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"J'ai déjà plaidé pour un poisson" | Olivia Symniacos est avocate en droit animalier. L'affaire la plus dur ou encore l'animal le plus insolite à plaidoyer, elle nous dit tout sur son métier

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Transcription
00:00 Est-ce que tous les animaux sont défendables ? Par exemple le poisson.
00:02 Et bien là j'ai envie de vous dire oui, j'ai déjà plaidé pour des poissons
00:04 qui vivaient dans un aquarium qui a été saccagé par une bande d'adolescents.
00:08 Je suis avocate en droit animalier, je peux défendre des chiens, des chats,
00:14 mais je peux aussi défendre des vaches, des cochons, des serpents, des rats.
00:18 On n'est pas très nombreux à ne faire que ça.
00:19 Je pense qu'on peut se compter sur les doigts de deux mains.
00:22 Je travaille pour des associations qui, elles, représentent les animaux.
00:26 Je suis l'avocate d'êtres humains, mais toujours en faveur des animaux.
00:30 Alors l'animal le plus insolite pour lequel j'ai eu à plaider,
00:33 je crois que c'était un phasme dans un dossier multi-espèces
00:37 qui comptait également un chien, un chat, des serpents et des pogonas.
00:41 Le propriétaire de ces animaux était poursuivi pour mauvais traitement,
00:44 il a été condamné et ce que j'ai trouvé mais génial de la part du magistrat,
00:49 c'est qu'il a prononcé une peine par animal, la même peine pour tout le monde.
00:54 Alors l'affaire la plus dure émotionnellement,
00:56 c'est ce dossier dans lequel il y avait une vache blanche.
01:00 C'était une "éleveuse" parce que c'était pas une vraie éleveuse.
01:04 Les vrais éleveurs savent prendre soin de leurs animaux.
01:06 Elle avait un petit peu repris l'exploitation de son époux qui était décédé.
01:10 Elle avait voulu continuer l'exploitation, sauf qu'elle n'était pas compétente pour ça.
01:13 C'était des bovins complètement à l'abandon.
01:16 Donc on avait des vaches qui étaient cachectiques,
01:19 c'est-à-dire très très maigres, squelettiques, qui vivaient dans leur merde.
01:22 Il n'y a pas d'autre mot.
01:23 La vache blanche que j'évoquais tout à l'heure,
01:25 c'était un squelette avec un cuir posé dessus.
01:28 Mais ça ne la choquait pas cette dame.
01:29 Alors l'évolution du droit des animaux,
01:31 oui, elle est flagrante sur ces dix dernières années.
01:36 Mais le nombre d'affaires qui arrivent au tribunal en témoignent de toute façon.
01:40 Alors la loi du 30 novembre 2021
01:42 est venue apporter un certain nombre d'améliorations à la protection des animaux.
01:46 Elle est venue aggraver les sanctions encourues quand on porte atteinte aux animaux.
01:50 Elle est venue créer notamment des circonstances aggravantes,
01:54 qui me paraissent essentielles.
01:55 La commission de ces actes en présence d'un mineur,
01:57 puisqu'on commence à comprendre un petit peu en France
01:59 qu'il y a un lien entre les maltraitances animales et les violences domestiques.
02:02 Si je tabasse un chien devant un mineur,
02:05 je ne risque pas 3 ans et 45 000 euros, je risque 4 ans et 60 000.
02:08 Et le législateur, ce que je trouve aussi bien et important,
02:11 c'est qu'il a quand même tenu compte des conséquences sur l'animal.
02:14 C'est-à-dire que si l'animal ne survit pas, là on est à 5 ans et 75 000 euros.
02:18 Le droit animalier, c'est l'ensemble des règles applicables à notre relation avec les animaux.
02:22 Tout simplement.
02:23 Donc ça peut être un peu de droit pénal, un peu de droit civil,
02:26 un peu de droit d'environnement, un peu de droit de la famille,
02:28 un peu de droit de la responsabilité.
02:30 Le droit animalier, c'est un petit bout de plein de droits en fait.
02:33 Tous les animaux peuvent être défendables.
02:35 Ce qui compte, c'est de déterminer le statut de l'animal.
02:38 Et c'est vrai qu'on prend toujours l'exemple du lapin,
02:40 qui peut être un animal de compagnie,
02:42 qui peut être un animal de rente,
02:44 pour, on va l'élever pour le manger.
02:46 Il peut se retrouver, on ne sait pas, dans un cirque.
02:50 Il peut se retrouver dans un laboratoire d'expérimentation animale.
02:53 Il peut se retrouver, lapin de garenne, dehors.
02:56 À chaque fois, ce lapin-là aura un degré de protection qui sera différent.
03:00 Parce que le degré de protection n'est pas fixé en fonction de l'espèce,
03:05 mais en fonction du statut de l'animal.
03:07 Grosso modo, en fonction de sa place et de son utilité pour l'homme.
03:11 L'anthropocentrisme, c'est le fait pour l'homme de se considérer comme le centre de l'univers.
03:16 Donc on ramène tout à nous.
03:18 Mais des fois, c'est utile.
03:19 Quand on aborde le problème animal par l'axe humain,
03:23 on a l'impression, moi c'est l'impression que j'ai,
03:25 que les choses avancent beaucoup plus vite.
03:27 Si je vous parle de la misère féline,
03:30 d'un reproduction des chats qui crèvent dans les rues,
03:33 qui chopent le choriza, les petits qui meurent,
03:36 beaucoup de gens s'en foutent.
03:38 Si on commence à dire "ouais mais vous vous rendez compte,
03:40 les chats, ils se multiplient, c'est un fléau,
03:42 la biodiversité, l'écologie, l'environnement, l'être humain".
03:46 Ah, là c'est pas pareil.
03:49 Les vaches dans les abattoirs, qu'on les stresse, qu'on les étourdisse pas, etc.
03:53 C'est pas grave.
03:54 Et quand on commence à nous dire "ouais mais dans la viande, ça met des toxines,
03:57 pas bonnes pour la santé de l'homme".
03:59 Si l'homme est au centre de l'univers,
04:02 on va lui expliquer qu'en fait, l'homme dépend aussi,
04:05 le sort de l'homme dépend aussi du sort de l'animal.
04:07 On se dit "ah, tu protèges les animaux toi ?"
04:09 Ben oui, je protège les animaux,
04:10 mais quelque part je protège aussi les êtres humains.
04:12 *BIP*

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