• l’année dernière
Jacques Pessis reçoit Kent : créateur de Starshooter, il a aussi signé des chansons pour Enzo Enzo et des BD. Il est en tournée avec son nouvel album. Il va la conclure à Lyon, où il est né, et où Sud Radio est maintenant sur 105.8.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-01-31##

Category

🎵
Musique
Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05 Vous avez mené une carrière qui a débuté par des cheveux couleur verte,
00:09 avant de transformer ces cheveux et votre carrière en un arc-en-ciel d'activité,
00:14 parfois en vert, mais jamais contre tous et surtout pas contre le public.
00:18 Bonjour Kent.
00:19 Bonjour.
00:19 Alors c'est vrai que vous revenez aujourd'hui avec Kent en scène,
00:22 un double CD qui reprend des chansons de concert que vous avez réalisées,
00:28 parce que vous avez fait tellement de choses que quelquefois on s'y perd
00:31 et je pense que les clés d'une vie vont permettre de remettre dans l'ordre toutes ces activités.
00:35 Vous n'avez jamais arrêté ?
00:36 Non, non pas vraiment.
00:38 Voilà, vous avez raison.
00:39 Alors on va évoquer ces activités, d'autant plus que depuis deux jours,
00:42 nous sommes à Lyon sur 105.8 et que Lyon est cher à votre cœur.
00:46 Tout à fait, oui.
00:47 On va en parler, mais avant on va revenir à une date importante
00:51 qui est le 21 mai 1978, votre première télévision avec cette chanson.
00:56 J'ai jamais vu ça, moi, une vie comme ça, et je dansais, je me suis défoncé.
01:03 Betsy Party, c'est l'émission Blue Jeans de Jean-Loup Lafond
01:07 où vous êtes avec Starshooter, vous en souvenez ?
01:10 Oui, je m'en souviens très bien, parce que c'était notre première émission en télévision, bien sûr.
01:13 C'était émouvant ?
01:15 C'était émouvant, surtout pour ma mère je pense.
01:18 Parce que ça faisait quand même quelques années auparavant où j'avais arrêté mes études
01:21 et je travaillais à droite à gauche et elle se demandait pourquoi j'avais fait ça,
01:25 alors que j'étais censé être doué et donner l'exemple dans la famille.
01:30 Et quand elle m'a levé à la télévision, elle a compris que j'avais eu raison de m'en têter.
01:35 Jean-Loup Lafond était à l'époque l'animateur préféré des jeunes,
01:38 à la fois sur Europe 1 et à la télévision,
01:40 et c'est vrai que les jeunes suivaient le mouvement.
01:43 Starshooter, ça a tout de suite marché ?
01:45 Oui, ça a tout de suite marché, sans compter les années de répétition dont je parlais juste avant.
01:50 Mais disons qu'à partir du moment où on est monté sur une scène,
01:53 c'était une question de quelques mois pour se faire connaître.
01:58 Mais parce que je pense qu'il y avait une attente du côté de notre génération,
02:02 de cette jeunesse, il y avait une attente d'une musique plus dynamique
02:08 et rentre dedans avec des paroles qui parlaient d'eux.
02:11 Alors le groupe je crois il est né d'abord sur les bancs du collège à Lyon ?
02:14 Oui, bien sûr, il est né, j'étais en troisième,
02:17 il était au fond de la classe comme tout bon...
02:21 Kankre ?
02:21 J'osais pas dire kankre, parce qu'on n'était pas des kankres,
02:24 on était un peu des chemins footistes.
02:26 Et puis voilà, on préférait écouter des disques que faire nos devoirs,
02:30 et c'est comme ça qu'on a monté le groupe.
02:32 Et c'est vrai que vous arrivez un jour à la maison et vous dites à votre mère
02:36 que vous allez vous faire teindre les cheveux en vert ?
02:38 Ah, vous en savez des choses, c'est incroyable !
02:40 Oui, c'était pour un anniversaire, je crois que c'était pour mes 16 ou 17 ans,
02:45 et à l'époque je prêtais ma tête à un coiffeur,
02:48 parce que j'aimais bien faire des expériences,
02:51 et il m'avait dit "ah, j'ai reçu des teintures de couleurs",
02:55 mais alors c'était pas blond, auburne, c'était vert, bleu...
02:59 Je me suis dit "ah, je suis très tenté, je veux bien faire les cheveux verts pour mon anniversaire".
03:03 Je l'ai dit à ma mère, elle a pas cru, elle a continué à couper les carottes pour la cuisine,
03:08 et puis quand le lendemain je suis arrivé avec les cheveux verts, c'était...
03:11 mal pris, on va dire.
03:13 Ça a duré 24 heures ?
03:14 Ça a duré 24 heures, oui, j'ai pas eu le droit de rentrer chez moi
03:18 tant que je ne m'étais pas fait redéteindre les cheveux.
03:21 Je crois qu'il y a un professeur d'allemand aussi qui a très mal pris la chose.
03:24 Ben, disons qu'il a bien pris, il l'a pris avec les doigts, justement.
03:29 Quand il m'avait débarqué dans la classe avec les cheveux verts,
03:33 il a tiqué, il a dit "c'est pas possible",
03:36 il pensait que c'était une perruque, il m'a dit "enlevez tout de suite cette perruque".
03:40 Et toute la classe s'est esclafée, parce qu'ils savaient très bien que c'était pas une perruque,
03:44 et là il s'est approché de moi rapidement,
03:46 il m'a pris les cheveux comme ça, avec la main, il a tiré,
03:49 c'était mes vrais cheveux, il a dit "c'est pas vrai, c'est pas possible, c'est pas possible".
03:52 Bon voilà quoi, surprise.
03:54 À l'époque, c'était pas courant ça, Kent ?
03:56 C'était... Je devais être le seul sur terre à avoir les cheveux verts.
04:00 Parce qu'aujourd'hui, on croise même dans le métro,
04:02 des punks qui ont les cheveux de couleur particulière,
04:04 mais à l'époque, ça n'existait pas.
04:06 Ah ben, j'étais même pas punk, j'étais juste un jeune garçon qui voulait avoir les cheveux verts, c'est tout.
04:11 Et vous aviez, à cette époque, c'était toujours musique glam rock, genre David Bowie ?
04:16 Oui, voilà, l'inspiration venait de là,
04:18 parce qu'il avait les cheveux roux, presque rouges et tout ça,
04:23 donc ça venait de là, bien sûr.
04:24 Et David Bowie, d'ailleurs, on a un peu oublié,
04:27 tout à fait débutant, il tombe sur une maquette à Londres d'une chanson qu'il enregistre,
04:31 il ne la sortira pas, et quelqu'un d'autre la sortira, c'était "My Way".
04:34 La première version de "My Way", c'est David Bowie qui l'a enregistrée en maquette seulement.
04:38 Il devait traduire en anglais les paroles, et il a fait un texte qui n'a pas plu.
04:43 Au bout du compte, c'est Paul Anka qui a fait le texte.
04:46 Après, parce que d'abord, comme d'habitude, la chanson a été refusée par Hugo Fray,
04:49 elle est devenue, comme d'habitude, par Claude François,
04:51 Paul Anka l'a entendue et l'a traduite pour Sinatra.
04:53 Voilà.
04:54 Alors, la musique, ça vient d'où cette passion, Kent ?
04:57 Ça vient de l'ennui, je pense.
04:59 J'étais un enfant unique, élevé par sa grand-mère essentiellement,
05:04 et donc je passais mon temps, en fait, à écouter la radio,
05:08 et j'aimais bien les chansons qui passaient.
05:10 J'avais des plus grands cousins que moi, qui avaient une dizaine d'années de plus,
05:14 qui m'emmenaient dans leurs surprise-parties aussi.
05:16 Donc j'ai appris à danser le twist à 3 ans.
05:18 Ah oui ? Ah, quand même !
05:19 Voilà, oui, quand même.
05:20 Et donc il y avait ça de ce côté.
05:22 Puis l'autre côté de l'ennui, c'était aussi la bande dessinée,
05:25 le journal de Mickey le jeudi.
05:26 On va en parler tout à l'heure.
05:27 Voilà.
05:28 C'est ce qui fait que j'ai meublé mon ennui avec ça, et c'est bien.
05:32 Alors, Kent n'est pas votre vrai nom, c'est Hervé Despès, je crois.
05:35 Oui, Hervé Despès.
05:36 Et vous avez grandi à Lyon.
05:37 C'est très particulier, sur les pentes de la Croix-Rousse.
05:40 C'est pas n'importe quoi à Lyon.
05:42 Alors, pour être plus précis, je suis né à la Croix-Rousse,
05:45 et je suis tout de suite allé vivre à Mont-Luel,
05:49 qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de Lyon.
05:53 Ma petite enfance s'est passée là.
05:56 Et après, je suis revenu sur Lyon avec mes parents,
05:58 Calvire, qui est l'immitrophe avec la Croix-Rousse.
06:01 Et j'ai pu vivre à la Croix-Rousse quand j'ai vécu de ma vie,
06:06 quand j'ai quitté mes parents.
06:08 Mais à la Croix-Rousse, c'est très particulier parce qu'on descendait en ville.
06:11 Oui, on descendait en ville, et j'ai même connu à cette époque-là
06:15 des gens qui ne descendaient pas en ville,
06:18 qui disaient "ça fait bien 15 ans que je suis pas descendu en ville".
06:23 Alors que quand même, ça dure 10 minutes la descente.
06:25 Quatrième ou premier arrondissement, je crois.
06:27 Voilà, c'est ça.
06:28 Ce qui est amusant maintenant, c'est que des amis de mon âge
06:32 se comportent ainsi maintenant.
06:34 Quand je vais les voir et je leur dis "alors, ça va ?
06:37 Vous êtes toujours contents d'être à la Croix-Rousse ?
06:39 "Oh, ça fait bien 15 ans qu'on n'est pas descendus en ville."
06:41 Ça m'amuse complètement. C'est vraiment un village à part.
06:44 - Oui, et je crois qu'en plus, il y avait deux groupes sociaux à une époque.
06:46 Il y avait un groupe qui était voué à la prière et à la méditation,
06:48 dans des enclos religieux,
06:50 et un groupe qui travaillait une population laborieuse,
06:53 des marchands, des fabricants.
06:55 C'est le mélange des deux qui existait à la Croix-Rousse à l'époque.
06:58 - C'est les canuts.
06:59 C'est les canuts qui...
07:00 Justement, tous ces...
07:03 Comment ?
07:04 Tous ces beaux appartements qu'on voit à la Croix-Rousse maintenant,
07:07 qui sont d'anciens ateliers de canuts,
07:09 c'est là où on faisait les vêtements des prêtres, des évêques et tout ça,
07:15 qui, eux, officiaient sur l'autre colline.
07:17 Parce que la Croix-Rousse, c'est une colline,
07:18 et en face, c'est Fourvière.
07:20 Donc c'était les deux collines ennemies.
07:22 - Alors, il se trouve que si vous êtes élué par votre grand-mère,
07:26 c'est que vos parents travaillent du matin au soir.
07:29 C'est ce qu'elles disaient à l'époque.
07:30 - Oui, oui, ça m'a toujours semblé naturel,
07:32 parce que je suis de ce milieu-là.
07:34 C'est-à-dire que mes parents...
07:35 Si j'habitais chez ma grand-mère,
07:37 c'est que mes parents travaillaient six jours sur sept, environ.
07:39 Je dis environ, parce que des fois, ils avaient cinq jours sur sept.
07:42 Et ils se levaient à 5h du matin pour aller travailler à Lyon, justement.
07:45 - À l'usine.
07:46 - Oui, à l'usine, tous les deux.
07:47 Ils rentraient tard le soir, donc je les voyais le soir avant d'aller me coucher,
07:50 et puis je les voyais le week-end.
07:52 - Alors, Montuel dont vous parlez, c'est un village...
07:54 Il y a 3000 habitants, maximum.
07:56 - À cette époque-là ?
07:58 - Entre 2000 et 3000, j'ai regardé.
07:59 - Ah, bien !
08:00 - Et ce village, vous le connaissez par cœur, vous y revenez régulièrement.
08:03 - Oui, je suis assez nostalgique des lieux de mon enfance.
08:07 Et l'intérêt, en plus, de Montuel, c'est que ça n'a pas changé,
08:11 parce qu'il a un centre historique, en fait.
08:13 Il y a quelques bâtiments du XIIIe siècle
08:16 qui font qu'on ne peut pas dénaturer le centre de la ville.
08:20 Donc je retrouve mes marques tout le temps.
08:23 - Il y a une madone aussi qui vous émeut.
08:25 - Ah, beaucoup !
08:25 Ça, c'était la balade avec ma grand-mère le jeudi.
08:29 On montait là-haut parce qu'il y a le cimetière,
08:31 et une madone juste à côté, c'est une colline qui domine
08:35 à la fois la ville ou le village,
08:38 et qui domine tout le paysage alentour.
08:41 J'ai beaucoup rêvé, là.
08:42 - Et ça inspire ensuite des mélodies, des musiques,
08:45 ou c'est un rêve personnel que vous aviez ?
08:49 - Ça a inspiré des chansons, des musiques, oui, effectivement.
08:53 Je ne veux pas dire que j'y retourne régulièrement,
08:56 mais quand je peux, j'y vais.
08:58 Me retrouver là-bas, c'est étonnant de ressentir
09:00 des sensations de l'enfance.
09:03 - Et il y a un autre chanteur qui est né, justement, à Montuel,
09:06 et qui a eu son heure de gloire en 68.
09:09 Il s'appelait Évariste, et il chantait
09:11 "Connais-tu l'animal qui inventa le calcul intégral".
09:13 - Allez, il est de mon âme !
09:15 - Who told me ?
09:15 - Dis-moi !
09:17 - Do you know that beast ?
09:19 - Connais-tu le général ?
09:21 - Who discovered ?
09:22 - Il s'appelle Joel Stenemer, il a 80 ans aujourd'hui.
09:25 Il a été un chercheur indépendant,
09:27 et il est à l'origine d'une théorie sur des phénomènes vibratoires.
09:30 - J'ignorais qu'il était de mon âme !
09:32 - Vous connaissez la chanson, il a eu son heure de gloire, Évariste,
09:34 mathématicien chanteur.
09:36 - Ah oui, je connais quelques titres de lui,
09:38 parce qu'en 68, j'étais encore assez jeune.
09:41 - Mais il est né à Montuel, il a grandi là-bas avant de venir à Paris
09:44 et de se mettre à faire de hautes études.
09:46 - Ah, c'est fou, ça !
09:47 - C'est fou, hein !
09:48 Alors, le groupe, quand je parle du lycée,
09:51 c'est le lycée Saint-Exupéry aussi, où tout a commencé.
09:54 - Oui.
09:55 - Parce qu'il y avait le collège et le lycée.
09:57 - Oui, en fait, j'ai fait un aller-retour aussi avec le Saint-Ex...
10:02 Enfin, je dis Saint-Exupéry,
10:04 j'ai passé ma 6e et 5e à Saint-Exupéry.
10:09 Ensuite sont arrivés les collèges, la séparation des générations,
10:13 donc j'ai fait mes 4e et 3e au CES André Lassagne et K.Lui,
10:18 et je suis revenu pour faire ma 2e et 1re terminale à Saint-Exupéry.
10:23 - Et vous aviez des envies autres que la musique à l'époque, Kent ?
10:26 - Mais au départ, dès l'enfance, je voulais être dessinateur de bande dessinée.
10:30 - Oui.
10:30 - Ça, c'était inscrit, je voulais faire ça.
10:33 Et puis un jour, l'adolescence, je touche une guitare,
10:38 j'écoute des disques et j'ai envie de monter un groupe.
10:40 Donc j'ai fait les deux comme ça, parce que c'était deux passions, à vrai dire.
10:46 - Et vous continuez à les vivre et nous, on va continuer à vous écouter
10:49 raconter ces passions à travers une autre date, le 15 février 1995.
10:55 A tout de suite sur Sud Radio, avec Kent à Lyon.
10:59 Et je rappelle que nous sommes maintenant sur 105.8 à Lyon et nous en sommes très heureux.
11:03 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:06 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Kent, lyonnais.
11:09 Je rappelle que nous sommes maintenant sur 105.8 à Lyon et nous sommes très heureux.
11:13 - Et ça tombe bien que vous soyez lyonnais, que vous évoquiez votre carrière aujourd'hui.
11:16 Alors, on a parlé de vos débuts au lycée, du début de Star Shooter, on va y revenir.
11:21 Mais surtout, il y a une date importante dans votre carrière, c'est le 15 février 1995,
11:27 le soir où vous obtenez une récompense officielle grâce à cette chanson.
11:31 * Extrait de "Quelqu'un de bien" de Juliet de Greco *
11:44 Une victoire de la musique au Palais des congrès, artiste féminine de l'année avec Enzo Enzo.
11:49 Et ça, c'est vous qui êtes à l'origine, Kent.
11:52 - En tout cas, je suis à l'origine de la chanson, je l'ai écrite et composée.
11:56 Après, je crois à la création dans le sens Juliet de Greco.
12:00 Je pense qu'Enzo Enzo a créé la chanson réellement.
12:04 Si ce n'était pas elle qui l'avait chantée, elle n'aurait pas eu ce succès.
12:07 Je crois sincèrement.
12:09 - Mais comment est né ce projet ? Parce qu'au départ, Star Shooter et "Quelqu'un de bien", ça n'a rien à voir.
12:13 - Mais il s'est passé des années entre-emmens.
12:15 - Oui, on va en parler.
12:16 - Il s'est passé facilement presque 20 ans.
12:18 C'est une évolution, c'est tout.
12:20 Enfin, il n'y a pas qu'évolution.
12:23 Je pourrais dire qu'à l'époque de Star Shooter, j'étais brut de décoeuvrage parce que je le voulais bien.
12:26 Mais avant Star Shooter, beaucoup de musique m'intéressait.
12:31 La chanson m'intéressait en général.
12:33 Après, j'ai pris un parti pris pour faire parler de moi.
12:36 - Et Enzo Enzo, c'est une rencontre ?
12:38 - Oui, c'est une rencontre de l'époque Star Shooter d'ailleurs.
12:42 Elle officiait comme bassiste dans un groupe qui s'appelait Lily Drop.
12:46 On s'est rencontrés sur des concerts, des émissions de radio, de télé.
12:51 On était amis, enfin copains.
12:54 C'est la première femme, non c'est idiot,
12:59 c'est le premier interprète qui m'a demandé de lui écrire des chansons.
13:04 Avant, j'écrivais pour moi essentiellement.
13:08 Ça m'aurait pu d'écrire pour les autres, mais on ne venait pas me chercher.
13:13 Un jour, à la sortie d'un concert, elle m'a écrit une lettre en disant
13:16 "J'aime beaucoup tes chansons, Kent, je voudrais que t'écrives pour moi."
13:20 Alors j'ai écrit pour son premier album, puis le second où il y a eu juste quelqu'un de bien.
13:23 - Ça a été une surprise pour vous d'avoir ce trophée, qu'elle reçoive ce trophée ?
13:29 - Ça a été une surprise dans le sens où...
13:32 D'abord, j'ai beaucoup apprécié qu'elle me fasse monter sur scène à la remise du trophée
13:37 parce que c'était la reconnaissance de l'auteur ou du compositeur, ce qui ne se faisait pas auparavant.
13:42 Avant, le interprète prenait ça pour lui, puis c'est tout, point.
13:44 Et là, elle a dit "Je veux que Kent me rejoigne sur scène", parce que c'est lui qui écrit les chansons.
13:48 J'avoue que c'était un beau cadeau qu'il me faisait.
13:51 - Oui, je crois que seule Edith Piaf faisait ça.
13:54 Avant, ses chansons, elle citait l'auteur et le compositeur.
13:57 Il y avait notamment Charles Dubon, et quand elle était en colère contre Dubon pour une raison ou pour une autre,
14:01 elle disait "Une chanson de Charles Ducon".
14:05 - J'espère qu'Enzo n'a pas fait ça avec mon nom.
14:08 - Il y avait quand même Yann Follier et Véronique Sanson, elle a été sacrée.
14:11 C'était un moment d'émotion, même pour vous, outre le fait d'être monté sur scène,
14:14 de cette reconnaissance pour Enzo Enzo.
14:16 - Oui, oui, c'était totalement inattendu.
14:18 C'était tellement inattendu, en fait, pour vous dire,
14:22 quand son disque est sorti, moi j'étais déjà en tournée,
14:25 elle n'avait pas beaucoup de concerts, et on s'était vu, elle m'avait dit
14:28 "Ecoute, on a des musiciens en commun, on pourrait faire une tournée ensemble,
14:32 comme ça on aura plus de concerts, si on allie nos deux répertoires".
14:37 Et puis on a dit "D'accord, on va faire ça".
14:39 Donc on a commencé à monter cette tournée avant que le succès arrive.
14:44 Et j'ai vu que Canobien a commencé à démarrer en radio, à monter, à monter.
14:48 Il y a eu cette reconnaissance des Victoires de la Musique,
14:52 et on est parti en tournée juste après, c'était fou,
14:54 parce que cette tournée qui devait être une petite tournée amicale,
14:57 avec on essaye de remplir les salles, on a fait des zéniths.
15:00 - C'est fou.
15:01 Alors, moi en revanche, je trouve que je l'ai reçue dans les Clés d'une Vie,
15:04 avec son nouvel album, elle n'a pas le succès qu'elle mérite.
15:07 - Ah ben, je suis bien d'accord avec vous.
15:09 - Je me souviens, son deuxième album, elle avait fait un grand rout dans un train,
15:14 une sorte d'Orient Express à Reims avec des journalistes.
15:17 Ça n'a rien apporté.
15:18 Elle a un autre talent et elle peut faire beaucoup d'autres choses.
15:21 - Oui, oui, mais alors là, que vous dire ?
15:25 Qu'il faut-il juger ? Le public, les médias ?
15:27 - C'est votre choix.
15:29 - Je n'ai pas la réponse.
15:30 - Alors, il y a eu Enzo, et avant on revient infiniment à Star Shooter,
15:33 parce qu'au départ, vous avez commencé en faisant les premières parties
15:37 de Iggy Pop, de Jacques Higelin, c'était le point de départ.
15:41 - Oui, c'est par une première partie de Jacques Higelin qu'on s'est fait vraiment connaître
15:45 et qu'on a pu faire notre premier disque.
15:47 Voilà, quoi.
15:47 Et puis après, une fois que le disque est sorti,
15:50 effectivement, on s'est retrouvé en première partie d'Iggy Pop à l'Hippodrome,
15:54 je crois que c'était, à Pantin.
15:56 Et là, on était dans le dur, là, parce que le public d'Iggy Pop,
16:00 à l'époque, le public rock, c'était un public méchant.
16:04 - Oui, et à l'époque, Iggy Pop faisait des tas de choses.
16:06 Je me souviens d'un jour, une photo où il se cassait des morceaux de verre
16:11 jusqu'à se faire saigner.
16:12 J'ai voulu faire un article là-dessus.
16:14 La presse française dit "non, non, on ne parle pas de ce genre de choses,
16:16 ça ne marchera jamais".
16:17 - Voilà.
16:17 - On voit le succès depuis.
16:18 - Voilà, c'est ça.
16:19 Et c'était...
16:21 Pour cette première partie, on s'en est bien tiré
16:22 parce qu'on recevait des canettes à peine montées sur scène.
16:25 Et comme on a réussi à tenir 30 minutes en jouant,
16:28 à la fin, c'était bon, on était, comment dire, adoubés par le public rock.
16:33 - C'était comme à la Casar de Marseille,
16:35 où on vous jetait des tomates, des fraises, tout ce qui pouvait exister.
16:39 Et un jour, il y a un monsieur qui reçoit des tas de choses sur scène
16:43 et sa femme en coulisse continue à tricoter.
16:46 "Votre mari reçoit des tomates sur scène, ça ne vous gêne pas ?"
16:49 Elle fait "Oh non, c'est rien, hier, ils me l'ont battue".
16:53 C'est vous dire l'esprit qui existait.
16:55 Alors, à l'époque, vous vous appelez Kent Hutchinson.
16:59 À cause ou grâce à Starsky et Hutch ?
17:01 - Oh, pas du tout.
17:01 Alors, vous savez quoi ?
17:03 Je regardais Starsky et Hutch,
17:04 j'ignorais que Hutch, c'était Hutchinson.
17:07 Je me rappelais de Kent et donc de Starsky.
17:11 Mais franchement, Kent Hutchinson, j'ai découvert ça après.
17:14 - C'est fou.
17:14 - C'est fou.
17:15 Alors, moi, je m'appelais Kent Hutchinson
17:16 parce qu'on s'était donné des pseudonymes anglais,
17:21 mais qu'il fallait que ça se voit que ce soit anglais.
17:24 Parce qu'on ne voulait pas être pris au sérieux.
17:26 On ne voulait pas dire qu'on se faisait passer pour des Anglais ou des Américains.
17:29 Donc, voilà.
17:30 Donc, il y avait Jello à la guitare, il y avait Mickey à la basse,
17:33 il y avait Phil Pressing à la batterie,
17:35 puis il y avait Kent Hutchinson au chant.
17:37 Donc, ce n'était pas sérieux.
17:39 Et moi, ça vient vraiment de noms que j'ai vus,
17:43 que je trouvais que graphiquement, c'était bien.
17:45 Hutchinson, c'était mes baskets.
17:46 - Voilà.
17:47 - Les baskets Hutchinson.
17:48 - Mais il y a un groupe comme ça qui a très bien marché en 1970 sous pseudonyme
17:52 avec Ramon Pippin, avec Kostrick Premier,
17:54 qui est au bonheur des dames.
17:55 - Oui, oui.
17:56 - C'était des odeurs, c'était aussi des phénomènes.
17:58 Ils appliquaient le même principe que vous.
18:00 Ils avaient d'autres métiers.
18:01 Kostrick Premier était dentiste et sur scène, ils étaient dans le délire total.
18:05 - Oui, oui, oui.
18:05 C'était d'ailleurs une référence pour nous quand on a commencé à gratter les guitares
18:09 et à jouer dans les booms.
18:11 Notre répertoire était monté d'abord des disques qu'on écoutait.
18:15 Alors, c'était voilà, au bonheur des dames, c'était David Bowie,
18:19 c'était Status Quo, des gens comme ça.
18:21 - À l'époque de Star Shooter, il y a une chanson quand même qui a posé des problèmes pour vous,
18:24 c'était Get Back, qui reprenait les Beatles à votre façon.
18:29 - Oui, oui, c'était un peu la recherche de la provoque.
18:34 En fait, ça rejoint deux choses.
18:36 À cette époque-là, moi, je travaillais encore,
18:39 enfin, quand j'écris les chansons, j'étais aide-magasinier dans une usine de moules de plastique.
18:43 Je passais ma journée à charger des camions de cartons, de cuvettes,
18:49 de tout ce qu'on veut en plastique.
18:51 Et on écoutait une radio, je ne sais plus laquelle.
18:53 C'était au moment où étaient sorties ces compilations des Beatles bleues et rouges.
18:57 Et la radio passait un Beatles par heure.
19:01 Mais j'en avais une overdose, j'en pouvais plus.
19:03 En me disant "punaise, moi je suis dans un groupe dont on ne parle pas du tout
19:06 et on est en train de passer un groupe mort à la radio une fois par heure".
19:10 Et donc, j'ai un peu chopé les boules et j'ai écrit un brûlot là-dessus.
19:15 Je ne m'attaquais pas vraiment à leur musique,
19:16 je m'attaquais à ce système qui entretenait un groupe qui avait disparu en quelque sorte.
19:25 Et puis on se rendait bien compte qu'en jouant fort la Provox,
19:30 on allait faire parler de nous et c'est passé comme ça.
19:32 - Je crois que le disque a été retiré au bout d'une semaine ?
19:35 - Oui, parce qu'en fait on avait signé chez Pat et Marc Connie
19:38 et le 45 Tours est sorti un peu en loose day
19:41 parce que Philippe Constantin qui nous avait signé n'allait pas signaler à la direction en quelque sorte.
19:45 Et Pat et Marc Connie distribuaient les disques des Beatles.
19:47 Donc quand la direction s'est rendue compte qu'il y avait dans les magasins
19:51 un disque de Star Trek qui s'appelait "Get Back"
19:54 qui insultait les Beatles, ils ont fait retirer l'évent tout de suite.
19:58 - Alors il y a aussi un groupe, il semble que ce soit vous, mais c'est aussi pas certain,
20:01 qui s'appelle Scooters Kent.
20:03 - Oui.
20:04 - Ça c'est vous aussi ?
20:05 - Oui, c'est nous aussi.
20:07 C'était une manière aussi de participer au mouvement punk,
20:13 je dirais, je sais pas, de New Wave de l'époque.
20:15 C'est un petit label, Skyrock, qui sortait une compilation de groupes
20:20 et Marc Zermatti nous a demandé si on voulait participer à la compil,
20:28 on a dit "oui bien sûr", mais on ne peut pas le faire sous notre nom,
20:31 donc on a trouvé un pseudonyme.
20:33 - "Starshooters" a été 4 ans de folie.
20:35 - Ouais, 5 années, 5 années d'intenses.
20:38 Je compte pas les années précédentes dont je vous parle un petit peu,
20:41 sur les années lycées et tout ça, qui sont des années de doute aussi,
20:45 et puis de mise en train, mais pendant 5 ans ça a été extrêmement intense.
20:50 C'est un album par an, plus des 45 tours entre les albums,
20:53 des tournées en veux-tu en voilà, c'est bon.
20:56 - Vous aviez eu envie de faire autre chose ?
20:58 - À ce moment-là j'avais pas envie de faire autre chose,
21:00 ce qui s'est passé c'est qu'au bout de 5 ans, pour être honnête, on stagnait.
21:07 Le téléphone a explosé, monté, monté, monté,
21:12 et puis nous, on montait pas.
21:15 Donc il y a eu un moment donné où on a eu envie de faire un break,
21:19 ce qu'on a fait d'ailleurs, et au bout de 6 mois on s'est retrouvé en se disant
21:22 "Bon on continue ou pas ?"
21:24 Et en fait on avait une tournée dans les casernes françaises en Allemagne,
21:30 donc on s'est retrouvé à faire cette tournée pour voir si on s'entendait toujours bien,
21:34 et puis en conclusion on s'est dit "Bon, tout ça on en a un peu marre quoi."
21:37 - Vous êtes passé à autre chose, alors il y a une autre date qui ne vous concerne pas,
21:40 je vous rassure, mais elle est importante dans votre vie, c'est le 21 octobre 1934.
21:45 A tout de suite sur Sud Radio avec Kent.
21:47 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:50 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Kent.
21:53 Kent en scène, c'est un double CD qui sort ces jours-ci, on va l'évoquer.
21:57 On évoquera aussi, parce que je crois que vous êtes en tournée,
22:00 et que vous terminez à Lyon le 7 février.
22:04 - Oui, le 7 février au Radiant à Kelluir, à deux pas du CES dont je parlais tout à l'heure,
22:09 où on a créé le groupe Star Shooter.
22:10 - Voilà, donc ça on va en parler tout à l'heure, et puis ça permet de rappeler que Sud Radio
22:14 est depuis deux jours à Lyon sur 105.8, et donc que celles et ceux qui nous écoutent à Lyon
22:18 pourront encore plus venir vous voir à Lyon le 7 février.
22:21 Alors, il y a une date dans votre vie qui est le 21 octobre 1934, ça ne vous concerne pas,
22:26 mais c'est la sortie du numéro 1 du journal de Mickey.
22:30 - 64 ? - 34 !
22:31 - 34, pardon.
22:33 - C'est-à-dire que chaque jeudi, je crois votre grand-mère vous achetait Mickey,
22:36 c'était le bonheur de votre semaine à l'époque.
22:38 - Oui, ça faisait ma semaine, effectivement.
22:41 Je le lisais de bout en bout, je lisais tout, absolument tout,
22:45 et une fois que j'avais lu le journal de Mickey,
22:50 je redessinais Mickey et les personnages du journal, les héros dans le journal,
22:56 et je dessinais ça sur le papier d'emballage du boucher pour les beefsteaks et tout ça,
23:02 parce qu'on n'avait pas de papier en fait.
23:04 Ma grand-mère n'avait pas assez d'argent pour m'acheter du papier.
23:07 - Vous aimiez dessiner déjà à l'époque ?
23:09 - Oui, énormément, énormément.
23:10 Mais je crois à la vertu de l'ennui.
23:13 Je trouve qu'on ne s'ennuie pas assez aujourd'hui.
23:16 C'est ça qui fait qu'on va prendre un crayon,
23:18 c'est ça qui fait qu'on va rêver,
23:20 rêver une vie et vouloir vivre ses rêves après.
23:23 - Alors il se trouve que le journal de Mickey, il faut le savoir,
23:25 pourquoi il est né ce jour-là ?
23:27 C'est que Paul Winclair, qui était un éditeur célèbre à l'époque,
23:30 va à Londres voir Walt Disney et dit "je voudrais faire le journal de Mickey".
23:33 Il n'en pensait pas du tout à ça, Walt Disney.
23:35 Il a dit "faites ce que vous voulez, mais signez-moi quand même un papier".
23:39 Et Walt Disney a fait une carte de visite où il a dit
23:41 "j'autorise Paul Winclair à faire le journal de Mickey".
23:43 Ce qui a servi de contrat et ça a marché.
23:46 Et le journal de Mickey français est devenu le modèle
23:48 des autres journaux de Mickey dans le monde entier,
23:50 et en particulier en Italie.
23:51 - Ah bah vous me prenez quelque chose.
23:53 - Et c'est vrai qu'à l'époque Mickey c'était un événement.
23:55 Il y avait Mickey à travers les siècles, je crois, pour apprendre l'histoire de France.
23:58 Il y avait des gags, c'était étonnant.
24:01 - Oui, et puis il y avait plein d'autres personnages.
24:04 Il y avait notamment "L'Oncra Cri Cru", c'est une chose qui m'amusait.
24:08 Je ne sais même plus de quoi ça parle, mais il y avait "Pim Pam Poum".
24:11 - Oui, "Pim Pam Poum" qui marchait.
24:13 Il y avait Zorro déjà.
24:15 - Il y avait Zorro, absolument.
24:17 - Donc tout ça marchait bien.
24:19 L'amour de la bande dessinée, c'est venu comment, Kent ?
24:22 - C'est venu en lisant ça, en lisant Mickey.
24:25 Je me souviens justement à Mont-Level, il y avait un ami de mes parents,
24:31 qui n'était pourtant pas un enfant, qui était un adulte,
24:33 mais qui achetait ces fascicules qu'on trouvait chez les marchands de journaux,
24:38 qui étaient des petits bouquins comme ça,
24:40 où il y avait "Foxy et Croa", "Dame Tartine".
24:45 - Oui, "Dame Tartine", "Black le Rock", c'était...
24:47 - "Black le Rock" et tout ça.
24:48 Et donc il me les passait après, et moi c'était un sommet de lecture pour moi.
24:53 Et quand j'ai découvert un premier Tintin, un premier album de Tintin,
24:57 alors là, je rentrais dans le Graal, c'était fou.
25:02 Tintin en Amérique, en album cartonné, c'était fou pour moi.
25:05 - Et il y a un autre rocker qui aimait les bandes dessinées, c'était Eddie Mitchell,
25:09 et je sais que quand justement l'éditeur de Pépito, Sage Editions, a fermé,
25:13 il l'a appris, il est venu un soir et il s'est mis d'accord avec le gardien,
25:16 et il a emporté tous les fascicules qui étaient là, y compris les originaux pour sa collection.
25:20 - Voilà ! Il faut que j'aille le voir !
25:22 - C'était rue Gagé-Gabillaud à Paris, exactement.
25:25 Dans les années 70.
25:26 Alors, de là à devenir dessinateur et de travailler pour Metal Hurlant,
25:30 il y a un pas, comment ça s'est fait, Kent ?
25:32 - Ça s'est fait, je ne saurais pas trop vous dire,
25:36 je continue à dessiner, bon an, mal an, pendant mes loisirs, jusqu'à mon adolescence.
25:42 - Sans prendre de cours, sans faire de formation en particulier ?
25:44 - Ah non, non, mais alors, il faut le savoir qu'à l'époque,
25:46 autant maintenant, dans toutes les écoles de dessin,
25:50 voire même il y a des écoles de dessin spécialisées dans la bande dessinée,
25:53 dans toutes les écoles de dessin, il y a une branche de bandes dessinées.
25:57 Moi, je me souviens très bien de...
26:00 En fait, j'ai eu la chance, si je suis retourné au lycée Sainte-Exupéry en seconde,
26:03 c'est parce qu'il y avait une classe pilote de sélection littéraire avec option artistique.
26:08 Et dans cette option artistique, on avait droit à des heures de dessin et des heures d'histoire de l'art.
26:14 Et j'ai pris ça parce que c'était pour apprendre plus de techniques sur le dessin.
26:20 Et le premier cours que j'ai eu avec le prof de dessin,
26:24 le prof de dessin fait un tour de table, en gros, en demandant à chacun
26:26 pourquoi il choisit cette option artistique.
26:29 Alors bon, je ne sais plus la réponse de chacun.
26:31 En tout cas, quand ça arrive à mon tour, je dis "je veux faire de la bande dessinée".
26:34 Et le prof, il a un haussement d'épaule, il fait "pfff, de la bande dessinée, mais c'est pas sérieux".
26:39 Voilà, on en était là, à cette époque-là, quand même.
26:41 - Ah mais, quand on lisait Spirou ou Tintin ou même Pilote, on était très mal vus.
26:45 - Oui, c'est ça.
26:46 Mes parents ne voulaient pas m'acheter ça.
26:48 Je lisais ça chez les copains, quoi.
26:50 Voilà, donc comment on fait ?
26:53 Ben, on fait bon en malent, quoi.
26:55 C'est-à-dire que j'apprends en lisant, en lisant les bandes dessinées des autres,
26:59 en lisant Udi Arzour, en lisant Hergé, en lisant Gires avec Louberry,
27:04 et d'autres, je sais pas, Tanguy Laverdure.
27:07 J'apprends à dessiner en imitant, comme ça.
27:10 Et puis, je commence à porter mes dessins à Paris,
27:13 en montant soit en stop, soit en train, comme je peux.
27:16 Et j'essaie de montrer mes dessins chez Dargaud, mais il faut laisser le carton,
27:19 alors que je repars le soir même en train, donc je peux pas.
27:23 Et enfin arrive cette revue, qui s'appelle "Metal Hurlant",
27:27 où là, pour moi, c'est le nirvana.
27:29 J'ouvre cette revue, y'a tout ce que j'aime.
27:31 La science-fiction, les dessinateurs de talent,
27:37 un ton, aussi, une manière, parce que déjà,
27:40 j'avais 15-16 ans, je m'intéressais plus...
27:43 Bon, j'aimais bien, je continue à aimer Tintin,
27:46 mais y'avait quand même aussi une culture parallèle,
27:50 venant d'Amérique, voire même de pilotes, d'ailleurs.
27:53 Des gens comme Gottlieb, ou comme...
27:56 - Dionné ! - Comment ?
27:57 - Gottlieb, et puis, Benoît Hibus, justement, Giro,
28:01 - C'est ça ! - qui a changé beaucoup de choses.
28:02 - Druillet ! - Druillet !
28:03 - Druillet, donc ça ouvrait complètement les yeux et l'esprit,
28:07 et donc ces gens-là se retrouvent à monter "Metal Hurlant".
28:11 Donc, le prochain voyage que je fais pour montrer mes planches,
28:14 je vais, évidemment, frapper à la porte à "Metal Hurlant",
28:17 et là, je tombe sur Jean-Pierre Dionné, un des créateurs de la revue,
28:21 qui m'ouvre lui-même la porte, c'est pas une secrétaire,
28:24 c'est pas une standardiste, c'est ce gars-là qui m'ouvre la porte,
28:27 il regarde mes dessins, il m'en prend,
28:29 et il m'emmène chez lui, et je ressors deux heures après
28:32 avec des sacs entiers de bouquins, et tout ça,
28:35 il me dit "Reviens me voir la prochaine fois", et c'était parti !
28:38 - Et c'est parti parce que, en fait, Jean-Pierre Dionné
28:40 a essayé de travailler pour Defensine, au départ,
28:42 il avait travaillé pour Pilote, il a créé son propre univers,
28:45 associé à Moebius et à Mandryka,
28:47 Mandryka qui était le concombre Maspé, qui nous a quittés il n'y a pas longtemps,
28:50 et qui était aussi le co-créateur de "L'Echo des savannes"
28:53 avec Gottlieb et avec Claire Brétéchet.
28:55 - Voilà, les premiers, oui.
28:56 - C'est une nouvelle génération,
28:57 c'est-à-dire qu'on est passé de Spirou, Tintin, Pilote,
28:59 à une nouvelle génération que vous avez découvert et appréciée.
29:02 - Voilà, puis j'étais sur cette ongordonde,
29:04 j'étais le lecteur parfait pour ce genre de magazine.
29:09 - Alors, vous avez quand même fait six albums de bandes dessinées, c'est pas mal !
29:13 - Ah bah à l'époque, oui, mais c'était...
29:16 J'ai démarré en faisant des petites histoires dans "Metal Hurlant".
29:18 On m'a pris d'abord une histoire qui faisait une planche,
29:21 puis après on m'a pris une histoire qui faisait quatre planches,
29:23 on m'a présenté à des scénaristes avec qui j'ai travaillé,
29:26 notamment François Rivière,
29:27 et puis mon premier album, c'est une compilation, en quelque sorte, de ces petites histoires.
29:32 Et après, il y a eu des histoires au long cours avec un ami d'école,
29:35 justement, qui était au lycée avec moi, qui s'appelait Philippe Bernalin,
29:37 et qui m'a fait des scénarios.
29:38 - Mais c'est un énorme travail !
29:40 Dessinées, ce sont des heures et des heures passées
29:43 dans son appartement, devant ses planches.
29:45 - Surtout, ce qui était compliqué pour moi,
29:47 c'est qu'on évoquait tout à l'heure "Star Shooter"
29:48 et l'intensité de la vie du groupe,
29:51 c'est-à-dire que je faisais ça en même temps.
29:52 Je faisais à la fois du dessin,
29:54 j'étais en tournée avec le groupe,
29:55 j'enregistrais des disques et tout ça.
29:58 Donc c'était compliqué.
29:59 Et c'est comme ça que je me suis trouvé un style rapide,
30:03 qui était très arraché, très enlevé,
30:07 pour pouvoir faire les deux.
30:09 - Il y avait une autre maison d'édition qui était "Futuropolis" à l'époque,
30:12 qui faisait partie aussi de vos passions.
30:16 - Oui, parce qu'eux éditaient aussi des très beaux livres
30:18 qui correspondaient encore une fois à mes goûts.
30:20 Et j'ai fait leur connaissance assez vite
30:23 parce que j'aimais beaucoup le travail de graphiste d'Étienne Robial,
30:28 qui a créé "Futuropolis".
30:31 Et donc le premier album de "Star Shooter",
30:33 j'ai eu envie que ce soit Étienne Robial
30:36 qui fasse la maquette de la pochette.
30:38 On avait une idée de photo et on voulait la mettre en scène.
30:41 Et je suis allé voir Étienne Robial,
30:43 et il a fait la première pochette de "Star Shooter",
30:46 puis la seconde, puis après il en a fait une autre pour moi,
30:49 dans ma carrière solo.
30:50 - Il faut savoir que "Futuropolis" était un éditeur
30:52 qui a eu une des premières librairies de BD à Paris.
30:54 Il n'y en avait pas beaucoup, il y en a beaucoup aujourd'hui.
30:56 Et c'était très discret à l'époque.
30:59 Ça marchait pour un public d'initiés.
31:01 - C'est ça.
31:01 Mais c'était ça qui était excitant,
31:03 c'est qu'on sentait qu'on était des initiés.
31:05 - Il y avait aussi le Festival d'Angoulême.
31:07 - Alors là, je savais qu'il existait,
31:10 mais je suis allé bien tardivement à Angoulême.
31:12 - Alors, il y a aussi autre chose d'étonnant,
31:14 parce que "Star Shooter", c'est une chose,
31:16 "Enzo & Enzo", c'est autre chose.
31:17 Il y a eu aussi cette chanson.
31:19 * Extrait de "Star Shooter" *
31:27 - Alors là, on change de genre.
31:28 Kent et les joyeux de Rille, dans "Aragon et Castille",
31:31 de Bobby Lapointe.
31:32 - Oui, oui, oui.
31:33 Ah, les joyeux urbains.
31:34 - Les joyeux urbains.
31:35 - Voilà, ça me revient.
31:36 En vaillant, c'était dans le Sud, ça.
31:38 - Oui, je me rappelle.
31:39 - C'était un spécial Bobby Lapointe,
31:43 je crois, ce soir-là.
31:45 Ben oui, voilà.
31:47 Bobby Lapointe, ça va, je peux le faire.
31:49 Mais je ne fais pas systématiquement tous les chanteurs.
31:53 Par exemple, Bobby Lapointe, ça va,
31:55 parce que c'est quelqu'un que j'aime.
31:59 Et je peux faire Jacques Brel.
32:01 Brassens, j'ai du mal quand on m'invite.
32:03 Comme Traîné aussi.
32:05 C'est pas des gens que je méprise,
32:08 c'est juste que c'est pas mon goût.
32:11 - Il se trouve que Bobby Lapointe,
32:13 de son vivant, a eu très peu de succès.
32:15 Il passait dans le cabaret avec le cheval d'or,
32:17 il était même quelques fois déguisé en homme-grenouille,
32:20 et personne ne le remarquait.
32:21 Il n'a eu qu'un seul succès avec Joe Dassin,
32:24 qu'il produisait saucissons de cheval.
32:26 Et celui qu'il a aidé jusqu'au bout, c'est Brassens, justement,
32:29 qu'il a pris en première partie.
32:30 Et lorsqu'il a rangé sa voiture n'importe comment,
32:33 les dernières années, il disait "je ne paye pas mes contraventions,
32:35 parce que je sais que je suis malade et que j'en ai plus pour longtemps".
32:37 C'était un personnage, et aujourd'hui il est culte.
32:39 - Oui, c'est ça.
32:41 Ce n'est pas nous qui décidons de la postérité.
32:45 - Alors, Brel, justement,
32:46 vous avez aussi contribué à un album pour enfants,
32:49 "Brel".
32:50 - Oui.
32:50 - Ça, c'est important pour vous ?
32:52 - "Brel", c'est important.
32:53 L'album pour enfants, j'en sais rien,
32:54 mais pour moi, j'étais content d'enregistrer des chansons de Brel encore.
33:00 En plus, c'était aussi avec Emmanuel Urbanet,
33:02 qui était des jouets urbains, c'est lui qui me l'avait demandé.
33:04 J'ai fait souvent des reprises de Brel dans mes tournées.
33:08 À une certaine époque, il y avait un Brel dans chaque tournée.
33:13 - Et pourquoi ?
33:14 C'est l'auteur qui vous fascinait ?
33:16 C'est la musicien ?
33:17 C'est l'ensemble ?
33:17 C'est le révolté permanent ?
33:19 - C'est l'artiste.
33:21 D'abord, effectivement, ses chansons,
33:22 la façon dont il les portait, dont il les chantait.
33:24 Moi, je préfère voir des images de Brel sur scène.
33:29 On parlait des guipops, par exemple.
33:31 Je trouve qu'il avait un rapport extrêmement physique avec ses chansons.
33:37 Et ça m'a influencé, vraiment.
33:41 - Et d'ailleurs, Brel sur scène, c'était deux chemises pendant 45 minutes,
33:46 tellement il transpirait.
33:48 - Oui, oui, oui.
33:50 Que dire ?
33:51 Je ne sais pas, j'ai essayé de faire pareil,
33:52 mais moi, c'était des t-shirts, donc j'avais moins chaud.
33:55 - Alors la scène, justement, on va en reparler à la date du 2 février 2024.
33:59 A tout de suite sur Sud Radio avec Kent.
34:01 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
34:05 - Sur Radio, les clés d'une vie, mon invité Kent.
34:08 Donc, le 2 février 2024, sort Kent en scène.
34:11 Alors, c'est un double album de ce que vous avez fait sur scène il y a quelques années.
34:15 Pourquoi avoir ressorti aujourd'hui ce double album dans une version remasterisée, Kent ?
34:20 - Et augmentée, surtout.
34:22 Parce que c'est ça qui compte.
34:23 C'est-à-dire que j'ai chez moi un meuble où j'ai des archives.
34:29 J'ai pas toujours le nez dedans, quoi.
34:31 Mais je me suis rendu compte, en fait, que l'album qui a le mieux marché de ma carrière,
34:37 il n'était pas vraiment mis en avant par le temps, on va dire.
34:43 J'avais ressorti un coffret de mes albums studio,
34:47 mais les albums en public, ils passent un peu à l'as.
34:49 Or, celui-là, il a vraiment compté dans ma vie.
34:52 Et j'ai eu envie de remettre un coup de lumière.
34:55 Et je me suis rappelé que j'avais peut-être des enregistrements inédits.
34:59 Donc j'ai recherché, j'ai retrouvé des enregistrements inédits,
35:02 parce qu'on avait mixé l'album, c'était pas...
35:05 Quand l'album est sorti, c'était une espèce de best-of d'édition originale.
35:09 On avait choisi les morceaux les plus parlants, les plus populaires de mon répertoire,
35:13 on avait laissé le côté d'autres.
35:14 Et là, j'ai ressorti ceux-là, je suis allé sonner à la porte du Panthéon Universal,
35:20 et j'ai dit "Voilà, j'ai ça, comme vous faites de la réédition,
35:22 on pourrait peut-être la faire ensemble", et puis ils sont tombés d'accord.
35:25 - Et pourquoi cet album est-il si important à votre cœur, Kent ?
35:29 - Parce que, effectivement, c'est un sommet dans ma carrière,
35:33 d'un point de vue populaire.
35:35 Ça arrive en même temps que "Just quelqu'un de bien".
35:40 D'ailleurs, Enzo chante "Just quelqu'un de bien" dans mon répertoire, sur ce disque.
35:45 C'est la même époque dont je parlais tout à l'heure.
35:50 C'était inattendu, encore une fois, mais on attend tous le succès,
35:55 sauf que quand il arrive, des fois on ne le voit pas.
35:57 Parce que c'est tellement rapide, on ne se rend pas compte du bonheur qu'on est en train de vivre.
36:03 - Et dans cet album, Kent en scène, il y a une chanson d'actualité, c'est "Je reviens".
36:07 * Extrait de "Je reviens" de Kent *
36:21 - Vous revenez, mais vous n'êtes jamais parti, finalement ?
36:24 - Oui, oui. C'est marrant, c'est le seul titre inédit de ce disque.
36:31 Il n'est sur aucun autre disque.
36:33 Je ne suis jamais réellement parti, j'ai continué ma vie, j'ai continué à chanter sur scène.
36:39 - Ce qui est étonnant, c'est que "Je reviens" a pris quelqu'un de bien.
36:43 On a commencé à vous demander des chansons de tous les côtés.
36:46 - Oui, on m'en a demandé pas mal.
36:49 J'ai écrit pour plusieurs interprètes, Michel Fugain, Johnny Hallyday, Zazie,
36:56 dans le premier album de Zazie.
36:58 - Enrico Macias aussi.
36:59 - Enrico Macias, qui était une belle rencontre.
37:01 J'ai beaucoup aimé travailler avec lui.
37:03 - C'est vrai qu'à chaque fois, il fallait s'adapter au style de la personne.
37:05 Ce n'était pas au départ votre but dans la chanson ?
37:07 - Mais je ne me suis pas adapté, justement.
37:09 C'est peut-être aussi pour ça que je n'ai pas continué cette carrière d'auteur pour les autres.
37:14 Je ne sais pas faire du sur-mesure.
37:16 J'écris des chansons, on les prend ou on ne les prend pas.
37:19 Ça plaît ou ça ne plaît pas, mais je ne sais pas écrire pour les autres.
37:23 J'aime bien qu'on vienne me chercher, comme a fait Enzo.
37:26 J'aime bien tes chansons, j'ai envie de chanter tes chansons.
37:28 Et là, ce qui s'est passé avec ces gens-là, c'est ça.
37:32 - Et en même temps, ça a interrompu quelquefois votre carrière d'artiste, de chanteur.
37:37 - C'est-à-dire ?
37:38 - Je sais qu'il y a eu, par exemple, quand vous êtes parti de Lyon pour venir à Paris,
37:42 je crois que c'était "J'aime un pays" qui était un grand succès.
37:44 Ça a pris quelques années.
37:47 - Déjà, oui, le succès est revenu à partir de "J'aime un pays".
37:54 En gros, il y a 7 ou 8 ans, j'ai une espèce de traversée du désert.
37:58 Volontaire au départ, parce qu'après "Star Shooter", je me consacre à la bande dessinée.
38:03 C'est là où je fais la plupart de mes albums.
38:06 Ça dure quelques années.
38:08 Je fais de la musique en dilettante.
38:11 Je cherche ma voix, les deux voix d'ailleurs, VOEA, VOEX.
38:15 Et puis, j'écris des chansons.
38:17 Je commence à faire même des premiers albums, deuxièmes albums.
38:21 Je n'en suis pas très, très content parce que je ne sais pas où je vais.
38:25 Je voudrais faire de la chanson française revue et corrigée,
38:29 mais à l'époque, c'était mal vu.
38:31 On me disait "Mais t'es fou, t'es un rocker, qu'est-ce que tu vas faire ça ? C'est ringard."
38:36 Et en fait, le fait qu'on n'ait pas voulu de ça à cette époque-là, c'était bon
38:41 parce que je pense que j'aurais fait de la chanson française à l'époque,
38:44 je me bananais sérieusement et j'arrivais trop tôt.
38:47 Et là, de par le fait qu'on m'a tenu la bride quand c'est arrivé, c'était le bon moment.
38:53 - Je crois que ça a commencé par une tournée acoustique où il y a eu un déclic,
38:56 quand vous avez découvert la chanson française alternative.
38:59 - Oui, et puis je me suis découvert chanteur tout court.
39:02 Avant, je faisais de la scène avec un groupe, avec des amplis, des guitares électriques,
39:09 ça faisait du bruit, il me fallait cette espèce d'armure, de carapace pour me sentir bien sur scène.
39:15 Et quand je me suis retrouvé à refaire de la scène en acoustique,
39:18 c'est parce que j'avais besoin de monter sur scène, c'était le seul moyen,
39:21 les radios ne me passaient pas et je suis allé jouer dans des bars,
39:24 dans des clubs au fin fond de toutes les régions de France,
39:29 avec une guitare acoustique et puis de la rond.
39:33 Et franchement, la première fois où je suis monté sur scène avec ma guitare acoustique,
39:37 avec des gens comme ça qui n'écoutaient pas vraiment, qui étaient en train de parler au bar,
39:41 j'ai l'impression de monter à poil sur une scène.
39:43 Et puis j'ai réussi à capter leur attention, je me suis rendu compte qu'ils écoutaient mes paroles
39:48 et au fil des mois qu'ils chantaient mes paroles, là, ça a été une révélation pour moi.
39:53 - Vous êtes devenu un symbole de la nouvelle nouvelle chanson française à l'époque.
39:57 C'est ce que les critiques ont dit.
39:58 - Oui, disons que j'étais un des fers de lance, mais c'est pareil,
40:02 je suis arrivé au bon moment parce que j'avais pris du retard avant peut-être,
40:06 mais j'ai eu cette chance-là, à la fois avec Star Shooter, d'arriver au bon moment,
40:10 et quand ma carrière en solo a pris de l'ampleur, j'arrivais au bon moment aussi.
40:15 - Il se trouve que ça ne vous empêche pas d'aimer le passé,
40:18 et il y a dans cet album qu'elle t'enseigne une chanson qui s'appelle "Un peu de prévers".
40:21 Un peu de prévers dans ma rue, dans mon univers,
40:29 un peu de prévers dans mon sang, dans ma chair.
40:35 - C'est vrai que prévers pour vous, c'est important d'ailleurs,
40:38 vous évoquez la fourmi, une fourmi à votre façon dans cet album.
40:43 - Oui, mais c'était, comme je disais, à l'époque de Star Shooter, je vivais,
40:48 je peux dire "on", on vivait au présent, tout, tout de suite,
40:51 on faisait du passé tableau rase, il fallait qu'on fasse parler de nous,
40:56 c'était ça d'avant tout, et ensuite, avec cette nouvelle approche de la chanson,
41:03 j'ai soit ressorti ce que j'aimais auparavant, comme Jacques Brel,
41:08 soit j'ai approfondi cette chanson-là, et évidemment,
41:11 quand on approfondit cette chanson, on est obligé de passer par prévers,
41:14 parce que c'est un maître dans le genre.
41:17 - Et prévers d'ailleurs, qui habitait juste à côté de chez Boris Vian,
41:21 ils avaient une terrasse commune au-dessus du Moulin Rouge,
41:23 où ils ne sont jamais allés d'ailleurs, et Vian, vous l'avez aussi évoqué un jour,
41:27 ça fait aussi partie de vos passions.
41:29 - Oui, c'était une passion, c'était une grande découverte de ma dernière année au lycée.
41:33 En fait, je ne remercierai jamais assez cette professeure de français
41:37 qui m'a fait découvrir Boris Vian,
41:40 et j'ai découvert le romancier, le personnage,
41:44 ce tout, ce joueur de trompinette, ce larron aussi,
41:51 et puis la poésie de Vian, ses chansons, évidemment.
41:56 Et je me suis dit, ça c'est un exemple à suivre,
41:58 c'est quelqu'un qui fait tout ce qui lui passe par la tête,
42:01 il essaye de le faire, et voilà, j'ai suivi l'exemple.
42:04 - Et ces jeunes années, vous les évoquez dans cet album avec "La musique de mon enfance".
42:08 * Extrait de "La musique de mon enfance" de Boris Vian *
42:21 - On ne s'attend pas à ça de "Starshooter".
42:23 - Bah non, on ne s'attend pas à ça, parce qu'effectivement,
42:25 encore une fois, c'était rangé dans les placards, tout ça.
42:28 Mais c'est quand même, comme je le disais, ça fait partie de ma vie.
42:31 En fait, c'était marrant de me rendre compte,
42:33 quand je me posais la question, après "Starshooter", qu'est-ce que je fais ?
42:37 Je me suis dit, mais qu'est-ce que je chante sous ma douche, le matin ?
42:41 Oui, je peux chanter du Rolling Stones,
42:45 je peux chanter... Mais je chante ça aussi, quoi.
42:48 Ça fait partie de moi, donc il y a une espèce de thérapie,
42:50 en quelque sorte, pour faire ressortir le passé.
42:52 - D'ailleurs, vous avez failli faire la première partie des Rolling Stones, à une époque.
42:55 - Absolument, c'était justement à l'époque, presque à la fin de "Starshooter",
43:01 il y avait ce fameux break dont on avait décidé.
43:05 Et moi, j'allais partir en Afrique, au Cameroun, avec un billet "open",
43:10 c'est-à-dire que je ne savais pas quand est-ce que j'allais rentrer.
43:11 Je partais là-bas avec l'excuse de prendre des notes sur mon prochain album de bandes dessinées.
43:17 Et j'allais embarquer dans l'avion quand mon manager m'a donné un coup de fil.
43:24 J'étais à "Metal Hurlant", déjà, à ce moment-là, dans les bureaux de "Metal Hurlant",
43:27 le téléphone sonne, et c'est mon manager qui me dit,
43:30 "On nous propose la première partie des Rolling Stones dans 15 jours."
43:33 Je dis "Mais Gilles, dans 15 jours, je ne sais pas où je serai.
43:37 Je serai en Afrique, mais je ne sais pas où."
43:39 Et il me dit "Alors, qu'est-ce qu'on fait ?"
43:41 Et je dis "On ne fait pas."
43:43 - Voilà.
43:44 C'est quand même particulier.
43:46 Finalement, tout ce que vous faites, ce double album en est le symbole,
43:51 c'est pour l'amour du public.
43:52 Car ce qui compte pour vous, je crois, Ken, c'est l'amour du public.
43:55 - Bien sûr.
43:57 Ce qui compte pour moi, c'est que ce que je fais touche les gens.
44:01 Mais je ne fais pas des choses pour toucher les gens.
44:04 Vous voyez la nuance.
44:06 - Vous faites du Kent en espérant que ça touche les gens.
44:08 - Qui même me suivent.
44:09 Mais je ne suis pas prêt à tous les compromis
44:14 pour que les gens aiment ce que je fais.
44:16 Ça, je suis incapable.
44:17 - Et aujourd'hui, vous êtes toujours en tournée.
44:18 Vous avez repris une tournée qui se termine à Lyon le 7 février.
44:21 Est-ce qu'il n'y a pas question de quitter la scène ?
44:24 - J'en sais rien.
44:25 Honnêtement, je ne sais pas.
44:26 Je me pose des questions par rapport au métier aujourd'hui,
44:29 à ma place dans ce métier.
44:31 Mais de toute façon, j'ai une bonne excuse.
44:35 J'ai un nouveau projet de bande dessinée qui va m'occuper bien 2-3 ans.
44:38 Donc, ça va me permettre de faire une pause.
44:41 Et donc, le dernier concert, c'est effectivement à Lyon le 7
44:45 où je vais reprendre beaucoup de morceaux de Kent en scène
44:48 parce que justement, il sort là maintenant.
44:50 Donc, c'est amusant de reprendre des chansons de ce moment-là.
44:53 - Il y aura aussi le 4 février, je crois, à Paris, le Café de la Danse.
44:56 - Le 2 février.
44:57 - Le 2 février au Café de la Danse.
44:59 - On coupe tout, c'est le 3.
45:01 Je vais y arriver, c'est au milieu, c'est entre le 2 et le 4, c'est le 3.
45:03 - Le 3 février au Café de la Danse, le 7 à Lyon
45:08 où je rappelle que nous sommes maintenant sur 105.8.
45:12 Et c'est vrai que je crois que le public est content de vous retrouver
45:15 comme vous êtes content de le retrouver.
45:16 - Oui, quand je suis sur scène, je suis heureux.
45:19 Je suis heureux et si j'apporte du bonheur, je suis encore plus heureux.
45:23 De toute façon, je suis heureux parce que j'apporte du bonheur.
45:24 Si j'apportais de l'ennui, je partirais évidemment.
45:28 - Restez avec nous. En tout cas, on a été heureux de vous accueillir.
45:31 Je rappelle que Kent en scène, c'est donc un double album qui est sorti
45:35 que vous jouez en tournée et notamment à Lyon.
45:36 Nous écoutons, je répète, sur 105.8 le 7 février.
45:40 Merci Kent et à bientôt, j'espère, pour d'autres projets.
45:43 - Merci de m'avoir accueilli.
45:44 - L'éclipse d'une vie s'est terminée pour aujourd'hui.
45:45 On se retrouve bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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