Le comédien belge incarne un docker du Havre en lutte contre le trafic de drogue qui gangrène le port normand, et qui voit sa famille voler en éclats.
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00:00 - Bonjour Olivier Gourmet. Je ne sais pas dans quelle catégorie mettre cette série.
00:04 Un polar, une tragédie, un drame psychologique, sociétal.
00:08 Il y a beaucoup de choses qui se mélangent.
00:10 L'explosion de la famille, la misère sociale, le trafic de drogue, l'esclavage moderne.
00:14 Comment vous qualifiez "De grâce" vous ?
00:16 - Par tous les mots que vous venez d'énoncer.
00:19 Parce que je pense que chaque spectateur se fera son histoire
00:24 et continuera à faire écho après la vision.
00:27 Parce que de fait, ça traite de tous ces sujets.
00:30 La traite des blanches, du trafic de drogue, d'une tragédie familiale,
00:35 de la malédiction, de la rédemption, du bien et du mal, de la grâce.
00:39 Tout ce qui touche l'être humain aujourd'hui.
00:42 Et plus particulièrement dans la société ouvrière des dockers sur le port du Havre.
00:47 Donc une famille ouvrière rattrapée par son destin, par sa malédiction, comme le dit le père.
00:52 Et ce trafic de drogue qui grand graine de plus en plus le port du Havre.
00:58 Parce que la nécessité économique de certaines personnes aujourd'hui en France et ailleurs dans le monde est difficile, compliquée.
01:05 Un français sur six, je voyais encore hier, a du mal à se nourrir correctement.
01:11 Donc nécessité parfois fait cause.
01:15 C'est le cas. Mais c'est une série avec plein de couches.
01:19 Mais c'est d'abord aussi, comme vous le disiez, un thriller, une enquête policière, il y a du suspense.
01:25 C'est un vrai divertissement aussi dans ce sens du terme.
01:28 C'est vraiment très dense. Vous Olivier Gourmet, vous êtes Pierre Leprieur.
01:31 Donc docker du Havre, syndicaliste, figure respectée pour sa droiture.
01:36 Mais on va le découvrir, qui lui aussi a des secrets, une vie cachée.
01:40 C'est un personnage complexe, torturé, plein de zones d'ombre.
01:43 Forcément intéressant à jouer pour un acteur ?
01:46 Forcément, sans révéler ce qui se passe, parce que ce serait spoilé la série.
01:51 Mais quand le spectateur saura ce que cet homme a traversé, ce qu'il a vécu, ce qu'il a fait,
01:57 inévitablement on peut se poser des questions sur comment cet homme pouvait encore vivre avec sa famille, dans sa famille,
02:05 et faire ce qu'il faisait. C'est compliqué.
02:07 Donc moi, évidemment, ça m'a interpellé.
02:09 Comment est-ce qu'on fait, avec un tel passé, un tel vécu, une telle vie derrière soi, pour être encore ?
02:17 Et c'est la force de l'âme humaine, la force de l'être humain, d'exister, de trouver une porte de sortie, une grâce, une rédemption,
02:24 qui lui permet de survivre, et puis après d'essayer de sauver sa famille.
02:28 C'est sa raison d'être, c'est sauver ce qui peut encore être sauvé.
02:32 - Incarner un Teseux comme Pierre, ça demande d'aller puiser. Comment on entre dans une telle personnalité,
02:39 à la fois charismatique et imposante, mais aussi taciturne et silencieuse ?
02:44 - Il y a la mise en scène et le réalisateur qui sont là pour mettre ça en exergue, inévitablement,
02:49 parce que l'écriture c'est là, c'est présent.
02:51 Donc comment raconter un personnage Teseux ? C'est surtout aussi par le corps.
02:55 Oui, le corps, le corps parle.
02:58 Moi j'adore la photographie, je peux regarder une photo pendant plusieurs minutes, quand elle me touche,
03:04 et me raconter toute une histoire.
03:06 C'est uniquement un visage, un corps, une position, une façon d'être, une façon de bouger.
03:10 Et ça raconte déjà énormément de choses, parfois plus que les mots.
03:13 - Vous vous êtes reconnu quelque part en votre personnage ?
03:17 - Alors je suis très loin de sa réalité, de ce qu'il a vécu, mais...
03:20 - Il y a des valeurs communes peut-être ?
03:22 - Certaines valeurs, oui, sur la transmission, sur l'honnêteté, l'intégrité, le respect, l'amour.
03:33 - Ça fait pas mal.
03:34 - Ça fait déjà pas mal.
03:35 - Est-ce qu'après le tournage ou pendant, vous vous êtes posé des questions sur votre propre famille
03:40 et votre rapport à votre famille ? Est-ce que je parle assez avec mes enfants ?
03:44 Est-ce que je suis assez proche d'eux ?
03:46 - Je me suis posé ces questions, on se les pose toujours comme parents de toute façon,
03:49 quoi qu'il en soit, qui est cette série qui parle, qui est un drame familial aussi.
03:53 Donc inévitablement, quand on est père, à un moment donné de sa vie, on réfléchit,
04:00 ça vous traverse l'esprit que peut-être on n'a pas été assez présents.
04:04 Parfois, malheureusement, il est trop tard, on se pose pas parfois la question au bon moment.
04:08 Mais oui, mais pas spécialement la série m'a ramené à ça,
04:11 mais on se pose toujours des questions par rapport à ses enfants.
04:13 Sa façon d'aimer, sa façon d'être, sa façon de le montrer, sa façon de les aider,
04:19 de faire en sorte qu'ils s'épanouissent.
04:21 Je continuerai à me poser des questions parce que c'est pas fini, je suis encore là, je suis père,
04:25 ils sont plus âgés, mais...
04:27 - Ça ne s'arrête jamais quand on est parents.
04:29 - Non, ça ne s'arrête jamais, puis c'est ça le lien, c'est ça qui fait l'amour et la force,
04:32 c'est d'être encore avec eux, d'être présent et d'en profiter.
04:36 - L'univers des Dockers, vous le connaissiez ?
04:38 - Un peu, un peu, parce que je m'intéresse à beaucoup de choses,
04:41 donc inévitablement par les informations et les médias qui en parlent,
04:45 qui en traitent de temps en temps, par des reportages, des documentaires.
04:49 Donc je connaissais un peu le milieu, mais sans être rentré dedans,
04:52 mais je connaissais un peu leur réalité.
04:54 Déjà quand j'étais plus jeune, j'avais un copain qui travaillait sur les Dock à Anvers,
04:58 donc j'avais déjà quelques informations et quelques réalités de leur vie sociale.
05:02 - Vous avez rencontré des Dockers du Havre pour vous préparer ?
05:04 - Non, parce que c'est un bastion, c'est un endroit impénétrable, donc...
05:08 - Impénétrable ?
05:09 - Oui, parce qu'ils n'ont pas voulu, je ne sais pas si c'est bien de le dire,
05:13 parce que d'un côté la série, quelque part, élève un peu le Docker,
05:18 parce qu'il raconte son histoire de manière objective,
05:22 et de ce qui fait qu'aujourd'hui, on peut se retrouver confronté à cette gangrène
05:28 qui est le trafic de drogue.
05:29 On peut comprendre que socialement, économiquement, etc., beaucoup de choses,
05:33 donc quelque part, ça les "excuse", entre guillemets.
05:37 En tout cas, ça permet d'expliquer certaines choses,
05:40 mais ils ont refusé qu'on tourne à l'intérieur du port du Havre.
05:43 - Vous avez tourné à Anvers ?
05:44 - On a dû tourner à Anvers, oui.
05:45 - Pour les scènes sur le port ?
05:46 - Les scènes à l'intérieur, sur le port, c'était en Belgique.
05:49 - De manière plus générale, Olivier Gourmet, qu'est-ce qui vous fait accepter un rôle ?
05:54 - Il y a le propos, d'abord, souvent, ce que ça raconte,
06:00 sur quoi ça met le doigt, sur quoi ça sensibilise aujourd'hui le spectateur.
06:06 C'est une des clés, au départ, pour moi.
06:08 Ça m'est arrivé de faire des films plus légers, où il n'y a que du divertissement,
06:12 parce que le divertissement, c'est aussi un bon motif, de faire un film, de divertir les gens.
06:18 Mais je remarque qu'en tant que comédien, mon plaisir, c'est,
06:21 comme on parlait là juste un peu avant, dans une autre question,
06:24 c'est de décortiquer, je me répète, l'humain, l'âme humaine.
06:28 Ça me touche, les gens me touchent, leur réalité me touche.
06:32 Et de me confronter à ça, je préfère être un personnage avec une palette psychologique très intense,
06:39 forte, qu'un personnage plus caricatural, où il y a moins de couleurs, de palettes, d'émotions ajoutées.
06:45 - Vous étiez à l'affiche de la formidable série "Sambre",
06:48 qui retrace le véritable parcours criminel d'un violeur en série, qui a sévit pendant plus de 30 ans.
06:53 C'était surtout l'occasion de montrer comment la parole des femmes a été bafouée,
06:56 pendant très très longtemps, comment les viols étaient minimisés.
07:00 Vous avez été le commandant de police qui reprenait toute l'affaire depuis le début,
07:03 spécialiste de ce qu'on appelle les "cold case".
07:05 La série a connu un gros succès public et critique.
07:08 Ça, c'est un rôle qui restera important dans votre carrière ?
07:12 - La série restera importante, parce que, comme vous le dites,
07:15 c'est la façon dont Jean-Xavier de Lestrade a envisagé,
07:20 a posé le regard sur les victimes et a donné la parole.
07:24 C'est surtout centré sur le témoignage et le regard des victimes par rapport à ça.
07:31 Je trouve que c'était nouveau, c'était important de le faire de cette façon-là.
07:34 Et ça, ça restera.
07:36 Après, le commandant Winclair, oui, je me souviendrai que j'ai fait ce personnage-là,
07:39 mais c'est surtout la série qui restera.
07:41 - Il y avait de votre part une envie de sensibiliser le public ?
07:45 - Comme je disais, dans mes choix, souvent, je me dis "tiens, ça touche quelque chose de notre société aujourd'hui,
07:51 donc c'est intéressant".
07:52 Mais je ne suis pas le responsable, je ne suis qu'un des acteurs.
07:55 Là, c'est le réalisateur qui est le scénariste qui, au départ, s'empare du sujet.
08:00 Ils le font souvent, en tout cas dans ces cas-là, que ce soit sur Degrasse ou Sand,
08:05 de façon originale, singulière et profonde.
08:09 - Vous tournez pour le cinéma, pour la télé, vous jouez au théâtre,
08:13 vous avez reçu le prix d'interprétation à Cannes en 2002 pour "Le fils des frères Dardenne".
08:16 Pourtant, vous êtes un acteur plutôt discret, dont on n'associe pas forcément le nom au visage.
08:22 Rêvez-vous d'un grand rôle qui vous rendra ultra populaire ?
08:25 Ou ça, ce n'est pas important pour vous ?
08:27 - Ce n'est pas important.
08:30 Je cherche d'abord le plaisir.
08:33 On dit toujours que les acteurs ont un égo assez surdimensionné.
08:37 Je n'ai pas l'impression de me retrouver là-dedans.
08:39 Je n'ai jamais fait ce métier, je pense, pour être aimé.
08:42 Après, quand on reçoit des éloges sur ce que vous faites, ça fait plaisir.
08:47 Ça vous conforte. Je les accepte avec beaucoup de plaisir.
08:52 Non, je préfère rester comme ça, avoir une vie normale.
08:56 C'est ma façon d'être et ce n'est pas un rejet ni un refus.
09:01 Enfin, si, là, ce n'est pas un refus.
09:03 Je suis bien comme ça.
09:05 - Pourvu que ça dure.
09:07 Merci d'être venu sur France Info et Les Gourmets.
09:09 - Avec plaisir, c'est moi. Merci.