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ÉducationTranscription
00:00 [Musique]
00:13 Ce qui faisait le pouvoir des personnages importants en Afrique, ce n'était pas le trésor, l'argent ou les armées,
00:22 mais c'était leur rôle cérémoniel et le nombre de gens qu'ils pouvaient attirer et qu'ils pouvaient suivre ce genre de cérémonie.
00:32 Évidemment, quand on dit royaume, on pense aussi à un art de cour et, bien évidemment, ces royaumes nous ont aussi donné des sculptures absolument extraordinaires,
00:46 et notamment chez les Koubas.
00:50 La conférence d'aujourd'hui concernait le royaume Luba, qui est un grand royaume.
00:55 J'étais très contente de la participation des personnes à Kinshasa, à Londres, à Uvira, malgré toute la situation là-bas à l'est du Congo,
01:05 et aussi la participation dans la salle parce que vraiment cette conférence a suscité beaucoup de questions,
01:11 et le professeur, comme d'habitude, était à la hauteur pour répondre à cette question.
01:16 En l'entendant parler des personnes qui étaient là, on parlait de 20 archéologues spécialistes du Congo,
01:23 c'est très peu par rapport à la surface qu'on connaît du Congo.
01:27 Un objet de prestige, un symbole de pouvoir qui est utilisé et qui est encore utilisé mille ans, pratiquement, plus de mille ans plus tard.
01:41 Donc il y a là la preuve d'une continuité extraordinaire, et ça fait référence bien sûr à l'origine de la royauté, à l'origine du pouvoir au premier roi.
01:55 Ici vous avez encore une belle photo de Daniel Lenné, et vous voyez sur son épaule, il a évidemment le collier très souvent associé au pouvoir,
02:05 le collier de dents de Léopard, mais il a aussi sur l'épaule une hache de parade.
02:13 Sur les sculptures, à différents endroits, on a ces nyundo, qui sont des toutes petites épingles à cheveux,
02:28 mais qui ont la forme et que l'on appelle du même nom que les marteaux du forgeron.
02:35 Toujours important d'avoir les informations de ce qui s'est passé, de comprendre.
02:39 La RDC est un tellement grand pays, il y a tellement d'ethnies, il y a tellement de peuples,
02:45 et avoir quelqu'un ou des personnes qui ont eu le temps de s'engager, d'avoir toutes les informations, de nous les communiquer,
02:50 c'est vraiment quelque chose de gratifiant pour la connaissance, mais aussi pour les générations à venir.
02:55 Ça, c'est une imitation presque parfaite d'un panier qu'on peut encore acheter aujourd'hui.
03:00 Le fond avec les quatre coins, parce que quand on fait de la pannerie, c'est plus facile de commencer sur une base carrée,
03:08 et puis de monter progressivement et d'arrondir.
03:11 Ça montre une continuité absolument extraordinaire.
03:21 Et cette jeune femme montre bien à la fois la continuité, y compris dans les dents taillées en point.
03:30 Alors mon collègue du musée de tervure, Alexandre L. Smith, a montré aussi que la façon de monter les récipients,
03:39 on faisait des colombins et que les loupas avaient les mêmes procédés de fabrication de la poterie.
03:46 Il y a une différence entre les royaumes occidentaux et les royaumes africains,
03:50 dans le sens qu'en Occident, on va plutôt voir des rites qui vont être réservés au roi et qui vont être cantonnés au-dessus.
03:58 Il y a vraiment une verticalité et un partage horizontal et une horizontalité du rite en Afrique.
04:04 Donc tout le monde participe.
04:06 Je pense que le roi fait des rites pour l'ensemble de la population,
04:10 et l'ensemble de la population participe et bénéficie du rite et de ce roi qui est une espèce de fétiche vivante.
04:18 Et en même temps, le roi est tenu, quand c'est un grand roi, il est tenu à l'écart.
04:26 Je ne parle pas du chef ou des choses, mais les grands rois sacrés, comme par exemple le Nimi de Kouba,
04:32 il est prisonnier du rituel, on ne peut pas le voir manger par exemple.
04:38 Les gens qu'on appelle faussement griots, ce sont des mémoréalistes,
04:43 ce sont des gens qui ont été formés pour la transmission, il y a une forme de religiosité,
04:48 il y a une forme d'orthodoxie dans le récit historique.
04:52 Ce sont des gens qui, avant d'être conciliaires, comme étant des mémoréalistes,
04:56 ils prêtent serment de ne pas déformer l'enseignement qu'ils ont appris,
05:00 de ne pas déformer toute l'histoire qu'ils ont apprise.
05:03 Par rapport à l'oralité, on a des exemples, par exemple à la cour du Moammi au Rwanda,
05:10 il y avait les abirous, les abirous devaient réciter l'histoire de la dynastie sans se tromper,
05:16 sinon on leur coupait la tête.
05:19 C'était vraiment un entraînement, et il y a des casas là, au Kassaï,
05:25 il y a des sociétés qui ont plus ou moins développé, notamment autour de la royauté,
05:31 comme on faisait de la sculpture pour la royauté.
05:34 Pour le thème de boule au poing, il faut se méfier, le Luba du Kassaï et le Luba du Katanga
05:41 sont, comme je l'ai montré, assez distants, et donc il y a des glissements sémantiques.
05:46 Donc le même mot peut avoir des sens différents entre le Kassaï,
05:51 entre le Chinuba et le Kinuba.
05:55 Ça c'est absolument certain, même s'il y a des mots qui peuvent être les mêmes,
05:59 puisqu'on retombe sur le vieux fond Bantu.
06:03 J'ai lu la définition que vous avez faite du mot "ethnie".
06:07 Comme on s'y perd un peu en RDC, j'aimerais savoir quelle est la différence que vous faites entre "ethnie" et "tribu".
06:15 Je ne l'ai pas employé, c'est un terme qu'on n'aime pas.
06:19 Ça c'est vraiment un terme qui sent bon, un certain racisme et un discours colonial.
06:27 En anthropologie, on n'utilise pas le terme de "tribu".
06:32 Et le terme d'ethnie, on l'utilise, mais comme je l'ai dit, avec des pincettes,
06:36 parce que c'est quand même très souvent un produit de la colonisation.
06:42 Mais c'est clair que le colonisateur a tribalisé quelque part
06:47 et a obligé les gens à obéir à des chefs dans un contexte particulier.
06:52 Moi c'est Rodney Mangunza, je suis le président du Binabi pour cette année.
06:56 Le Binabi, c'est un cercle afrodescendant à l'ULB,
06:59 qui est là pour promouvoir toutes les cultures afrodescendantes.
07:02 C'est pour ça qu'on est là aujourd'hui pour cette conférence,
07:04 où justement on a beaucoup appris sur le royaume d'Ouba.
07:07 C'est important parce qu'on a beaucoup d'informations sur tout ce qui se passe
07:10 après la colonisation, mais très peu avant.
07:12 Et là en plus on a des preuves, on a des photos,
07:14 et justement c'est ça que nous on cherche à avoir, c'est-à-dire des informations,
07:18 apprendre ce qui est arrivé avant,
07:20 et pouvoir même en tirer des informations pour partager tout ceci avec nous.
07:24 Il y a une chose que je n'ai jamais comprise,
07:27 c'est comment cette civilisation, si on peut dire,
07:31 a pu se développer dans une zone aussi maritageuse et autre,
07:37 parce que bon, disons, pour faire un royaume.
07:42 Alors, un des grands problèmes, c'est qu'actuellement,
07:45 il y a des endroits où on a fait des recherches archéologiques
07:48 et où on n'en a pas fait.
07:50 J'ai indiqué que des tombes chrysaliennes, on en avait trouvé à Kamina,
07:54 donc il y a de bonnes chances que dans toute la zone Luba, on pourrait en trouver,
08:00 et notamment il faudra aller faire des fouilles du côté de Kabongo
08:03 et des capitales du Moulot Pouet traditionnel et plus récentes.
08:09 C'est la conférence que j'ai beaucoup appréciée,
08:11 c'est une bonne conférence, enrichissante,
08:15 qui nous permet surtout de découvrir qui nous sommes, d'où nous venons,
08:18 et l'ancienneté de notre histoire.
08:20 Pour terminer, comme vous le savez, toujours on a cru que l'Afrique n'avait pas d'histoire,
08:24 et que c'était des sociétés historiques.
08:27 Mais avec cette conférence, nous découvrons un peuple
08:31 dont l'histoire a peut-être été retracée à plus de 1500 ans,
08:35 des séquences archéologiques.
08:37 Donc c'est vraiment important et j'encourage.
08:39 Et surtout aussi, je veux remercier vous,
08:42 qui organise ce genre de séance sur l'histoire du Congo,
08:46 c'est vraiment à encourager parce qu'en tant qu'historien,
08:49 ça nous aide vraiment à se commémorer et à savoir qui nous sommes.
08:53 Ntsangalubangu, des lubas du Kassai, mythe ou réalité ?
08:58 Première question.
08:59 Deuxième question de Londres.
09:01 Thierry, est-ce que cet exposé est cohérent
09:07 par rapport à ce qui s'enseigne sur place, au Congo j'imagine ?
09:12 Et si, avez-vous fait confronter cela avec un collègue historien congolais
09:17 vivant au pays et il parle, il dit aussi,
09:20 "Donc connaissez-vous le professeur Isidore Ndiaye ?"
09:24 Isidore a été mon premier patron à Lunasa,
09:27 donc je connais bien Isidore.
09:30 Voilà, je pense que dans son histoire monumentale du Congo,
09:37 Isidore parle un peu des recherches archéologiques.
09:40 Mais Vansina avait écrit un article assez fascinant en disant,
09:46 "Historiens, est-ce que les archéologues sont vos cousins ?
09:49 Est-ce qu'ils font partie de la même famille ?"
09:51 Il y a un problème de formation.
09:53 Les historiens sont formés sur le modèle européen
09:58 et ils ont des problèmes par rapport à ce que l'on fait des points de vue archéologiques.
10:04 Et donc les historiens s'intéressent aux sources et aux sources écrites.
10:08 Donc il y a une lacune certainement à combler
10:12 par rapport à la civilisation du Kassa.
10:15 On n'a pas fait de recherche approfondie,
10:18 ni linguistique, ni archéologique malheureusement.
10:21 Moi, ce serait un de mes rêves de ce point de vue-là,
10:24 mais je ne peux pas y répondre.
10:27 C'est clair qu'il y a 250 ou 300 groupes de gens
10:32 qui ont des cultures et des langues différentes dans la République du Congo.
10:36 Il faudrait pouvoir travailler sur chacun.
10:39 On peut, d'un point de vue linguistique, les classer,
10:42 voir s'ils sont plus ou moins proches ou plus ou moins éloignés par la langue.
10:45 Mais ça ne suffit évidemment pas pour dépiauter les choses.
10:49 Il faudrait, j'espère d'ailleurs en faisant ces exposés,
10:52 susciter des vocations dans les jeunes générations.
10:55 Ces conférences sont aussi là pour susciter justement
10:58 des passions à la nouvelle génération.
11:01 Donc il y a pas mal de choses et aussi un peu un clin d'œil
11:05 pour demander justement que l'État puisse justement
11:12 donner des subventions ou en tout cas donner des fonds
11:16 pour la recherche archéologique.
11:19 Le Congo est un immense pays qui est comme un continent
11:24 et il faut beaucoup de personnes pour pouvoir fouiller.
11:28 On a vu pas mal de tombes aujourd'hui,
11:32 riches en ornements.
11:35 Le professeur a tenté de nous expliquer pourquoi il y avait
11:39 telle décoration dans les tombes.
11:41 On en a vu quand même pas mal et c'était très intéressant.
11:45 Merci.
11:48 Sous-titrage Société Radio-Canada
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