Intelligence artificielle, Q.I. et préjugés culturels [Isabelle Barth]

  • il y a 7 mois
A un moment où le concept de neurodiversité est de plus en plus en vogue, où les neuro-divergents sont en recherche de légitimité, les tests permettant d’objectiver les intelligences et les compétences sont particulièrement attendus. Car ces tests, par leur quantification, sont érigés comme de puissants outils dans les arbitrages entre ce qui est fondé et ce qui relève du ressenti et de l’auto-proclamation.
C’est ainsi qu’on fait la différence entre HPI (Hauts Potentiels Intellectuels) et HQI (Hauts Quotients Intellectuels), les seconds étant estampillés par un score incontestable (le fameux QI).
Incontestable ? A condition d’y croire, car quelle forme d’intelligence mesure-t-on ?
Le débat est ouvert depuis des décennies.
Un des thèmes les plus aigus a été, dans les années 70 celui de la « black intelligence » et de la création du test BITCH. [...]

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00:08 À un moment où le concept de neurodiversité est de plus en plus en vogue,
00:12 où les neurodivergents sont en recherche de légitimité,
00:16 les tests permettant d'objectiver les intelligences et les compétences
00:19 sont particulièrement attendus,
00:21 car ces tests, par leur quantification, sont érigés comme de puissants outils
00:25 dans les arbitrages entre ce qui est fondé
00:28 et ce qui relève du ressenti et de l'auto-proclamation.
00:32 C'est ainsi qu'on fait la différence entre HPI,
00:35 haut potentiel intellectuel, et HQI, haut quotient intellectuel,
00:40 les seconds étant estampillés par un score incontestable, le fameux QI.
00:45 Incontestable ?
00:47 À condition d'y croire, car quelle forme d'intelligence mesure-t-on ?
00:52 Le débat est ouvert depuis des décennies.
00:55 Un des thèmes les plus aigus a été, dans les années 70,
00:58 celui de la « black intelligence » et de la création du test BITCH.
01:04 En 1972, un professeur en psychologie de l'Université Washington de l'Arkansas,
01:10 le professeur Robert Williams,
01:13 publie un article où il propose un test d'intelligence qu'il a dénommé BITCH,
01:18 pour « Black Intelligent Test of Cultural Homogeneity ».
01:23 Son objectif était de montrer que les Afro-Américains
01:27 échouaient à de nombreux tests d'intelligence,
01:30 ce qui leur interdisait l'entrée dans des collèges ou des universités,
01:34 non pas par manque d'intelligence,
01:37 mais parce que ces tests conçus par des Blancs,
01:39 véhiculaient, sans volonté de nuire à priori,
01:42 des valeurs, des visions, du vocabulaire,
01:45 issus de leur culture et très éloigné de celle des Noirs.
01:49 Il donne plusieurs exemples.
01:51 Une question demande à l'enfant testé d'identifier un jouet derrière le sofa,
01:56 dans une pièce.
01:57 Or, les enfants Afro-Américains, nous dit-il, ne connaissent pas le mot sofa.
02:02 Chez eux, on emploie le mot couch.
02:05 Une autre demande est, quelle est la couleur de rubis ?
02:08 Les enfants Afro-Américains répondent « noir »,
02:11 car c'est un prénom de femmes très répandu dans leur communauté.
02:15 Ils ne pensent pas à la pierre précieuse de rubis qui est rouge.
02:19 C'est pourtant sur le score de ces tests
02:21 qu'on va évaluer l'intelligence de ces enfants
02:24 et les exurs du système éducatif, le cas échéant.
02:27 Le test BITCH propose donc des questions
02:30 mobilisant la culture et le vocabulaire Afro-Américain.
02:34 Deux exemples.
02:36 Que signifie « clean » ?
02:38 A. Just out the bathtub.
02:40 B. Very well dressed.
02:42 C. Very religious.
02:44 D. Has a great deal.
02:47 Dans le contexte, la bonne réponse est « well dressed ».
02:50 Bien habillé.
02:52 Ou encore, qu'est-ce que le Mother's Day ?
02:55 A. Black Independence Day.
02:58 B. A day when mothers are honoured.
03:01 C. A day the welfare check come in.
03:04 D. Every first Sunday in church.
03:07 La bonne réponse est la C.
03:09 Le jour où on touche le chèque de solidarité.
03:13 Robert Williams soumet le BITCH test à 100 élèves blancs
03:17 et 100 élèves noirs entre 16 et 18 ans.
03:21 Les élèves noirs ont de bien meilleurs résultats que les blancs.
03:24 87 versus 51.
03:28 Il n'en tire pas la conclusion que les blancs sont moins intelligents,
03:32 mais celle des biais de nombreux tests considérés pourtant comme « culture-free ».
03:37 Cette démonstration a bien évidemment été très critiquée,
03:41 mais le pavé était lancé dans la mare académique.
03:44 Il est prouvé que ce test,
03:46 comme tout le travail de Robert Williams pour légitimer la culture noire,
03:51 a joué un rôle déterminant dans le recrutement
03:54 et le maintien en poste d'étudiants noirs dans des masters ou des doctorats.
03:59 À l'heure du développement de l'intelligence artificielle
04:02 et de la mise au jour de tous ces biais,
04:04 il me semble que la question est plus que jamais d'actualité.
04:09 [Musique]

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