Depuis qu’elle a découvert que son père a drogué et fait violer sa mère pendant dix ans, Caroline Darian mène la lutte contre la « soumission chimique », ce « fléau » qui invisibilise les victimes.
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00:00 Ma mère, elle toute seule, a vécu presque une centaine de viols
00:04 sous soumission chimique.
00:05 Le 2 novembre 2020, c'est un lundi, je travaille chez moi
00:13 et en fin de journée, ma mère va m'appeler
00:17 pour m'expliquer d'une voix chevretante.
00:21 Elle a appris le jour même que son mari, avec qui elle partage
00:24 50 ans de sa vie, fait trois enfants,
00:27 la droguait depuis presque 10 ans pour abuser d'elle
00:32 et la faire abuser par des hommes, à son insu.
00:35 Certains sont venus une fois et un certain nombre
00:40 sont venus 5, 7, parfois 10 fois.
00:43 Ce qui veut dire que ma mère, elle toute seule,
00:45 a vécu presque une centaine de viols sous soumission chimique.
00:50 L'histoire démarre en réalité le 12 septembre 2020,
00:54 où lui, donc mon père, est en train de filmer
01:00 dans les rayons d'un supermarché de Carpentras
01:02 plusieurs femmes, à leur insu.
01:04 Il va être repéré par les caméras de vidéosurveillance,
01:08 interpellé, il va être emmené au commissariat.
01:12 Heureusement, ces femmes vont déposer plainte.
01:14 À partir de là, ils vont le mettre en garde à vue,
01:17 ils vont regarder son téléphone portable
01:21 et dans son téléphone portable,
01:22 ils vont découvrir dans la galerie de photos,
01:24 des vidéos d'une femme récurrente,
01:27 dans des postures que je vous laisse imaginer,
01:29 puisqu'à ce moment-là, ils découvrent des scènes de viols
01:32 sur une personne qui, en l'occurrence, est ma mère,
01:34 totalement endormie, sédatée.
01:37 Et ils vont lui en montrer 5 et quand ils vont lui dire
01:39 "Mais madame, aujourd'hui, on sait qu'ils ont été plusieurs dizaines",
01:43 c'est un choc émotionnel d'une violence inouïe.
01:47 Bien sûr qu'il y a eu des phases d'interrogation,
01:50 d'angoisse terrible, donc c'était à plusieurs reprises,
01:53 elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait fait la veille,
01:55 elle ne se souvenait pas pourquoi est-ce qu'elle avait décroché le soir,
01:58 dans quel état elle s'était couchée.
01:59 Bien sûr qu'elle s'est interrogée,
02:01 mais il faut comprendre que la soumission chimique,
02:04 dans le cas de ma mère, mais comme dans le cas de tellement d'autres femmes
02:08 dont on ne parle pas, et c'est bien malheureux,
02:10 ça se passe à la maison, avec quelqu'un en qui on a totale confiance.
02:16 Dans la majorité des cas recensés, ce sont des proches,
02:19 c'est-à-dire que les victimes connaissent la personne
02:22 qui va les soumettre chimiquement à des fins d'agression sexuelle.
02:26 Ce qu'il a utilisé pendant presque dix ans,
02:31 c'était effectivement majoritairement des médicaments.
02:34 Et là je parle de ce qu'on appelle la classe des benzodiazépines,
02:38 cette fameuse molécule que l'on retrouve, où ?
02:40 Dans quel type de médicament ?
02:42 Dans des anxiolytiques et dans des somnifères.
02:45 Il n'y a pas de phénomène de dépendance.
02:47 En revanche, quand c'est administré ce qu'on appelle au long cours,
02:51 de façon régulière, comme c'était le cas de ma mère,
02:54 il y a un phénomène d'accoutumance.
02:55 C'est-à-dire que l'organisme, peu à peu,
02:57 s'habitue à ce dosage administré à son insu,
03:01 et pour que l'objectif de sédation opère le plus longtemps possible,
03:06 ça voulait dire aussi augmenter les doses.
03:08 Jamais de la vie on aurait pu imaginer une telle chose de la part de notre père.
03:12 Nous, on était une famille tout ce qu'il y a de plus unie,
03:18 issues de la classe moyenne, hyper proches de nos parents.
03:21 Je n'ai jamais vu mon père dévisager une femme.
03:24 Je n'ai jamais surpris mon père en train de regarder un film pornographique.
03:28 C'est un truc, on se dit "mais comment c'est possible ?"
03:31 Les preuves tangibles de ma mère, c'était 20 000 vidéographies et photographies.
03:35 Mais comment font toutes les autres ?
03:36 Comment font toutes les autres victimes qui ne disposent pas
03:39 de preuves tangibles sur la table pour être entendues et considérées comme victimes ?
03:45 On le sait, dans la majorité des cas de soumission chimique,
03:48 c'est une course contre la monte.
03:50 On a 48 heures pour arriver à faire les bonnes analyses d'urine et de sang.
03:55 Mais après ça, en fait, les substances sont invisibles dans l'organisme.
04:00 Il reste juste une seule analyse qui aujourd'hui est fiable et tangible,
04:05 c'est l'analyse séquentielle de cheveux,
04:07 qui aujourd'hui est rendue possible et accessible pour les victimes
04:11 à la seule condition qu'elle dépose plainte.
04:13 S'il y a un doute, potentiel ou avéré d'ailleurs, de soumission chimique,
04:18 il y a plusieurs réflexes à avoir.
04:20 Il faut en parler, à en parler à un proche, tant que faire se peut,
04:24 ou bien même aller en parler à un médecin, même un médecin généraliste en ville.
04:28 L'objectif de l'association, c'est de continuer à faire de la prévention
04:32 et de la pédagogie sur ce sujet,
04:34 qui est aujourd'hui un véritable enjeu de santé publique.
04:36 [Musique]