui ne respecte pas nos normes.
02:06 Ça n'a aucun sens.
02:07 - Bon, est-ce que ça va s'arrêter tout ça ?
02:09 - Je pourrais vous raconter comme ça des litanies d'histoires folles,
02:12 tantôt françaises, tantôt européennes,
02:14 qui aboutissent par des moyens différents au même résultat.
02:16 Le saccage de filières entières pour des bonnes intentions environnementales.
02:20 Le sucre, les huiles, la volaille par exemple.
02:22 Les volumes s'effondrent,
02:23 ils sont remplacés par des importations obtenues dans des conditions interdites chez nous
02:27 et qui détruisent ailleurs.
02:29 Je vais reprendre la phrase qu'a dite ce week-end un agriculteur du Rhône
02:32 au Premier ministre Gabriel Attal.
02:34 « À force de laver plus blanc que blanc, notre agriculture devient transparente ».
02:38 J'ajouterais « Elle est lessivée, tordue, essorée, pleine de trous ».
02:42 Nous, les citoyens européens, nous sommes déshabillés de notre souveraineté alimentaire.
02:46 Et notre Union, qui a la grâce rare sur la planète d'avoir le sol,
02:49 le climat, le savoir-faire, l'innovation pour être un paradis agricole,
02:53 perd sa puissance.
02:54 - La signature Europe 1 Emmanuel Ducrot. Merci beaucoup Emmanuel.