Pour tenter de limiter l’immigration, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé vouloir mettre fin au droit du sol à Mayotte. Une exception « qui n'aura pas d'impact significatif sur les arrivées », estime le spécialiste de l'immigration Matthieu Tardis.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Ce n'est pas la nationalité française qui va avoir un impact significatif sur les arrivées.
00:05 Mayotte est une île d'une archipelle,
00:13 donc c'est un ensemble qui était avant un seul ensemble étatique,
00:18 ou en tout cas un seul ensemble politique.
00:19 Et donc bien sûr, il y a des liens très forts entre Mayotte et le reste des Comores.
00:26 Et puis, il faut considérer Mayotte finalement comme une frontière entre le nord et le sud,
00:31 une frontière entre le monde riche et un monde pauvre.
00:34 Et donc forcément, ça crée des tensions, ça crée une pression migratoire.
00:38 Et puis, le troisième point qui explique aussi ce contexte un peu particulier,
00:42 c'est que Mayotte est une île et une île qui n'est pas forcément reliée au reste de la métropole.
00:46 Et donc, c'est aussi une fin de course pour beaucoup de personnes en situation de migration,
00:51 ce qui n'est pas le cas, par exemple, à Lampedusa,
00:53 puisque à Lampedusa, on peut avoir des crises passagères dans le langage médiatique,
00:58 comme on a eu cet automne avec une arrivée de 10 000 personnes sur un week-end.
01:01 Mais ensuite, les autorités italiennes rapatrient ces personnes sur le continent,
01:05 ce qui n'est pas le cas avec Mayotte.
01:07 Sous le premier mandat d'Emmanuel Macron,
01:14 il y a déjà eu des restrictions, en tout cas des dérogations,
01:16 de l'application du droit du sol à Mayotte.
01:18 Il faut qu'un des deux parents soit en situation irrégulière depuis au moins trois mois
01:22 pour que l'enfant né sur le territoire français, donc sur le territoire de Mayotte,
01:26 puisse demander la nationalité française à 18 ans.
01:28 Alors, c'est arithmétiquement trop tôt pour voir si ça a eu des conséquences,
01:32 mais peut-être avant de remettre en cause un droit, une tradition française,
01:36 ça aurait été bien de peut-être évaluer la précédente modification
01:40 pour savoir si ça a réellement un impact sur les flux migratoires.
01:43 Ensuite, penser que les gens viennent uniquement pour que les enfants aient plus tard la nationalité française,
01:48 je pense que c'est se méprendre sur la réalité des motivations des personnes.
01:53 Je ne sais pas, parce que la personne ne sera pas française, qu'elle n'aura pas de droit,
01:55 on est quand même dans un pays qui est censé être un état de droit.
01:57 Alors, même si ces droits sont fortement restreints sur l'île de Mayotte par rapport à la métropole,
02:02 les gens viennent pour avoir une meilleure vie.
02:03 Ce n'est pas la nationalité française qui va avoir un impact significatif sur les arrivées.
02:09 Tant qu'il y a ces inégalités de développement entre Mayotte et le reste des Comores,
02:13 il y aura toujours ce "pull factor", je dirais "appel d'air",
02:17 qui va en tout cas pousser des gens à quitter les Comores.
02:20 Et puis ensuite, la question se pose, quelle va être la situation de ces jeunes ?
02:24 Ils sont nés en France, ils ont vécu toute leur vie en France,
02:27 ils sont passés par l'école française, on va leur refuser un droit ?
02:30 Quelles vont être les conséquences ?
02:31 Qu'est-ce qu'on va leur proposer à la place ?
02:33 Un type de séjour où on va leur demander de partir, et de partir où ?
02:37 Pour des gens qui sont nés en France, je veux dire, les Comores ne sont pas forcément leur pays non plus.
02:41 On va créer une situation où avec des gens qui vont être dans une situation d'une plus grande précarité,
02:46 administrative, juridique et finalement sociale.
02:49 L'autre proposition du ministre de l'Intérieur, de détérioriser les types de séjour à Mayotte,
02:59 peut être une piste intéressante.
03:00 C'est-à-dire qu'aujourd'hui à Mayotte, mais d'ailleurs dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer,
03:04 les types de séjour qui sont délivrés dans ces territoires ne sont valables que pour ces territoires.
03:08 Les personnes ne peuvent pas venir et s'installer en métropole.
03:11 Je pense que ça peut être intéressant dans le sens de ce que je vous disais,
03:15 finalement c'est une île, c'est la fin de course, alors que peut-être ces personnes pourraient venir en métropole,
03:20 où on aurait quand même plus de capacités d'absorption de cette population.
03:23 Donc de penser aussi finalement cette solidarité nationale.
03:28 Ensuite, s'il n'y a pas de solution, il n'y aura que le non plus,
03:30 tant qu'il y aura ces inégalités sur la planète, entre un monde riche et un monde pauvre,
03:36 il y aura forcément aussi ces flux migratoires.
03:38 [Musique]