Mobilisation des agriculteurs : Maëva Humbert-Bouloc, viticultrice et maraîchère à Villeveyrac

  • il y a 8 mois

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00:00 France Bleu Héro et France 3 en direct de Cournonterral depuis le domaine viticole du Clodel.
00:05 On suit évidemment cette journée de mobilisation des agriculteurs dans l'héro.
00:09 Anne Pinsan-Dussel, vous êtes avec une maraîchère et viticultrice à Villevérac.
00:13 Exactement, avec Maëva Imbert-Bouloc du domaine BH, donc comme Bouloc, Imbert j'imagine.
00:21 Bonjour Maëva.
00:22 Bonjour.
00:23 Installée à Villevérac donc.
00:24 Vous êtes passée nous voir là tôt ce matin mais vous allez ensuite rejoindre le cortège,
00:30 la manifestation à Ballaruc.
00:32 Qu'est-ce qui vous pousse vous à manifester aujourd'hui ?
00:34 Aujourd'hui j'en ai un peu marre en fait de toutes ces normes.
00:38 On se lève tous les matins et tous les matins on nous prend un truc nouveau.
00:42 Ce qui amène à faire de la paperasse et c'est lourd.
00:46 C'est très très lourd, ça nous amène une charge mentale qui est là.
00:51 Là vous montez très haut au-dessus de votre tête.
00:54 Là-bas, réhaute.
00:55 Vous vous êtes installée depuis combien de temps vous sur l'exploitation ?
00:57 Nous ça fait dix ans qu'on est installée et en dix ans on a vécu quatre gros épisodes
01:03 climatiques, dont 2017 épisode de gel, 2021 de nouveau épisode de gel, coup de chaud,
01:11 sécheresse et tout ça aussi c'est lourd.
01:15 C'est lourd à porter aussi.
01:16 Est-ce qu'en dix ans, vous parliez des normes, donc est-ce que ça s'est accumulé, aggravé
01:22 depuis dix ans ou c'était déjà ça il y a dix ans et vous en avez ras-le-bol parce
01:25 que ça fait dix ans ? Comment vous voyez un peu cette évolution ?
01:28 En fait, quand on s'est installée, on était sur une dynamique assez stable.
01:34 Vous dites "on" parce que vous vous êtes installée avec votre mari sur l'exploitation ?
01:36 Oui, c'est ça.
01:37 On est tous les deux, donc on était sur une dynamique assez stable au niveau des prix,
01:41 ça allait.
01:43 Et puis, ces incidents climatiques, ces normes avec ces certifications environnementales
01:53 en plus à prendre à notre charge, les assurances climatiques qu'il a fallu déclencher et qu'il
02:02 a fallu souscrire.
02:03 Parce que donc au départ, vous n'étiez pas assurée ?
02:05 Non.
02:06 Et c'est la répétition des épisodes climatiques qui vous a incité ?
02:09 Tout à fait.
02:10 Ça vous coûte combien par exemple une assurance ?
02:12 Alors, en 2017, on n'était pas du tout assurée, donc on perd 60% de notre chiffre d'affaires.
02:17 À cause du gel ?
02:18 À cause du gel.
02:19 Donc, on n'avait pas du tout les moyens, ça faisait trois ans qu'on était installée.
02:23 En 2021, on s'est assurée en 2018, du coup suite au premier gel.
02:29 En 2021, on perd 80%.
02:31 Et en 2021, on était sur une assurance à titre privé.
02:35 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a deux types d'assurance, dont une qui est censée
02:40 disparaître, celle-là privée.
02:42 La privée nous coûtait, sur l'exploitation, on est à 14 hectares, nous coûtait 8000 euros
02:47 à peu près.
02:48 Et on avait 10% de franchise, c'était ce que nous, nous voulions sur notre exploitation.
02:55 Suite au gel de 2021, l'assurance double.
03:01 On passe de 8 à 15.
03:04 Donc, c'est impossible pour vous ?
03:06 C'est pour nous impossible, impossible de s'assurer sur des conditions pareilles.
03:10 Donc, on bascule sur l'assurance climatique mise en place avec le gouvernement et les assureurs.
03:19 Qui est donc subventionnée en partie, payée en partie par le gouvernement.
03:22 Voilà.
03:23 Donc, là, ça nous coûte aujourd'hui, pour les mêmes prestations, c'est-à-dire la franchise
03:31 à 10%, c'est nous qui prenons cette part-là.
03:33 Parce que l'assurance subventionnée est à 20% de franchise.
03:37 On passe à 4000 et quelques euros pour notre poche.
03:42 Donc, je pense que ça reste un coût élevé pour l'exploitation.
03:48 À savoir si on sera indemnisé de la même façon que celle que nous avions auparavant.
03:53 Vous vous dégagez, si c'est pas indiscret, quel revenu, à peu près, par mois, puisque
03:57 c'est une des revendications qui revient, on n'est pas assez payé ?
03:59 On n'est pas assez payé.
04:01 On se verse moins du SMIC.
04:04 Voilà.
04:05 Chacun ?
04:06 Chacun.
04:07 On a le même.
04:08 Pour un nombre d'heures de travail, qui est combien, par semaine ?
04:10 Alors, tout départ la saisonnalité.
04:12 Quand on est en période de marée chère, d'avril jusqu'à septembre, on travaille du lundi
04:18 au vendredi.
04:19 On s'octroie les week-ends.
04:21 Ça, vous vous l'êtes imposé dès le début ?
04:24 On s'est imposé dès le début.
04:25 On s'octroie les week-ends.
04:26 Et du lundi au vendredi, on travaille de 6h jusqu'à 7h, on va dire.
04:33 Voilà.
04:34 Et ensuite, l'hiver, c'est un peu plus calme, donc on a des journées un peu plus raisonnables.
04:40 Vous vous étiez déjà mobilisée ?
04:42 Vous avez déjà exprimé votre colère en allant comme ça sur une manifestation, une
04:48 mobilisation, vous ou pas ?
04:50 Jeune.
04:51 J'étais avec mes parents, qui étaient aussi exploitants agricoles.
04:56 Donc, je me souviens qu'on y est allé une fois avec ma maman.
05:00 Et là, récemment, j'ai pas peur de le dire, on est allé retourner les panneaux.
05:05 Bah oui.
05:06 Mettre les panneaux, la tête à l'envers dans plusieurs communes, c'est ce qu'on fait
05:11 dans le département.
05:12 Qu'est-ce que vous voudriez, qu'est-ce que vous demandez en premier au gouvernement aujourd'hui ?
05:16 Déjà, au niveau des normes, une simplification, si c'était possible.
05:22 Ça vous prend beaucoup de temps, ça, aujourd'hui, dans votre semaine, tout ce qui est administratif ?
05:26 Alors, je dirais que ça marche pas forcément à la semaine.
05:30 C'est plutôt un calendrier à respecter.
05:32 Par période, donc.
05:33 Par période.
05:34 Et il faut s'y remettre chaque année.
05:36 Et chaque année, il y a un changement.
05:40 Il y a une ligne qui a changé, il y a un clic sur Internet qui a changé.
05:44 Et ça, bien sûr, quand on arrive, on le découvre.
05:47 Donc, on perd du temps là-dessus.
05:49 Et c'est du stress, en fait.
05:53 Voilà, pas plus.
05:55 Vous parliez de normes aussi environnementales.
05:58 Vous êtes en HVE, haute valeur environnementale, c'est ça ?
06:02 Vous y êtes passée un peu de manière obligée ?
06:04 Oui.
06:05 Pour nous, c'est un permis de travailler, très clairement.
06:07 Un jour, la cave nous dit, voilà, si vous voulez continuer à vendre votre vin, il va falloir...
06:15 Est-ce que vous vendez donc tout votre vin par en cave coopérative, sur le domaine ?
06:18 Oui, exact.
06:19 Si vous voulez vendre votre vin, il va falloir avoir une certification environnementale.
06:23 Sinon, le vin, oublié, on le vendra plus, on le vendra en vin de table, au ras des pâquerettes.
06:30 Alors déjà, que la folie !
06:32 Voilà.
06:33 Donc on s'est mis là-dedans, par nécessité.
06:37 Et de nouveau, c'est pareil, c'est un coût à l'exploitation.
06:42 Parce que pour obtenir ce label-là, il faut payer ?
06:44 Il faut payer, voilà.
06:46 Il faut payer.
06:47 Alors, on l'a eu il y a trois ans, donc il est renouvelable chaque trois ans, mais tous les ans, il y a un audit.
06:56 Et donc du coup, en fait, là, les normes de ce label prennent un cran.
07:04 Donc on sait très bien que l'année prochaine, l'audit, et c'est annoncé, on l'a eu en courrier, va durer plus longtemps.
07:10 Donc l'audit, il va augmenter.
07:12 Mais en tant que maraîchère et viticultrice, les normes environnementales, elles vous paraissent importantes quand même ?
07:17 On entend la FNSEA qui dit "il en faut moins, on en a trop".
07:21 Par ailleurs, il y a ce réchauffement climatique, vous parliez vous-même de toutes les conditions climatiques qui ont impacté ces dernières années.
07:30 Comment vous voyez l'avenir, en fait, entre l'agriculture et l'écologie ? Comment on concilie les deux ?
07:36 Je pense que j'entends qu'il faut faire des efforts.
07:42 J'entends que le consommateur demande une transparence.
07:48 Et je pense que les certifications environnementales apportent un soutien psychologique au consommateur en disant "bon là j'ai un gage de qualité".
08:00 Mais bon, ensuite, pour revenir du coup...
08:06 Vous, vous trouvez que c'est trop ce que vous avez à faire pour l'environnement sur votre exploitation ?
08:11 On s'est installé en 2014, ça n'a pas changé la face du monde.
08:16 Ce qu'on faisait, l'audit nous l'a validé.
08:20 Vous n'avez pas changé vos pratiques ?
08:22 On travaille en bon père de famille.
08:24 Et quand on nous dit "attention, le glyphosate", on se mécanise, on désherbe mécaniquement, on n'emploie plus ce glyphosate.
08:39 Sur notre exploitation, après, on fait des efforts.
08:43 Vous avez l'impression d'avoir fait tous les efforts qu'on vous a demandé depuis votre installation et de ne pas avoir le résultat derrière ?
08:50 On n'a pas le retour. On a ses certifications à payer, on a ses assurances à payer, on a beaucoup de choses.
08:58 Tous les mois, on travaille pour tout le monde, sauf pour nous.
09:02 On paye tous les gens qui gravitent tout autour.
09:07 Vous avez vous quelques employés, quelques saisonniers, c'est ça sur l'exploitation ?
09:10 On a des saisonniers sur l'activité maraîchère, pas du tout sur la partie viticulture.
09:15 Et il nous en faut, parce que sur le maraîchage, on a besoin de main d'oeuvre.
09:21 C'est une symbiose. On s'entraide, on est tous là, toute la saison, la main dans la main, à travailler,
09:33 à pouvoir apporter des fruits et des légumes sur nos étals, parce qu'on fait de la vente directe.
09:38 C'est cette colère, ce ras-le-bol qui s'est accumulé, que vous allez exprimer sur le cortège.
09:43 Merci beaucoup Maéva Humbert-Bouloc d'avoir été avec nous ce matin du domaine BH à Villevers.

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