• il y a 10 mois
Grand Prix de l'urbanisme 2023
Table-ronde n°1 - Travailler en campagne, quel urbanisme
pour demain ?
Avec Simon Teyssou et ses invités :
Boris Bouchet, architecte-urbaniste,
Gilles Combelles, maire du Rouget-Pers,
Karine Dana, architecte et journaliste,
Nathalie Hérard, directrice du Conseil d’Architecture,
d’urbanisme et d’Environnement du Lot-et-Garonne
Table-ronde animée par Ariella Masboungi

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Transcription
00:00:00 Bonsoir à toutes et à tous, merci de votre présence. Ce que je propose, c'est qu'on
00:00:07 fasse monter nos invités de la première table ronde. Je vous invite à nous rejoindre.
00:00:15 Donc Boris, Nathalie, Karine et Gilles. Les invités, c'est le choix de Simon, ce
00:00:27 n'est pas le mien, ce sont ses amis, les gens avec lesquels il avait envie de parler.
00:00:30 Je dis aux personnes bienvenues. Asseyez-vous comme vous voulez. Monsieur le maire. Simon,
00:00:50 avant que tu commences, nous avons aussi des participants qui sont à distance et qui sont
00:00:56 en visio. Donc il y a un QR code qui s'affiche chez vous, qui peut vous permettre de chatter.
00:01:02 Donc on ne prendra pas toutes les questions, mais Mathurin Basile va faire une petite sélection
00:01:08 pour qu'on puisse aussi parler avec vous. Simon va introduire cette table ronde qui
00:01:13 s'appelle Travailler en campagne, quel urbanisme pour demain, avec des connaisseurs de son
00:01:18 travail, qui sont Nathalie Hérare, qui est directrice de CAUE, architecte urbaniste de
00:01:24 l'État. Et on sait à quel point les CAUE jouent un rôle absolument éminent dans ces
00:01:28 territoires puisque vous déclenchez des projets, vous préparez finalement les appels d'offres
00:01:33 de façon à ce que les questions soient bien posées, ce qui est souvent le problème.
00:01:37 Alors Boris Boucher, qui est à ma gauche, palmarès des jeunes urbanistes, il a une
00:01:43 plume d'enfer. Quand il avait écrit son texte à son autobio pour le palmarès des
00:01:48 jeunes urbanistes, j'étais éblouie. J'ai dit c'est niveau Grand Prix. Alors Boris
00:01:53 Boucher, tu travailles beaucoup sur ce type de territoire, mais pas seulement. Tu travailles
00:01:56 aussi en métropole. D'ailleurs, tu avais exercé avec Frédéric Bonnet au sein d'Obras.
00:02:01 Tu enseignes à l'école d'architecture de Clermont et tu as le même engagement. Et
00:02:09 puis Karine Dana, qui est architecte aussi. En fait, monsieur le maire, vous êtes le
00:02:13 seul non architecte de cette table ronde. Alors Karine est architecte et elle est journaliste,
00:02:23 et elle est philosophe. Je crois que c'est Karine qui a déclenché le numéro spécial
00:02:27 d'Odéa qui a été consacré à l'exercice en campagne. D'ailleurs, on s'est inspiré
00:02:33 du titre pour faire notre livre. Karine est en train de réaliser un film sur la pratique
00:02:40 de Simon de façon très, très sensible. Je crois que c'est une des meilleures connaisseuses
00:02:45 du travail de Simon. Alors Gilles Combelle, vous êtes maire, maire de Rouget. On en a
00:02:51 déjà beaucoup parlé, on va encore beaucoup en parler. Vous avez un compagnonnage avec
00:02:55 Simon de très, très longue date et vous avez dit qu'au départ, Simon était extrêmement
00:02:59 pressé et que vous lui aviez appris à prendre du temps et que maintenant vous êtes métissé,
00:03:04 mais que pour vous, le travail qu'il a mené sur le Rouget, c'est un peu la Bible que
00:03:10 vous imposez à tout le monde, y compris à votre conseil municipal. On en parlera tout
00:03:14 à l'heure, mais vous êtes aussi vice-président du département du Cantal et vous avez des
00:03:17 choses à dire à cet égard. Je pense qu'on l'ira tout à l'heure. Simon introduit la
00:03:22 table ronde en montrant des images, en montrant son travail. Merci. Je ne sais pas trop comment
00:03:30 fonctionne ce... C'est comme ça ? On appuie où ? C'est tout faire sauf passer des diapositives.
00:03:44 Merci. Je vais introduire cette table ronde consacrée à la question des modes opératoires.
00:03:53 C'est juste une petite image qui situe le Rouget dans le territoire du Massif central.
00:04:01 On voit les deux rivières importantes de l'ouest du Massif central avec la Dordogne
00:04:10 au nord et le Lot au sud. La particularité du Rouget, c'est que nous sommes implantés
00:04:16 pile poil sur la ligne de crête entre les deux bassins versants. Et puis, on devine
00:04:21 en haut à droite de l'image les monts du Cantal. La première thématique que je souhaitais
00:04:27 aborder, c'est la question de l'urbanisme de fragments, qui est un urbanisme que nous
00:04:32 expérimentons au Rouget de longue date avec ses élus. Parce qu'à la suite de plusieurs
00:04:43 petits projets que nous avons menés pour la commune, et après nous avoir demandé
00:04:50 une nouvelle petite opération qui consistait à réaménager les abords du stade de foot,
00:04:57 on s'est dit que ça pourrait être intéressant d'essayer de penser le projet à une autre
00:05:01 échelle et considérer que finalement toutes ces petites actions qui nous étaient demandées
00:05:06 et qui s'est grainées comme ça dans le temps pouvaient fabriquer un récit plus large
00:05:12 et qui pouvaient aussi donner peut-être plus de sens à l'action publique. Et donc, nous
00:05:17 avons effectivement fait ce plan gratuitement, mais en même temps la commune nous le rend
00:05:23 bien parce qu'elle nous fait travailler au quotidien, donc c'est un échange de bons
00:05:28 procédés quelque part. Et en fait, c'est aussi partir du constat que finalement, après
00:05:35 une grande vague d'anthropisation du territoire du Rouget, on pouvait imaginer un projet qui
00:05:44 consistait à réintervenir sur l'existant, imaginer régénérer tout un fragment du
00:05:50 territoire pour repenser ses sols, repenser aussi ses programmes, imaginer comment décloisonner
00:05:57 certains espaces qui, vous savez, comme un peu partout en France, dans beaucoup de situations
00:06:02 relativement périurbaines, en fait, on a un normalisme qui sont faits d'enclaves un
00:06:06 peu autonomes qui ne dialoguent pas entre elles. Et l'idée, c'était de contribuer
00:06:12 à ce que finalement ces pièces urbaines un peu autistes les unes envers les autres
00:06:16 puissent s'articuler. Et donc, on a établi ce plan qui est défini selon une triple logique,
00:06:24 une logique foncière, puisque l'ensemble de ce territoire est public. Donc, en fait,
00:06:28 la collectivité a la possibilité d'intervenir dessus. Une logique programmatique aussi,
00:06:33 puisque dans ce périmètre, on trouve la quasi-totalité des équipements publics du
00:06:38 Rouget. Et puis, une logique géographique aussi, ça correspond au bassin versant du
00:06:43 Lot, en fait, tous les petits affluents, tous les petits talvegues qui finissent par se rejoindre
00:06:49 et fabriquer un milieu humide qui est en bas, à droite de l'image. Et puis, dans ce territoire-là,
00:06:56 vous avez aussi, c'est un territoire de loisirs aussi. Ce qui est assez intéressant, c'est
00:07:00 que c'est là que les Rougetois, mais aussi d'autres habitants des communes périphériques,
00:07:04 viennent en fait profiter du lac et de cette charpente de mobilité douce qu'on trouve
00:07:12 ici au Rouget. Donc, ce plan, il montre trois choses. C'est la question des sols. Donc,
00:07:19 l'entretien des espaces verts avec une logique de gestion différenciée. On imagine aussi,
00:07:28 en fait, comment certaines parcelles peuvent muter et accueillir de nouveaux programmes
00:07:32 comme du logement, mais sous une forme autre que la maison quatre faces habituelle dans
00:07:36 des parcelles, dans le lotissement par exemple. Puis, on peut aussi imaginer incorporer de
00:07:43 nouveaux programmes publics, de nouveaux équipements publics. Chose que je vais vous montrer très
00:07:48 rapidement sur quelques diapositives. Mais ce qu'on a aussi montré, c'est finalement
00:07:53 que cette idée de parc, parce qu'on l'a appelé le plan guide du parc du Rouget, c'est l'idée
00:07:58 selon laquelle on peut habiter un parc. Et à partir du moment donné, on se figure cette
00:08:04 idée-là. Et on met aussi en évidence finalement de quoi ce parc est constitué. On met des
00:08:10 mots sur les choses. C'est-à-dire qu'en mettant des mots sur les choses, elles prennent
00:08:13 une existence. Comme par exemple, qu'est-ce que c'est qu'une prairie humide, une répulsive,
00:08:18 une végétation spontanée qui apparaît au bord des cours d'eau, des situations lisières,
00:08:24 une prairie soufflue, etc. Et c'est déjà de montrer que finalement, le parc existe déjà.
00:08:29 Ici, quelques projets qu'on a menés depuis un certain nombre d'années avec les élus.
00:08:34 Ici, par exemple, c'est l'ancien foirail qui a été transformé en trois plateformes
00:08:39 polyvalentes qui permet à la fois le stationnement pour le marché le dimanche, mais aussi, en
00:08:44 fait, c'est là que les parents stationnent quand ils amènent leurs enfants à l'école.
00:08:48 On peut aussi organiser des vies de greniers ou tirer le feu d'artifice lors de la fête
00:08:55 du village. Et puis c'est aussi, imaginez, de nouveaux parcours de mobilité douce pour
00:09:00 tout simplement que les habitants puissent se déplacer d'un point A à un point B.
00:09:03 Il faut imaginer que ces simples mobilités n'existaient pas il y a quelques années.
00:09:07 Et donc la plupart des parents amenaient leurs enfants à l'école en voiture, par
00:09:11 exemple. Donc c'est agir à un niveau extrêmement local pour changer les habitudes. Et puis
00:09:16 voilà, c'est quelques photos qui montrent comment on a initié aussi toute une démarche
00:09:21 de gestion différenciée des espaces au bord de ce lac. De nouveaux programmes aussi. Et
00:09:30 c'est aussi considérer que finalement les habitants, les associations, sont une ressource
00:09:35 pour le projet. Et donc vous voyez, c'est quelques terrains de pétanque ici ont trouvé
00:09:40 place en fait dans ce plan guide et sont devenus un espace constitutif de ce parc. Des jardins
00:09:47 potagers aussi. Et à chaque fois, vous voyez, c'est le prétexte pour mutualiser certains
00:09:52 équipements. Donc le parking est devenu le parking aussi bien des jardins que des terrains
00:09:58 de pétanque, que du stade du foot qu'on voyait tout à l'heure à l'arrière-plan, etc.
00:10:02 Et puis c'est aussi parfois, plus rarement, mais c'est aussi l'incorporation de nouveaux
00:10:08 équipements publics avec une vraie intelligence de maîtrise d'ouvrage. Ici, il y a deux maîtrises
00:10:12 d'ouvrage qui sont regroupées, la commune mais aussi la communauté de communes, chacune
00:10:16 portant en fait un programme spécifique, donc la médiathèque par la commune et puis
00:10:22 des équipements plutôt associatifs ou pour le péri-scolaire, en fait, sous la forme
00:10:29 de quatre salles qui sont des surfaces capables, qui permettent beaucoup de choses, beaucoup
00:10:33 d'usages. A partir de cette première expérience, au très long cours, eh bien, on a été amené
00:10:45 à répondre à un appel d'offre dans le Lot-et-Garonne pour une collectivité qui s'appelle Cancon,
00:10:50 un village d'une dimension assez similaire à celui du Rouget, à peu près 1300 ou 1500
00:10:58 habitants, d'où mon invitation aussi de Nathalie qui préside le CIEE, donc le Conseil
00:11:05 d'architecture, urbanisme et environnement, qui a été un acteur essentiel, justement,
00:11:09 de la réussite de ce projet. C'est juste pour montrer que quand il y a une ingénierie
00:11:13 publique qui est très impliquée et qui accompagne en fait les collectivités, eh bien, finalement,
00:11:20 tout le processus qu'on a mis en œuvre au Rouget, on a été capable de le faire de
00:11:23 manière assez accélérée à Cancon, dans ce village du Lot-et-Garonne. Donc, je ne
00:11:30 vais pas raconter tout le projet, ce serait trop long, donc il y a eu un plan guide à
00:11:33 l'échelle du groupe et puis ensuite on s'est concentré en fait sur la partie basse du
00:11:37 village, le village étant composé de plusieurs entités, le château sur la butte, le village,
00:11:45 le noyau médiéval sur le coteau et puis les développements urbains beaucoup plus
00:11:50 récents en fait dans la partie basse de la ville où on trouve tous les équipements
00:11:54 publics qui sont délocalisés, qui sont sortis du village. Et là, notre travail a consisté
00:11:59 à extraire finalement cet échantillon, cette partie de cette situation et de la transformer
00:12:09 en passant de ce plan à gauche où vous voyez beaucoup d'enrobés, encore une fois, une
00:12:15 organisation un peu d'enclave comme ça, des pièces qui sont juxtaposées mais qui
00:12:19 ne dialoguent pas entre elles. Et on a fait un travail de paysage avant tout. Il n'y
00:12:26 a pas de programme à proprement parler, c'est vraiment un travail d'espace public qui a
00:12:29 visé à décrouter l'enrobé, retrouver en fait une porosité, une perméabilité des
00:12:35 sols avec des figures en fait d'eau qui permettent de collecter en aérien toute l'eau. Et puis
00:12:43 désinformabiliser aussi le parking de l'école et surtout fabriquer une charpente de mobilité
00:12:48 douce qui permet aux enfants d'aller de l'école à la médiathèque ou aller de l'école au
00:12:53 centre aéré. Ici, une image qui montre la situation avant travaux et à peu près avec
00:13:00 le même cadrage, en fait, la fabrication de ce parc dans lequel on a aussi intégré
00:13:05 un arboretum en consultation avec les élus avec aussi l'idée qu'il fallait aussi former
00:13:10 du coup les employés municipaux à l'entretien de ces espaces verts. Et puis cette photo
00:13:16 montre justement le déplacement des enfants qui vont du centre aéré jusqu'à l'école.
00:13:22 Et le troisième point, et je laisserai la parole à nos invités, c'est la question
00:13:27 des espaces publics reconsidérés, c'est-à-dire comment finalement les espaces publics peuvent
00:13:32 être un levier de la requalification de certains centres-bourgs. Je vais commencer par Chalier
00:13:37 qui est un petit village de la margeride cantalienne, un village sans épaisseur, prise dans un
00:13:43 méandre de la Truière, où nous avons finalement construit le projet en adossant trois petites
00:13:49 placettes au patrimoine bâti remarquable. Ici, une maison de notaire, ici un espace
00:13:53 en contrebas de l'église qui fabrique une sorte de belvédère sur le grand paysage.
00:13:58 Et puis une troisième situation devant la mairie qui est une petite place polyvalente
00:14:06 avec sa petite rampe qui permet à l'agriculteur d'accéder à sa prairie. Et voilà, cette
00:14:13 photo montre quoi finalement ? Aussi comment certains espaces sont un peu à l'abandon,
00:14:18 comme ce coteau qui était autrefois cultivé sous la forme de terrasses, qui était l'espace
00:14:23 vivrier de Chalier. Et quand on travaille sur les espaces publics, on se pose la question
00:14:30 aussi du devenir de tous ces espaces agricoles en friche qui viennent au contact du village.
00:14:34 Donc c'est aussi suggéré par une action plutôt bénévole cette fois-ci, en lien
00:14:41 avec les associations locales, une première opération qui a consisté à réparer quelques
00:14:45 murs de soutènement et imaginer, essayer d'impulser finalement le fait de réinvestir
00:14:51 une partie de ces terrasses qui sont au pied du village et qui étaient autrefois cultivées
00:14:59 sous la forme de potagers. Un autre exemple cette fois-ci de Boris Boucher, ici présent,
00:15:06 à Ploza, qui donne un très bel exemple aussi de comment la question des programmes est
00:15:12 essentielle. Il y a la question des espaces publics qui peuvent être phasés en différentes
00:15:16 temporalités, mais il y a aussi la question des programmes associés au patrimoine bâti
00:15:23 existant, notamment ici avec l'idée selon laquelle une ancienne cave des huettes pouvait
00:15:29 être transformée, devenir une halle provisoire pour ensuite devenir une microbrasserie. Donc
00:15:36 ça c'est quand même une très belle histoire. Et puis, par exemple, c'était Ploza et en
00:15:42 fait un noyau médiéval avec des petites parcelles minuscules où les habitants se
00:15:49 réfugiaient pendant la guerre de Cent Ans. Et donc c'est un patrimoine très compliqué
00:15:52 à réhabiliter. Et là, par exemple, un des projets a consisté, dans un des petits édifices
00:15:57 de quelques dizaines de mètres carrés, d'imaginer un petit gîte, un micro-gîte touristique.
00:16:02 Et puis à terme, il y a aussi un magasin de vêtements. C'est aussi partir finalement
00:16:06 des ressources locales, faire confiance finalement, partir des habitants de leur projet pour construire
00:16:14 le projet, plutôt que d'imaginer toujours construire un projet avec des habitants du
00:16:18 futur ou qui n'existent pas encore. On a toujours l'espoir de faire venir des gens
00:16:22 mais peut-être qu'on peut tout simplement aussi construire le projet à partir finalement
00:16:26 des forces qui sont en présence sur le territoire. Voilà quelques photos justement d'une des
00:16:33 premières actions qui a consisté à refaire les espaces publics avec une très grande
00:16:38 attention portée aux détails. Et puis dans un autre registre, ici à Manday, dans le
00:16:46 quartier de la plantale, c'est un projet qui est intéressant déjà dans son montage.
00:16:52 Il y a trois ou quatre maîtrises d'ouvrage pour un tout petit projet en fait. Donc ici
00:16:58 il y a une halle qui reçoit tous les week-ends le marché. Il y a aussi l'école qui a été
00:17:05 transformée en un espace pour recevoir les sportifs, les trailers, les vététistes,
00:17:12 les parapentistes. Et puis une petite passerelle qui permet en fait d'enjamber le cours d'eau
00:17:17 et de relier le parking installé sur un délaissé routier et qui permet tout simplement aux
00:17:23 habitants mais aussi aux visiteurs de se retourner au bourg en longeant la rivière. Quelques
00:17:28 photos de la halle et de la passerelle qui enjambe la vallée. Voilà nous allons donc
00:17:37 maintenant engager un débat sur tous ces sujets. Merci Simon. C'est assez rare un
00:17:52 concepteur qui montre le travail de son concurrent Boris Boucher, mais qui en même temps son
00:17:58 collègue d'une certaine façon. C'est assez rare et je trouve que la capacité d'admiration
00:18:03 c'est une chose formidable, pouvoir admirer les autres. Alors on va commencer ce débat
00:18:09 avec Nathalie qui va peut-être d'abord réagir aux propos de Simon, mais aussi nous dire
00:18:16 comment un CAUE en campagne suscite des projets. Parce que si j'ai bien compris Cancon c'est
00:18:22 une affaire qui vous relie tous les deux, puisqu'il fallait initier, il fallait donner
00:18:27 envie aux élus de faire. Bon, Ville il n'avait pas besoin puisqu'apparemment il avait déjà
00:18:32 envie de faire plein de choses sur sa ville, mais souvent les élus n'ont pas envie de
00:18:37 faire quelque chose et n'imaginent pas aussi ce qu'il peut faire. Aussi Gilles Combel
00:18:43 m'avait dit qu'il rêverait d'avoir les services techniques de la ville d'Auriac,
00:18:47 mais qu'ils sont un peu tout seuls à devoir tout imaginer, tout mettre en oeuvre. Alors
00:18:53 comment le CAUE joue ce rôle et quelle est votre histoire commune avec Simon ? En tout
00:18:58 cas c'est une très belle rencontre professionnelle et même on peut dire amicale. Les élus, il
00:19:06 faut peut-être être un peu bienveillant avec eux, souvent ils sont confrontés à
00:19:10 des problèmes, à des micro-problèmes. C'est souvent une traverse avec des problèmes d'insécurité
00:19:15 ou une mise aux normes d'un équipement public. Souvent on a des questions qui sont parfois
00:19:20 ponctuelles. La problématique du réenchantement des bourgs, de la revitalisation, c'est souvent
00:19:27 qu'il faut effectivement faire avec eux le petit pas de côté et les inviter à reconsidérer
00:19:33 le devenir de leur village de manière plus globale, quitte à revenir après évidemment
00:19:37 sur la résolution du problème. Et ce qui a été le démarrage de la rencontre avec
00:19:44 Simon, c'est tout simplement la revue, merci Karine et merci Emmanuel Caille notamment,
00:19:51 c'est la revue D.A. qui avait consacré un dossier spécifique à l'architecte de campagne
00:19:58 et j'ai découvert le travail de Simon, sur notamment je crois que c'était Auliergue
00:20:03 et je me suis dit faisons le pari que si j'appelle cet architecte, il va venir en Lothé-Garonne
00:20:08 et il va venir nous en parler. Et c'est ce qui a été le cas, peut-être un petit peu
00:20:12 à ma surprise parce que le Lothé-Garonne c'est quand même 4 heures de route, c'est
00:20:19 très comparable au Cantal, 331 000 habitants, 319 communes, donc vous voyez que voilà,
00:20:27 et plus de 200 communes à moins de 500 habitants. Donc la question des moyens de la frugalité
00:20:33 elle est constante, c'est-à-dire qu'on n'a jamais un élu qui nous dit j'ai 2 millions
00:20:37 sur la table, on va y aller, ça se passe jamais comme ça. Et donc ce que j'ai trouvé
00:20:43 fantastique dans la rencontre avec Simon, c'est qu'en nous présentant Auliergue, on
00:20:48 avait en germe toute l'évolution que nous on devait donner à nos pratiques de CIE dans
00:20:55 l'accompagnement des communes. Il posait la question du diagnostic préalable, c'est-à-dire
00:20:59 qu'avant de poser une commande, il faut peut-être réinterroger les élus, reformuler le besoin.
00:21:06 Il préconisait l'arpentage, nous on appelait ça le diagnostic en marchant, la balade commentée.
00:21:13 Il était dans une approche de résidence, de permanence, c'est-à-dire qu'il travaille,
00:21:19 Simon ne l'a pas assez dit tout à l'heure, mais il prend le temps de s'installer dans
00:21:23 les villages où il travaille. Il y passe parfois 3 jours, 4 jours, peut-être jusqu'à une
00:21:27 semaine pour complètement s'imprégner de la situation. C'est-à-dire que du coup ça
00:21:33 forme des propositions qui sont encore plus solides et qui sont confrontées à la réalité.
00:21:38 Et le dernier point qui m'a frappée, c'est qu'on était en phase sur, il faut peut-être
00:21:45 aider à avoir une vision globale, mais il faut revenir tout de suite au micro-projet,
00:21:49 au fragment qui va fabriquer l'envie de continuer. Donc du coup, côté CIE, on a inventé quelque
00:21:57 chose qui a aussi plu à Simon, je crois, c'est le concept de travailler en accord
00:22:01 cadre, c'est-à-dire d'avoir un premier marché qui est un marché qui permet d'avoir le plan
00:22:05 de référence et d'avoir ensuite des petits marchés subséquents qui permettent de traiter
00:22:10 la place, le parvis, un bout d'équipement culturel ou public. Voilà, donc du coup, vraiment
00:22:17 ça a été une rencontre qui nous a confortés dans notre manière de travailler différemment.
00:22:22 Puis de fil en aiguille, nous avons provoqué le fait que certaines communes se sont engagées
00:22:27 dans des marchés publics et Simon a répondu à ces marchés et sur une somme assez considérable
00:22:35 malgré tout de marchés, puisqu'on aide à peu près 70 à 80 communes par an, donc
00:22:39 c'est vous dire, ben Simon a gagné deux marchés successivement quasiment, Port-Sainte-Marie
00:22:45 dont il n'a pas beaucoup parlé mais qui a été une sacrée aventure et Cancon. Donc
00:22:52 moi ce que je veux dire aujourd'hui juste sur la question de la méthode, c'est que
00:22:56 Simon, il ouvre quand même des perspectives nouvelles parce qu'en architecture, on a
00:23:01 tendance à dire le programme et puis après la conception et lui, il ne s'interdit pas
00:23:08 de créer une rupture entre programmation et conception et de revenir interroger la
00:23:12 question du programme et ça je pense que c'est toute la richesse de l'urbanisme par
00:23:15 rapport à la pratique architecturale et moi j'en suis en tout cas ravie de pouvoir travailler
00:23:21 comme ça. Il est à l'écoute, il sait qu'il n'y a vraiment pas beaucoup de moyens, qu'on
00:23:26 peut faire beaucoup avec peu et je pense qu'il a aussi apprécié de travailler dans un contexte
00:23:33 d'émulation avec cette question des concours, des mini concours en milieu rural, de cette
00:23:39 question des remises de prestations rémunérées. Je parle peut-être technique là devant un
00:23:43 public mais je pense que les élus, ils ont besoin aussi qu'on leur parle assez rapidement
00:23:49 de projets, même au stade d'intention pour que ça déclenche, comme le disait tout à
00:23:54 l'heure Ariella, l'envie de faire. On ne peut pas se contenter, souvent une consultation
00:24:00 qui est uniquement sur compétence référence moyen, pour moi ce n'est pas si simple que
00:24:06 ça à résoudre et en plus l'avantage de la consultation urbaine c'est qu'elle permet
00:24:11 à de jeunes équipes de pointer leur nez, de faire leur chemin et puis de trouver, ce
00:24:17 n'est pas le cas de Simon, il avait quand même des heures de vol derrière lui, mais
00:24:22 on est aussi amené à aider à découvrir des équipes plus jeunes et qui se frottent
00:24:31 à cette réalité, à ces différentes réalités que sont les campagnes.
00:24:34 Simon est très content d'avoir travaillé à Cancon parce qu'il a été très très
00:24:39 vite, beaucoup beaucoup plus vite qu'au Rouget, je crois qu'en deux ans tu as fait ce que
00:24:44 tu as fait en 20 ans ailleurs, peut-être à cause du travail de Nathalie qui avait
00:24:48 tout préparé.
00:24:49 Ce qui est intéressant justement c'est que le cadre contractuel et puis l'accompagnement
00:24:58 du CIE et du SMAVLOT qui est un syndicat mixte local qui était très impliqué dans ce projet
00:25:04 a permis d'accélérer, c'est un puissant vecteur de transition, une sorte de transition
00:25:13 accélérée et ça j'ai beaucoup apprécié.
00:25:15 Après ce que je trouve intéressant aussi dans la démarche du Rouget c'est une autre
00:25:20 manière de travailler qui est sur un temps beaucoup plus long et puis aujourd'hui ça
00:25:25 fait peut-être 10 ou 15 ans qu'on collabore, je pense qu'on va encore collaborer, en tout
00:25:30 cas je l'espère, pendant 10, 15, 20 ans.
00:25:33 Donc c'est un projet d'une vie quelque part.
00:25:35 Il ne s'agit pas de les opposer, c'est deux démarches assez différentes, parce que là
00:25:41 il y a un compagnonnage de longue haleine.
00:25:43 Alors à Cancon ce qui a été vraiment intéressant c'est qu'on a pu aller assez loin dans la
00:25:48 démarche et rapidement, en l'espace de deux ans on a pu reconsidérer tout un fragment
00:25:53 du territoire.
00:25:54 En revanche l'accord cadre est terminé, il est limité à 4 ans, ce qui ne correspond
00:25:59 pas tellement au temps de l'urbanisme en fait, parce que l'urbanisme c'est des temps
00:26:03 beaucoup plus longs, donc il faudrait imaginer peut-être d'autres cadres contractuels qui
00:26:08 permettraient peut-être d'intervenir sur des temps encore plus longs.
00:26:11 Voilà, ça reste à inventer.
00:26:14 Après il y a la question du changement d'élus pendant ce temps-là qui peut provoquer des
00:26:20 moments d'arrêt.
00:26:21 Et moi ce que je voulais dire de manière très optimiste vis-à-vis de Simon, c'est
00:26:25 que même dans les endroits où ce changement d'élus a fait qu'il y a eu un peu arrêt
00:26:30 ou des difficultés, moi ce que je vois c'est que nous quand on réaborde cette commune,
00:26:35 on lui dit "bon ben vous savez, vous vous rappelez du plan de référence et du plan
00:26:38 guide de Simon Tessou", on le rouvre et on est toujours interpellé par le fait que la
00:26:44 problématique avait été déjà bien posée et qu'en fait aujourd'hui voilà, la commune
00:26:49 ne fait que poursuivre aujourd'hui par des petites interventions, elle poursuit finalement
00:26:56 le chemin qui avait été tracé au travers du plan guide.
00:26:59 Donc quelque part, moi je trouve que c'est satisfaisant.
00:27:02 Bien évidemment que pour un maître d'oeuvre, c'est quand même mieux de pouvoir successivement
00:27:09 réaliser dans le temps ce qu'il avait dessiné.
00:27:12 Alors Nathalie, encore une question sur le logement.
00:27:15 Parce qu'on a parlé logement et tu as dit qu'il n'y a pas d'opérateur HLM dans ces
00:27:21 territoires alors qu'il y a besoin de logement.
00:27:24 Donc tu avais une hypothèse de travail qui peut sûrement beaucoup intéresser les responsables
00:27:28 de l'administration qui ont en charge ce problème.
00:27:31 Alors hier j'étais à une matinée sur le mal logement en Lothé-Garonne et Dieu sait
00:27:38 si en Lothé-Garonne c'est catastrophique parce qu'il y a une précarité très importante,
00:27:42 une pauvreté importante et une précarité énergétique.
00:27:45 Et pour vous donner une idée, 29 000 ménages seraient en précarité, en situation de précarité
00:27:50 énergétique.
00:27:51 Et dans le même temps, dans cette matinée, on nous balançait des slides avec la production
00:27:57 HLM et la production de logements conventionnés privés.
00:28:00 C'était de l'ordre de la dizaine d'unités.
00:28:04 Je ne veux pas faire honte à mon département mais c'était 40 logements conventionnés
00:28:08 en une année pour le logement conventionné Anna et à peine 80-100 logements HLM.
00:28:15 C'est une catastrophe, pour moi c'est une catastrophe puisque l'habitat c'est la matière
00:28:20 première de la revitalisation des soins de rubro.
00:28:22 Je ne parle pas des bourgs de 200 habitants, je parle des bourgs de 500 à 1500 habitants.
00:28:27 Or un opérateur HLM, on n'en a que trois nous en Lothégaon, donc de toute façon ils
00:28:31 ne vont pas aller dans les 319 communes de Lothégaon.
00:28:34 Donc moi je me pose la question aujourd'hui de la boîte à outils à l'heure du zéro
00:28:39 artificialisation nette, il faut que nous ayons des propositions beaucoup plus offensives
00:28:45 pour reconquérir cet habitat de Centrebourg, le recomposer, redonner du jardin, de la terrasse,
00:28:51 des espaces à vivre.
00:28:52 Je ne peux pas imaginer qu'après 30 ans de lotissement, moi je ne suis pas contre les
00:28:57 lotissements, ce que je pense c'est qu'il faut prendre le cahier des charges des lotissements
00:29:01 et l'amener dans les Centrebourg.
00:29:03 Il faut arrêter, enfin voilà, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
00:29:06 Donc la question c'est qu'est-ce qu'on se donne comme moyen et moi je pense que c'est
00:29:11 les opérateurs privés eux-mêmes, ceux qui ont un affect avec leur village, qui peuvent
00:29:16 être la source, la solution à cette question-là.
00:29:20 Et donc ça il faut vraiment aujourd'hui passer un cap parce qu'on est vraiment aux abois
00:29:26 sur la politique du logement.
00:29:28 Moi je ne me satisfais pas et je suis passée par les DDE à l'époque, je sais ce que c'est
00:29:35 que financer du logement, et je ne me satisfais pas de la situation dans laquelle on est et
00:29:40 je le redis, on ne peut pas imaginer des bourgs vivants sans habitat et c'est par l'habitat
00:29:46 qu'on résout la problématique de la revitalisation.
00:29:49 Donc voilà, moi je crie, c'est un cri d'alarme que nous partageons avec Simon.
00:29:56 Merci Nathalie, donc on va encore avec Boris qui exerce un peu de la même manière.
00:30:07 D'abord il porte un commentaire sur le travail de Simon, j'ai beaucoup aimé l'artisanat
00:30:14 comme produit de luxe, je pense que tu peux expliquer ça.
00:30:18 Et tu peux aussi nous expliquer ce que tout à l'heure Simon a présenté, c'est comment
00:30:24 on part de l'action, ça veut dire l'action amène à la réflexion.
00:30:29 On ne commence pas, dans certains cas il a commencé par le plan guide mais pas toujours.
00:30:33 Moi je me souviens que toi dans ton travail, parfois tu faisais un bâtiment et après
00:30:38 tu disais au maire, on peut peut-être faire le chemin jusqu'au village, après on peut
00:30:41 peut-être réaménager la place du village, après il y a des artisans qui peuvent peut-être
00:30:45 faire la fontaine, etc.
00:30:48 Ça veut dire qu'on part du petit vers le grand et aussi avec les moyens du bord et
00:30:55 chaque action entraîne une autre.
00:30:57 Il n'y a pas un programme à priori.
00:30:59 Alors est-ce que tu peux nous commenter ce propos ? Oui bien sûr à toi.
00:31:03 Alors d'abord peut-être ta première question, c'est effectivement l'artisanat comme un
00:31:11 produit de luxe.
00:31:12 On est dans un monde où l'artisanat est devenu un produit de luxe, c'est-à-dire acheter
00:31:17 des légumes qui ont été faits par des artisans qui ont pris le temps pour le faire, ça coûte
00:31:21 cher.
00:31:22 Acheter un objet, fabriquer un meuble, ça coûte cher plutôt que d'acheter dans une
00:31:26 chaîne.
00:31:27 En fait ce qui est intéressant et aussi ça permet de comprendre le travail de Simon,
00:31:31 le premier projet de Simon qui a été réalisé, c'est son projet de diplôme, il était encore
00:31:35 étudiant.
00:31:36 Il a transformé une ferme familiale en un gîte, je me rappelle qu'il m'avait montré
00:31:43 ses dessins.
00:31:44 En fait Simon c'est avant tout un excellent dessinateur, c'est-à-dire au sens de l'architecture,
00:31:49 c'est-à-dire quelqu'un qui dessine de manière très précise, de manière très habile et
00:31:54 qui était peut-être plutôt destiné à faire ça, l'architecture.
00:31:57 Mais en fait dans un territoire qui était un territoire où les questions étaient multiples,
00:32:02 en fait il est devenu quelqu'un qui s'est mis à dessiner du luxe pour tout le monde.
00:32:08 C'est-à-dire la tension portée à l'espace public, aux bancs, aux murs, comme des objets
00:32:14 de design, sont devenus des objets de luxe mais pour tout le monde, ça ne se peut pas
00:32:18 dire pas cher.
00:32:19 Et ça je pense que c'est un des premiers trucs à comprendre.
00:32:22 Ensuite c'est une réflexion que me faisait Loic Parmentier l'autre jour en se promenant,
00:32:28 en discutant du travail de Simon et de ce qu'on faisait tous ensemble, en disant "mais
00:32:33 en fait ce truc-là c'est un plan guide à l'envers" disait Loic.
00:32:36 Et c'est vrai, on est dans des métiers où on va toujours défendre l'idée qu'il
00:32:41 faut réfléchir avant d'agir, c'est un peu consubstantiel, c'est-à-dire sinon
00:32:44 on n'existe pas et ça reste couramment ce qu'on doit faire.
00:32:48 Mais en fait ce qu'a découvert Simon, notamment au Rouget, dans tout son travail,
00:32:52 c'est que finalement ça ne suffisait pas cette histoire-là.
00:32:55 C'est-à-dire oui, la logique qui consistera à dire "on va réfléchir au devenir d'un
00:32:58 territoire de plusieurs dizaines de kilomètres sur 30 ans devant nous", bon il y a eu des
00:33:03 endroits où on a fait ça, c'est plus ou moins réussi, en fait ça n'existe pas.
00:33:08 Parce que les élus, même s'ils arrivent à se maintenir, parfois changent, tout simplement
00:33:12 changent d'avis, et puis que des choses apparaissent, les programmes changent, les
00:33:16 pratiques évoluent, et puis dans un contexte de crise où finalement on a une politique
00:33:19 environnementale etc. où on a l'impression que la vérité d'aujourd'hui n'est
00:33:23 pas la vérité de demain, finalement on s'aperçoit que parfois en réalité on doit agir avant
00:33:28 de réfléchir.
00:33:29 C'est bizarre de dire ça, mais finalement c'est un truc qu'on a découvert au travers
00:33:34 de ce genre de méthode.
00:33:35 Les architectes et les urbanistes, les paysagistes ont toujours pensé que le dessin c'était
00:33:40 un mode de réflexion, c'est-à-dire qu'on découvrait en dessinant, ça c'est toujours
00:33:44 vrai.
00:33:45 En fait ce qu'on découvre au travers du projet du Rouget notamment, c'est qu'on
00:33:48 va rechercher et fabriquer une cohérence en faisant directement, c'est-à-dire en
00:33:53 fabriquant des objets, en transformant le territoire.
00:33:55 C'est une chose assez contre-intuitive finalement, mais assez passionnante.
00:33:58 Et peut-être la dernière chose que je voudrais dire à propos du travail de Simon, c'est
00:34:04 aussi l'inscrire dans un contexte, parce que bien évidemment aucun travail de cette
00:34:09 qualité ne vient de rien, de nulle part, et c'est un contexte qui est à la fois un
00:34:12 contexte territorial et idéologique.
00:34:14 Territorial parce qu'il s'inscrit dans le territoire du massif central, qui est un
00:34:20 territoire globalement rural, mais c'est trop facile de dire ça, rural, c'est trop
00:34:24 évident, c'est trop à la mode.
00:34:26 Il y a aussi beaucoup de zones périurbaines, pavillonnaires, de petites villes, de moyennes
00:34:30 villes et d'une métropole, Clermont-Ferrand.
00:34:32 Et en fait ce travail-là, il s'inscrit là-dedans, c'est-à-dire dans l'idée que Simon a habité
00:34:39 à Clermont, travaillé à Clermont, il habite maintenant dans le Cantal, il a une partie
00:34:44 de son agence à Clermont.
00:34:45 Et puis il a été aussi un contexte idéologique, c'est-à-dire celui de l'école d'architecture
00:34:51 de Clermont-Ferrand, école nationale, qui est aussi devenue l'école Clermontois, c'est-à-dire
00:34:56 une école de pensée.
00:34:57 Et ça de longue date.
00:35:00 Et ça de longue date.
00:35:01 Dans le bouquin, on a deux témoignages.
00:35:03 On a Didier Rebois qui a dirigé cette école et qui a initié des processus dans ce sens,
00:35:09 et Agnès Vins qui était directrice de l'architecture et qui a poussé d'ailleurs Simon à faire
00:35:14 un projet, une sorte de rêve pour l'école.
00:35:18 Donc s'engageant sur deux territoires.
00:35:21 Et toi, tu en fais partie de cet engagement.
00:35:23 Oui, et c'est des discussions qu'on a depuis très longtemps et qu'on a avec Simon et d'autres.
00:35:29 On l'identifie, c'est un événement qu'on identifie, c'est Didier Rebois qui devient
00:35:34 le directeur de l'école d'architecture de Clermont il y a une vingtaine d'années, un
00:35:37 peu plus, qui est le secrétaire général d'Europe 1, qu'il est toujours, et qui en
00:35:41 fait vient avec à la fois une méthode et une idée en réalité qui est qu'il n'y a
00:35:45 pas d'opposition entre le projet architectural et le projet urbain.
00:35:47 Il n'y a pas d'opposition entre les architectes et les urbanistes.
00:35:49 Et ça, aujourd'hui, ça paraît évident pour les générations qui sont les nôtres
00:35:53 et celles qui viennent.
00:35:54 À l'époque, ça n'était pas du tout évident.
00:35:56 Il vient avec cette idée, puis il vient aussi avec une équipe de jeunes architectes qui
00:36:02 sont un peu moins jeunes maintenant, Frédéric, Marc et d'autres, qui en fait étaient nos
00:36:07 profs à l'époque.
00:36:08 Et donc, on fabriquait ce truc-là.
00:36:10 Et aussi, on installait cette idée qu'on pouvait réfléchir à la question des territoires,
00:36:14 pas seulement sur la ville, mais aussi sur les campagnes, sur les territoires périurbains.
00:36:18 Et donc, on s'inscrit dans cette filiation.
00:36:20 Vous avez travaillé avec une philosophe qui peut être là d'ailleurs, Christiane S.
00:36:25 Et bien sûr, Christiane S.
00:36:28 Et tous les gens qui, à la suite de Christiane S., continuent de réfléchir à ces sujets
00:36:33 territoriaux.
00:36:34 Stéphane Bonzani, qui vient d'avoir sa HDR et qui porte aussi toutes ces questions-là
00:36:39 à l'école.
00:36:40 Voilà.
00:36:41 Et ça, c'est pour ça que ça correspond aussi aux étudiants qui sont dans notre école,
00:36:45 c'est-à-dire des étudiants qui viennent d'un grand territoire, plutôt le territoire
00:36:50 du massif central, des Dégonales du Vide, qui viennent de ces villes moyennes, de ces
00:36:54 petites villes, de ces territoires ruraux et qui, du coup, évidemment, s'intéressent
00:36:57 à ce sujet-là.
00:36:58 Et ça, c'est quelque chose d'assez passionnant parce que finalement, on est dans un monde
00:37:04 méthodologique, puisqu'on parle des modes opératoires, qui est un monde qui a choisi
00:37:08 de ne plus opposer les questions politiques et stratégiques avec les questions esthétiques
00:37:15 et ergonomiques, par exemple.
00:37:18 Et ça, ça se voit très directement dans le travail d'Espace Public de Simon ou dans
00:37:23 ses projets urbains.
00:37:24 Donc ça, c'est important parce que c'est un contexte, évidemment, dont on est assez
00:37:29 fier.
00:37:30 Est-ce que ces étudiants restent dans le territoire et est-ce qu'ils vont travailler
00:37:34 en campagne ou alors ils sont séduits par les grandes agences des métropoles ?
00:37:38 On leur dit de ne pas trop rester au début, d'aller voir ailleurs, d'aller voir d'autres
00:37:45 pays, d'aller aussi dans les territoires urbains et puis de revenir s'ils veulent.
00:37:50 Des fois, c'est même le combat inverse.
00:37:55 Je me rappelle très bien d'un combat qu'on avait mené avec Simon à l'école pour
00:37:59 éviter qu'il y ait un master qui porte sur le rural parce qu'on trouvait ça ridicule
00:38:05 de dire que le rural était une fin en soi et qu'au contraire, la question rurale s'inscrivait
00:38:10 évidemment dans un contexte beaucoup plus compliqué politique qui était un contexte
00:38:14 territorial.
00:38:15 On a plutôt tendance à former des étudiants, on peut leur dire, ce n'est pas de dire vous
00:38:23 devez travailler dans le rural parce qu'en fait chacun fera bien ce qu'il veut, c'est
00:38:27 plutôt de dire de comprendre que les enjeux sont évidemment beaucoup plus connectés
00:38:32 et que ce que nous disaient les géographes il y a 20 ans qui est que la campagne c'est
00:38:38 une chose et puis la ville c'est une autre et puis qu'après ils nous disaient que non
00:38:41 tout ça c'était la même chose.
00:38:42 En fait non c'est reconnaître que les territoires sont distincts mais connectés.
00:38:47 Bon c'est une évidence mais ça n'a pas toujours été dans les méthodologies de
00:38:50 travail et dans l'orientation des politiques publiques bien sûr.
00:38:54 En réaction de Simon ou en continuant à explorer ton travail avec Karine, tu veux
00:39:02 réagir peut-être sur l'expérimentation puisque les étudiants ils mettent la main
00:39:07 à la pâte si j'ai bien compris chez vous.
00:39:09 Ils construisent des choses, ils ont des contrats avec des collectivités.
00:39:14 Ça c'est encore un autre aspect c'est à dire que dans le monde qui est le nôtre,
00:39:19 qui est un monde où tout le monde s'inquiète globalement, on a de plus en plus d'étudiants
00:39:24 qui sont intéressés par le fer mais vraiment au sens premier du terme, c'est à dire qu'ils
00:39:28 ont besoin de mettre la main à la pâte, ils ont besoin de construire des choses avec
00:39:31 leurs mains et ça c'est quelque chose qu'on ressent ces dernières années et c'est la
00:39:37 raison pour laquelle on a créé un quatrième domaine d'études conférents grades de master
00:39:41 en inscrivant ce point dans notre projet d'établissement qui en comporte cinq et d'ailleurs la question
00:39:47 de la ruralité pour revenir à cette question là est une chose transversale.
00:39:51 C'est absolument pas en fait la ruralité ne peut pas s'incarner dans un domaine d'études.
00:39:54 C'est plutôt en fait penser le devenir des ruralités comme une sorte de leitmotiv qui
00:40:00 va plutôt traverser tous les domaines d'études mais aussi le cycle licence ou la recherche
00:40:04 etc.
00:40:05 Donc oui l'expérimentation c'est un terme un peu à la mode aussi donc je m'en méfie
00:40:11 un peu mais en tout cas ce qu'on peut constater c'est que dans un monde qui est de plus en
00:40:17 plus inquiétant en fait ce que je ressens c'est que la plupart de nos étudiants ont
00:40:25 envie de passer à l'action, d'agir et là ça rejoint tout ce qu'a dit Boris d'une
00:40:31 certaine manière c'est que c'est aussi par l'action qu'on comprend ce qu'on fait, qu'on
00:40:34 peut ensuite peut-être construire un récit qui lui-même donne encore plus de sens aux
00:40:40 actions qu'on mène.
00:40:41 Et puis pour revenir à la question du plan guide du Rouget, c'est tout à fait logique
00:40:49 mais notre plan on le met à jour une fois que les projets sont faits.
00:40:54 On dessine pas d'abord le plan guide et ensuite on l'exécute.
00:40:57 Par exemple il y a une nouvelle opportunité de projet, on se dit "ah c'est pas mal" et
00:41:01 puis comme quand même on a ce plan ça donne une sorte de cap, ça fabrique un récit auquel
00:41:08 on est tous capables de s'identifier aussi, ça c'est quand même important.
00:41:11 Mais d'ailleurs ça passe plus par une culture orale que par le fait que la carte est affichée
00:41:16 en mairie, parce que je pense que c'est pas le cas.
00:41:19 Finalement le plan guide est presque plus important pour nous concepteurs que pour les
00:41:22 élus même si en fait il est toujours en latence un peu derrière.
00:41:26 Et en tout cas nous en tant que concepteurs on met à jour ce plan guide parce que c'est
00:41:31 important pour nous de garder une trace de toutes ces actions.
00:41:36 L'évolution des territoires c'est imprévisible, c'est l'art de jouer avec l'imprévisible
00:41:42 qui est essentiel mais avoir quand même un fil conducteur c'est ce que tu fais dans tes
00:41:47 plans guides.
00:41:48 Alors Karine qui est la grande connaisseuse du travail de Simon, je pense qu'après Simon
00:41:54 elle fera Boris, c'est possible.
00:41:56 Elle connaît très bien sa pratique, elle s'exprime dans le livre et elle réalise un
00:42:05 film qui est très attentif à cette façon très particulière de faire.
00:42:09 Alors pour vous Karine c'est un grand prix inattendu, ça c'est vrai, c'est un grand
00:42:15 prix nécessaire sûrement, en tout cas c'est un grand prix qui fait date parce que c'est
00:42:20 la première fois.
00:42:21 A part quand même Frédéric qui a beaucoup travaillé sur le rural, on a un concepteur
00:42:27 régional qui travaille sur le rural, c'est vraiment une grande première et c'est sûrement
00:42:32 un signe d'étant.
00:42:33 Alors vous, vous connaissez très très bien cette pratique de Simon, est-ce que vous pouvez
00:42:38 nous la commenter et nous dire aussi si cette pratique peut faire école, est-ce qu'il
00:42:44 est seul dans son genre, on a vu que non puisqu'il y a quand même au moins Frédéric, Boris,
00:42:48 peut-être d'autres.
00:42:50 Mais est-ce que ça fait école ?
00:42:53 Bien sûr que ça fait école, ça fait déjà école, ça fait école surtout localement
00:43:00 parce qu'il y a un énorme travail de pédagogie mais peut-être que ce serait bien que je
00:43:03 raconte comment je travaille avec lui pour répondre à votre question sinon ce sera
00:43:08 peut-être un petit peu plus difficile.
00:43:12 Donc je suis le travail de Simon depuis une bonne dizaine d'années et grâce à la revue
00:43:18 d'architecture j'ai pu faire un dossier un peu complet sur sa démarche.
00:43:21 C'était très intéressant de suivre donc j'ai commencé en passant deux jours au
00:43:26 Rouget en voyant ses projets, il m'a trimbalé un petit peu partout et j'étais très intéressée
00:43:32 par cette approche, cette attitude à l'égard du territoire qui est une approche immersive
00:43:39 qui m'a particulièrement intéressée parce qu'il travaille aux prises avec le réel,
00:43:44 aux prises avec l'économie, aux prises avec tout ce qu'il y a et c'est un urbanisme
00:43:50 d'immersion qui m'a intéressée et j'ai assez rapidement voulu faire un documentaire
00:43:57 donc à l'époque on en avait parlé comme ça rapidement donc ça a cheminé et depuis
00:44:01 un an et demi à peu près j'y travaille.
00:44:03 Dans le cas de ce documentaire j'ai commencé à filmer les résidences qui sont une étape
00:44:15 de projet préalable la plupart du temps au plan guide et là j'y vois une méthode
00:44:22 qui peut faire école évidemment, extrêmement précise, extrêmement efficace et j'ai
00:44:29 pu la suivre à l'occasion de deux résidences à Calac qui est un village des côtes d'Armor
00:44:37 qui était très chahuté à l'époque puisqu'il devait accueillir des réfugiés donc c'était
00:44:41 un projet qui a été rejeté ensuite donc il y avait un arrière-plan politique très
00:44:45 compliqué et donc ces résidences pour vous raconter un petit peu, c'est l'équipe
00:44:50 de Simon qui est une équipe du coup très transdisciplinaire et ça on ne l'a peut-être
00:44:54 pas encore abordé mais il y a des architectes, un paysagiste, un programmiste donc c'est
00:45:00 une équipe assez resserrée mais très vaste dans son potentiel donc ils s'installent
00:45:05 sur place en général chez l'habitant pendant quelques jours.
00:45:08 Ils ouvrent un guichet donc ils se retrouvent à la maison des Pagnol-Bretons à 9h du
00:45:14 matin un samedi, accueillir les gens donc ça va d'une Anglaise qui a envie de râler
00:45:20 à un gars qui vient à côté, il n'y a pas du monde, pas du monde, en tout cas les gens
00:45:23 passent, il y a un esprit d'ouverture et pendant toute cette semaine au-delà de ce
00:45:28 guichet ouvert ils font des réunions thématiques, ils arpentent le territoire, ils vont jusqu'à
00:45:33 aussi inspecter directement le bâti, inspecter l'état d'une charpente, inspecter l'état
00:45:40 d'un chantier, discuter avec un garagiste pour voir s'il y a un potentiel de récupérer
00:45:45 du foncier donc ils accumulent une manne d'informations de manière extrêmement rapide, extrêmement
00:45:50 vive, agile donc c'est un temps court mais extrêmement intense et dense, sportif aussi,
00:45:56 c'est très physique en fait cet urbanisme d'action donc c'est pour moi une grande chance
00:46:01 d'avoir pu me confronter à ça pour le vivre en fait, ils courent partout, toute l'équipe,
00:46:07 c'est du non-stop mais avec toujours une idée en tête donc c'est extrêmement organisé
00:46:12 donc c'est à la fois improvisé mais précis, indéterminé mais précis, ils se baladent,
00:46:17 ils rencontrent, voilà donc en gros on est sur des journées très cadencées et à l'issue
00:46:24 desquelles ils vont proposer à l'occasion d'une réunion publique ce qui est un peu
00:46:30 préalable au plan guide, un début de projet de diagnostic aux habitants, à la mairie
00:46:35 donc il y a autant de résidences que nécessaire jusqu'à aboutir à un plan guide et donc
00:46:40 cette période là qui est une période de résidence en architecture que je trouve particulièrement
00:46:45 intéressante parce que c'est un temps court et qui du coup va se confronter au temps long,
00:46:50 c'est peut-être ces deux points là qu'on n'a pas toujours de facilité à relier parce
00:46:56 qu'ils sont alliés en fait, ils se complètent et le temps long c'est le plan guide, ce
00:47:00 que tu appelles le récit mais qui est aussi la structure et le temps long de Simon pour
00:47:06 moi c'est toujours visé à penser aux continuités, il y a toujours des continuités d'usages,
00:47:13 des continuités de paysages donc pour moi il a toujours cette idée dans la tête, ça
00:47:16 se voit dans tous les plans que tu nous as montré aujourd'hui et toujours penser à
00:47:20 l'espace ouvert donc disons qu'on aurait ces deux invariables qui construisent le plan
00:47:25 guide donc ça va jusqu'à libérer des places, après dans le détail il y a toutes sortes
00:47:28 d'attitudes et ce temps court donc ça c'est pour moi très intéressant à mettre en relation
00:47:34 et le fait aussi que Simon finalement il se comporte un peu comme un documentariste au
00:47:41 moment de ses résidences, c'est assez drôle puisqu'on est tous les deux à chercher
00:47:46 quelque chose, moi je cherche le film, lui il cherche le projet et on est un peu dans
00:47:51 le même temps, on suit, bon on s'apprivoise comme ça, il y a la caméra, c'est comme
00:47:55 ça, voilà c'est très improvisé et c'est assez dynamique, assez marrant mais c'est
00:48:03 une attitude en tout cas de documentariste que j'ai compris assez récemment sur ces
00:48:08 périodes là, ce qui n'empêche qu'ensuite il y a le retour à la chambre, il y a le
00:48:12 retour à l'agence et c'est pas uniquement une histoire de petites choses, d'oralité,
00:48:16 c'est pas que ça, c'est vraiment le lien entre les deux qui pour moi est intéressant
00:48:20 donc pour revenir à votre question, si ça fait école donc localement c'est très très
00:48:25 très important parce qu'en fait c'est là où les gens comprennent ce qui se passe autour
00:48:30 d'eux donc la pédagogie du projet elle va de soi avec ses guichets ouverts, avec les
00:48:34 réunions publiques, c'est pas du participatif, c'est vraiment à l'intérieur du processus
00:48:40 qu'il y a ces échanges là donc ça fait école localement puisque les maires s'approprient
00:48:45 le projet puis ils parlent à d'autres maires etc. donc on a une histoire comme ça un peu
00:48:49 de ça SM et évidemment c'est très inspirant pour les autres architectes mais ça on voit
00:48:55 beaucoup d'agences, je suis notamment membre du jury pour le prix d'architecture et on
00:49:00 voit à l'échelle des retombées sur les projets sur le territoire à quel point ces
00:49:06 attitudes là sont puissantes, Boris Boucher évidemment est là à côté pour en témoigner,
00:49:11 il y a beaucoup d'agences, je vais pas les citer parce qu'il y en a vraiment beaucoup
00:49:14 et j'ai pas envie d'en oublier mais qui sont très inspirées par ces attitudes là parce
00:49:19 qu'elles sont actives, elles sont ouvertes, elles sont très riches donc c'est pour des
00:49:24 étudiants, je suis pas étonnée que l'école d'archit clairemont qui soit très très
00:49:29 dynamique, c'est pas étonnant quand on voit ce que ça embarque en fait.
00:49:34 A part le numéro de DA auquel vous avez beaucoup contribué, la presse architecturale ne parle
00:49:42 pas de nos amis qui travaillent sur le rural, si jamais ils veulent détariser j'ai l'impression
00:49:47 qu'ils sont en retard d'une guerre quand même non ?
00:49:48 Je sais pas c'est juste une question de rural, c'est très difficile de montrer les processus,
00:49:55 c'est très difficile de montrer l'urbanisme parce que ça s'éprouve, parce que c'est
00:50:00 des continuités donc ce qui explique aussi pourquoi la question du film intéresse, donc
00:50:05 c'est peut-être aussi pour ça, c'est que visuellement la question de avant après,
00:50:10 la question, le travail de Simon est tout à fait montré ou de ses confrères est montré
00:50:15 dans les revues d'architecture en tant qu'architecte, là on a visuellement des transformations.
00:50:19 Maintenant les intentions, c'est toujours très difficile de montrer ça dans les revues
00:50:24 d'architecture, je sais pas si c'est tant le fait que ce soit la ruralité que la difficulté
00:50:30 de montrer ce qui ne se voit pas.
00:50:32 Ça a un impact quand même sur la formation et sur le reste, c'est une architecte, on
00:50:38 veut détariser.
00:50:39 Donc oui c'est sûr que la question de l'objet reste toujours en suspens et on en revient
00:50:44 toujours à lutter contre cette culture-là.
00:50:49 On est en train de parler quand même d'une vraie mutation, une mutation des métiers,
00:50:54 une mutation de la façon d'agir sur l'espace public, sur l'architecture, de travailler
00:50:59 avec les élus, c'est absolument autre chose.
00:51:01 Sur ces territoires il n'y a pas d'aménageurs, je sais pas s'il y en a dans la salle, ce
00:51:05 serait bien qu'ils prennent la parole parce que nous on les pousse à intervenir sur ces
00:51:08 territoires, il y a besoin de professionnalisme, s'il n'y avait pas les CAE je ne sais pas
00:51:12 comment on ferait.
00:51:13 Parce que, donc monsieur le maire, vous êtes dépourvu de tout, vous avez quelques services
00:51:18 techniques un peu, vous n'avez pas toutes les équipes qu'ont les grands maires et pourtant
00:51:25 vous avez les mêmes sujets, les mêmes problèmes, les habitants vous demandent des choses et
00:51:28 il faut que vous fassiez avec un budget limité.
00:51:31 Donc vous m'avez dit que de temps en temps vous rêviez d'être maire d'Auriac, Auriac
00:51:35 c'est pas la métropole mais c'est à côté du Rojet, la grande ville.
00:51:40 Mais quand même vous faites beaucoup de choses, comment vous vous y prenez ?
00:51:44 Je rêve pas d'être maire d'Auriac, ne vous inquiétez pas.
00:51:50 Comment on s'y prend ? Avec pragmatisme et en rencontrant des gens comme Simon.
00:51:57 Ma première rencontre avec Simon, c'est pas avec Simon, c'est avec un immeuble.
00:52:05 C'est la construction de sa maison et de son atelier sur notre commune qui nous a fait
00:52:11 certainement nous rencontrer et qui nous a interrogé sur la forme architecturale puisque
00:52:19 quand on vient sur nos territoires c'est avant tout pour chercher de l'espace.
00:52:24 Et Simon est venu occuper une encreuse et en plus il a construit un hauteur, ce qui
00:52:29 était à la chronique sur notre commune.
00:52:32 Donc il a retrouvé son atelier, son habitation qui ont été là et puis comme il était
00:52:37 sur la commune et qu'il est architecte, on s'est dit faut peut-être qu'on travaille
00:52:42 ensemble, en tout cas qu'on se rencontre.
00:52:45 Et on a commencé comme ça avec des petits projets, des petits bouts de projets et puis
00:52:54 tout doucement est arrivé effectivement ce plan guide.
00:52:59 Vous avez bien fait de rappeler que c'était gratuit, j'ai peur que maintenant les honoraires
00:53:03 vont fortement augmenter de l'agence.
00:53:06 Maintenant que tu es une vedette Simon, enfin en tout cas on ne pourra pas nous accuser
00:53:12 d'être opportuniste puisque on s'est connu bien avant que tu sois reconnu au niveau national
00:53:20 même peut-être international.
00:53:21 En fait on a un point commun, moi aussi j'ai été élu au premier tour et pas qu'une fois.
00:53:28 En tout cas Simon, il nous amène beaucoup de choses parce que moi c'est son sens du
00:53:43 détail et en départ c'est un petit peu compliqué de travailler Simon parce qu'il n'a pas envie
00:53:49 d'y sauter dans les bras, d'y taper dans le dos et d'y faire la bise mais il y a un peu
00:53:54 de stère et puis très radical dans ses explications et avec beaucoup d'assurance dans ce qu'il
00:54:01 nous présentait.
00:54:02 Et nous les élus, alors ça on a beaucoup de certitude parce que tous les élus quand
00:54:06 ils vont sur un chantier ils sont tous ingénieurs, ils sont tous architectes, ils sont tous assez
00:54:11 difficiles quand il y a quatre élus autour de la table.
00:54:13 Et en cela il a fallu que vous disiez qu'on s'apprivoise l'un et l'autre.
00:54:20 Alors lui avec sa radicalité et puis surtout certainement à se dire, mais ils ne comprennent
00:54:26 rien, ils ne s'avancent pas assez vite, il faut le temps de la compréhension du projet.
00:54:33 Et effectivement nous on s'inscrit dans un temps long et ce qui fait je pense la qualité
00:54:39 de notre relation c'est qu'il faut une stabilité politique.
00:54:42 Alors vous le disiez pas obligatoirement parce qu'après on peut, la qualité du projet étant
00:54:48 là les élus suivants peuvent se l'approprier mais pas toujours parce que les élus sont
00:54:52 versatiles, mettre sa patte sur un territoire ou sur sa commune.
00:54:57 Mais Simon, il nous a appris aussi à lire notre commune.
00:55:04 La commune du Rouge et Perse c'est une commune récente, moi j'appelle ça le Far West,
00:55:10 le Far West parce qu'elle a été créée, c'est une commune qui a été créée en
00:55:14 1945 et qui s'est créée à partir de rien, à partir de l'arrivée du chemin de fer.
00:55:19 Le chemin de fer en 1860, il n'y avait rien, une gare qui se pose, des commerces, des habitations
00:55:24 et voilà un mot qui se crée et puis au bout d'une centaine d'années, les gens qui demandent
00:55:30 leur indépendance et la commune qui se crée.
00:55:32 Et donc on ne retrouve pas la morphologie des bourgs traditionnels du département,
00:55:41 les équipements ont été jetés comme on jette une poignée de graines au poule et
00:55:45 puis voilà les équipements se sont posés pas n'importe comment, il y avait quand même
00:55:51 des axes structurants le long, mais aucun lien et aucun sens entre ces espaces.
00:55:59 Et Simon a amené une lecture du territoire, il nous a appris à qualifier notre bourg,
00:56:08 les différentes ambiances, les différents espaces, tout ça.
00:56:13 Et il nous a appris aussi à nous donner, à élever nos exigences en termes de pratiques
00:56:21 architecturales et d'urbanisme.
00:56:23 Ce qui est impressionnant dans le travail de Simon, dans ce qu'il fait avec nous, c'est
00:56:28 son sens du détail.
00:56:29 Alors quand vous êtes sur une réunion de chantier, c'est énervant, c'est énervant.
00:56:33 La couleur de la poignée de la porte, la tringue, le machin, le fond de mur, tout,
00:56:43 la hauteur du radiateur, tout, tout, tout.
00:56:46 Alors les artisans, ça les énerve, ça les énerve.
00:56:50 Mais n'empêche que, au départ on se dit mais oui bon, allez c'est bon, maintenant
00:56:55 on va passer à autre chose.
00:56:56 Moi ça fait 20 ans que je suis élu, j'en ai vu passer des architectes.
00:57:01 Alors maintenant, quand je rentre dans un bâtiment, j'ai un peu le regard de Simon
00:57:08 avec ses compétences.
00:57:09 En tout cas je me dis, ah ben ça c'est pas terrible ça.
00:57:13 Le machin électraviole là, la couleur du truc là.
00:57:17 Et quand on rentre dans un bâtiment, en tout cas ce qu'il a fait avec nous, Simon, c'est
00:57:23 harmonieux, il n'y a rien qui accroche, on se plaît, on est bien.
00:57:32 On a fait une médiathèque, qu'est-ce que c'est agréable d'être dans ce bâtiment,
00:57:38 il n'y a rien qui accroche le regard, l'ambiance, on a envie de se poser comme là, dans le
00:57:46 fauteuil.
00:57:47 Et ce sens du détail, il l'a partout.
00:57:50 C'est sur une pierre qu'on va poser, c'est sur un banc.
00:57:54 Alors on pourrait se dire, dans nos territoires, est-ce qu'on a besoin de tout ça, nous,
00:57:58 dans nos territoires un peu perdus, un peu oubliés.
00:58:01 Moi je me dis qu'il n'y a pas de fatalité à faire des trucs moches, enfin plutôt il
00:58:05 n'y a pas de fatalité à faire des trucs beaux.
00:58:06 Et c'est ce qui est bien, c'est de nous donner un peu d'ambition, puis de se dire
00:58:16 qu'il n'y a pas que dans les métropoles où on peut faire des beaux aménagements
00:58:19 et puis changer nos pratiques aussi.
00:58:22 Il nous apprend à avoir un autre regard.
00:58:24 En plus il est chez vous, ça veut dire qu'il voit, il voit tout.
00:58:28 Proximité donc, il ne laisse rien passer.
00:58:31 Alors ça c'est une autre qualité de Simon aussi, c'est comme quand on est maire du
00:58:37 Rouget, on n'a pas d'ambition particulière, si ce n'est d'être au service de son territoire
00:58:42 et de passer du temps au service des habitants et du territoire.
00:58:45 Et d'être attaché à son territoire.
00:58:48 Et Simon c'est la même chose, parce que quand on implante son agence au Rouget Perse,
00:58:55 qu'est-ce qu'on peut avoir comme autre ambition qu'être au service du territoire ? Et c'est
00:59:01 une vraie fierté pour nous d'avoir Simon.
00:59:04 Alors il n'est pas assez souvent là maintenant, on essaie bien de le croiser de temps en temps
00:59:09 mais c'est compliqué.
00:59:10 Déjà il marche, il faut arriver à le suivre parce qu'il est toujours en train de marcher
00:59:14 dans le bourg.
00:59:15 Maintenant je me mets à marcher moi aussi, ça ne me fait pas de mal d'ailleurs.
00:59:18 Mais n'empêche qu'on plaisante, la marche par exemple, même dans nos mours, en milieu
00:59:26 rural, ça aussi c'est des paradoxes parce qu'il y a des injonctions contradictoires,
00:59:31 les consommations, les déplacements, les machins, mais nous on vit avec des voitures
00:59:35 chez nous, on est obligé de vivre avec des voitures sur nos territoires.
00:59:38 Et l'aménagement de l'espace public, comme on l'a fait avec Simon, on s'aperçoit qu'aujourd'hui
00:59:47 les pratiques, l'appropriation des espaces par les gens, par des aménagements qualitatifs,
00:59:54 font qu'on arrive à changer les pratiques même chez nous.
00:59:56 Moi j'arrive à voir maintenant, on voit des mamans, des papas, des enfants qui marchent,
01:00:02 qui ne prennent plus la voiture pour aller à l'école, qui ne prennent plus la voiture
01:00:04 pour aller au plan d'eau.
01:00:06 Quand on fait des choses qualitatives où on se sent bien en sécurité, on les utilise
01:00:13 et on se les approprie.
01:00:14 Et ce détail de Simon, il va jusqu'au, je ne sais plus qui le disait, c'est le dessin
01:00:19 du banc, on est en train de travailler là-dessus, on se disait "pour s'emmerder avec faire
01:00:25 un banc, il n'y a qu'à prendre un catalogue, on va commander tous les mêmes".
01:00:29 Et puis Simon il nous dit "oui, c'est la facilité".
01:00:35 Et on ne fait pas des bancs, Simon il ne dessine pas des bancs pour faire différemment des
01:00:40 autres, il dessine quelque chose pour que les gens se l'approprient et que les gens
01:00:45 de la commune soient fiers d'utiliser ce genre d'aménagement.
01:00:50 J'ai même refusé la région qui voulait me filer un abribus gratos, Simon m'a convaincu
01:00:57 d'y renoncer.
01:01:00 Avant que tu parles, je voulais en rajouter quelque chose sur le côté "free control",
01:01:23 parce que nous on a vécu avec le livre Antoine Petitjean et moi, on écrivait des choses,
01:01:29 on l'interviewait, il revenait, il corrigeait, on pourrait peut-être dire ça autrement
01:01:33 et ça autrement.
01:01:34 Donc je vous comprends très bien monsieur le maire, parce que travailler avec Simon,
01:01:39 c'est vraiment accepter d'avoir un "free control".
01:01:43 Mais c'est pour la bonne chose, c'est pour la bonne cause, et ça améliore les choses.
01:01:49 Mais peut-être il y a un moment où on t'arrête quand même.
01:01:51 J'aimerais bien me reposer un petit peu.
01:01:54 Non mais en même temps c'est une opportunité incroyable, on te dit "regarde tu vas faire
01:02:02 un livre, donc tu prends le temps de le faire correctement".
01:02:05 C'est le minimum quoi.
01:02:07 Je voulais rebondir sur ce que disait Gilles en disant "il nous a appris à regarder le
01:02:18 territoire".
01:02:19 Je me rappelle quand j'enseignais en première année à l'école d'architecture, j'étais
01:02:25 frappé par un livre qui s'appelait "l'apprentissage du regard".
01:02:29 Et ça c'est fondamental.
01:02:31 En fait le rouger, j'ai mis beaucoup de temps à comprendre le rouger, parce que c'est un
01:02:36 territoire diffus, il n'y a pas vraiment de structure, etc.
01:02:39 J'ai mis 7-8 ans pour le comprendre, et la lecture du livre "La découverte du paysage
01:02:45 vernaculaire" de John Brackenhoff Jackson a été une révélation pour moi.
01:02:49 Parce qu'il nous fait comprendre comment un territoire peut être lu au travers de
01:02:57 figures vernaculaires ou de figures politiques.
01:03:00 Lui il appelle ça le paysage vernaculaire, le paysage du vécu, et le paysage politique,
01:03:05 celui qui est décidé dans les grandes capitales, dont fait partie par exemple une infrastructure
01:03:09 ferroviaire.
01:03:10 Le rouger c'est ça, c'est l'alternance de ces deux paysages qui façonnent le territoire.
01:03:15 D'abord la voie ferrée, j'ai compris très récemment pourquoi la voie ferrée avait
01:03:20 été posée là et nulle part ailleurs, parce que je rentrais d'une balade, parce que je
01:03:24 marche beaucoup effectivement, je rentrais d'une balade sur la ligne des crêtes, et
01:03:30 à ce moment là il y a des nuages qui sont rentrés comme ça au rouger, parce qu'il
01:03:33 y a une sorte de tempête qui se préparait un peu.
01:03:36 Et j'ai compris que c'était pile poil dans le creux de cette ligne de crête, et que
01:03:42 les ingénieurs l'avaient mise là tout simplement parce que ça devait générer moins de déblé
01:03:44 etc. et de ramblés.
01:03:46 Donc le tracé de l'ingénieur, ensuite le village qui se développe autour des chemins
01:03:52 ruraux préexistants qui reliaient d'autres villages, les pieds au sec sur la ligne de
01:03:56 crête, et puis ensuite de nouveau un paysage politique avec la création du centre civique
01:04:02 et la acquisition foncière, on s'en fout de la topo, on fait une grande place bien
01:04:08 horizontale des années 60, et en même temps ça fonctionne, il n'y a pas de jugement
01:04:13 de valeur, je ne dis pas qu'il y a un paysage qui est mieux que l'autre, c'est juste qu'à
01:04:15 un moment donné, et puis très récemment nouvelle incarnation du paysage politique,
01:04:21 la déviation de la route nationale 122 qui coupe le territoire en deux avec des terrassements
01:04:26 de milliers de mètres cubes, qui fait complètement fi de la topographie de nouveau etc etc.
01:04:32 Et en fait c'est aussi ces lectures qui m'ont donné les clés pour comprendre le territoire
01:04:40 et que j'ai voulu partager avec vous pour expliquer comment on pouvait en arriver jusqu'à
01:04:44 l'idée du plan guide.
01:04:48 Avant de prendre les questions, j'en ai quelques unes d'ailleurs des personnes qui nous suivent
01:04:53 en visio, je voulais revenir à Gilles Combelle dans son rôle de vice-président du département,
01:05:00 parce que vous êtes très optimiste, et d'ailleurs Simon le dit aussi dans son livre, sur l'attractivité
01:05:06 de vos territoires, vous dites qu'il y a déjà beaucoup d'urbains qui s'installent pour
01:05:10 plusieurs raisons, le climat, la convivialité, la sécurité, mais qu'en même temps vous
01:05:16 avez le sentiment que les gens se sentent oubliés, puisqu'ils ont moins de services,
01:05:25 vous êtes très mal desservis, vous m'avez dit aussi que vous étiez tout à fait partant
01:05:30 pour accueillir les nouvelles énergies sur votre territoire, mais que vous souhaitiez
01:05:35 que les élus ruraux en général souhaitent un échange vraiment d'égal à égal avec
01:05:41 l'état, au sens où vous êtes prêt à accueillir l'industrie, les nouvelles énergies, mais
01:05:47 dans un dialogue, et que ça vous serve, que ça serve votre territoire, que ça ne le
01:05:51 desserte pas, et Simon dit aussi sur les nouvelles énergies que certains projets peuvent être
01:05:58 nuisibles parce qu'ils génèrent de la circulation, ils génèrent des nuisances, donc comment
01:06:04 faire en sorte en même temps que vos territoires qui sont au fond les seuls où on peut s'implanter
01:06:10 puissent accueillir les énergies renouvelables et les nouvelles industries, puisque la France
01:06:14 doit se réindustrialiser, mais que ce soit en dialogue avec vous et que ça serve vos
01:06:19 territoires. On verra tout à l'heure avec Philippe Esteb, il a fait avec ses collègues
01:06:24 d'Acadie une étude très importante sur l'ensemble de la France, et il montre que la France rurale
01:06:30 est très très diverse, c'est pas une seule France, et que les problématiques sont différentes,
01:06:35 et que la méthode à la française, que tout le monde est pareil, ne marche pas, tu diras
01:06:39 beaucoup mieux que moi Philippe tout à l'heure. Mais en tout cas, ce serait intéressant de
01:06:43 vous entendre à ce titre, c'est-à-dire l'avenir de vos territoires, comment vous les voyez,
01:06:49 au-delà de votre deal ?
01:06:51 Nos territoires, c'est... il y avait un slide quand vous présentiez vos propos linéaires,
01:07:00 les territoires oubliés, effectivement j'ai l'impression qu'on est un peu oubliés de
01:07:07 la République, et on est à la limite des territoires même perdus, on en arrive à
01:07:14 des seuils de populations qui sont extrêmement faibles, le département du Cantal c'est 140
01:07:20 000 habitants, 240 communes, on n'est pas serré hein. Et les politiques de l'Etat,
01:07:31 de décentralisation, je ne sais plus si j'ai une politique de décentralisation aujourd'hui,
01:07:35 je ne sais pas ce que ça veut dire, enfin si, moi je sais ce que ça veut dire, mais
01:07:40 je ne sais pas si l'Etat et les gouvernants savent ce que ça veut dire. Et on a fait
01:07:45 les métropoles, il y a beaucoup de moyens qui entassent les gens, on voit aujourd'hui
01:07:50 on a une société fracturée, on a une société de fous. Et chez nous, c'est là que je mets
01:07:57 beaucoup d'espoir, c'est que dans cette société anxiogène, dans ces évolutions climatiques,
01:08:04 il y a quelques temps nos territoires comme le Cantal, déjà vous voyez le Cantal, c'est
01:08:09 le point bleu sur la carte météo le matin, et pendant longtemps les gens, même les gens
01:08:15 du territoire le prenaient très mal, et encore se disent, je téléphone régulièrement
01:08:21 à TF1, arrêtez de citer TF1 et les autres, de voir ce point bleu. Avant c'était l'Angre,
01:08:27 je sais pas, ils ont dû faire péter le machin à l'Angre, parce qu'on voit plus la météo
01:08:31 de l'Angre. Moi j'ai dit non non, faut le garder ça, au moins des gens partent de nous.
01:08:37 Donc déjà les gens se questionnent et puis ils arrivent à localiser le point bleu. Et
01:08:42 il y a quelques années on réfléchissait, on avait fait un petit colloque avec des élus,
01:08:46 une quinzaine d'années je crois, on cherchait un slogan pour le Cantal et puis il y avait
01:08:52 un député qui avait dit "venez chez nous, les nuits sont fraîches, vous dormirez bien".
01:08:57 Alors tout le monde s'était marré, il est marrant le député, il est marrant. N'empêche
01:09:01 qu'aujourd'hui les gens ils viennent chez nous pour dormir parce que les nuits sont
01:09:03 fraîches. Et ouais, 15 ans après c'est ça, c'est que les gens ont une résilience, et
01:09:08 puis il y a des gens du sud, alors avant traditionnellement c'était les gens du nord qui descendaient chez
01:09:10 nous. Enfin le nord c'est pas bien loin, c'est au-dessus de la Loire quoi. Et maintenant
01:09:16 on voit des populations qui viennent du sud de la France, qui viennent de la bordure de
01:09:20 la Méditerranée, qui viennent de Perpignan, qui viennent de Marseille, qui viennent d'Aix,
01:09:23 et puis on se dit "mais qu'est-ce qu'ils viennent faire chez nous ? Qu'est-ce qu'ils
01:09:26 viennent faire chez nous ?" On vient chercher de la fraîcheur, et de la sécurité, et
01:09:33 de la tranquillité, et de voir un peu de... Voilà, c'est ça, voilà ce qu'ils viennent
01:09:38 chercher. Alors c'est là-dessus que je dis nos territoires. Alors on va pas... Le département
01:09:42 du Cantal il va peut-être passer à 250 000 habitants, parce qu'on pourrait pas de toute
01:09:46 façon... Et c'est là qu'on est un peu oubliés par contre par les services de l'Etat parce
01:09:49 que si on maintient pas un minimum de services, ça va être compliqué. Il y a des parties
01:09:55 du département, aujourd'hui, une famille qui veut venir s'installer chez nous, faut
01:10:00 être motivé, hein. Parce qu'entre la santé, les écoles, les machins qui disparaissent,
01:10:04 c'est extrêmement... Et on se bat, on se bat pour ça. Mais ces territoires encore où
01:10:13 on peut vivre, où on peut discuter, où on peut se croiser, où on échange, où il
01:10:17 y a de la convivialité, moi je crois qu'on a de l'avenir. Voilà, on a de l'avenir,
01:10:22 moi j'ai beaucoup d'espoir en ça, quoi. Avec cette société qui a voulu un peu vite,
01:10:27 faut pas allumer la télé maintenant, hein, si on voulait bien dormir. Genou, y a pas
01:10:32 besoin de télé, on ouvre la fenêtre, on regarde les vaches, les piafs, les machins.
01:10:35 Et puis voilà, c'est sympa. Et puis je vois Simon qui passe. Ah voilà. Alors je le suis
01:10:43 parce qu'il y a encore une idée. Avant qu'il augmente les tarifs, faut que je note tout
01:10:47 ça parce que... Mais oui, compliquer nos territoires, hein. Compliquer, compliquer,
01:10:53 hein. C'est compliqué, mais vous faites des choses et vous êtes actifs, si j'ai bien
01:10:58 compris. Alors on va prendre quelques questions déjà du chat. Et puis ceux qui veulent poser
01:11:03 des questions, faites-le nous savoir. Oui, il va y avoir des hôtesses qui vont vous
01:11:09 passer le micro. Alors je commence par les félicitations. Alors bravo Simon Tessou et
01:11:15 Nathalie Hérare et toute l'équipe du CAUE. Alors la pensée transcalaire semble dorénavant
01:11:22 vitale d'après vos propos. Quels sont les genèses de cette pensée? D'où tient-elle
01:11:27 ses origines? Première question. Mais tu réponds très, très brièvement, hein, Simon.
01:11:34 Parce que sinon, vu la science de Simon, il en a pour une heure. Moi, je propose de ne
01:11:38 pas répondre et de demander à Frédéric Bonnet de répondre à cette question tout
01:11:42 à l'heure. Alors, c'est Frédéric à la base ou pas seulement? C'est toutes les lectures
01:11:50 et c'est Kenneth Frampton. Franchement, Frédéric Bonnet est la bonne personne pour répondre
01:11:55 à cette question parce que c'est notre maître en la matière. Alors Simon Tessou, pourrait-il
01:12:01 nous parler de son rapport au patrimoine? Préservation versus adaptation, architecture
01:12:06 traditionnelle versus architecture contemporaine. Alors ça, c'est un point sur lequel il faut
01:12:11 qu'on insiste parce que dans l'ouvrage, tu t'es pas privé de taper un peu sur les
01:12:17 architectes des bâtiments de France. Pas vraiment, t'as pas vraiment tapé dessus.
01:12:21 Tu as juste dit il y en a qui sont très, très bien et il y en a qui m'empêchent
01:12:27 de faire patrimoine. Donc peut être tu peux en parler. En tout cas, pour ceux qui connaissent
01:12:32 le travail de Simon, la modernité est extrêmement présente. Alors peut être on peut citer
01:12:37 aussi Patrick Bouchin. Lui, il parle de vernaculaire contemporain. Je ne sais pas si tu te reconnais
01:12:43 là dedans. Alors est-ce que tu peux répondre à ces questions?
01:12:46 Le rapport au patrimoine, on va l'aborder assez largement dans la deuxième table ronde,
01:12:55 mais je veux bien, en fait, encore une fois, moi j'ai aucun problème avec les architectes
01:12:59 des bâtiments de France. Je pense par contre qu'on met nos architectes des bâtiments
01:13:06 de France en difficulté en réalité. Parce que c'est des personnes qui ont des compétences
01:13:12 extraordinaires dans la reconnaissance du patrimoine et plutôt que de les mettre dans
01:13:16 une position où ils co-construisent les réponses à un sujet donné, on les cantonne dans un
01:13:22 rôle de censeurs parce qu'ils n'ont pas le temps. Tout simplement, ils sont abreuvés
01:13:27 de dossiers, submergés et donc ils font des avis un peu parfois par dessus la jambe tout
01:13:31 simplement parce qu'ils n'ont pas le temps. Et voilà, donc moi je n'ai pas de problème
01:13:39 avec l'architecte des bâtiments de France, j'ai un souci sur la manière dont on aborde
01:13:44 la question du patrimoine en France. C'est plutôt ça le sujet, ça n'a rien à voir
01:13:48 avec les questions de personnes. Ce ne sont pas des attaques envers des personnes. Et
01:13:53 d'ailleurs je pense que si on continue dans cette voie, en fait, ce qu'on observe c'est
01:13:59 qu'il y a quand même une crise des vocations auprès des ABF, il y a de moins en moins
01:14:02 d'architectes qui souhaitent faire ce métier tout simplement parce qu'on rend leur position
01:14:06 juste intenable. Donc je pense qu'il est grand temps de changer de manière, de procéder,
01:14:16 c'est-à-dire vraiment utiliser leurs compétences à bon escient pour co-construire des réponses
01:14:24 dans une logique plus collégiale aussi. C'est-à-dire que moi je n'aimerais pas être à leur place,
01:14:29 de prendre une décision seule, c'est terrible. Alors que si on avait une autre manière de
01:14:37 procéder, ça me paraîtrait beaucoup plus performant pour tout le monde. Et ça nous
01:14:42 fait gagner beaucoup de temps aussi. Il faut aussi avoir confiance en la création et pas
01:14:48 en la conservation. Encore une question avant de prendre la salle, on aura près un quart
01:15:02 d'heure de conversation avec vous dans la salle. Qu'est-ce que la proximité aux décideurs,
01:15:08 aux artisans, aux entreprises modifie dans la manière d'exercer l'architecture, l'urbanisme
01:15:13 et le paysage ? Je pense que Gilles Combel en a pas mal parlé, mais est-ce que tu peux
01:15:18 répondre brièvement ? Et puis je demanderai aussi à Boris de répondre. La proximité
01:15:25 aux décideurs, aux artisans, aux entreprises.
01:15:28 Je crois que c'est ce qui caractérise précisément la pratique des territoires euros, c'est qu'on
01:15:33 est en prise directe avec les décideurs. C'est peut-être la chose principale qu'on pourrait
01:15:42 dire et qui distingue notre pratique de celle d'architectes qui travaillent dans des situations
01:15:46 métropolitaines où vous avez un jeu d'acteurs extrêmement complexe avec beaucoup de filtres
01:15:51 qui s'intercalent entre le concepteur et le décideur. Souvent d'ailleurs on ne rencontre
01:15:57 jamais le décideur, jamais le politique qui prend la décision de construire ou d'aménager
01:16:06 à la campagne. Moi quand je fais une médiathèque avec Gilles Combel, il est là à toutes les
01:16:11 périodes dans le chantier. Ce qui est intéressant aussi c'est qu'on est en amont, on fabrique
01:16:20 la commande avec eux quelque part. Comme il n'y a pas de programmiste, il n'y a pas d'assistant
01:16:23 maîtrise d'ouvrage, il n'y a pas d'ingénierie publique. Donc en fait le cahier des charges
01:16:28 il est souvent ténu, il se résume à quelques mots. Et donc on fabrique finalement le cadre
01:16:36 de la commande avec les élus directement. Et donc c'est un travail qui est, tout à
01:16:43 l'heure on parlait d'une forme d'évolution du métier d'architecte, là dans les campagnes
01:16:49 c'est vrai qu'on assume une profession qui est extrêmement large, qui va vraiment de
01:16:55 l'assistance à maîtrise d'ouvrage, à la programmation, mais aussi à la maîtrise
01:16:59 d'oeuvre, au suivi du chantier, au suivi économique de chaque projet, etc. Donc on
01:17:06 embrasse un panel de missions qui est extrêmement important.
01:17:11 Tu veux rajouter quelque chose Boris ? Sur le sujet puisque tu vis la même chose. Je
01:17:17 crois que dans l'ouvrage tu avais quand même parlé des difficultés à trouver des artisans,
01:17:20 si j'ai bien compris, parce que ça se complique. Mais on va prendre aussi la salle parce que
01:17:25 le temps passe et puis il y a une deuxième table ronde derrière. Il va falloir aller
01:17:29 laisser du temps. Alors Boris, un mot ?
01:17:31 Pour ne pas faire d'angélisme non plus, en fait ces situations de proximité, elles
01:17:36 créent aussi, on peut dire que c'est une grande situation de négociation pour le dire
01:17:40 de manière positive, mais elles créent aussi des conflits. Et on ne compte pas le nombre
01:17:45 de projets, au-delà du projet de Plosa, du Rouget, qui sont formidables et qui ont abouti.
01:17:51 A chaque fois qu'il y a un projet comme ça, il y en a peut-être 10, où on a fait des
01:17:55 études, on a eu des idées, fabriqué des récits et qui sont tombés dans les oubliettes
01:18:01 parce que la rencontre ne s'est pas produite, parce que Simon a envoyé chier l'ensemble
01:18:06 du conseil municipal, parce que c'est vrai qu'à un moment, ce jeu de négociation, il
01:18:13 a ses limites. Et c'est pareil avec les artisans, c'est-à-dire que vous le disiez, le genre
01:18:18 de projet que fabrique Simon, c'est inscrit dans une économie difficile où les entreprises
01:18:25 sont obligées de faire des efforts et quelque part, parfois, perdent de l'argent pour simplement
01:18:32 participer à l'aventure. Et donc, c'est tous ces vents contraires qui font qu'on est dans
01:18:36 des contextes qui sont à la fois d'un côté formidables et intéressants, puis d'un autre
01:18:39 côté où on voit parfois les choses un peu se déliter aussi, effectivement.
01:18:43 - On va prendre quelques questions. Oui, vous êtes ?
01:18:47 - Bon temps, oui. Oui, bonjour, merci pour cette table ronde. Je suis David Rotman de
01:18:52 l'agence Urbanova. On fait de la programmation urbaine spécialisée sur l'immobilier productif
01:18:57 pour la transition, donc des acteurs de l'économie circulaire et des acteurs de l'économie
01:19:01 sociale. Votre table ronde, elle s'appelle "Travailler en compagne" et finalement, les
01:19:04 projets que vous montrez, c'est beaucoup des projets soit d'équipement public, soit d'espace
01:19:08 public. Vous avez dit que tout ce qui est le patrimoine paysager de la ruralité a été
01:19:13 détruit par le lotissement. Certains disent la même chose des zones d'activité. Et j'aurais
01:19:18 aimé savoir si vous aviez quel regard vous portiez sur ces zones qui sont aussi des marqueurs
01:19:25 de la France rurale. Merci.
01:19:28 - Si vous voulez bien, on pourra préciser. Je pourrais répondre à cette question là,
01:19:34 mais c'est précisément la thématique de la seconde table ronde.
01:19:38 On va aborder justement la question du patrimoine et la question des situations périurbaines,
01:19:46 le rapport aussi avec l'agriculture, etc.
01:19:49 - Est-ce qu'il y a d'autres questions ? Vous avez tout compris ? Je ne vois pas de questions.
01:20:06 Mathurin, est-ce qu'il y a d'autres questions sur le chat que tu voudrais nous évoquer ?
01:20:13 S'il n'y en a pas, peut-être. Moi, j'ai une question que je trouve importante pour
01:20:22 vous. C'est la question des financements. C'est-à-dire qu'on a l'impression qu'il
01:20:27 n'y a pas d'argent sur ces territoires. Et toi, tu dis, Simon, oui, il y en a. Oui,
01:20:31 il y en a. Mais apparemment, vous en avez un peu. Vous avez des financements d'Etat.
01:20:38 Vous avez toutes sortes de financements. Mais tu dis surtout, il y a un manque de projets
01:20:43 plus que d'argent. Je crois que Nathalie, il a la même chose. Cette question du financement
01:20:49 des actions sur ces territoires. Nous, on a bien vu qu'avec la N.C.T., il y a quand
01:20:54 même beaucoup d'argent qui est donné sur ces territoires. Est-ce que c'est donné
01:20:58 à Bonet-Sian ? Non. Philippe Estab a également étudié l'Italie, que nous avons regardé
01:21:05 avec Guillaume Hébert dans le cadre du club Villeamménagement. En Italie, il y a une
01:21:10 stratégie nationale sur les territoires intérieurs. Ça ne fonctionne pas du tout comme la N.C.T.
01:21:15 C'est-à-dire qu'il y a 250 experts. Ils vont sur le territoire. Ils voient ce que
01:21:20 les gens veulent, ce qu'ils sont en train de faire, ce qu'ils sont en train d'inventer.
01:21:24 Et on les aide à réaliser ce que eux souhaitent réaliser. C'est une méthode assez différente
01:21:32 et intéressante, et qui est également dotée de financement. Donc, de l'argent, tu disais
01:21:37 qu'il y en a. Est-ce qu'il y en a à Bonet-Sian ? Est-ce qu'on manque de projets ? Est-ce
01:21:43 qu'on manque de savoir-faire pour les mettre en œuvre ? Quel est le problème du financement
01:21:48 de ces projets ? Je crois que je m'inscris un peu en faux par
01:21:55 rapport à cette idée selon laquelle il n'y a pas d'argent dans les territoires euros.
01:21:58 Je pense qu'il y en a, en fait. La question, c'est comment on l'utilise ? Qu'est-ce
01:22:03 qu'on en fait, en fait ? Et en quoi, finalement, cet argent va pouvoir financer des projets
01:22:09 qui sont bien conçus, bien ficelés, qui ont une pertinence par rapport au territoire.
01:22:16 D'ailleurs, ça s'est bien documenté par des économistes, cette question-là. C'est-à-dire
01:22:19 qu'il y a quand même des mécanismes de redistribution de l'argent public en France qui fonctionnent
01:22:23 encore très bien. La question, c'est de savoir combien de temps ils vont encore fonctionner.
01:22:26 J'espère qu'ils vont perdurer malgré toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés.
01:22:35 Ça, c'est loin d'être gagné. Mais je cite un économiste dont j'ai oublié le nom,
01:22:42 dans le livre, qui décrit très bien ces mécanismes. Moi, j'insisterais plutôt sur
01:22:49 le fait que s'il n'y a pas de territoire désespéré, il y a aussi des territoires
01:22:53 qui n'ont pas vraiment de projets, et qui font des travaux qui, parfois, n'ont pas
01:23:02 vraiment de sens. Moi, ça m'est déjà arrivé, par exemple, de faire une étude urbaine dans
01:23:05 un territoire dont je tairai le nom. On fait tout un plan guide, un travail considérable,
01:23:12 ce que tu décrivais tout à l'heure, Karine. Et puis, à la fin, le maire dit « la première
01:23:19 action qu'on pourrait faire, c'est décorer le rond-point à l'entrée du village ». Alors
01:23:24 qu'il y a à peu près 80 ou 120 maisons qui sont en vente dans le centre-bourg, qui
01:23:32 est en train de s'effondrer, littéralement. Et là, on se dit « bon, il n'a rien compris
01:23:36 ». Et donc, ce que dit Boris est vrai. C'est-à-dire qu'on montre des belles images, etc. On se
01:23:46 fait plaisir parce qu'on a tendance à montrer ce qui marche, mais il y a beaucoup d'échecs
01:23:50 aussi. Il y a une grande proportion de situations où on est en échec. Mais bon, c'est pas
01:23:59 très reluisant de montrer que des échecs non plus, parce qu'on essaie plutôt de donner
01:24:03 envie de transformer nos territoires de manière positive. Mais en fait, ça demande beaucoup
01:24:15 d'énergie et parfois on se sent fatigué.
01:24:17 Je pense que la question du financement, c'est pas ça le problème. C'est comment on va
01:24:26 utiliser les euros qu'on va injecter, enfin, en quoi les euros qu'on va injecter sur un
01:24:31 projet vont vraiment faire levier. Et moi, quand je vois des projets qui se résument
01:24:35 à une procédure juridique où on dit aux maires « vous allez faire 15 logements, 3
01:24:40 millions, 8 de concessions publiques d'aménagement », je me dis « mais c'est quoi ce truc
01:24:45 quoi ? ». Enfin, moi je me dis, et bon, petite commune de l'Haute-Garonne, que je ne citerai
01:24:49 pas bien sûr, mais je me dis « c'est pas ça la réponse, c'est avec cet argent,
01:24:54 qu'est-ce qu'on aurait pu faire qui soit effectivement cohérent et qui produise des
01:24:59 effets collatéraux ? ». Et tout mettre dans deux petites opérations de logement,
01:25:04 je me pose des questions sur l'impact que ça va avoir globalement. C'est plus comment
01:25:11 les euros injectés vont faire véritablement levier. Après, en trouver de l'argent,
01:25:15 il y en a. Il y a des fonds européens, il y a de la DETR, il y a du FNADT, enfin si
01:25:21 on devait citer tous les fonds, il y en a. Après, il faut aller effectivement les connaître
01:25:25 et aller les chercher. Mais il y a des organismes qui sont un peu spécialisés là-dedans,
01:25:29 je pense au syndicat de pays. Ça c'est très intéressant, ils sont déjà les organisateurs
01:25:34 des fonds leaders, FEADER, mais souvent ils ont une très bonne connaissance des fonds
01:25:39 qu'on peut aller chercher. Donc voilà, moi je pense que c'est pas le problème,
01:25:42 le problème c'est d'abord le projet. Fonder le projet et puis chercher après l'argent
01:25:46 qui va le financer.
01:25:47 Merci, donc il faut beaucoup d'intelligence, beaucoup de compétences, du rêve, faire
01:25:54 rêver les élus, peut-être que les élus aussi demandent du rêve et des visions pour
01:26:00 leur territoire. En tout cas, je vous remercie tous beaucoup, je crois que la table ronde
01:26:04 était enrichissante et répondez bien aux questions que tu t'es posées, Simon. Merci
01:26:09 beaucoup.
01:26:09 [Applaudissements]

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