Laurie Darmon a invité plusieurs artistes, dont sa complice Joyce Jonathan, à raconter sur scène, via leur art, le regard qu’ils posent sur leur apparence, à se livrer sur leur confiance en eux. spectacle intitulé "Corps à cœurs", de retour pour une troisième édition sur la scène parisienne des Folies Bergère lundi 29 janvier 2024, est aussi devenu un recueil de précieux témoignages récolté par Laurie Darmon et paru il y a quelques jours chez Robert Laffont. Un projet qui fédère, ô combien nécessaire.
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00:00 J'ai pensé que j'étais guérie, en fait.
00:01 Sauf que j'avais toujours pas récupéré mes règles.
00:03 Et c'est...
00:05 -Récupérées.
00:06 -Pas récupérées, mais celles-là...
00:08 -Tu m'allais chercher à l'école, alors.
00:11 -Je suis maman d'une petite fille de 3 ans.
00:17 J'ai pas choisi d'être maman pour le timing.
00:20 C'est vraiment lié à une rencontre que j'ai faite.
00:22 Chaque histoire est différente.
00:23 Le fait de rencontrer quelqu'un, pour moi, a joué,
00:26 mais ça peut ne pas jouer.
00:27 J'ai aussi des mamans qui sont seules
00:30 et qui sont tellement heureuses d'être mamans.
00:32 On peut aussi ne pas avoir envie d'être maman,
00:33 se dire que c'est pas pour nous,
00:35 qu'on adore les cousins des autres, les neveux, les nièces...
00:39 Ou pas.
00:40 Je veux dire, chacun doit être aligné avec ce qu'il ressent.
00:43 Et c'est sûr que dans la société actuelle,
00:45 même si ça évolue,
00:47 on a toujours quand même des remarques,
00:49 souvent de la famille.
00:50 "Alors, t'en es où ? Pourquoi ?"
00:52 Et tu en viens à te justifier, en fait, de vivre ta vie,
00:56 comme tu l'entends.
00:57 Je trouve que c'est pas normal de devoir se justifier.
01:00 Le fait de tomber enceinte,
01:01 j'ai eu l'impression que c'était plus ma mère qui comptait.
01:05 En fait, ma mère reste ma mère, évidemment.
01:07 Avant, la maman, c'était ma maman.
01:09 Et maintenant, la maman, c'est moi.
01:10 Et le fait d'être maman me donne un rôle très puissant
01:15 et j'ai l'impression de devoir beaucoup plus prendre en main ma vie.
01:19 J'ai fait 10 ans d'anorexie mentale,
01:23 mais j'ai pensé être guérie au bout de 5 ans,
01:26 puisqu'au bout de 5 ans, j'ai remangé davantage,
01:29 plus normalement, et j'ai repris du poids.
01:31 Et quand on me regardait, on pouvait moins me sentir malade.
01:35 Pendant les 5 premières années,
01:37 j'avais quand même quelque chose de très figé, de très contrôlé.
01:41 Ça se voyait.
01:42 Et ça me ramenait à un état d'enfant, on aurait dit une enfant.
01:46 Après, j'ai grossi, mais j'ai pensé que j'étais guérie.
01:50 Sauf que j'avais toujours pas récupéré mes règles.
01:52 Et c'est...
01:53 "Récupérer."
01:55 J'avais pas récupéré les règles.
01:57 -Si tu m'allais chercher à l'école.
01:59 -Vraiment, j'avais toujours pas été passer les points.
02:02 -Tu m'avais passé chercher un colis, mes règles, il y avait que le colis.
02:07 -J'avais toujours pas les colis, j'avais jamais comment le dire.
02:09 Mais j'avais effectivement toujours pas mes règles.
02:12 Et puis, j'étais toujours triste. Tout le temps.
02:15 En fait, j'avais pas de désir.
02:17 Mais j'entends "désir" au sens de l'envie de...
02:21 C'est quand mes règles sont revenues
02:24 et le désir s'emparait de moi
02:26 quand je me suis mise un petit peu au bord d'une falaise,
02:29 au sens figuré du terme, à savoir j'ai tout quitté dans ma vie,
02:32 en me disant "bon, soit je suis triste pour de vrai,
02:35 c'est ma personnalité, et OK,
02:37 soit il y a un truc, il y a un feu qui est vraiment là quelque part
02:41 et il faut que j'aille le chercher,
02:42 et surtout, il faut que, pour le savoir, je quitte tout dans ma vie
02:45 et je sois au contact de ce qui me fait le plus peur, en fait,
02:48 puisque quand on est anorexique, on est dans un contrôle phénoménal,
02:51 à savoir au contact de la liberté.
02:53 Et donc, j'ai tout quitté,
02:55 mon entourage professionnel, mon mec,
02:58 avec qui j'étais depuis longtemps.
02:59 En tout cas, ça fait beaucoup de choses quand t'as des repères et tout ça.
03:03 Et plus personne ne m'attendait nulle part, quelque part.
03:06 -Sauf Meryl. -Sauf Meryl. Et sauf moi.
03:08 Sauf moi, peut-être, la femme qui était en moi.
03:13 Et ça, ça a été fou et merveilleux de la voir sortir,
03:17 s'emparer de moi.
03:18 Le désir, ça se cultive.
03:19 Il faut faire attention, c'est fragile.
03:21 Moi, j'ai tellement eu conscience du fait qu'on peut ne plus en avoir
03:24 que du coup, je fais toujours attention à le suivre
03:27 comme si c'était un guide qu'on sous-estime beaucoup trop, d'ailleurs.
03:31 Je crois que j'aurais aimé avoir plus de solutions,
03:37 plus de clés au moment où ça n'allait pas.
03:39 Et pour le coup, je regardais des vidéos sur Internet, des témoignages.
03:44 J'essayais vraiment de trouver des issues et je me dis,
03:46 j'aurais eu comme ça la connaissance d'un spectacle comme "Core à coeur",
03:50 ça m'aurait vraiment aidée d'écouter plein de témoignages différents.
03:54 Dans le livre de Laurie, on a eu un entretien à la fois de copine,
03:58 parce qu'on est copine,
04:00 et aussi, je savais que c'était dans l'optique de ce livre.
04:04 C'est très dur de parler de son rapport au corps sans en avoir honte.
04:09 Mais je pense que c'est important,
04:12 comme je me sens beaucoup plus libérée aujourd'hui.
04:14 Je me dis que c'est super aussi de pouvoir dire à des femmes
04:19 ou même à des hommes qui se prennent beaucoup la tête avec le corps
04:22 qu'on peut se libérer.
04:23 Je me libère, mais grâce aux gens qui me permettent de me libérer aussi,
04:27 grâce aux personnes qui m'écoutent et grâce à Laurie.
04:30 Laurie, elle m'a écoutée et elle m'a permis de me libérer aussi.
04:33 -C'est mutuel.
04:34 C'est mutuel.
04:36 Quand elle me raconte son témoignage, son histoire,
04:39 ça pense, ça soigne le mien aussi.
04:42 (rires)
04:43 (musique)