• il y a 9 mois
Ne serait-ce pas le moment de se saisir enfin sérieusement du problème de la démobilisation généralisée au travail ? Pour rappel en effet une infirme minorité, seulement 20% des employés dans le monde, c’est ce qu’indique l’étude Gallup « State of the global workplace », sont réellement engagés dans leur job. Ce chiffre nous autorise à envisager, me semble-t-il, de nouvelles manières de concevoir l’administration des affaires et le travail collaboratif. [...]

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00:08 Ne serait-ce pas le moment de se saisir enfin sérieusement du problème de la démobilisation généralisée au travail ?
00:14 Pour rappel, en effet, une infime minorité, seulement 20% des employés dans le monde,
00:20 c'est ce qu'indique l'étude Gallup State of the Global Workplace, sont réellement engagés dans leur job.
00:26 Ce chiffre nous autorise à envisager, me semble-t-il, de nouvelles manières de concevoir
00:29 l'administration des affaires et le travail collaboratif.
00:33 Or, les recettes les plus courantes, de la psychologie positive à la gamification des rapports humains,
00:38 en passant par l'angoissante holacratie où chacun devient le chef de tous les autres,
00:43 dans des formes de tyrannie plus ou moins larvées,
00:45 échouent hélas à situer la motivation au travail dans l'ordre qui est le sien, celui du désir et de l'affect.
00:53 C'est la raison pour laquelle il faudrait privilégier un management plus affectif qu'effectif,
00:58 plus subtil et plus fin, plus faible que fort, plus vertueux que systémique.
01:03 Plus modeste en somme, non dans ses ambitions, mais dans ses méthodes et ses incarnations.
01:08 Un tel management aurait à cœur, non certes d'adoucir les mœurs sur le mode de la théorie du doux commerce de Montesquieu,
01:15 mais tout simplement de rendre le principe de subordination moins brutal.
01:20 Mais si la douceur est une vertu privée, un prédicat appartenant à Dieu plutôt qu'aux hommes, si l'on en croit la Bible,
01:26 en quoi pourrait-elle devenir aussi un principe de management ?
01:30 La philosophe Anne Dufour-Mantel nous donnait quelques pistes en 2013 dans un petit livre récemment réédité,
01:36 au titre, en apparence oxymorique, « Puissance de la douceur ».
01:40 D'abord, elle nous indique que la douceur est un art de vivre dont le développement a nécessité des millénaires.
01:46 Raffinement des conduites, subtilité dans les rapports à autrui,
01:50 l'art de se comporter avec douceur revient à comprendre les êtres dans leurs insuffisances,
01:56 leurs précarités, leur immaturité, leurs bêtises.
02:00 Elle précise que cette forme de délicatesse n'intervient jamais autant que dans l'art équestre,
02:04 qui suppose l'entente de l'homme et de l'animal à un haut degré de raffinement et de complicité.
02:10 Il s'agit pour l'un de comprendre, de deviner, de tolérer l'autre, au point d'en être accepté.
02:16 Un exercice de guidage, dont on a assez dit sur ce plateau,
02:20 qui le ressemble à s'y méprendre au délicat exercice de pilotage des organisations.
02:25 Dufour-Mantel indique ensuite que l'esprit de douceur ne doit pas être pris comme une faiblesse au sens usuel,
02:31 mais comme un ingrédient irremplaçable dans la construction des liens relationnels
02:37 et la composition d'une éthique collective.
02:39 Elle rappelle à ce titre ce célèbre passage des béatitudes « Heureux les doux, car ils régneront sur le monde ».
02:47 L'auteur enfin précise que « la douceur ne saurait être le contraire de la violence ».
02:51 La douceur, c'est ce qui résiste à l'exercice de la puissance, s'y oppose avec hardiesse et détermination.
02:58 Le contraire de la douceur, ce serait en fait la douceur elle-même, mais fausse.
03:02 La fadeur, la sensiblerie, le zen, la vraie douceur se moque de la douceur, pourrait-on dire,
03:08 de celle qui fait vendre des lessives ou des crèmes,
03:10 mais qui ne contient aucune force de transformation profonde des êtres et des choses.
03:16 De serait-ce que pour ces trois raisons, attenter à la douceur est donc un crime sans nom,
03:20 comme le réitère la philosophe Catherine Malabou dans une préface inédite.
03:24 Il se pourrait même que la douceur ne soit rien moins que l'intelligence même,
03:28 placée au cœur du circuit des affects.
03:31 Elle est donc une fête sensible qui indique que la haine ne peut jamais nous suffire pour survivre.
03:37 C'est par l'essence que la puissance et l'érotisme de cette fête se distillent,
03:42 ainsi que le note l'auteur à qui je laisse la parole.
03:45 Érotique, la douceur l'est de toutes les manières possibles,
03:49 parce que l'intention qui la contient est un apprivoisement de la sauvagerie, des humeurs et du corps.
03:55 (Générique)

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