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NewsTranscription
00:00 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le maire de Béziers et cofondateur de Reporters sans frontières, Robert Ménard.
00:07 Bonjour Robert Ménard.
00:08 Bonjour.
00:10 Bienvenue sur Europe 1. Dans un arrêt qui est fort à date dans l'histoire des médias en France,
00:15 le Conseil d'État ordonne à l'ARCOM, gendarme des médias, de réexaminer dans un délai de 6 mois le cas CNews.
00:21 L'Essa, j'estime que les règles actuelles de contrôle des obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information
00:28 ne sont plus suffisantes pour une chaîne comme CNews.
00:31 Il faut aller plus loin que le simple décompte du temps de parole des politiques à l'antenne.
00:35 Il faut aussi tenir compte de celui des chroniqueurs, des animateurs, de tous les invités de la chaîne.
00:40 Alors je vous donne la parole ce matin Robert Ménard parce que c'est Reporters sans frontières
00:44 qui a saisi le Conseil d'État dans cette affaire.
00:46 Donc vous êtes le cofondateur de Reporters sans frontières, je le rappelle.
00:49 Votre réaction à cette affaire ?
00:53 Il y a une double réaction. Sur le fond, c'est une mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse.
00:59 Vous imaginez, vous allez devoir demander une espèce de carte d'identité politique.
01:04 Vous allez demander à chacun de vos invités pour qui il vote, pour qui il ne vote pas,
01:08 où il se situe, à droite, à gauche, au milieu.
01:11 Et puis des fois c'est plus compliqué que ça.
01:13 Il y a des gens qui ont des opinions divergentes sur différents sujets.
01:16 Je pense que c'est un vrai problème pour le pluralisme.
01:19 Et je suis sidéré que dans le pays, pardon de rappeler ça, de Voltaire.
01:24 Vous vous rappelez, on l'a étudié quand on était petits en terminale.
01:27 Je me battrais, même si je n'ai pas toutes les opinions, je me battrais pour que tu puisses les exprimer.
01:31 C'est un mauvais coup porté à ça.
01:33 Attendez, c'est nous, c'est quoi ?
01:35 C'est 3% de l'antenne en France, 3% de l'écoute, et c'est 3% qui sont à ce point dérangeants.
01:43 Mais moi je me régale d'entendre des gens qui ne pensent pas comme moi.
01:46 Et là donc c'est un mauvais coup, pas seulement à Liberté de la Presse,
01:49 mais au pluralisme, à ce pluralisme que tout le monde vend.
01:52 Ça c'est la première chose.
01:53 La deuxième chose c'est que ce soit porté par Reporters sans frontières.
01:57 Vous imaginez, il y a 40 ans, avec 3 journalistes, on a créé Reporters sans frontières,
02:01 qui est aujourd'hui une des plus belles organisations de défense de la liberté de la presse dans le monde.
02:05 Et elle est française, et j'en suis fier.
02:07 Reporters sans frontières qui était fait pour défendre le pluralisme.
02:11 On a passé ma vie, j'ai passé ma vie à sortir de prison, à aller sortir des otages,
02:16 à me battre pour des otages, des gens que je ne pensais rien avec eux.
02:21 J'aurais même combattu leurs idées, mais on se faisait un honneur de dire,
02:25 on n'a pas leurs opinions, mais on se bat pour qu'elles puissent s'exprimer.
02:29 Aujourd'hui la position de Reporters sans frontières, c'est plus qu'un renouement,
02:33 c'est une trahison par rapport à ce que, pourquoi on l'a fait.
02:37 Attendez, on était des défenseurs de la liberté de la presse,
02:39 et Reporters sans frontières maintenant c'est une menace pour le pluralisme.
02:42 Je suis sidéré de ça. Sidéré et pas étonné.
02:45 Vous savez, il y a, comment vous dire, une proximité,
02:48 mais même des rapports un peu incestueux entre les ONG, les organisations non-gouvernementales,
02:53 et en l'occurrence de défense de la liberté de la presse, et la gauche.
02:56 Il faut tenir à distance ces opinions quand on défend la liberté de la presse.
03:00 Il faut les tenir, ces propres opinions.
03:02 – Robert Ménard, en fait, ce que vous semblez dire, c'est que le reproche de fond
03:06 qu'adressait ce Reporters sans frontières à CNews,
03:09 c'est pas qu'il y aurait un déséquilibre du temps de parole en faveur de certaines idées,
03:13 non, c'est qu'il y a un discours, il y a des idées qui n'auraient finalement pas droit de citer
03:20 sur les antennes médiatiques. Vous pensez que c'est ça ?
03:24 – Ce n'est pas que je pense, c'est que j'en suis persuadé,
03:27 parce que je connais assez bien Reporters sans frontières,
03:30 plutôt mieux que d'autres personnes, mais bien sûr que c'est ça.
03:33 Bien sûr que c'est ça. Est-ce qu'ils auraient fait la même chose
03:36 avec un média très marqué à gauche ? Bien sûr que non.
03:40 Pour un certain nombre de gens dans les organisations de défense du droit de l'homme,
03:45 au fond, si vous n'êtes pas de gauche, vous n'avez pas vraiment de légitimité.
03:51 Si vous défendez des idées qui ne sont pas de gauche, c'est quand même un peu suspect.
03:55 C'est un problème. – Non, c'est une offensive politique.
03:59 – Bien sûr que c'est une offensive politique, c'est une offensive au mieux de bien-pensance.
04:04 Attendez, vous avez des déclarations, je ne sais pas, de médias par exemple,
04:08 qui sont folles, furieuses sur la liberté d'expression et sur ces terrains-là.
04:13 Vous avez vu Reporters sans frontières prendre ses distances,
04:16 comme par hasard sur ces news. Mais attendez-moi,
04:18 il y a des choses que je n'aime pas sur ces news.
04:20 Il y a des gens qui ne sont pas ma tasse de thé sur ces news.
04:23 Je suppose que pour vous c'est pareil, vous ne recevez pas que des gens
04:26 avec qui vous êtes d'accord. Mais vous vous flattez, vous pensez que c'est bien,
04:30 que c'est ça une démocratie, c'est de recevoir et de bien recevoir
04:34 et de recevoir convenablement des gens qui ne pensent pas comme vous.
04:37 Je suis ravi qu'il y ait un média en gros de sensibilité de droite.
04:41 Je trouve que ça enrichit le débat, ça enrichit la démocratie.
04:45 – Mais au-delà du casse-sé news finalement, ces règles nouvelles
04:49 que le Conseil d'État souhaite voir l'Arkham appliquer,
04:53 c'est-à-dire un contrôle du temps de parole différent,
04:56 on élargirait comme ça la focale, ça ne peut pas s'appliquer qu'à ces news.
05:01 Rassurez-moi Robert Ménard, il y a cette idée quand même que derrière,
05:04 tous les médias audiovisuels doivent être assujettis à ces mêmes règles.
05:08 – D'abord on verra ça, j'espère que vous avez raison.
05:12 On verra demain, on verra si "Reporters sans frontières" ou d'autres
05:17 portent plainte, saisissent le Conseil d'État en se demandant
05:21 si tel ou tel média de l'audiovisuel public par exemple
05:26 est aussi respectueux du pluralisme qu'il le souhaite.
05:29 J'espère que c'est ça, mais dans tous les cas, c'est un problème pour tout le monde.
05:33 Parce que moi je ne souhaite pas que ça s'applique à des gens de l'extrême-gauche,
05:37 qu'on se plaigne qu'il y ait un média ou qu'on donne trop la parole à l'extrême-gauche,
05:41 je ne veux pas ça, je veux juste qu'on ne juge pas les gens
05:44 sur leur appartenance politique, affichés ou pas affichés.
05:48 Pardon, comment vous allez faire vous, quand vous redonnez la parole
05:51 à un certain nombre de gens, vous êtes sûr que vous savez où le classer ?
05:55 Sur les chiquiers politiques, j'écoute "Europe 1" le matin,
05:59 il y a des gens, je serais bien en peine de dire qu'ils sont de droite, de gauche,
06:03 du centre ou du milieu, mais de la même façon que vous.
06:07 Qu'est-ce que vous allez, vous allez remplir une fiche tous les matins
06:10 en disant "Celui-là il faut le compter là, pas là, et pourquoi pas
06:13 demain tant qu'on y est les journalistes ?"
06:15 Il y a un certain nombre de questions qui sont posées par les journalistes
06:18 sur un tel ton, honnêtement de vous à moi, vous n'avez pas beaucoup de mal
06:21 pour savoir d'où ils pensent, mais moi je m'en fiche d'où ils pensent,
06:24 je leur demande juste de faire honnêtement leur boulot.
06:27 Qu'est-ce qu'on va se mettre à ausculter les reins de chacun
06:31 pour savoir qu'est-ce qu'il y a dans sa tête ?
06:33 Mais c'est une dérive terrible, il n'y a qu'en France, honnêtement,
06:37 il n'y a qu'en France qu'on a des rapports comme ça avec l'information,
06:41 qu'il n'y a qu'en France dans ce pays, et pardon,
06:43 j'ai passé 23 ans à la tête d'Europe en Transfrontière,
06:46 23 ans où tout un tas de pays, on ne se pose pas cette question-là,
06:49 on est content de donner la parole dans une démocratie à des gens,
06:53 encore une fois, qui pensent complètement à l'opposé de vous.
06:56 Mais non, ici, il faut mettre les gens dans des cases,
07:00 c'est insupportable, et c'est dangereux, je pense, j'espère,
07:04 j'espère que les journalistes, moi j'ai été 40 ans journaliste,
07:07 que les journalistes, qu'ils aiment ou pas ces news,
07:10 c'est pas le problème, on peut détester ces news,
07:13 mais se dire que son métier de journaliste, votre métier, monsieur,
07:17 il est mis en danger par ça, si demain vous laissez passer à Europe 1
07:21 comme à ailleurs, cette logique-là, qui fait qu'il va falloir mesurer,
07:27 je ne sais pas, le temps de parole de tout le monde,
07:31 mais attendez, vous n'allez plus faire votre boulot,
07:33 enfin quand même, il y a des gens qui sont intéressants à un moment donné,
07:36 qu'ils soient de droite ou de gauche, par exemple,
07:38 vous me donnez la parole comme quoi, là ?
07:40 Comme divers droite ou comme fondateur de Reporters Sans Frontières ?
07:44 – Vous tombez dans… les deux, mon capitaine, vous tombez dans la case divers droite.
07:47 – Oui, je sais bien, je fais l'idiot, bien sûr que je ne comprends,
07:50 mais enfin, vous vous rendez compte la logique dans laquelle on vit,
07:54 et que ça vienne de Reporters Sans Frontières,
07:56 une organisation, enfin, voilà, voyez, qui était exactement faite,
08:00 exactement faite pour pas ça, pour défendre l'opinion de tout le monde.
08:04 – Merci beaucoup Robert Ménard, et donc co-fondateur de Reporters Sans Frontières,
08:07 mais actuel maire de Béziers, ce matin en direct sur Europe 1.
08:10 Bonne journée à vous.