SI ON PARLAIT - 07/02/24 - Infrarouge, Peinture ; Kitsch

  • il y a 7 mois
Ils incarnent toute la richesse intellectuelle, scientifique, artistique de notre territoire : ces scientifiques sont tellement joueurs qu'ils ont poussé la recherche au bout de leurs envies d'enquêter, et de faire rayonner leur trouvaille à infrarouge dans toutes les salles de jeu... Jocelyn Chanussot, professeur à l'INP et chercheur à l'INRIA, nous explique l'Affaire Pélican !
Cette artiste surprend par la vie qu'elle donne à ses lignes tranchantes et ses couleurs éclatantes, et ce n'est pourtant que son violon d'Ingres... Nadine Gamet nous révèle son secret !
Des couleurs à gogo, un ton, un esprit, le kitsch c'est plus qu'une tendance c'est un témoin de notre civilisation du trop... Le journaliste et auteur Jean Serroy décrypte le nouvel âge du Kitsch !

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Transcript
00:00 Avec Giltrinia Résidence, vous êtes confortablement installé pour regarder si on parlait.
00:05 [Générique]
00:30 Bienvenue à tous, ravis de vous accueillir parmi tous ceux qui font la richesse intellectuelle, scientifique et artistique de notre territoire.
00:37 Comme ces joueurs qui ont poussé la recherche scientifique au bout de leurs envies d'enquêter et de faire rayonner leur trouvaille à infrarouge dans toutes les salles de jeu.
00:47 Comme cet artiste qui surprend par la vie qu'elle donne à ses lignes tranchantes et ses couleurs éclatantes et ce n'est qu'un violon d'ingres.
00:53 Et des couleurs à gogo, un ton, un esprit, le kitsch c'est plus qu'une tendance, c'est un témoin de notre civilisation du trou.
01:02 Et on va se plonger dans cette tendance, cet art, cette culture avec vous Jean Serrois, bienvenue.
01:09 Bonjour.
01:10 Je suis très heureuse de vous accueillir, vous êtes entre autres auteur, journaliste, critique culturel.
01:15 Vous publiez le nouvel âge du kitsch qui est très intéressant.
01:21 En collaboration avec Gilles Lipovetsky qui lui est philosophe.
01:24 Philosophe, exactement, votre complice.
01:26 On va découvrir cet ouvrage et surtout tout cet art.
01:30 Vous nous direz ce que c'est d'ailleurs pour vous le kitsch dans un petit instant.
01:33 Nadine Gamay, bienvenue.
01:35 Bonjour.
01:36 Tout en couleur, ici aussi sur ce plateau vous êtes artiste peintre et ce n'est pas votre métier, c'est votre passion et c'est même votre vocation.
01:44 Et on va découvrir votre univers qui est très singulier, qui nous a beaucoup interpellés et votre démarche.
01:50 Et bienvenue Jocelyne.
01:52 Bonjour.
01:53 Comment ça va ?
01:54 Ça va bien et vous ?
01:55 Ça va très bien puisque vous nous amenez à nous divertir et pas seulement.
02:00 Vous êtes professeur à l'INP Grenoble, vous êtes chercheur à l'INRIA et titulaire de la chaire Deep Red avec l'accent, on dit Deep Red ?
02:10 Comme on veut.
02:11 Et pendant six mois avec tous vos partenaires vous avez fait jaillir une lumière de votre appareil bien sûr mais aussi de votre tête, de vos appareils.
02:19 Parce que c'est le principe de l'escape game que vous avez voulu équiper avec votre technologie, équiper éventuellement, une technologie inédite.
02:31 D'abord Jean, vous êtes déjà rentré dans un escape game ?
02:35 Non, jamais mais je vais y aller directement.
02:38 Ah voilà ! Nadine oui peut-être.
02:40 Oui, avec mes enfants.
02:42 C'est très tendance évidemment.
02:44 Je ne sais pas si justement ça a été choisi pour une porte d'entrée à votre technologie, votre innovation, ce principe de l'escape game.
02:51 Alors effectivement c'était tout à fait ça l'objectif mais si vous me permettez de faire un petit retour en arrière,
02:57 le projet Deep Red c'est un projet de la fondation Grenoble INP qui existe grâce au mécénat, le mécénat de l'entreprise Linred.
03:05 Linred c'est le deuxième fabricant mondial de caméras infrarouges et ils sont situés à Vervreux-Rouas à côté de Grenoble.
03:12 Et à côté de vous, derrière vous.
03:14 D'ailleurs ici on a la fondation INP avec Muriel Brachot et Linred avec Célia Chapuis.
03:20 Merci d'avoir pris part aussi puisque c'est un travail qui est très partenarial.
03:24 Tout à fait, c'est un travail partenarial.
03:26 Alors au départ c'est un projet de recherche également.
03:29 L'objectif de cette chaire c'est de mettre l'intelligence artificielle au cœur de l'imagerie infrarouge.
03:36 Voir comment les nouvelles techniques de traitement peuvent s'appliquer aux images infrarouges.
03:41 Donc on a trois thèses, des post-doctorants, des stagiaires de master,
03:45 tous ces activités de recherche menées à INRIA, à Gipsalab et aussi au laboratoire de neurosciences et de cognition.
03:51 Et puis le sous-titre de cette chaire c'est "Démocratiser les usages de l'imagerie infrarouge".
03:57 Aujourd'hui, l'imagerie infrarouge, peu de gens connaissent finalement.
04:01 On a tous vu une image infrarouge dans un film d'espionnage ou voilà.
04:04 Mais on ne connaît pas vraiment la technologie.
04:06 Et on s'est dit pour toucher les gens, on va mettre en place une expérience ludique, un escape game,
04:12 qu'on a conçu avec 16 étudiants de quatre écoles différentes de Grenoble INP.
04:17 NC Cube, Felma, NC Mag, NSAG, Polytech, ça fait cinq.
04:21 Et depuis le mois de septembre, en cinq mois, on a monté de A à Z un escape game autour de cette technologie.
04:28 Puisque les énigmes que les gens doivent résoudre pour vaincre cet escape game sont basées sur l'utilisation de caméras infrarouges.
04:35 Alors on va découvrir le principe de cette lumière infrarouge et de ces caméras infrarouges dans un petit instant.
04:41 Vous êtes allé au bout de cette démarche en créant également l'énigme.
04:46 Alors qu'est-ce que c'est l'affaire Pélican ? Expliquez-nous.
04:48 Alors l'affaire Pélican, ça se situe dans le cadre imaginaire d'une galerie d'art.
04:54 Un tableau a disparu et l'artiste a été assommé.
04:58 Et donc les participants à l'escape game devaient résoudre cette énigme, retrouver le tableau et puis démasquer le coupable.
05:05 Voilà.
05:06 Je rappelle Jocelyn Chanus, vous êtes enseignant et chercheur, donc vous êtes plutôt un spécialiste des technologies.
05:14 Est-ce que vous avez dû aussi être accompagné d'un spécialiste des histoires, puisque des escape games, c'est quand même assez particulier, assez poussé aussi.
05:22 On a eu beaucoup de chance parce qu'on a trouvé un étudiant de l'ENSIMAG, Antonin Paoli, qui était le chef de projet et qui s'est vraiment plongé dans le projet Corséa.
05:33 Mais c'est lui qui a monté totalement toute l'histoire, tout l'univers qui va autour de l'histoire.
05:39 Et avec lui et d'autres étudiants, on a mis en place les énigmes que devaient résoudre les participants à l'escape game.
05:46 Ces six mois de travail, c'est beaucoup pour un jeu.
05:49 Mais ce n'est pas beaucoup, sachant que ce n'est pas nécessairement votre spécialité.
05:54 Donc l'aboutissement de ces six mois de travail, c'est...
05:57 Alors, pardon, on reparle justement de cette technologie.
06:00 Ça, c'est un vrai... Alors non pas un escape game, mais c'est un véritable...
06:04 C'est la cellule d'identification criminelle de la gendarmerie qui travaille avec cette technologie.
06:09 Cette technologie infrarouge, elle est encore assez méconnue du grand public.
06:15 Alors effectivement, comme on le voit bien sous ces exemples, on pourrait dire que l'infrarouge, ça permet de voir l'invisible.
06:20 Et si je donne un exemple d'application sur lequel on travaille au niveau de la recherche, ça va être pour l'aide à la conduite.
06:26 On s'est rendu compte que la plupart des accidents impliquant des véhicules et des piétons, des cyclistes, des trottinettes
06:32 avaient lieu dans des conditions où la visibilité était mauvaise.
06:36 Et donc, on a beau mettre une caméra normale, on ne va pas gagner en visibilité.
06:41 Par contre, grâce à l'infrarouge, on peut voir même la nuit.
06:45 On peut voir même s'il y a du brouillard ou de la pluie dans des conditions de visibilité vraiment dégradées.
06:49 Donc ce n'est pas forcément un outil de recherche, c'est un outil qu'on peut démocratiser et intégrer dans notre quotidien ?
06:55 Alors typiquement, l'Inred a signé un partenariat avec Saint-Gobain dans ce contexte automobile.
07:01 Et donc nous, au niveau recherche, on va mettre en place des méthodes de traitement, des algorithmes
07:05 pour aller exploiter les images fournies par les caméras pour détecter par exemple les trottinettes, les piétons, etc.
07:13 et pour attirer la vigilance du conducteur.
07:15 On peut expliquer en quelques mots comment ça marche ?
07:18 Alors c'est une caméra qui va travailler pas dans le domaine du visible, mais qui va aller regarder dans le domaine électromagnétique
07:26 au niveau du proche infrarouge ou du moyen infrarouge, moins infrarouge, dans le thermique.
07:31 Donc par exemple, ça va être sensible à la température qu'émettent les matériaux.
07:37 Alors ça a des propriétés parfois déconcertantes.
07:39 Par exemple, dans le cadre du jeu, on a une peinture qui est transparente à l'infrarouge.
07:46 C'est-à-dire que la lumière infrarouge passe à travers.
07:49 Donc on observe un tableau qu'on voit de nos yeux, mais en infrarouge, on ne voit rien.
07:54 Par contre, si sous la peinture, on a caché un indice au crayon de papier,
07:58 le carbone, le graphite du crayon de papier va absorber les ondes et donc va devenir visible.
08:04 Donc on peut voir quelque chose qui est masqué par une autre couche de matière par-dessus.
08:09 Et là, tu vois que je sors mon objet kitsch par excellence.
08:12 Vous m'avez dit que normalement, on ne devait pas voir tout ça.
08:16 Ça s'est usé parce que c'est allé au lave-vaisselle.
08:18 Mais il y avait donc ici une couche qui était opaque et avec le chaud, les petits bonhommes, les petits Beatles arrivaient.
08:26 En fait, avec vos lumières, avec vos appareils, vous pouvez faire réapparaître la couche que je ne vois pas ?
08:32 Alors pas exactement.
08:33 Disons qu'on pourrait mesurer le degré de remplissage de votre tasse avec du liquide chaud,
08:38 avec la chaleur qui serait diffusée à travers les parois.
08:41 D'accord. Et on peut voir aussi des...
08:44 Alors, hop, pardon pour le bruit.
08:46 On peut voir certaines tâches qui ont disparu et les faire réapparaître.
08:50 C'est aussi ce principe, donc avec des filtres, avec certains types de lumières aussi, puisqu'il y a plusieurs types de faisceaux infrarouges ?
08:57 Alors oui, il y a différents domaines.
08:58 Il y a ce qu'on appelle le SWIR ou le domaine thermique qui vont mettre en jeu des lumières avec des différentes propriétés.
09:06 Par exemple, une plaque de silicium va agir comme un miroir pour vous.
09:11 Vous regardez, c'est un miroir.
09:13 Vous regardez en infrarouge, vous voyez au travers.
09:15 Voilà.
09:16 Pour l'aspect ludique, il y a tout un tas de choses qu'on a imaginées.
09:22 Oui, et vous avez même imaginé de mettre en scène tous les participants dans cette fameuse enquête.
09:27 Chacun a eu son rôle ?
09:29 Oui, on a travaillé avec 18 étudiants et chacun avait effectivement son rôle, sa contribution pour construire les boxes.
09:38 On avait trois salles qui ont été mises en place avec la décoration qu'on a été chercher chez Emmaüs.
09:44 Il fallait imaginer les défis et puis les réaliser techniquement dans les Fab Labs des écoles d'ingénieurs de Grenoble INP.
09:53 Il y avait vraiment tout l'aspect communication, design.
09:58 Là, on voit les tableaux qui sont liés à l'enquête.
10:03 Qui ont été créés pour l'occasion ?
10:06 Qui ont été réalisés par une étudiante en art études, une étudiante ingénieure de FELMA en art études,
10:11 qui s'est prise aussi au jeu avec nous et qui a créé ces tableaux-là pour le jeu.
10:17 Ici, c'est au festival TECNFEST qu'a été révélé cette affaire Pélican,
10:23 cette proposition d'escape game que vous réalisez, l'aboutissement de six mois de travail.
10:29 Donc cet escape game, est-ce qu'on peut aller le voir aujourd'hui puisque c'était presque un happening ?
10:36 Aujourd'hui, est-ce que vous avez un showroom sur l'un de vos laboratoires ?
10:42 Effectivement, c'est un événement qu'on a mis en place spécifiquement pour le festival TECNFEST.
10:47 On a eu près de 300 participants qui ont pu vivre cette expérience pendant les deux jours du TECNFEST.
10:52 Maintenant, l'aventure ne s'arrête pas là.
10:55 On va mettre en place un showroom plutôt sur l'automne du côté de l'INRED.
10:59 Ensuite, les épreuves ou les jeux peuvent être pris pour la fête de la science.
11:03 Et puis, on a été aussi en contact avec un certain nombre d'escape game de la région.
11:08 Et on va voir si on peut intégrer certaines de nos idées ou de nos énigmes dans leur salle.
11:16 Est-ce que le mobilier, vous l'avez rendu ?
11:19 Le mobilier, on l'a rendu, mais ça c'est juste la décoration.
11:21 On a gardé toute la partie technique des jeux.
11:26 L'idée, c'était de le proposer aussi aux escape game, mais aussi plus qu'un aboutissement, c'était un vecteur pour vous.
11:33 Un vecteur de savoir et de l'utilisation de cette technologie.
11:37 Pour faire découvrir la technologie au plus grand nombre, au grand public, aux étudiants qui sont venus,
11:42 aux lycéens qui sont venus aussi participer à cette expérience.
11:45 Ça a marché ? Vous avez eu des retours très positifs ?
11:47 On a fait effectivement un questionnaire d'évaluation qui nous a vraiment fait plaisir,
11:53 parce que les gens étaient vraiment enthousiasmés par l'expérience.
11:56 Et les futurs étudiants aussi ? J'imagine que ce sont des laboratoires qui inspirent beaucoup de monde et beaucoup de jeunes.
12:02 Tout à fait. Les étudiants qui ont travaillé dessus se sont vraiment impliqués corps et âme.
12:08 Le fait d'aboutir à la réalisation concrète, pratique, et d'ouvrir le jeudi 1er février au plus grand public,
12:16 c'était une pression, beaucoup de travail, mais vraiment aussi une satisfaction pour tous.
12:22 C'est un début alors, ce n'est pas un aboutissement.
12:24 Ouvrez quelque chose, j'aimerais bien le faire moi.
12:27 On vous invitera.
12:28 En tout cas, bravo pour cette idée et à tous vos partenaires aussi.
12:32 On attend la suite, vous nous tenez bien au courant ?
12:34 On va voir peut-être ouvrir différentes techniques dans les Escape Games.
12:39 Il y en a beaucoup en plus, et il y en a beaucoup à Grenoble.
12:42 Merci beaucoup Jocelyn Chanusso.
12:44 C'est donc Panadine qui a créé les tableaux.
12:47 Ça, c'est une nouvelle petite perspective. On va voir pourquoi.
12:50 C'est vrai, les tableaux qui ont été créés pour l'Escape Game étaient jolis.
13:01 Non seulement, il y a beaucoup de technologie derrière.
13:04 Nadine, vous savez que Ingres était peintre, il jouait aussi du violon.
13:09 Nadine, c'est la peinture, votre violon d'Ingres.
13:13 C'était une vocation pour vous, mais finalement, vous avez choisi de ne pas être peintre ?
13:19 Non, je pense que j'ai toujours aimé faire des choses avec mes mains.
13:26 J'ai choisi plutôt un métier qui est l'imprimerie et l'enseignement,
13:33 parce que la transmission, c'est quelque chose que j'ai toujours beaucoup apprécié.
13:37 Et de ce métier de l'imprimerie, avec ma matière première qui est l'encre et le papier,
13:42 j'ai, il y a une vingtaine d'années, commencé à tartiner plus que peindre,
13:47 parce que c'est une matière qui ressemble un petit peu au Nutella.
13:53 C'est pour ça que je suis en train de tartiner.
13:57 J'ai plutôt utilisé des spatules à enduire le plâtre, ce que j'avais sous la main.
14:04 Vous n'aviez pas nécessairement de fibres artistiques développées dans votre famille.
14:09 Vous me disiez que vos parents étaient agriculteurs ?
14:11 Oui, c'est ça.
14:12 Et vous, vous voulez être artiste ?
14:15 Oui, artiste, je crois que ce mot-là, il n'est toujours pas dans mon esprit.
14:21 Ça fait partie de vous, sans pour autant le revendiquer ?
14:23 Oui, exactement, je pense.
14:25 J'ai toujours vu mon papa travailler avec ses mains, créer des choses avec des bouts de rien.
14:30 Et c'est quelque chose qui est en moi.
14:33 Donc, voilà, je peux ramasser des bouts de bois dans la forêt et essayer d'en faire des choses.
14:39 Donc, c'est… voilà.
14:41 On va aller voir ces jolies choses.
14:42 Mais déjà, vous avez fait les Beaux-Arts.
14:44 J'ai été prise aux Beaux-Arts.
14:45 Et qu'est-ce qui s'est passé ?
14:47 Et ce n'était pas forcément à l'époque la vocation qui rassurait mes parents sur un métier d'avenir.
14:55 Donc, on est resté plus terre à terre et j'ai continué mes études en imprimerie.
15:01 Et j'ai bien fait, je n'ai pas de regrets.
15:04 Consciente que finalement, vous pourrez aussi vous exprimer.
15:07 Je peux allier les deux, donc c'est très bien.
15:09 Et voilà comment vous alliez les deux, c'est magnifique et c'est très éclatant.
15:13 Alors, vos toiles, on dit des toiles, vous peignez sur quel…
15:16 C'est des toiles.
15:17 C'est des toiles.
15:18 Oui, en grande majorité, c'est des toiles.
15:21 Je me suis essayée aussi au plexiglas pour avoir des effets de transparence.
15:28 J'ai aussi…
15:29 Et cet effet d'éclat, alors je… pardon, mais c'est saisissant.
15:32 On se demande techniquement comment est-ce que vous parvenez à aussi grande échelle
15:36 à réaliser un tel mouvement dans vos créations.
15:41 Ça, j'y réfléchis…
15:43 Un petit secret.
15:45 J'y réfléchis pendant deux ans parce que je voulais essayer de liquéfier un petit peu cette matière
15:53 pour avoir d'autres effets que le simple tartinage.
15:58 Donc j'ai essayé de réfléchir sur des systèmes rotatifs.
16:03 Voilà.
16:04 Et je… voilà, ce n'est pas encore tout à fait abouti, mais les résultats sont déjà intéressants.
16:10 Donc ce n'est pas nécessairement… vous ne travaillez pas forcément au couteau ou au pinceau.
16:14 Vous l'avez fait aussi ?
16:16 A la spatule.
16:17 Oui, à la spatule.
16:18 A la spatule. Au pinceau, très peu.
16:20 Donc pas beaucoup de figuratif.
16:22 Non.
16:23 Ce que vous vouliez justement, c'était exprimer un sentiment, une sensation, un rêve peut-être aussi ?
16:29 Oui, il n'y a pas d'idée au départ, en fait.
16:31 C'est une envie de couleur, c'est un sentiment, mais sans…
16:36 Voilà, il n'y a pas d'image dans ma tête, il y a plus des couleurs.
16:41 Après, la particularité de l'encre d'imprimerie, c'est que quand je termine une toile,
16:49 il lui faut trois, cinq mois pour qu'elle sèche.
16:52 Et en séchant, l'aspect se modifie.
16:55 Donc on peut voir ou on a pu voir…
16:59 On va revoir même.
17:00 … des effets… alors pas sur celle-ci.
17:03 Ah, pas sur celle-ci.
17:04 Vous travaillez beaucoup les lignes aussi ?
17:06 Oui.
17:07 Qu'elles soient verticales ou horizontales ?
17:09 Oui, oui.
17:10 Et vous imaginez un horizon ?
17:13 Non.
17:14 Vous n'imaginez rien, vous la travaillez ?
17:15 Non, ça c'est du plexiglas par exemple.
17:16 D'accord.
17:17 On ne peut pas voir une horloge ?
17:18 Non, en fait chacun interprète ce qu'il veut.
17:19 Exactement, c'est exactement ça.
17:21 En fait, les tableaux ont quatre sens, ils ne sont pas signés sur leur face principale.
17:26 Ah.
17:27 Parce que chacun peut y voir ce qu'il souhaite.
17:31 Et en fonction de son état d'esprit, en fonction de l'écoulement des années,
17:35 moi je vois que quand je crée une toile, je lui donne un nom, je lui donne un sens.
17:39 Mais quelques années après, selon mon état d'esprit, je vais la tourner, j'y verrai autre chose.
17:45 Donc en fait, je laisse libre imagination à ceux qui la regardent d'y voir ce qu'ils ont envie d'y voir.
17:53 Donc elles évoluent avec vous déjà, ces œuvres, et chacun alors se l'approprie.
17:58 Exactement.
17:59 Donc c'est très démocratique en fait comme travail.
18:01 Tout à fait.
18:02 Et vous parliez aussi du bois, puisque la nature vous inspire beaucoup, mais la nature brute en fait.
18:09 C'est-à-dire, vous la repérez un petit peu comme le facteur cheval aussi,
18:13 repérer des éléments dans la nature pour composer son palais ?
18:15 Oui, oui, là par exemple, j'avais repéré un vieux chêne qui était tombé dans un bois,
18:21 et avant qu'il soit débité, j'ai ramassé des écorces qui pouvaient faire deux, trois mètres de long.
18:26 Et je me suis dit que c'était trop beau dans cet état brut pour ne pas en faire quelque chose,
18:31 donc j'en ai fait des lampes, des sculptures naturelles.
18:33 Oui, l'écorce, le revêtement, la peau, ça vous inspire beaucoup ?
18:37 Oui, je trouve ça magnifique.
18:39 Alors, comment exposer aujourd'hui, comment se faire connaître ?
18:44 Est-ce que votre but, c'est justement d'exposer davantage ou de continuer tel que vous le faites aujourd'hui ?
18:50 Alors, mes toiles sont restées presque 20 ans dans mon grenier.
18:54 Elles se sont transformées ?
18:56 Oui, elles ont bien séché, elles ont eu le temps d'aboutir,
19:01 et puis je me suis posé la question à savoir si c'était intéressant de continuer,
19:08 si c'était pour qu'elles restent enfermées.
19:12 Et j'ai toujours été encouragée par mes enfants et mon compagnon,
19:15 et puis mes garçons m'ont trouvé un lieu, un restaurant sur Grenoble,
19:21 qui venait de s'ouvrir et qui cherchait à décorer ses murs, un restaurant thématique.
19:27 Et donc, leur première thématique, c'était la Grèce, et ils m'ont dit,
19:33 voilà, on va regarder ce que tu as dans les bleus,
19:36 et on a fait, dès septembre, un mois, un mois et demi de peinture bleue.
19:42 Donc, vous avez composé pour eux ?
19:44 Oui.
19:45 Donc, c'était une demande presque de décoration, alors peindre pour soi,
19:48 et peindre pour habiller des murs, et les murs du Lanselle, c'est…
19:51 Alors non, non, je n'ai pas peint pour eux. Ils ont choisi, ils ont choisi dans ce que j'avais…
19:55 Ça, c'est un bleu, oui.
19:57 …des éléments qui étaient dans l'esprit qu'ils souhaitaient faire passer
20:01 par rapport à la thématique du moment.
20:04 Et puis, ils ont fini par avoir du mal à faire des choix.
20:09 Je comprends, oui.
20:10 Et donc, ils m'ont proposé de me prêter leurs murs pour faire un vernissage.
20:15 Et donc, mi-octobre, j'ai fait mon premier vernissage,
20:18 et donc mes toiles sont sorties pour la première fois à la lumière du jour.
20:23 Elles sont toujours au restaurant, parce qu'ils ne veulent pas s'en dessaisir.
20:27 L'inspiration rue Saint-Joseph, on peut le dire.
20:29 Exactement, l'inspiration rue Saint-Joseph, un semi-gastro tenu par deux petits jeunes très méritants,
20:35 et on y mange très, très bien.
20:37 Et qui nous ont très bien accueillis.
20:39 Voilà.
20:40 Et est-ce que ça change votre démarche artistique ?
20:42 Est-ce que vous commencez à avoir un petit peu un horizon différent ?
20:46 Ma démarche, non.
20:49 Mais par contre, ça confirme mon envie d'aller plus loin,
20:55 parce que ma peur, c'était que les gens n'aiment pas,
20:59 parce que c'était quand même très particulier.
21:01 C'est très personnel. On peint avec soi, en fait.
21:04 Oui, on peint avec soi, mais la matière était assez inconnue aussi, ou méconnue.
21:10 Complètement, vous dites que c'est une matière qui est très épaisse, l'encre d'imprimerie.
21:13 Oui, c'est une matière très épaisse et qu'on ne trouve pas dans le commerce.
21:16 Il faut être professionnel de l'imprimerie pour pouvoir en commander.
21:21 Et en fait, exposer, c'est se mettre à nu.
21:26 Et j'avais très peur de la critique, que ça ne plaise pas.
21:31 Et finalement, les retours ont été très positifs.
21:34 Ça a éveillé la curiosité des gens,
21:37 tant par la matière que la technique,
21:40 que cet aspect effectivement très brillant,
21:44 parce que l'encre d'imprimerie a des vernis et des cires,
21:48 donc ça la rend très brillante.
21:50 Puis je joue avec des vernis sélectifs, mat, pour faire des contrastes.
21:56 Je joue aussi avec du plâtre pour donner davantage de volume.
22:00 J'y intègre du fer à béton, une matière brute que je trouve magnifique,
22:05 pour donner encore de la longueur aux toiles.
22:09 Et les retours ont été meilleurs que ce que je ne pouvais imaginer.
22:17 Donc je n'ai qu'une envie, c'est de continuer.
22:19 Nous, on a qu'une hâte aussi, c'est de découvrir la suite,
22:21 puisque vous avez cette originalité de par ce travail des matériaux,
22:24 qui sont très propres finalement.
22:26 D'autres aussi ont été essayés, ont été réputés pour ça.
22:30 Vous pensez avoir peut-être ouvert une brèche ?
22:33 Probablement que certains s'y sont essayés, mais je n'ai pas connaissance.
22:37 C'est très beau. En tout cas, continuer, franchement, c'est un super beau travail.
22:40 Jean, qu'est-ce que vous en pensez, vous qui êtes critique culturelle ?
22:43 Je vais manger à l'inspiration et regarder sur les murs.
22:47 C'est vraiment tout à fait intéressant.
22:49 Oui, et c'est très coloré comme vous aussi, même s'il y a aussi des monochromes.
22:54 On a vu du bleu, du rouge, du blanc ?
22:57 Du blanc, non, parce que l'encre blanche n'existe pas.
23:01 Ah oui, donc le noir soulage alors.
23:04 Exactement.
23:05 Eh bien merci. Ce n'est pas kitsch ?
23:07 Non, enfin il faut voir.
23:09 Voilà, peut-être. Il faut lire aussi, il faut lire tout ça.
23:13 D'ailleurs, on y va tout de suite. Merci Nadine.
23:16 Merci à vous.
23:17 On va voir, on va savoir si c'est kitsch ou pas.
23:18 Les goûts et les couleurs, ce n'est pas qu'une question de goût.
23:30 C'est aussi un sujet de société.
23:32 Eh oui, le kitsch en dit bien plus sur nous qu'il nous fait sourire et voir le monde tout en couleurs.
23:39 Oui, c'est-à-dire qu'on peut regarder le monde à travers justement la manière dont nous regardons le kitsch.
23:45 Le kitsch est un reflet finalement de nos goûts.
23:49 Mauvais, pense-t-on, mais peut-être pas si mauvais que ça.
23:53 Il faut y réfléchir naturellement.
23:54 C'est très subjectif.
23:55 C'est une notion qui est difficile à cerner et c'est ce qu'on a voulu faire justement à travers ce travail.
24:01 Oui, c'est pour ça que c'est difficile à cerner.
24:03 Ça ne se lit pas en une heure, mais ça se lit délicieusement.
24:07 Vous avez rédigé cet ouvrage avec votre complice Gilles Lipovetsky, philosophe.
24:14 Vous, Jean Serrois, je rappelle que vous êtes auteur, journaliste, critique culturel.
24:18 Vous nous apprenez tout finalement sur une tendance, un art.
24:22 Un art de vivre, de penser, avec le nouvel âge du kitsch.
24:27 Donc un essai sur la civilisation du trop publié chez Gallimard.
24:32 Pourquoi ce sujet ?
24:33 C'est un petit peu bizarre.
24:35 On travaille avec Gilles sur les sujets qui nous intéressent.
24:38 Chacun de son côté, nous faisons les livres qui nous sont personnels, je dirais.
24:42 Et donc chacun, nous publions nos livres.
24:45 Et puis de façon assez régulière, lorsqu'un sujet nous réunit, nous plaît au même moment,
24:51 on fait un livre ensemble.
24:53 Alors celui-là, c'est le cinquième que l'on fait.
24:55 Et il est arrivé de façon un peu curieuse.
24:57 On avait fait auparavant chez Gallimard un film intitulé "L'esthétisation du monde"
25:02 avec un sous-titre sur le capitalisme artiste.
25:06 Et il y avait un tout petit chapitre, il y avait quelques pages qu'on avait intitulées "Le monde est kitsch"
25:12 où on réfléchissait très vite à la notion de kitsch.
25:15 Et on s'est aperçu qu'il y avait énormément de retours.
25:18 On a eu beaucoup de sollicitations en nous disant "Pourquoi vous ne développez pas cet aspect-là ?"
25:23 y compris d'ailleurs de l'étranger.
25:26 Par exemple, un livre vient de paraître aux Etats-Unis
25:30 dans lequel on a publié un article qui nous avait été demandé à propos de ce livre.
25:35 Et alors sollicité un petit peu par cet intérêt, on s'est dit "Pourquoi en effet ne regarderions-nous pas d'un peu plus près la question ?"
25:42 Et puis on s'est rendu compte qu'elle était à creuser en effet, mais qu'elle nécessitait du travail.
25:47 Et donc on a travaillé, on s'est mis, et on s'est passionnés sur cette question du kitsch.
25:51 Oui, c'est vrai que c'est très... Si vous avez eu beaucoup de retours, c'est parce que c'est très populaire aussi.
25:55 Ça parle à tout le monde et chacun en fait aussi ce qu'il veut.
25:57 Chacun a sa notion. Le kitsch, il est subjectif même.
26:00 Est-ce que vous, l'idée, c'était peut-être aussi de...
26:02 Alors, soit de le réhabiliter, de le dénoncer, ou de dénoncer ceux qui le rejettent ?
26:06 Oui, c'est...
26:07 Parce qu'on voit quand même des choses assez curieuses.
26:09 Ce qui nous a intéressés, c'est qu'à la fois il est méprisé, le kitsch c'est comme l'autre, c'est vraiment...
26:13 Et dans le même temps, et quelques fois par la même personne, il est recherché, il est admiré, et alors de plus en plus.
26:20 Ça, c'est un fait dont on s'est aperçus.
26:22 C'est que le kitsch aujourd'hui a un champ d'expansion absolument extraordinaire.
26:28 Et pas seulement ce qu'il a peut-être été à un certain moment dans la civilisation occidentale, mais dans le monde entier.
26:35 On s'aperçoit que les éléments kitsch, on peut les retrouver partout.
26:38 Et du même coup, cette sorte de mondialisation du kitsch, c'est aussi quelque chose qui nous interroge.
26:43 Oui, et ce qui nous interroge aussi, c'est son étymologie.
26:46 En fait, c'est presque intraduisable.
26:50 Ça vient de l'allemand.
26:52 Exactement. Et alors, ce qui est très formidable, c'est que c'est le même mot partout dans le monde.
26:55 Il n'y a pas besoin de le traduire.
26:57 Ça ne veut rien dire, mais c'est repris partout.
26:59 Ça vient, c'est quoi ? C'est un peu le déchet ? C'est la récupération ?
27:02 Oui, au départ, il y a un kitsch historique.
27:04 On a commencé par là. Ça s'est né à la fin du 19e siècle, au moment de l'industrialisation.
27:10 Et en Allemagne, l'industrialisation a permis la réalisation de meubles d'imitation que la bourgeoisie,
27:18 pour avoir donné une idée d'elle-même plus importante, a commandé.
27:26 Donc a commandé des meubles, des décors, des bibelots pour imiter ce que les princes, les nobles, etc. faisaient.
27:33 C'est un faux accessible d'un vrai inaccessible.
27:37 Donc on pourrait donner, dès le départ, une sorte de valeur sociale au kitsch.
27:42 Il a été une manière de s'affirmer.
27:44 Mais dans le temps où il faisait cela, le milieu intellectuel, les artistes, etc.
27:49 immédiatement ont rejeté le kitsch.
27:51 Il y a des phrases extraordinaires de Baudelaire, de Flaubert sur le kitsch.
27:56 C'était vraiment la camelote absolue.
27:58 Parce que c'est la culture qui quitte la classe bourgeoise.
28:00 Exactement. Alors à partir de là, le kitsch a existé et s'est imposé d'une certaine manière.
28:07 Et il s'est réinitialisé et développé avec l'arrivée de la société de consommation.
28:14 Avec le fait que l'on pouvait reproduire beaucoup plus facilement avec des matériaux divers, etc.
28:19 Le plastoc, etc.
28:21 Et on s'aperçoit qu'avec la société, disons, des Trente Glorieuses, de l'après-guerre,
28:26 là est le pop-art aussi, qui vraiment a mis à la portée de tout le monde
28:31 des choses qui jusque-là étaient considérées comme de mauvais goût,
28:34 comme étant secondaires ou négligeables.
28:37 Choquant parfois. C'était le but aussi.
28:39 Bien sûr.
28:40 Mais il a donc gagné ses lettres de noblesse finalement.
28:44 Aujourd'hui, il est exposé dans les galeries. Il est exposé à Versailles.
28:48 Jeff Koons a été exposé à Versailles.
28:50 Alors c'est quand même extraordinaire.
28:52 C'est-à-dire le chef-d'œuvre de la galerie des glaces,
28:56 le chef-d'œuvre de l'art classique, le pouvoir Louis XIVien.
29:01 Et puis on y met Jeff Koons qui fait des lapins, qui fait des choses comme ça.
29:05 Et tout ça plaît beaucoup.
29:07 Oui, mais c'est vrai que c'était péjoratif au départ,
29:11 alors que c'est un goût assumé, voire c'est presque un outil,
29:15 un mode d'expression de la liberté.
29:18 C'était presque une exubérance pour lutter contre le conformisme,
29:21 alors notamment dans la chanson.
29:23 Là, on voit avec l'opérette, cette opérette joyeuse
29:25 et qui était beaucoup plus audacieuse que l'opéra.
29:27 On le voit ici avec Offenbach et la Péricole.
29:30 Est-ce qu'on peut y voir aussi ce goût, cette expression des libertés ?
29:34 Oui, bien sûr.
29:36 Ça tourne autour de la question du goût et du mauvais goût.
29:39 Dès le départ, il y a eu une définition, disons, extrêmement restrictive du goût.
29:44 Le bon goût, c'est celui qui est académique, qui est fixé par des règles.
29:48 Des lignes.
29:49 Exactement, définie. Et puis, ce qui échappe, c'est le mauvais goût.
29:53 Mais qu'est-ce qui est mauvais goût, finalement ?
29:55 Pour moi, ça, c'est pas mauvais goût. Rémi Bricat, La vie en couleur, finalement.
29:59 Je pense que c'est peut-être l'incarnation du kitsch.
30:02 Est-ce que c'est vraiment de mauvais goût ?
30:04 Il y a un aspect, si vous voulez.
30:06 La funk. Est-ce que c'est vraiment de mauvais goût ?
30:08 Si pour vous, le goût est académique, reçu dans les règles, etc.
30:13 Mais on peut être parfaitement attiré par quelque chose qui n'entre pas dans ce goût-là.
30:17 D'ailleurs, l'histoire de l'art regorge de goûts déviants.
30:20 Le baroque, c'est un goût déviant par rapport au classique.
30:22 Le rococo, également, qui est très chargé.
30:24 Le rococo, c'est du kitsch.
30:26 D'ailleurs, Wittgenstein a défini en disant que le kitsch, c'était du gothique et du rococo recyclé, d'une certaine manière.
30:33 Donc, on a consacré un chapitre à cet aspect-là.
30:36 En effet, il y a une antériorité, disons, historique du kitsch.
30:40 Mais il y a une expression, aujourd'hui, du kitsch nouvelle.
30:43 C'est que nous sommes dans une société où le trop est devenu une valeur fondamentale de cette société.
30:49 Il faut produire, il faut consommer.
30:52 Et on s'aperçoit que l'hyper, la société de l'hyper, c'est la société qui permet justement tous les délires,
30:59 tous les amassements, toute la pléthore que le kitsch affectionne, naturellement.
31:04 Une rose, ce n'est pas kitsch.
31:06 Mais vous mettez des roses partout, si vous voulez.
31:08 Vous transformez votre studio en rose, il devient kitsch.
31:11 C'est Barbie, naturellement, et ça fait un tabac au cinéma.
31:15 Mais à chaque époque, sont kitsch aussi, puisqu'il y a par le nombre.
31:18 Donc, une rose, plusieurs nombres. La couleur, la couleur n'est pas nécessairement kitsch.
31:22 Regardez, moi, je suis en noir. Est-ce que... Voilà, il suffit de mettre ça.
31:25 Excusez-moi. Elle est comment, ma casquette ?
31:28 Elle est comme celle de Trump, qui est aussi un des sommets du kitsch.
31:34 Le kitsch a envahi la politique.
31:37 Si vous regardez Trump, la manière dont il porte ses cassettes,
31:40 cette extraordinaire mèche de cheveux qui est la tienne, si vous voulez.
31:43 D'ailleurs, il vient de la télé-réalité, le Trump.
31:46 Exactement. Puisqu'on parle de mauvais goût,
31:49 vous qui êtes aussi critique de cinéma ou de télévision,
31:53 à chaque époque, son kitsch, ça, ça ne l'était pas.
31:56 Santa Barbara, quand je suis retombée sur ces images,
31:58 en cherchant ce qui, pour moi, représentait le kitsch, finalement,
32:01 ça ne l'était pas, c'était normal.
32:04 Et même au cinéma, regardez, ça, c'était...
32:07 Quand on regarde les peplums des années 50, aujourd'hui,
32:11 alors pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là, c'était quelque chose,
32:15 c'est un genre populaire, si vous voulez, qui n'est pas jugé de manière...
32:18 Aujourd'hui, on le juge à travers l'histoire même du cinéma, si vous voulez.
32:22 On s'aperçoit que par rapport à d'autres formes,
32:25 c'était une manière de s'exprimer un peu différente, évidemment.
32:28 Mais si vous regardez la télévision, du kitsch, vous en avez tous les soirs.
32:32 - C'est un vivier.
32:34 - Et si vous regardez le concours Eurovision de la chanson,
32:37 alors là, c'est extraordinaire. - Oui.
32:39 - Et chaque année, il y en a de plus en plus.
32:41 Et on va de plus en plus loin avec les moyens techniques.
32:44 Les décors sont incroyables, les maquillages, les travestissements.
32:49 - Comme Bollywood, également. - Ça, c'est intéressant.
32:51 Bollywood, naturellement. - Oui.
32:53 - Mais alors, ce qui est intéressant là-dedans, c'est que ça nous plaît.
32:55 Pourquoi ? Parce qu'à la fois, on n'est pas dupe,
32:58 on le regarde comme quelque chose qui en fait un peu trop.
33:02 Et c'est ce plaisir de se dire "ça en fait un peu trop" qui fait notre plaisir.
33:07 Moi, j'ai une formule que j'adore, c'était un décadent de la fin du 19e
33:11 qui disait que je suis malin de me permettre d'être aussi bête.
33:15 Et le kitsch, il y a cet aspect-là. Il y a une distance.
33:18 On peut avoir une ironie vis-à-vis du kitsch
33:20 et prendre son plaisir à avoir ce goût de se dire
33:26 "qu'est-ce que je me fais plaisir à regarder ça ?"
33:28 - Mais c'est associé au plaisir. Regardez, on a tous la banane ici,
33:30 on a tous le sourire, ça prête forcément à sourire.
33:32 On parlait de Trump tout à l'heure, qu'on aime ou qu'on n'aime pas.
33:35 Il fait parler de lui avec ça, déjà.
33:37 Et je pense que c'était aussi fait pour.
33:40 Mais alors, on disait tout à l'heure que le kitsch,
33:42 c'était finalement la richesse du parvenu.
33:44 C'est aussi un art qui est plébiscité par des marques.
33:48 Donc finalement, c'est un petit pied de nez.
33:50 Alors Jean-Paul Goude, moi je suis très fan de Jean-Paul Goude, justement.
33:53 Je ne trouve pas ça nécessairement kitsch, mais tout de même,
33:55 toute cette expression aussi du kitsch dans la culture du luxe,
34:00 aujourd'hui, et ces grandes marques se le sont appropriées.
34:03 C'est un juste retour, finalement.
34:05 - On s'aperçoit quand on regarde les défilés de mode de la Fashion Week,
34:10 les décors dans lesquels les manichins évoluent
34:14 prennent presque le pas sur les vêtements eux-mêmes.
34:19 C'est un spectacle qui naturellement attire l'œil
34:22 et qui doit en rajouter chaque fois pour l'attirer davantage.
34:26 - Dans la vidéo, on va voir quelques...
34:30 Alors ça peut être très artistique, donc ça peut être un beau kitsch.
34:33 Et puis voilà ce dont vous parliez à l'instant, donc ce kitsch dans la mode
34:40 qui finalement s'offre aussi comme un témoin de l'évolution de notre société
34:43 et qui aussi représente, c'est un miroir en fait.
34:46 - Oui, parce que dans la mode, il y a les nouvelles tendances
34:49 et il y a toujours une sorte de liberté d'invention.
34:52 Et là justement, alors il y a les moments minimalistes,
34:55 mais c'est vrai aussi dans l'art.
34:57 Il y a des moments où c'est les lignes pures qui dominent.
35:00 Le classicisme.
35:02 Et puis il y a des moments où au contraire, c'est la prolifération des formes.
35:05 Et dans la mode, c'est un petit peu la même chose.
35:07 Eugène Odor, qui était un critique et philosophe,
35:11 disait que l'histoire de l'art, c'est un balancier
35:14 qui va du côté de l'ordre.
35:17 Et lorsqu'on le balancier arrive
35:20 au plus haut possible du côté de l'ordre,
35:23 le mouvement inverse l'amène vers le désordre, etc.
35:26 Puis lorsqu'il est du côté du désordre, il revient.
35:29 Et on pourrait analyser l'histoire de l'art depuis les origines.
35:32 Il y a le roman d'un côté.
35:34 Quand le roman devient totalement austère, hop, on passe au gothique.
35:37 Et puis on vient au classique. Et puis on passe au rococo, etc.
35:40 On pourrait regarder un petit peu cela.
35:42 Et dans la mode, il y a cet aspect-là.
35:44 Il faut créer toujours davantage.
35:46 Et les libertés que les uns se permettent
35:49 engendrent de nouvelles libertés qui vont,
35:52 il ne faut pas non plus se leurrer,
35:55 engendrer une réaction vers un côté plus strict,
35:58 un côté d'une élégance plus minimale, on pourrait dire.
36:01 - Et toute cette histoire, toute cette réflexion
36:04 que vous nous proposez aujourd'hui, toutes ces pages vous plongent
36:07 dans cette histoire, dans cette évolution et dans cette réflexion.
36:10 On vous invite vraiment à le lire, "Le nouvel âge du kitsch",
36:13 par l'accomplice Gilles Lipowicki. Merci beaucoup, Jean Serroi.
36:16 Revenez pour nous parler cinéma, promis ?
36:19 - Oui, d'autant plus que j'ai sorti un livre qui marche bien,
36:22 qui vient d'être réédité sur les 1000 films cultes
36:25 de l'histoire du cinéma, qui est une histoire du cinéma à travers 1000 films.
36:28 - On a pris rendez-vous parce qu'on adore vous écouter.
36:31 Merci beaucoup, Jean Serroi. On revient tout de suite avec vous,
36:34 avec le coup de cœur.
36:37 - Vous, justement, Jean Serroi, on n'a pas l'image, parce que c'est nouveau.
36:40 - Alors, un coup de cœur, je dirais que c'est le musée.
36:43 Alors, l'exposition actuelle du musée, formée par l'exposition de photographie
36:47 de la Fondation Antoine de Galbert, un grand collectionneur
36:50 qui a donné 270 photos qui permettent de traverser le siècle.
36:54 Et puis, pendant qu'on est au musée, qui vient d'avoir
36:57 un tout nouveau conservateur qui arrive, Sébastien Gocal,
37:00 qui est un des plus grands conservateurs du monde,
37:03 un nouveau conservateur qui arrive, Sébastien Gocal,
37:06 spécialiste de l'art contemporain,
37:09 aller jusqu'au café-restaurant du musée, qui s'appelle le Café Andry,
37:13 qui vient de remplacer le 5, et où l'ont déjeuné très bien.
37:16 - Du nom Andry, Andry Farsi.
37:18 - Il est dépassé par la corne d'or. Il faut faire les deux en même temps.
37:22 - Andry, qui s'appelle ?
37:24 - Andry, le Café Andry. C'était le nom d'un conservateur emblématique du musée,
37:28 Andry Farsi.
37:30 - Et vous, vous êtes partie Farsi au restaurant.
37:33 - Bien sûr. - Je suis obligée de la faire.
37:36 On reste au resto ? - Oui.
37:39 - Elle est là, l'inspiration. C'est le restaurant dans lequel vous exposez.
37:43 - Exactement. C'est un restaurant semi-gastronomique
37:46 qui est ouvert depuis moins d'un an,
37:49 qui est tenu par Pierre et Anthony,
37:52 deux jeunes qui ont à peine 30 ans,
37:55 et dans lequel on mange extrêmement bien,
37:58 et très bien accueilli. Je vous le conseille.
38:01 - Très bien. On ira bien sûr y déjeuner.
38:04 Vous, Jocelyn, c'était... On y mange aussi, mais c'est bien plus que ça.
38:08 - On y mange aussi. - Reste un tiers lieu.
38:11 - La cafeteuse, c'est un café brocante.
38:14 C'est rutière. On y mange très bien,
38:17 avec que des produits bio de qualité.
38:20 Et surtout, le concept, c'est que tout dans le restaurant est à acheter.
38:24 Toute la décoration, le mobilier...
38:28 Donc votre tasse pourrait venir de la cafeteuse.
38:32 - Ma cafete non plus, elle est signée. Attention, j'y tiens.
38:36 - Et donc, on peut aller chiner des éléments de décoration.
38:39 Une table en formica qu'on trouve très kitsch, mais formidable.
38:42 On peut repartir avec. - C'est pas kitsch, ça ?
38:45 - Bien sûr. - C'est pas stylo.
38:48 Merci beaucoup pour ces bons plans.
38:51 On va les recevoir, la cafeteuse, très bientôt.
38:54 Merci de nous avoir fait découvrir vos univers.
38:57 Très bonne chance à vous dans toutes vos initiatives.
39:00 Un grand merci à vous de votre fidélité.
39:03 ...

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