• il y a 9 mois
Le 6 février 1934, il y a 90 ans jour pour jour, la place de la Concorde résonnait des cris des manifestants, des hennissements des chevaux et des premiers coups de feu qui claquent… Emmenée par les camelots du Roi de l’Action française, les Jeunesses patriotes, les militants de Solidarité française, la foule tente de se diriger vers l’Assemblée nationale, c’est l’émeute, c’est le chaos. Le lendemain, Paris se réveille avec un goût de cendres et de sang dans la bouche : 1 500 blessés, une quinzaine de morts, tel sera le bilan de cette terrible soirée.
Comment en est-on arrivé là ? Quels étaient le but, les objectifs des manifestants et des Ligues : faire tomber le gouvernement, voire abattre la République ? C’est ce que nous allons voir avec notre invité, le professeur Olivier Dard, auteur de "Février 34 : L'affrontement" paru aux éditions Fayard.

La Revue d'Histoire Européenne : https://bit.ly/3HIZClA
Transcription
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00:36 6 février 1934, il y a 90 ans jour pour jour.
00:40 La place de la Concorde résonne du cri des manifestants,
00:43 des hennissements des chevaux et des premiers coups de feu qui claquent.
00:46 Emmenée par les camelots du roi de l'action française ou les jeunesses patriotes,
00:50 la foule tente de se diriger vers l'Assemblée Nationale.
00:53 C'est l'émeute, c'est le chaos.
00:55 Lendemain, Paris se réveille avec un goût de cendre et de sang dans la bouche.
00:58 1500 blessés, une quinzaine de morts, tel sera le bilan de cette terrible soirée.
01:03 Comment en étant arrivés là ? Quel était le but ?
01:06 Les objectifs des manifestants et des ligues ?
01:08 Faire tomber le gouvernement ? Voir abattre la République ?
01:11 C'est ce que nous allons voir avec notre invité Olivier Dard.
01:14 Olivier Dard, bonjour.
01:15 – Bonjour.
01:16 – Merci d'avoir répondu à notre invitation.
01:17 Vous êtes professeur d'histoire contemporaine à Paris-Sorbonne Université,
01:22 spécialisé d'histoire politique et tout particulièrement des années 30.
01:26 Et vous venez de publier chez Fayard une somme intitulée
01:29 "Février 34, l'affrontement", livre que vous avez écrit avec Jean Philippet
01:35 qui lui est docteur en histoire et dont la thèse "Le temps des ligues,
01:42 Pierre Tétinger et les jeunesses patriotes" fait autorité sur le sujet.
01:46 Vous-même Olivier Dard, vous êtes l'auteur d'un remarqué "Voyage au cœur de l'OAS"
01:52 paru chez Perrin en 2005 ou encore d'une biographie de Charles Maurras
01:56 chez Armaud Colin en 2013.
01:59 Et vous avez collaboré pour les éditions du CER au Dictionnaire du conservatisme en 2017,
02:05 du dépopulisme en 2019 et enfin du progressisme en 2022.
02:11 Mais maintenant revenons au 6 février 34 ou plutôt à février 34 ou même avant
02:18 parce que c'est ça qui est intéressant dans votre livre,
02:20 c'est que vous remontez aux racines profondes de l'événement, de cette nuit
02:26 pour montrer que ce n'est pas forcément un simple mouvement de colère
02:30 et ces racines profondes, vous les ancrez dans l'hiver 1932-1933
02:36 que vous appelez "l'hiver du malaise".
02:38 Alors quel était ce malaise ?
02:41 – Oui, vous avez tout à fait raison de mettre en avant deux choses.
02:44 D'une part le titre que nous avons choisi avec Jean Philippet, "L'affrontement"
02:48 et le fait que nous avons aussi voulu au fond traiter non pas du 6 février 1934
02:55 parce qu'il existait déjà des livres intitulés le 6 février 34,
02:59 que ce soit Serge Bernstein ou Pierre Pellissier,
03:03 mais nous, nous avons vraiment voulu traiter février 1934 comme une séquence.
03:07 Alors une séquence effectivement qui s'ouvre à l'hiver 1932
03:11 qui est "L'hiver du malaise", j'y reviens dans un instant,
03:15 et nous avons conduit cette étude jusqu'à la chute du gouvernement d'Umergue
03:20 à l'automne 1934 qui marque d'un certain point de vue
03:24 l'échec de ceux qui avaient espéré, du point de vue notamment des droits de gouvernement
03:29 que février 1934 puisse déboucher sur une réforme de l'État.
03:33 Alors quel est cet hiver du malaise qui démarre en 1932-1933 ?
03:38 C'est au fond, au fil des mois qui passent,
03:42 j'allais dire la coalescence de plusieurs phénomènes.
03:46 D'une part, d'une France qui est entrée dans la crise économique,
03:49 véritablement depuis 1931.
03:52 Une France qui connaît un certain nombre de problèmes sociaux et de protestations,
03:56 ce qui n'est pas sans lien avec aujourd'hui.
03:59 Par rapport aux questions fiscales, aux questions agricoles,
04:03 il y a une montée des protestations agricoles et plus largement,
04:08 comme souvent en période de crise sous la 3ème République, une poussée ligueuse.
04:12 Et cette poussée ligueuse, effectivement on l'observe tout au long de l'année 1933
04:17 et bien sûr au début de 1934.
04:21 Et puis s'ajoute à cela l'impéritie de gouvernement
04:25 qui ne parvient pas à sortir la France de la crise
04:28 et on va je pense y revenir, une affaire qui va véritablement cristalliser
04:33 la fin de l'année 1933-1934.
04:36 Effectivement c'est un détonateur, mais encore une fois, c'est un détonateur.
04:40 Un détonateur, cela signifie très clairement que le malaise préexistait,
04:44 qu'un certain nombre de conditions étaient présentes
04:46 pour effectivement cette explosion de 1934.
04:49 Cette affaire, c'est bien sûr l'affaire stabilisée.
04:52 – Alors politiquement, quelles sont les forces en présence ?
04:54 On a des partis traditionnels et puis gravite autour de ces partis,
04:59 parfois représentés à l'Assemblée, ce qu'on appelle des ligues.
05:03 – Tout à fait, alors le jeu politique français, si vous voulez,
05:06 en 1932-1933 et au début de 1934, il est assez, je ne veux pas dire simple,
05:11 mais on peut assez facilement le résumer de la façon suivante.
05:14 Vous avez au pouvoir le parti radical,
05:17 le parti radical alors dominé par la figure d'Édouard Hériault ou de Camille Chottant,
05:23 c'est lui qui est président du conseil au début de 1934,
05:27 avec aussi Édouard Daladier, qu'on va voir arriver.
05:29 Ce parti radical, il a remporté les élections en 1932, allié au Parti Socialiste,
05:34 mais le Parti Socialiste, tout en étant allié des radicaux,
05:38 n'a pas voulu participer au gouvernement.
05:40 On est en 1933-1934 dans une situation très comparable à celle de 1924
05:46 avec le cartel des gauches, ce qui explique qu'on est parlé d'une néo-cartel.
05:50 À la gauche de ce cartel des gauches, vous avez un parti communiste
05:54 qui lui est dans une opposition irréductible au gouvernement.
05:57 On est à l'époque de la tactique dite "classe contre classe",
06:01 du combat que mènent Maurice Thorez et les siens
06:03 contre le social-fascisme, les sociotraîtres, etc.
06:06 Ce qui fait que les communistes vont être particulièrement actifs
06:11 dans la séquence de 1935, on y reviendra.
06:15 De l'autre côté, vous avez effectivement les droites,
06:18 mais les droites au Parlement sont très divisées entre, d'une part, l'Alliance démocratique.
06:25 L'Alliance démocratique, c'est à la fois le parti de Tardieu, de Flandin et de Reynaud.
06:31 Pour faire simple.
06:32 Vous avez au sein de l'Alliance démocratique, très clairement, deux tendances.
06:36 Une tendance qu'on appelle les "concentrationnistes",
06:39 c'est-à-dire ceux qui souhaiteraient finalement une alliance avec les radicaux.
06:43 Ce sont les proches de Flandin.
06:45 Mais vous avez aussi dans cette alliance le grand vaincu des élections de 1932,
06:50 à savoir André Tardieu, qui lui est dans une opposition très résolue aux radicaux.
06:56 Dans ce monde des droites, n'oublions pas la figure de Pierre Laval.
06:59 Je suis désolé, mais n'oublions pas la figure de Pierre Laval,
07:02 qui lui est un peu un électron libre, mais qui, dans toute l'affaire de 1934,
07:07 intrigue à ses entrées, notamment au Conseil municipal de Paris,
07:11 à la Chambre, bien entendu, et va pousser, évidemment, à un certain nombre de solutions.
07:18 Et en particulier, on l'a montré, poussé au retour de Gaston Duhmerg au pouvoir.
07:24 Alors, il y a les ligues.
07:26 Alors, les ligues, ce sont effectivement des organisations qui ne sont pas spécifiques aux années 30.
07:33 Les premières ligues remontent à l'époque du boulangisme.
07:36 La toute première ligue avait été la Ligue des Patriotes, celle de Paul Desrouledes.
07:40 Simplement, cette Ligue des Patriotes, de Desrouledes,
07:43 au lendemain de la Première Guerre mondiale, elle était absolument proche de la disparition.
07:48 Bon, Maurice Barres l'avait dirigée après la mort de Desrouledes en 1914,
07:52 mais Maurice Barres n'avait franchement pas les qualités pour être un patron de ligue.
07:56 Il en avait d'autres, mais pas celle-là.
07:58 Et Cépière Tétinger, comme l'avait très bien montré d'ailleurs Jean-Philippe dans sa thèse,
08:02 qui a repris cette Ligue des Patriotes pour en faire les Jeunesses Patriotes.
08:07 Et au début des années 30, ces Jeunesses Patriotes ont plutôt le vent en poupe.
08:11 Et elles, elles avaient appuyé les gouvernements de droite classiques entre 1928 et 1932.
08:17 Elles étaient liées à Tardieu, elles étaient liées à ces gouvernements de droite de l'époque.
08:21 Pierre Néalaval aussi.
08:23 Deuxième ligue importante, la Solidarité française.
08:27 Alors elle est beaucoup plus récente.
08:29 C'est une ligue qui a été soutenue par le parfumeur Coty.
08:32 C'est une ligue plus récente, dont on a largement surévalué les effectifs,
08:36 qui est assez liée aux Jeunesses Patriotes et qui va, au moment de février 1934,
08:41 jouer un rôle important.
08:43 Ce sont les militants de la Solidarité française qui lancent, le soir du 6 février,
08:48 le premier assaut qui débouche sur les premiers morts.
08:51 Il est à ce moment-là autour de 19h15, 19h30.
08:54 Autre ligue évidemment fondamentale, presque la doyenne,
08:58 enfin sauf à revenir à la Ligue des Patriotes, c'est l'Action française.
09:02 Alors l'Action française de Maurras, d'Odès, Pugeot, est une ligue monarchiste.
09:09 C'est tout le problème d'ailleurs de la transformation des ligues en parties.
09:12 Sauf que l'Action française, elle tout particulièrement,
09:14 qui était très anti-parlementaire et qui dénonçait la démocratie,
09:18 où il y a eu le suffrage universel avant 1914,
09:20 avait choisi en 1919 de se présenter aux élections,
09:23 avec quand même un succès très limité,
09:26 et ça avait été surtout un échec terrible en 1924.
09:29 Alors l'Action française avait par la suite affronté de sérieuses difficultés,
09:33 la dissidence de Georges Valois en 1925-1926,
09:36 et puis surtout la condamnation par le Vatican en 1926.
09:40 Alors ce qui fait que l'Action française était plutôt en difficulté,
09:43 et elle a remonté, elle est en train de remonter,
09:45 au tournant des années 30, à cause des crises, à cause des scandales.
09:49 Et n'oublions pas que l'Action française, c'est une ligue bien sûr,
09:52 mais c'est aussi un quotidien.
09:54 Et ce qui compte pour Maurras et pour Odès,
09:57 c'est d'abord le quotidien, et le quotidien de l'Action française
10:00 joue un rôle très important dans la dénonciation du scandale Stavisky,
10:04 et dans la préparation des esprits à ce qui survient en février 1934.
10:10 – Et il y a également les mouvements d'anciens combattants.
10:13 – Alors bien sûr, il y a les mouvements d'anciens combattants,
10:16 et notamment les Croix de Feu absolument.
10:18 Alors leur statut est particulier aux Croix de Feu,
10:21 parce que c'est un mélange effectivement au départ de mouvements d'anciens,
10:24 anciens combattants d'élite, ils sont 3000.
10:28 Le colonel de la Roque, le lieutenant colonel de la Roque
10:30 va élargir les assises de ce mouvement,
10:34 en particulier en l'ouvrant aux fils et filles de Croix de Feu,
10:37 donc ça va être les volontaires nationaux.
10:39 Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que avant 1934,
10:42 les Croix de Feu sont en ascension, incontestablement,
10:45 mais ce n'est absolument pas le mouvement qu'il va devenir,
10:49 le mouvement de masse qu'il va devenir en 1936 par exemple,
10:53 où les Croix de Feu comptent à peu près 600 000 adhérents, c'est considérable.
10:56 C'est après 1934 que les Croix de Feu progressent véritablement.
10:59 Mais la Roque est évidemment une figure très importante,
11:02 il tient en main ses troupes et il joue sur cette double, j'allais dire,
11:07 cette double casquette, mouvements d'anciens combattants et ligue,
11:13 tout en ne tranchant pas.
11:14 Par contre il y a aussi les véritables mouvements d'anciens combattants,
11:17 l'Union Nationale des Combattants en particulier,
11:19 plutôt lié aux droites, qui eux, l'UNC, l'Union Nationale des Combattants,
11:25 c'est sans doute avec l'Union fédérale, d'ailleurs plutôt liée aux radicaux,
11:28 les seuls mouvements véritablement de masse dans les années 30 à ce moment-là,
11:31 c'est-à-dire que c'est 700, 800 000 adhérents,
11:33 ils ont des sections absolument partout, et l'UNC va jouer un rôle important,
11:37 effectivement l'UNC parisienne va jouer un rôle important
11:40 dans l'épisode du 6 février.
11:42 – Alors on parlait du détonateur à l'affaire Stavinsky,
11:45 il y a aussi une étincelle qui va mettre le feu au bout,
11:47 c'est le limogeage du préfet Kiap, donc cette affaire Stavinsky,
11:52 elle remonte à quand ?
11:53 – Alors cette affaire Stavinsky, on a, on consacre…
11:56 – On va la résumer…
11:57 – Oui, bien sûr, mais on consacre tout un chapitre à Stavinsky,
12:00 c'est-à-dire que Stavinsky c'est une vie d'escroquerie
12:04 qui démarre évidemment pratiquement quand il est adolescent ou à peu près,
12:10 et qui va continuer jusqu'au bout.
12:12 Alors l'affaire Stavinsky, ce qu'on va appeler l'affaire Stavinsky,
12:16 c'est l'affaire dite du crédit municipal de Bayonne.
12:19 Je dirais d'un mot que d'une part, ce n'est pas l'affaire
12:23 entre guillemets la plus importante auquel a été mêlée Stavinsky,
12:26 on parle beaucoup d'une affaire, je ne vais pas rentrer dans les détails,
12:29 qui s'appelle les Optans-Hongrois, c'était financièrement
12:32 autrement plus important que Bayonne.
12:34 – Mais là elle touche le pouvoir, elle a un des meilleurs affaires.
12:36 – Voilà, toutes ces affaires touchent plus ou moins le pouvoir
12:39 parce que Stavinsky a essayé tout au long de sa vie
12:43 de nouer toute une série de relations, à la fois avec les politiques
12:47 et notamment avec le Parti Radical, mais pas seulement.
12:50 Nous montrons qu'il y a aussi quelques liens avec des dirigeants des droites.
12:55 Il y a également le souci de Stavinsky de se mettre bien
12:58 avec même certains dirigeants de mouvements d'anciens combattants,
13:01 bref de trouver les moyens au sein d'un certain nombre de notabilités
13:05 pour monter ses affaires.
13:06 Alors l'affaire du crédit municipal de Bayonne,
13:09 elle a été une affaire tout à fait classique de pyramide de Ponzi,
13:13 c'est-à-dire qu'au fond vous récupérez un certain nombre de dons,
13:17 enfin de dépôts, que vous promettez évidemment des taux formidables
13:23 et très intéressants et vous payez évidemment les intérêts
13:26 avec le capital déposé jusqu'au moment où ça s'arrête.
13:30 Alors il y avait déjà eu des précédents à Orléans et ailleurs
13:33 et là ce qui est nouveau c'est que pour la première fois
13:37 à la fin de l'année 1933, les autorités sentent que Stavinsky
13:41 ne peut plus être soutenu, la situation se dégrade pour lui
13:45 et à la fin de l'année 1933 éclate effectivement l'affaire
13:50 du crédit municipal de Bayonne, Stavinsky est mis en cause
13:53 et à travers cette campagne contre Stavinsky,
13:57 on se développe si vous voulez une véritable campagne de presse
14:01 qui montre à quel point effectivement ce personnage a réussi
14:04 à infiltrer, circonvenir toute une partie des élites
14:09 de la Troisième République, pas considérable mais quand même
14:12 il est assez introduit dans toute une série milieuse
14:15 qui lui permet de mener ses affaires.
14:17 – Donc il monte dans l'opinion publique un sentiment alors
14:19 qui est "ils sont tous pourris, tous développeurs".
14:22 – Oui absolument, alors la question effectivement du "tous pourris"
14:25 est très présente, monte aussi un sentiment très important
14:29 propre à la Troisième République mais qu'on retrouve d'ailleurs aujourd'hui
14:32 et ça c'est intéressant qu'on en reparle.
14:34 – On en reparlera à la fin.
14:35 – C'est la question de l'anti-parlementarisme,
14:37 l'anti-parlementarisme est une des constantes des crises
14:40 qui mettent en jeu notamment les mouvements protestataires,
14:43 les droites nationalistes, que ce soit à l'époque du boulangisme,
14:47 de l'affaire Dreyfus etc. et là, évidemment l'anti-parlementarisme
14:51 est très fort et on le mesure dans l'opinion, ça va des chauffeurs
14:54 de taxi qui protestent contre le prix de l'essence,
14:58 on a des rapports de police qui nous montrent très bien
15:01 que dans les cinémas, lors des films d'actualité,
15:05 puisqu'avant le film il y avait des actualités,
15:07 – Les gens en eut.
15:08 – Les gens en eut etc. donc il y a effectivement un élément,
15:12 il y a un élément protestataire très important qui va se renforcer évidemment
15:16 avec la mort de Stavisky le 8 janvier 1934, un suicide sans doute
15:22 mais auquel personne ne croit à l'époque, tout le monde pense
15:25 que Stavisky a été assassiné par les autorités pour ne plus parler etc.
15:30 sans doute pas, mais le problème n'est pas là, à partir de ce moment-là
15:36 effectivement le gouvernement et en particulier les radicaux, Chotan,
15:39 sont très directement mis en cause puisqu'on demande à droite,
15:43 à la Chambre, avec toute une génération nouvelle d'ailleurs qui arrive,
15:47 Philippe Henriot etc. la création d'une commission d'enquête.
15:50 – Et alors donc les premiers appels à manifester pour le 6 février,
15:55 ça commence quelques jours avant, on a l'apprémisse ?
15:57 – Alors je crois que oui, si vous voulez je crois qu'en fait il ne faut pas voir
16:00 le 6 février comme quelque chose qui aurait été préparé très en amont.
16:05 – C'est assez spontané comme rassemblement ?
16:07 – Alors c'est-à-dire qu'en réalité, si vous voulez, il y a deux choses,
16:10 tout au long du mois de janvier 1934, l'Action Française
16:15 et les Jeunesses Patriotes d'ailleurs, les Ligues,
16:18 appellent régulièrement à manifester, cherchent en quelque sorte
16:22 à embrayer sur cette protestation et l'Action Française, de façon triclassique,
16:27 veut articuler le discours du quotidien et le rôle de la Ligue
16:33 et en particulier les Camelots du Roi.
16:35 Donc on appelle à des mobilisations, je ne dis pas quotidiennes,
16:38 mais très régulièrement tout au long du mois de janvier 1933.
16:41 Ce que font également les Jeunesses Patriotes.
16:44 L'idée est de préparer les esprits évidemment,
16:48 non pas véritablement à un coup de force, c'est tout le problème,
16:51 on ne sait pas exactement ce qu'on veut, mais monter au fond,
16:54 faire monter la pression contre le gouvernement radical
16:57 et contre Chotan pour obtenir la démission de Chotan.
17:01 C'est une première phase qui va d'ailleurs être finalement,
17:06 ce mois de janvier 1934, véritablement le moment Ligueur.
17:11 Ils sont tout seuls, les anciens combattants commencent à s'en préoccuper,
17:15 les Croix de Feu regardent ça avec intérêt,
17:17 mais je dirais que la grande manifestation d'Action Française,
17:20 ce n'est pas tellement le 6 février, c'est le 27 janvier 1934,
17:23 elle est d'ailleurs assez violente, mais là l'Action Française est à son affaire,
17:28 c'est elle qui a pris un certain nombre de choses en main,
17:30 elle n'est pas seule évidemment, et ça lui convient assez bien
17:35 du point de vue de la façon dont ces petits groupes agissent vis-à-vis de la police,
17:41 car l'Action Française, les camelots du roi ont toujours une attitude extrêmement mobile
17:45 dans les mouvements de rue etc. ce qui ne peut pas être le cas à la Concorde,
17:49 mais cette première phase culmine effectivement avec cette manifestation du 27 janvier,
17:54 mais ensuite la démission de Chotan et l'arrivée au pouvoir de Daladier
18:00 semblent calmer les esprits, pas l'Action Française elle-même qui est antirépublicaine,
18:05 mais ce qu'il faut bien comprendre et que nos téléspectateurs comprennent bien,
18:10 c'est que finalement quand Daladier arrive aux affaires,
18:14 on est à la fin du mois de janvier 1934, il est plutôt bien vu des droites,
18:18 c'est un ancien combattant, il n'est pas assimilé à la corruption des radicaux etc.
18:22 et finalement il pourrait avoir sa chance et d'ailleurs il va composer un ministère
18:27 avec quelques personnes qu'il va aller chercher du côté des droites etc.
18:31 et ce qui va remettre, j'allais dire, une pièce dans la machine,
18:35 c'est la décision du gouvernement et donc de Daladier et de son ministre de l'Intérieur
18:44 de vouloir finalement muter Jean Chiap, le préfet de police de Paris.
18:51 – Qui était plutôt pressé de la droite.
18:53 – Alors oui, on a fait de Chiap le préfet des ligues,
18:56 bon c'est tout à fait exagéré, Chiap est en poste depuis 1927,
19:04 effectivement il est plus proche bien sûr des droites que des gauches,
19:09 mais les radicaux s'en sont accommodés, Chiap est surtout détesté par les gauches,
19:14 socialistes et communistes, les communistes le détestent à cause
19:18 des manifestations contre Sacco et Vanzetti etc.
19:21 et ce qui est certain c'est qu'à l'époque de Chiap,
19:24 Chiap préfet de police, les ligues peuvent manifester dans Paris,
19:28 il va d'ailleurs dans certains cas pour des arrestations préventives etc.
19:32 mais les communistes eux ont beaucoup plus de mal et les gauches ont beaucoup plus de mal à manifester.
19:37 Il est un symbole et sa mutation pour un très beau poste,
19:41 parce qu'on dit parfois que Chiap a été révoqué,
19:44 non il est muté pour un très beau poste, donc résident général au Maroc,
19:49 sauf que la façon dont évidemment les choses se produisent,
19:53 et le jeu de chaises musicales qui précède avec des mutations d'ambassadeurs etc.
19:58 donne à penser que Daladier veut donner des gages aux gauches
20:03 et notamment aux socialistes et alors là ça remet vraiment une pièce dans la machine
20:07 parce que Chiap refuse dans un premier temps cette mutation,
20:11 il prétend être atteint d'une sciatique etc. je ne rentre pas dans les détails,
20:15 mais la crise qui semblait finalement s'atténuer,
20:19 redémarre à ce moment là dans le week-end dont je rappelle que le 6 février est un mardi,
20:24 dans le week-end le samedi dimanche, samedi 3, mutation de Chiap,
20:29 mobilisation et cette fois-ci des croix de feu entrent dans l'affaire
20:33 et on met sur pied effectivement définitivement cette manifestation pour le 6 février.
20:39 – Quel est le mot d'ordre principal ?
20:41 – Alors avant déjà, pourquoi le 6 février ?
20:43 Parce que le 6 février c'est le jour de l'investiture de Daladier.
20:45 – Oui, parce que effectivement les manifestations se mènent le soir en plus,
20:48 c'est pas le droit aujourd'hui.
20:50 – Oui, mais là c'est l'investiture de Daladier,
20:52 donc les mots d'ordre, ben les mots d'ordre sont en réalité assez flous,
20:57 enfin flous, chaque organisation a les siens,
21:01 je dirais que le plus important à retenir c'est sans doute l'idée qu'il faut abattre les voleurs,
21:08 la question de la corruption, l'antiparlementarisme ici joue à plein,
21:12 ce gouvernement a un problème avec l'honnêteté, la corruption etc.
21:17 et donc on veut effectivement se développer une manifestation ou des manifestations,
21:24 parce qu'il y en a eu un certain nombre, contre les scandales, les voleurs, les affaires etc.
21:29 – Alors on ne va pas rentrer dans les détails du 6 février,
21:32 heure par heure comme vous le faites dans le livre, c'est très intéressant,
21:36 mais déjà rapidement, les forces en présence,
21:40 donc on a l'Action française, on a les Croix de Feu, les Jeunesses Patriotes
21:44 et la Solidarité française, – Oui, les anciens combattants,
21:48 – Les anciens combattants, – Et les communistes.
21:50 – Et les communistes, ça c'est… – Les anciens combattants communistes
21:52 appellent à manifester le 6. – Aux côtés des ligues.
21:55 – Alors, oui, eux ils ont leur propre expressivité,
21:57 ce qu'il faut comprendre c'est que chacun appelle à manifester à des endroits différents.
22:00 – Oui, voilà, vous voulez savoir comment on va s'articuler,
22:02 si on pouvait avoir une vue par drone comme on fait aujourd'hui,
22:06 des différents cortèges.
22:08 – Alors c'est là où c'est très important, il faut bien comprendre
22:11 qu'au cours de la soirée du 6 février, vous avez à peu près un quart de la capitale
22:17 qui est touchée par des troubles, c'est un élément très important.
22:23 Alors, les ligues ont appelé fort classiquement à manifester rive gauche,
22:31 comme d'habitude, pour elles le 6 février n'est pas un jour si particulier que cela,
22:36 donc on les retrouve, vous le voir Saint-Germain,
22:38 que ce soit l'Action Française, les Jeunesses Patriotes,
22:42 alors des Jeunesses Patriotes qui d'ailleurs, elles, sont liées,
22:45 l'Action Française aussi, mais les Jeunesses Patriotes davantage encore,
22:48 avec le Conseil Municipal de la ville de Paris,
22:50 qui est lui aussi très en ébullition, ce qu'on explique,
22:53 ils suivent ça aussi de très près, et ils vont mettre sur pied une délégation
22:57 qui va être reçue au Parlement, etc.
22:59 Donc on a les ligues ici, rive gauche, on a bien sûr les Croix de Feu,
23:03 et les Croix de Feu, elles, vont appeler à manifester,
23:05 beaucoup plus près du Parlement, pour, et c'est tout l'objet de la ROC,
23:10 non pas y pénétrer de force, mais montrer, c'est toujours,
23:14 montrer sa force, c'est toujours...
23:16 – Ils sont vers les Invalides ?
23:17 – Voilà, ils sont, oui, ils sont vers le...
23:21 Bon, on a tout un plan extrêmement précis, ils sont tout près des grilles,
23:25 mais l'idée c'est vraiment de montrer sa force,
23:28 pour donner à voir un sentiment de puissance,
23:32 la ROC étant fondamentalement légaliste, ça il faut bien comprendre.
23:37 Ça, c'est rive gauche, pour faire simple.
23:40 Rive droite, il y a évidemment la Concorde.
23:42 Alors la Concorde n'est pas forcément le lieu le plus prisé au départ,
23:46 sauf que les anciens combattants ont appelé à manifester,
23:49 eux, du côté, effectivement, rive droite,
23:53 on va les retrouver, donc on parle de l'avenue des Champs-Élysées,
23:56 les communistes vont réunir leurs anciens combattants,
24:01 donc l'ARAC, l'association républicaine des anciens combattants,
24:04 on va les retrouver, place de la Concorde,
24:06 et ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le départ de Kyap,
24:12 l'arrivée d'un nouveau préfet, Bonnefoy-Sibourg,
24:15 peut expérimenter, parce qu'il arrive, bien sûr,
24:17 il est ancien préfet, bien sûr, mais il arrive dans un contexte
24:20 où en plus la préfecture de police appréciait, le personnel appréciait Kyap,
24:24 donc il est dans une situation un peu difficile, le nouveau préfet,
24:27 eh bien la Concorde va se retrouver, en quelque sorte,
24:30 être le lieu, véritablement, de cristallisation de cette manifestation,
24:34 avec un dispositif du maintien de l'ordre,
24:37 qui est, évidemment, d'empêcher à toute force les manifestants
24:40 d'aller vers la chambre, donc on bloque, évidemment, le pont,
24:43 mais, ce qui n'a pas été véritablement bloqué,
24:46 ce sont toutes les rues qui permettent de passer
24:49 de la rive gauche à la rive droite,
24:52 ce qui fait qu'au fil de la soirée, un certain nombre de manifestations
24:55 bloquées rive gauche vont passer rive droite et rejoindre,
24:59 rejoindre cette place de la Concorde, où on trouve aussi
25:02 un certain nombre de curieux, on a tendance à les oublier,
25:05 de gens qui sortent du travail, qui viennent voir, etc.
25:08 C'est une manifestation qui dure plusieurs heures,
25:11 qui démarre en début de soirée et qui va se terminer bien après minuit,
25:16 donc vous avez effectivement un phénomène de population agglutinée
25:23 autour de cette place de la Concorde, qui est véritablement l'épicentre.
25:26 – On estime à combien de personnes ?
25:28 – C'est très compliqué, alors là on est relativement prudent.
25:32 – Chiffre officiel aussi de la police.
25:34 – Parce qu'en réalité, si vous voulez, il faut bien comprendre
25:36 que ça dure des heures et des heures,
25:38 alors on a parlé de 100 000 personnes, dont on dit 30 000,
25:41 en réalité, ce que nous, nous considérons, si on regarde
25:45 les gens véritablement décidés à en découdre,
25:48 ils sont à peu près 4 000.
25:50 Vous avez là vraiment des gens qui sont prêts à en découdre,
25:53 pas forcément toujours les mêmes, mais c'est-à-dire que
25:55 c'est des mouvements de va-et-vient, ça va, ça vient,
25:58 et au fil des heures qui passent, et puis de la violence,
26:06 à la fois de la manifestation mais de la répression.
26:09 – Ça dégénère comment ?
26:11 – Ça dégénère.
26:12 – Est-ce qu'il y a des, comme on dit aujourd'hui, des provocations policières ?
26:14 – Alors provocations policières, ça, ça a été la thèse de l'Action française,
26:18 non, mais en réalité ce qui se passe, c'est que, je le disais,
26:22 après 19 heures, vous avez une colonne qui commence à vouloir aller
26:27 se diriger vers le barrage, donc qui sont à peu près 1 500
26:30 avec la solidarité française, 20 guides, etc., un centre de ligueur,
26:34 et là, réaction des forces de l'ordre, c'est les premiers tirs et les premiers morts.
26:40 – Quand on dit les premiers tirs, aujourd'hui, nous, les tirs,
26:42 c'est des grenades lacrymogènes, des balles en caoutchouc,
26:45 là on tire à balles réelles.
26:47 – On tire à balles réelles.
26:48 – On tire pas en l'air.
26:49 – Ah non, on tire pas, alors il y a eu tout un débat,
26:51 vous retrouverez tout ça sur les sommations, etc.,
26:54 mais on tire à balles réelles, et ce qu'on a d'ailleurs pu montrer,
26:57 c'est que vous avez chez les manifestants, effectivement,
27:01 un certain nombre d'entre eux qui sont morts de tirs de balles.
27:06 De ce point de vue, vous avez un décès du côté des forces de l'ordre,
27:11 tous les autres sont du côté des manifestants,
27:14 les traces de balles, on les trouve chez les manifestants,
27:17 les traces de balles, on les trouve dans les essures, etc., des manifestants,
27:22 ou des manifestants, ou des curieux, ou des gens qui partent par là.
27:25 – On a même une chambre de crayon qui a été touchée sur le balcon.
27:28 – Absolument, absolument, voilà, donc là, il y a effectivement des tirs,
27:32 il n'y a pas des tirs de mitrailleuse, comme on a pu le lire après,
27:35 parce que s'il y a eu des tirs de mitrailleuse,
27:37 – Ce n'est pas 15 morts qui ont été réunis.
27:39 – Ça aurait été beaucoup plus grave que ça, mais du côté des manifestants,
27:42 il n'y a pas un armement, si vous voulez, avec des armes à feu
27:46 qui permettent de tuer les forces de l'ordre, pas du tout.
27:51 Ce que l'on voit, en revanche, ce sont des forces de l'ordre,
27:54 effectivement, blessées, alors on a tout le détail de leurs blessures, etc.,
27:58 principalement avec ce qui a pu être trouvé sur place,
28:01 et en particulier, ce qui a été assez redoutable,
28:04 c'est les plaques de fonte qui ont été décelées
28:07 et balancées sur les forces de l'ordre.
28:11 Et là aussi, ça dure plusieurs heures,
28:13 donc c'est un jeu, effectivement, de va-et-vient, avancée, recul,
28:18 mais avec, dans tout ça, des voitures qui continuent à circuler
28:22 à la place de la Concorde, le fameux autobus dont on a tant parlé,
28:27 et puis, là aussi, un dispositif de forces de l'ordre
28:31 qui n'a pas prévu d'éclairage, donc en réalité, c'est pour ça
28:34 que quand il s'est agi ensuite de réunir un certain nombre de témoignages,
28:38 nous, avec Jean-Philippe, on a regardé ça quand même
28:41 avec pas mal de circonspections dans certains cas,
28:44 parce que se pose le problème de savoir ce que les individus
28:47 ont pu réellement voir, on est un 6 février, la nuit.
28:50 Voilà, donc... - Et du côté manifestants,
28:53 il y a quand même quelques armes à feu individuelles ?
28:56 - Oui, un petit peu, mais si vous voulez, c'est des armes assez légères,
29:00 on avait fait, c'est Jean-Philippe d'ailleurs qui avait fait
29:03 tout un travail sur les armures veilles, pour savoir si elles avaient été
29:06 entre guillemets dévalisées avant et après, non.
29:09 Non, ce qui est intéressant de voir, c'est que les manifestants du 6,
29:14 ceux qui veulent revenir le 7, expliquent que cette fois-ci,
29:17 ils vont revenir armés, parce qu'il y a eu une manifestation le 7,
29:20 on va y revenir, mais elle s'est très vite arrêtée.
29:24 Donc non, il y a de ce point de vue un déséquilibre évidemment important.
29:29 - D'autant que, vous allez le confirmer, la police utilise aussi des chevaux,
29:35 ce qu'elle ne fait plus aujourd'hui, et il y a la fameuse histoire
29:38 des rasoirs au bout des corps, est-ce que c'est le vrai ?
29:41 - Oui, c'est pareil, non, personne n'a jamais été capable d'en montrer.
29:44 Alors, là aussi, on a pu identifier sur certains chevaux, effectivement,
29:49 quelques blessures de rasoirs, là c'est certain, mais assez légères.
29:54 - C'est pour attraper un genre de chevaux au trop haut des rasoirs.
29:57 - Voilà, et comme disait d'ailleurs Raoul Girardet,
29:59 qui avait dirigé la thèse de Jean-Philippe,
30:01 se battre avec une canne, déjà, ce n'est pas forcément l'arme idéale avec les rasoirs.
30:05 Non, il n'y a pas une mitrailleuse, fameux titre de Dondé,
30:09 "Un pourri avec les mitrailleuses", il n'y a pas de mitrailleuse, pas de canne.
30:14 - De rasoirs au bout des cannes.
30:15 - Voilà, bon, je veux dire, notre livre est un vrai livre d'histoire,
30:18 qui déconstruit aussi un certain nombre de légendes.
30:21 - Non, mais une charge à falle, c'est extrêmement violent.
30:23 - Oui, oui, bien sûr, mais surtout les dernières vont être particulièrement violentes,
30:28 avec, là aussi, parmi les victimes du 6 février,
30:33 on a tendance à l'oublier, des gens qui ne sont absolument pas des manifestants.
30:38 On parle en particulier d'un couple qui revient du théâtre, Rumi-Rumi-Lille,
30:41 où le monsieur se fait littéralement tabasser, massacrer, voilà, c'est terrible.
30:46 - Je parlais de violences policières tout à l'heure,
30:49 je lisais dans le livre quand même, des blessés, eux, se font frapper par des policiers.
30:57 Il y a des blessés qui sont évacués, sans en dire, ce sont des policiers à boule.
31:01 - Là, on est à la fin du coeur.
31:03 - Mais voilà, il y a un contexte, si vous voulez, très particulier,
31:07 de forces de l'ordre, effectivement, à bout, mal adaptées,
31:12 qui vont, à la fin, véritablement nettoyer,
31:16 non seulement la place de la Concorde, mais également sa périphérie.
31:20 Et là, ça va être effectivement, les dernières charges, on les raconte,
31:25 elles sont violentes, et de ce point de vue,
31:28 on est dans un rapport au maintien de l'ordre qui est très différent
31:32 de ce que l'on connaît aujourd'hui.
31:35 Et l'épisode de février 34 a aussi permis, par la suite,
31:39 aux forces de l'ordre, j'allais dire, d'adapter un certain nombre.
31:43 - Et bien là, on est encore finalement dans la répression,
31:45 comme elle peut se passer à l'époque même de la Commune,
31:47 c'est pas encore très théorisé.
31:50 - C'est-à-dire qu'avec Cap, c'était différent,
31:53 parce que Cap procédait à des arrestations préventives,
31:55 donc si vous voulez, en faisant attention à...
31:58 Bon, là, la question, c'est que ça a dégénéré à un endroit
32:02 qui n'était pas forcément prévu ou envisagé comme tel,
32:05 la Concorde devient l'épicentre,
32:08 alors que les principaux dirigeants, notamment des ligues, sont Rivegauche.
32:13 Rivegauche, en réalité, c'est là où est le cœur de la manif,
32:17 il se passe pas grand-chose, il se passe beaucoup de choses,
32:19 à la place de la Concorde.
32:20 - Alors, est-ce que, deux choses, est-ce que, un,
32:23 les ligues et les anciens combattants se concertaient ?
32:27 - Non, non, la concertation, non.
32:30 En revanche, si vous voulez, les anciens combattants,
32:33 alors on va pas raconter tout le détail,
32:35 mais les anciens combattants, si vous voulez,
32:37 eux veulent faire forcer les barrages de police,
32:39 alors ils y parviennent ou ils n'y parviennent pas.
32:41 Là aussi, il y a un autre problème de maintien de l'ordre,
32:43 si vous voulez, là, je suis désolé,
32:45 je m'adresse en particulier aux gens qui connaissent Paris,
32:47 mais constamment, constamment, le dispositif du maintien de l'ordre,
32:50 en particulier même quand ces gens se retrouvent sur les boulevards,
32:53 les ramène, place de la Concorde, au lieu d'évacuer,
32:56 on ramène, place de la Concorde, qui est véritablement l'épicentre.
32:59 Et les anciens combattants, alors là, évidemment,
33:01 vivent extrêmement mal, extrêmement mal,
33:04 cette émeute, ou plutôt cette répression, etc.
33:08 Et là, il y a une tension, effectivement,
33:10 qui existe entre l'Union Nationale des Combattants,
33:12 les têtes de cortège et les responsables.
33:15 – Ce que je disais dans mon préambule, la question,
33:17 c'est que finalement, il n'y a pas de tentative de coup d'État,
33:20 rien n'est préparé, rien n'est concerté.
33:22 – Non, mais c'est tout le problème,
33:24 c'est-à-dire que d'un côté, vous allez avoir les gauches
33:27 qui vont tout de suite, ou quasiment,
33:30 voir dans ce 6 février 34, pardon, dans cette émeute,
33:35 une tentative de prise de pouvoir,
33:37 la réalité, elle est toute autre,
33:40 la réalité, c'est que ces ligues, en réalité,
33:42 entre elles, ne sont pas forcément d'accord,
33:45 ni sur le futur régime,
33:47 ni sur la volonté d'abattre véritablement le régime,
33:50 ce qu'on veut abattre, c'est le Parti Radical au gouvernement,
33:52 notamment pour un certain nombre de responsables
33:56 de ligues type Jeunesse Patriote,
33:58 avec l'appui de dirigeants politiques des droites.
34:02 Et effectivement, le résultat a été celui-là.
34:05 Il y a un précédent qui est intéressant,
34:07 c'est 1926, la fin du Quartier des Gauches
34:11 est arrivé au pouvoir de Poincaré.
34:13 Les manifestations sont beaucoup moins violentes,
34:15 rien à voir avec ça, mais quelque part,
34:17 c'est un processus qui se réitère,
34:20 du moins du point de vue de ses conséquences,
34:22 c'est-à-dire qu'au fond, une majorité de néo-cartels
34:25 débouchent sur un gouvernement d'union nationale
34:28 avec Gaston Zoumerg.
34:30 Sauf que cette mutation, j'allais dire politique,
34:36 qui passe par le poids de la rue face au Parlement,
34:40 elle se déroule au terme d'une nuit d'émeute
34:43 particulièrement sanglante,
34:45 avec un président du Conseil, Édouard Daladier,
34:48 qui hésite quant à la conduite à tenir,
34:50 qui au départ pense rester en place,
34:52 qui finalement va démissionner,
34:54 laisser son poste à une alternative,
34:57 notamment donc qui va être celle de Zoumerg,
35:00 mais avec effectivement un prix à payer considérable
35:03 en termes de mort.
35:06 Mais, à la différence de 1926,
35:08 les choses ne s'en arrêtent pas là,
35:10 parce qu'il y a trois autres manifestations,
35:12 le 7, le 9, le 12.
35:13 – On va en parler, que se passe-t-il le lendemain ?
35:16 Vous employez, je ne sais pas si c'est fait exprès,
35:19 mais le terme "le jour d'après",
35:21 qui est le titre d'un film catastrophe d'ailleurs,
35:23 qui se passe après la fin du mois.
35:25 – Et on a pris le terme de "réplique".
35:27 – Et la réplique, donc là on est vraiment dans…
35:29 Est-ce que c'est du catastrophisme ?
35:31 – Non, mais c'est une…
35:33 – Donc même si il n'y a pas de tentative de coup d'État,
35:36 c'est pas très bien préparé, c'est quand même un choc.
35:38 – C'est un choc.
35:40 – Et le choc est dû à quoi ?
35:41 Est-ce dû aux morts, principalement ?
35:43 – Il est dû aux morts et il est dû…
35:44 – Est-ce que les parlementaires ont eu la trouille finalement ?
35:46 – Oui, c'est-à-dire qu'au sein du Parlement,
35:48 il y a déjà une violence très forte,
35:50 au moment de l'investiture de Daladier,
35:51 qui n'est que verbale.
35:53 Mais enfin, les discours de Thorez, on en reproduit quelques…
35:56 C'est quand même particulièrement violent aujourd'hui.
36:00 – C'est très policé.
36:01 – Oui, ça n'a rien à voir.
36:03 Mais oui, c'est pour ça qu'on a appelé ce livre "L'affrontement" si vous voulez.
36:06 C'est-à-dire que février 34, c'est vrai que ça ne se limite pas au 6,
36:10 c'est un véritable moment de cristallisation.
36:13 Alors un moment de cristallisation qui appelle aussi à prendre en considération
36:17 Paris et la province.
36:19 Parce que ce qu'on a essayé de montrer dans ce livre,
36:21 c'est comment en février 34 s'articuler à l'échelle de l'ensemble du territoire.
36:27 Il faut savoir que le 6 février 34,
36:30 dans un certain nombre de villes de province,
36:32 on les traite, Bordeaux, Nancy, Rouen, etc.
36:35 Il y a eu des manifestations de ligues
36:38 qui se sont passées sans la moindre difficulté,
36:41 qui n'ont pas été non plus formidablement mobilisatrices.
36:44 Du côté des ligues, c'est vraiment Paris qui est le cœur de l'affaire.
36:52 C'est d'ailleurs à Paris que le lendemain,
36:54 les ligues appellent de nouveau à manifester,
36:57 sauf que cette manifestation du lendemain va tourner court
37:00 à la suite de l'arrivée au pouvoir de Loumergue.
37:03 Les jeunesses patriotes vont se retirer du jeu à ce moment-là.
37:06 Mais en revanche, ce qui est très important,
37:10 c'est de comprendre la réaction de ces événements parisiens en province.
37:14 Les Français de l'époque n'ont aucune information par la radio.
37:19 Parce que la radio, on l'explique, a été pratiquement censurée.
37:25 Pas d'info, on ne dit rien.
37:27 Les informations qu'ils vont avoir, ces Français de province,
37:30 c'est par la presse et par ces images terribles de l'émeute parisienne.
37:36 Et la réaction qui s'opère, c'est une réaction des gauches.
37:42 C'est-à-dire que la crainte fantasmée,
37:44 mais la crainte réelle pour les protagonistes
37:47 d'une tentative de coup d'état fasciste, etc.
37:51 va trouver au sein de gauches pourtant profondément divisées,
37:55 elle va être un véritable moteur de remobilisation.
37:59 Et de ce point de vue, on a le 9 sur Paris,
38:01 une grande manifestation des communistes qui se passe à coup d'armes à feu,
38:05 qui dégénèrent également avec plusieurs morts.
38:08 Mais il y a déjà eu en province des manifestations de gauche
38:12 où au départ, évidemment, chacun défile un peu séparément.
38:16 Mais il faut être honnête, l'appel à la grève générale du 12
38:21 est relativement bien suivi.
38:23 Alors ça dépend des endroits,
38:25 y compris dans ce qu'on n'appelle pas à l'époque l'île de France.
38:28 Ça dépend des endroits, mais vous avez quand même
38:30 des manifestations extrêmement importantes,
38:33 des réunions de forces de gauche à la fois du point de vue syndical
38:37 entre la CGT et la CGTU communistes,
38:39 des cortèges qui vont effectivement à Paris fusionner,
38:44 donnant à penser qu'on est aux origines du Front populaire.
38:48 C'est un autre débat, parce que le Front populaire
38:50 est décidé bien sûr par l'international communiste.
38:53 Moscou va changer de tactique au printemps 1934.
38:58 C'est un autre sujet, mais c'est tout à fait essentiel.
39:01 Le Parti communiste se retrouve quelque part un peu dépassé par sa base.
39:05 Mais vous avez à la base un certain nombre de gens,
39:07 on n'a pas encore parlé de Jade Doriaud,
39:09 qui jouent un rôle très important.
39:11 Quant aux droites, elles ne veulent pas voir, en fait,
39:14 elles ne comprennent pas l'importance de cette réaction.
39:16 Elles font campagne contre le ministre de l'Intérieur,
39:18 le fusil à eau frou, etc.
39:20 Mais je dirais qu'une des leçons de 1934,
39:22 c'est que les droites, et notamment les ligues,
39:25 perdent de leur importance dans la rue.
39:28 Les gauches se retrouvent dans la rue.
39:30 C'est elles qui occupent la rue à ce moment-là.
39:33 Alors que pendant de longues années précédant la séquence de Fégelier,
39:39 les droites tenaient les rues, en particulier à Paris.
39:41 – Le 12 février, il y a encore aussi une manifestation.
39:45 – Très énorme manifestation de gauches, à la fois à Paris, mais en province.
39:50 J'insiste bien sur ce qui se déroule.
39:52 – Et qu'est-ce qui se déroule ?
39:53 – Ah ben, il y a un peu de violence aussi.
39:55 La séquence de février 1934, on la détaille évidemment,
39:59 c'est les transmorts.
40:00 Voilà, pour que les choses soient claires.
40:02 – Alors, vous parlez également des conséquences sur le long terme,
40:06 voire d'une longue séquence qui va jusqu'à juin 1936,
40:09 vous dites que c'est les deux pivots de l'avant-guerre.
40:13 Est-ce qu'on peut même prolonger, j'allais dire, jusqu'en 1940,
40:16 avec la presque guerre civile qui s'en suit ?
40:20 – Oui, alors, c'est-à-dire qu'il y a…
40:24 C'est effectivement avec 1936, ce sont les deux pivots,
40:26 je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.
40:29 J'ajouterais, je reviens d'un sens sur la démission de Doumergue,
40:33 parce que l'échec de la réforme de l'État conduit un certain nombre
40:38 de protagonistes à considérer que le régime est incapable de se réformer.
40:44 Et février 1934, c'est aussi, d'un certain point de vue,
40:47 à l'origine du développement d'un certain fascisme français.
40:51 C'est vraiment là… Alors, il y a évidemment toute la mythologie
40:54 de la fin de la manifestation de Rieux, Brasillac,
40:59 quand il se retrouve avec les communistes, les jeunes communistes…
41:02 Bon, d'accord, mais au-delà de ça, le sentiment que le régime
41:04 doit être abattu, ça c'est un élément très important.
41:07 Et février 1934, c'est aussi, vous parliez de 1936,
41:11 le moment où les ligues se posent la question de leur existence,
41:15 de la pertinence de leur modèle.
41:17 Alors, on sait que le Front populaire a interdit les ligues,
41:20 mais un certain nombre de ligues, l'Action française est tout à fait à part,
41:23 avaient déjà projeté de se transformer en partis politiques,
41:26 c'était le cas des Jeunesses Patriotes, qui avaient déjà un parti,
41:28 le Parti National Républicain et Social, sans grand succès,
41:31 mais le grand succès, ce sont les Croix de Feu.
41:34 – Avec le PSF. – Avec le Parti Social Français.
41:36 Aujourd'hui, les historiens considèrent que ce parti
41:39 a eu facilement plus d'un million de membres,
41:41 c'est-à-dire bien davantage que le Parti Communiste après la guerre,
41:44 après la Seconde Guerre mondiale.
41:45 Donc, évidemment, on ne connaît pas la fin de l'histoire,
41:47 puisque les élections de 1940 n'ont pas eu lieu,
41:50 mais incontestablement, février 1934, dans l'histoire des droites,
41:54 montre à quel point le modèle ligueur, la tentative d'insurrection,
41:58 qui n'est d'ailleurs pas assumée et qui n'est d'ailleurs pas réelle,
42:01 c'est une espèce de fureur, j'allais dire, impuissante, si vous voulez,
42:07 ce qui se joue.
42:08 Le pari légaliste fait par La Roque, c'est lui qui fonctionne,
42:11 puisque La Roque, à la veille de la guerre,
42:15 a un parti politique en état de marche,
42:17 qui est un véritable parti de masse de droite.
42:19 – Alors, je voudrais faire un saut dans le temps.
42:21 Et là, on est à le 90e anniversaire aujourd'hui.
42:27 Finalement, ça nous rappelle, j'ai ce souvenir d'une manifestation
42:31 le 18 décembre, j'ai oublié l'année,
42:34 – Oui, pour les Gilets jaunes.
42:35 – Pour les Gilets jaunes, en bas des Champs-Élysées,
42:38 barrage de CRS, le no man's land autour de l'Élysée,
42:41 l'hélicoptère qui attendait le président Macron,
42:44 où on sentait donc une inquiétude du pouvoir.
42:47 Alors, est-ce qu'on peut dire que le février 1934,
42:50 ce sont des manifestations populistes ?
42:53 Et quel est le rapport à faire avec les Gilets jaunes ?
42:58 – Alors, je ne vais pas m'engager dans la question du populisme,
43:00 parce que là, on pourrait discuter sur les définitions.
43:02 – On va sortir votre dictionnaire.
43:04 – Tout à fait, mais la question est très importante
43:07 pour comprendre ce qu'on va essayer de faire,
43:10 ce qu'est la sociologie des manifestants du 6 février.
43:13 Et ce qui est intéressant, c'est de voir que cette sociologie
43:16 n'est pas ce qu'on en sait, parce qu'il y a eu assez peu d'arrestations
43:19 et on manque d'informations, mais quand même,
43:21 avec plusieurs centaines de cas, on a des idées quand même.
43:24 On a une sociologie, le 6, le 7, plus populaire que celle des ligues.
43:31 Donc effectivement, il y a quelque chose à souligner ici.
43:36 Deuxième élément intéressant par rapport à la question des Gilets jaunes,
43:40 alors attention évidemment au danger d'anachronisme,
43:43 mais quand même, il y a un pouvoir qui s'inquiète,
43:48 sauf que le 6 février, ça dure peu de temps, finalement.
43:53 Mais il y a quand même une inquiétude incontestable du pouvoir,
43:58 qui au départ, d'ailleurs, n'est même pas renseigné.
44:00 Ils ne savent pas qu'il y a des morts à la Chambre des députés.
44:03 On l'explique tout ça, et le résultat, c'est qu'effectivement,
44:09 la répression, l'échec, tout ça va nourrir une rancœur,
44:17 une rancœur contre le régime tout à fait importante.
44:21 Avec, pour le coup, toute une série de rapports des préfets départementaux
44:27 qui montrent bien que dans les milieux plutôt favorables aux ligues,
44:31 il y a une rancœur.
44:32 L'espoir de la réforme de l'État, il n'arrive pas,
44:34 et donc de ce point de vue, par rapport au dégoût du régime,
44:38 qui va être celui effectivement de Carante,
44:40 je pense que là, il y a quelque chose,
44:42 il y a une conséquence incontestable du 6 février.
44:46 Et dernière chose, vous parliez de la question du populisme,
44:49 le février 34 pose aussi très clairement un élément
44:53 qui a mis en avant les Gilets jaunes,
44:55 donc là, des problèmes de hausse de carburant,
44:57 ça démarre d'ailleurs en éloquent comme ça,
44:59 je parlais des taxis, c'est l'opposition entre peuple et élite.
45:03 Et l'idée qu'effectivement, les élus,
45:05 alors là, au nom de l'antiparlémentarisme,
45:07 seraient réputés, les gouvernants, les parlementaires,
45:10 les gouvernants seraient réputés déconnectés du peuple.
45:13 – De la réalité et du peuple.
45:14 Olivier Dard, merci infiniment.
45:16 Je renvoie donc les téléspectateurs à février 34,
45:19 l'affrontement chez Fayard,
45:22 500…
45:24 – 750 pages.
45:25 – 750 de pages exactement,
45:27 pour tout savoir sur le 6 février 34,
45:30 mais avant et après. Merci.
45:32 – Merci à vous.
45:33 – Vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et la Petite Histoire.
45:36 Avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
45:39 et bien sûr de vous abonner à notre chaîne YouTube.
45:42 Merci, à bientôt.
45:43 [Générique]
45:49 Vous savez, moi, quand j'étais petit et qu'on me parlait de la guerre de Cent Ans,
45:52 je m'imaginais que les Anglais nous avaient attaqués, envahis,
45:55 qu'ils avaient débarqué sur nos côtes en hurlant tout un tas de trucs en anglais, quoi.
46:00 En gros, qu'ils avaient progressivement conquis la moitié du royaume
46:04 avant qu'on ne les rejette à la mer 100 ans plus tard.
46:07 Eh bien non, pas du tout, la guerre de Cent Ans n'a pas du tout démarré comme ça.
46:11 En effet, c'est bien plus compliqué que ça,
46:13 mais je vous rassure, avec moi, ça va être très simple.
46:16 Faut dire aussi que vous n'êtes pas non plus des Lumières, quoi,
46:18 donc vous faire comprendre les choses, parfois, c'est assez compliqué,
46:22 mais on va essayer.
46:23 Ouais, je sais, j'ai pris la grosse tête ces derniers temps,
46:26 j'ai tendance à employer un ton condescendant avec vous,
46:29 mais bon, le Président le fait bien, alors pourquoi pas moi ?
46:31 Allez, c'est parti, bande de gueux.
46:33 [Générique]
46:50 Je l'ai dit, il ne s'agit pas d'une invasion,
46:53 tout commence en 1314 à la mort de Philippe le Bel.
46:56 Attends, laisse-moi dérouler mon argumentaire.
47:02 Eh oui, vous avez vu ça, nouveau système de haute technologie.
47:06 C'est ça aussi, la petite histoire,
47:08 c'est des innovations en permanence, c'est beau.
47:11 En gros, voilà, je teste une nouvelle formule,
47:14 on va voir ce que ça donne,
47:15 vous me direz ce que vous en pensez dans les commentaires,
47:17 mais ce système de questions-réponses,
47:19 je veux juste que ça peut être plus dynamique pour l'épisode.
47:23 Celui qui pose les questions.
47:26 Euh...
47:28 Arsène.
47:31 Parce que je fais ce que je veux, voilà, c'est bon,
47:33 on peut reprendre l'épisode maintenant ?
47:35 Philippe le Bel meurt en 1314,
47:39 et il laisse derrière lui trois fils et une fille.
47:43 C'est donc l'aîné Louis X le Hutin qui lui succède,
47:47 mais Louis X va mourir deux ans plus tard,
47:50 sans laisser d'héritier mâle.
47:52 C'est donc son premier frère, Philippe V,
47:54 qui va coiffer la couronne en 1316,
47:57 sauf que six ans plus tard, bim !
47:59 Philippe meurt à son tour, sans héritier mâle.
48:03 Les pères de France confient alors la couronne au dernier frère,
48:07 Charles IV, en 1322.
48:09 Mais six ans plus tard, bim !
48:11 Charles IV meurt lui aussi, et lui aussi sans héritier mâle.
48:16 Y a que des gonzesses dans cette famille, c'est pas possible !
48:18 Eh non !
48:21 Enfin si, il reste toujours sa fille, la fille de Philippe le Bel,
48:24 mais bon, on va pas confier la couronne de France à une bonne femme, quoi.
48:27 On est pas en Angleterre, ici.
48:29 Bref, il n'y a plus personne dans la lignée directe de Philippe le Bel.
48:34 Malgré tout, Philippe le Bel avait un frère,
48:37 enfin, il avait deux frères,
48:38 mais il avait un frère en particulier, Charles de Valois,
48:41 qui a un fils, Philippe, toujours en vie.
48:44 Ça aide.
48:45 C'est donc lui, le neveu de Philippe le Bel,
48:48 qu'on fait sacrer roi de France sous le nom de Philippe VI.
48:52 Nous sommes en 1328.
48:54 Alors certes, il a fallu aller puiser dans les neveux,
48:57 mais on s'en sort plutôt bien après 300 ans de miracle capétien.
49:01 Vous savez, le miracle capétien, c'est qu'il y a toujours eu un fils,
49:06 un héritier direct, pour succéder au roi.
49:09 Le rapport, c'est que Philippe VI a été choisi, certes,
49:14 mais un autre héritier était possible,
49:17 parce que, si tu te rappelles bien,
49:20 Philippe le Bel avait trois fils,
49:22 et, je l'ai dit tout à l'heure, une fille, Isabelle de France.
49:26 Oui, c'est Sophie Marceau dans Brewert.
49:29 Elle était mariée à un certain Édouard, Édouard II,
49:32 et elle avait eu un fils avec lui, Édouard III.
49:35 Premièrement, on n'est pas dans une lignée par les mâles,
49:40 vu qu'on passe par Isabelle,
49:42 donc ça pose un certain nombre de problèmes.
49:44 Et deuxièmement, et surtout, eh bien, Édouard III.
49:48 Édouard III.
49:49 Ce cher Édouard, il est peut-être gentil,
49:51 j'ai aucun problème avec ça,
49:52 il est peut-être sympa, tout ce qu'on veut,
49:54 mais il est surtout roi d'Angleterre.
49:56 Il était con ou quoi ?
49:58 Non, pas tout de suite,
50:00 puisque Édouard III accepte la décision dans un premier temps.
50:04 D'ailleurs, il rend hommage à Philippe VI
50:06 pour ses terres de Guyenne, l'actuelle Aquitaine.
50:09 Mais une chose en entraînant une autre,
50:11 Philippe VI ayant notamment renouvelé son soutien aux Écossais,
50:16 et puis surtout ayant confisqué assez arbitrairement
50:20 la Guyenne,
50:21 eh bien, Édouard III va se sentir lésé
50:24 et il va progressivement remettre sur la table
50:27 la question de sa légitimité au trône.
50:30 En 1337, il se proclame roi de France et d'Angleterre
50:35 et déclare la guerre.
50:37 1337, c'est le début de la guerre de Cent Ans
50:40 qui va en fait durer 116 ans.
50:43 Voilà.
50:44 Bah oui, je peux pas tout raconter non plus dans un épisode,
50:49 mais bon, si tu insistes, je vais te faire un petit résumé rapidement.
50:54 Ensuite, Édouard III déclare la guerre.
50:57 C'est la guerre, la guerre commence avec une série de désastres
51:00 pour les Français.
51:01 On a la bataille de Crécy, la bataille de Poitiers,
51:04 qui sont des désastres absolus.
51:06 Et en 1360, le pire, c'est le traité de Brétigny
51:11 qui vient offrir une grande partie du territoire aux Anglais.
51:15 Puis vient le règne de Charles V
51:17 qui, grâce au redoutable Bertrand du Gueyclin,
51:20 j'avais fait un épisode là-dessus,
51:22 entreprend la reconquête de la France
51:25 avec succès et avec style aussi.
51:27 Mais à partir de 1392, le roi suivant, Charles VI, devient fou.
51:33 Les grands du royaume vont se déchirer,
51:36 les Orléans vont se battre contre les Bourguignons.
51:38 C'est la guerre civile.
51:40 Et qui en profite de cette guerre civile ?
51:42 Les Anglais, par dit !
51:43 Le territoire est à nouveau conquis,
51:45 la chevalerie est décimée à un zincours en 1415.
51:49 Et en 1419, le traité de Troyes est signé.
51:53 C'est sans doute l'un des pires traités de l'histoire de France
51:56 puisque Charles VI, devenu fou,
51:58 déshérite son fils Charles VII au profit du roi d'Angleterre.
52:02 Et tout est perdu.
52:03 Et non, parce que la Providence,
52:06 elle n'était pas trop d'accord avec tout ça.
52:09 Et elle a eu la bonne idée de nous envoyer
52:11 une gamine de 17 ans,
52:13 Jeanne d'Arc, qui en l'espace de quelques mois
52:16 va tout emporter et renverser totalement la situation.
52:20 [Musique]
52:26 [Générique]

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