Les morts se multiplient aux urgences, à l'hôpital. Pourquoi les patients sont-ils les victimes de l'encombrement et de la désorganisation de ces services ? Pourquoi tant d'attente et ces erreurs de dossiers qui conduisent aux décès des patients ? Frédéric Adnet, chef du service SAMU-SMUR-SAU de Seine-Saint-Denis, est l'invité de RTL
Regardez L'invité de RTL Soir du 22 février 2024 avec Alexandre de Saint Aignan.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Alexandre de Saint-Aignan, Vincent Derosier et Cyprien Signy.
00:08 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:10 Place à présent à notre invité événement pour tenter de comprendre l'étendue de la crise qui touche actuellement nos hôpitaux.
00:15 Bonsoir Frédéric Amney.
00:16 Bonsoir.
00:17 Vous êtes professeur de médecine d'urgence, chef de service du SAMU de Paris, on l'entendait encore dans le journal.
00:22 Cet homme qui porte plainte contre l'hôpital de Bourgouin après le décès de son épouse, qui a attendu 11h après être entré aux urgences pour une infection au pied.
00:30 Elle a fait un infarctus, une histoire dramatique qui est loin d'être un cas isolé.
00:34 En fait depuis quelques mois on a le sentiment qu'il n'y a pas une semaine sans que quelqu'un meurt aux urgences faute de soins.
00:39 Est-ce que vous aussi vous faites ce constat là ?
00:42 Écoutez, ce qui est sûr c'est qu'il y a une association, une association qui a été démontrée dans la littérature médicale.
00:49 Une association entre une mortalité indu ou des événements indésirables graves et l'encombrement aux urgences.
00:58 Quand les patients âgés attendaient plus d'une nuit aux urgences, on constatait une surmortalité.
01:04 Alors dans le cas que vous m'avez présenté, je ne peux pas faire le lien parce que je ne connais pas le cas,
01:10 mais en règle générale, et ce n'est pas seulement pour la France mais c'est pour le monde entier,
01:15 l'encombrement aux urgences est relié à une surmortalité.
01:21 C'est quelque chose qui est largement démontré.
01:23 Mais en ce moment dans l'actualité ça arrive souvent, il y a un jeune de 25 ans qui est resté sur un brancard pendant 10 heures ailleurs et qui en est mort.
01:30 Là il y a ce cas là. Comment on est arrivé là ?
01:33 D'abord est-ce que c'est un problème récent ou ça a toujours existé finalement ?
01:36 Alors l'encombrement aux urgences ce n'est pas un problème récent,
01:40 mais simplement il y a quelques années c'était des situations ponctuelles liées par exemple à des épidémies.
01:47 On a vécu la Covid mais dans les épidémies de grippe il y avait si vous voulez une surfréquentation des urgences.
01:53 Mais effectivement depuis quelques années les urgences sont chroniquement encombrées,
01:58 c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de personnes qui se présentent aux urgences
02:02 et de plus on a une difficulté qu'on appelle nous une difficulté d'aval,
02:06 c'est-à-dire qu'on a une difficulté à trouver un lit aux patients qui nécessitent une hospitalisation.
02:11 Et donc les urgences actuellement se révèlent comme un véritable goulet d'étranglement
02:16 entre un flux de patients qui arrivent aux urgences toujours plus nombreux.
02:20 Je vous rappelle que dans l'année 2022 c'était 21 millions de personnes qui se sont présentées aux urgences,
02:27 le tiers de la population française, et un goulet d'étranglement parce qu'en aval
02:32 on a du mal à trouver des lits d'hospitalisation du fait qu'il y a eu des fermetures de lits massifs
02:38 liés actuellement et essentiellement au départ de soignants.
02:42 Alors dans le cas de Bourgouin, l'hôpital a proposé un rendez-vous pour expliquer les circonstances du décès,
02:47 mais on entend souvent des témoignages de gens qui dénoncent un manque d'accompagnement
02:51 voire d'empathie de la part du personnel soignant.
02:53 Pourquoi ? Parce que c'est les médecins qui sont débordés ou il y a une autre raison, un mal plus profond ?
02:58 Écoutez, c'est essentiellement lié au nombre de patients qui sont dans les urgences.
03:05 Vous savez, les urgences c'est un service de transit.
03:08 On reçoit les patients, on fait un diagnostic rapide, on commence le traitement
03:11 et le patient est soit hospitalisé, soit il sort parce que le cas n'est pas très grave.
03:16 Et donc le personnel qui a été dimensionné aux urgences est pour prendre en charge ces patients en transit.
03:22 Le problème c'est qu'il y a un double flux actuellement avec des patients qui stagnent aux urgences,
03:26 qui stagnent de plus de 5 heures, 6 heures, voire des jours entiers
03:29 et qui nécessitent une attention, des soins de confort, de l'apport de nourriture et une surveillance.
03:36 Et là, on a du personnel supplémentaire qu'il faudrait embaucher
03:41 pour simplement surveiller comme des patients hospitalisés.
03:44 C'est-à-dire qu'actuellement les urgences se transforment en double service.
03:47 Un service des urgences normaux, un service de transit et un service d'hospitalisation
03:53 avec tous ces brancards qui sont dans les urgences et qui font que les patients stagnent.
03:58 Évidemment avec un degré de surveillance qui est moindre
04:02 et donc des probabilités d'événements indésirables plus importants.
04:06 Est-ce que pour vous la solution, elle doit être politique ?
04:09 À l'Assemblée nationale, par exemple, des députés et des organisations réclament l'ouverture d'une commission d'enquête
04:13 pour, je cite, "faire la lumière sur les pertes de chance aux urgences".
04:17 Qu'est-ce que vous en pensez ? C'est un début de solution ?
04:20 Non, là, ce n'est pas une solution, c'est plutôt un début de constat.
04:24 Parce qu'ils vont constater ces dysfonctionnements.
04:27 Mais ces dysfonctionnements, encore une fois, et je le répète,
04:30 ils sont largement établis dans la littérature scientifique.
04:33 Ce n'est pas une spécificité de la France, c'est une spécificité de tous les pays
04:37 où les urgences sont débordées.
04:39 Ça augmente la probabilité de survenue d'effets indésirables,
04:42 notamment de morts, de décès malheureusement.
04:45 Ce qu'il faut chercher maintenant, c'est des solutions.
04:48 Des solutions dans les deux sens.
04:50 Diminuer le flux d'amont, c'est-à-dire diminuer le flux entrant aux urgences
04:53 pour des patients qui se présentent aux urgences et qui ne nécessitent pas,
04:56 si vous voulez, une prise en charge immédiate et urgente.
04:59 Et surtout, trouver des lits pour pouvoir hospitaliser nos patients
05:03 qui restent aux urgences, faute de place dans l'hôpital.
05:06 Mais on a l'impression que les urgences, ça revient systématiquement dans l'actu
05:09 avec cette surcharge aux urgences.
05:11 En septembre 2019, on lançait le pacte de refondation des urgences.
05:14 Il y a un mois, Gabriel Attal promettait 32 milliards supplémentaires
05:17 pour résoudre la crise de l'hôpital.
05:19 Ça ne suffit pas ou il faut encore du temps pour que ça avance ?
05:22 Je crois qu'il y a des problèmes structurels et des problèmes de politique.
05:28 Le problème de politique de fermeture de lits pour privilégier l'ambulatoire
05:33 ou des solutions d'hôpital de semaine, je crois qu'on arrive, si vous voulez,
05:37 à un plancher de nombre de lits qu'on ne peut plus maintenant enfoncer.
05:40 Il faut absolument faire un moratoire sur le nombre de lits
05:44 et garder un nombre de lits significatif pour accueillir les urgences.
05:48 Vous comprenez que quand vous avez moins de lits dans un hôpital,
05:51 les services de soins ont tendance à ne pas privilégier les urgences
05:56 et à garder leurs propres malades.
05:58 Donc ça se fait toujours au détriment des urgences.
06:01 Donc, si vous voulez, il y a des actions à mener dans les deux sens.
06:04 Mais le constat actuel, c'est qu'effectivement, les urgences sont un petit peu sous-dimensionnées
06:09 par rapport au nombre de patients qui les traversent, qui les visitent.
06:13 Donc, des lits, de l'argent, des embauches,
06:16 il y a d'autres solutions pour vous pour résoudre cette crise ?
06:19 Il y a un vrai problème de fond qui est de re-rendre attractif l'hôpital pour ses personnels.
06:25 Parce qu'il y a un nombre significatif de lits d'hospitalisation qui sont fermés
06:29 parce que les soignants, les infirmières, les aide-soignants et aussi les médecins
06:33 ont déserté l'hôpital public.
06:35 Je crois qu'il faut re-rendre attractif l'hôpital pour ses personnels,
06:40 pour avoir un retour des soignants.
06:42 Alors ça passe par quoi ?
06:43 Ça ne passe pas forcément que par le salaire.
06:45 Ça passe aussi par des meilleures conditions de travail,
06:48 diminuer peut-être le nombre de patients par infirmière ou par aide-soignant,
06:52 trouver des solutions de logement près de l'hôpital pour ses personnels.
06:56 Vous comprenez que des personnels infirmiers ou aide-soignants dans des hôpitaux parisiens
07:01 ne peuvent pas se loger dans Paris parce que c'est trop cher.
07:03 Enfin, s'il vous plaît, il y a un ensemble de mesures
07:06 qui devraient viser à rendre de nouveau attractif l'hôpital
07:11 pour enfin rouvrir des lits et faire que l'hôpital fonctionne à plein régime,
07:15 ce qui n'est pas le cas actuellement.
07:16 Et dans le même temps, Frédéric Cadnet,
07:18 le gouvernement vient d'annoncer 10 milliards d'euros d'économies pour tous les ministères
07:21 et 70 millions d'euros qui concernent la santé.
07:24 Est-ce que ça vous inquiète ?
07:26 Oui, quand on me dit qu'on va faire des économies sur l'hôpital public,
07:30 ça m'inquiète toujours.
07:31 Alors, économie sur la santé, ce n'est pas forcément une économie sur l'hôpital.
07:35 Donc j'ose espérer que ces mesures de restrictions budgétaires
07:39 ne concerneront pas l'hôpital qui a effectivement un énorme besoin
07:44 de réouvrir des lits, de réembaucher du personnel
07:47 pour pouvoir éviter des effets indésirables,
07:51 une morbidité ou une mortalité liée à l'encombrement aux urgences.
07:55 On l'a bien entendu, on l'a bien compris.
07:57 Merci beaucoup Frédéric Cadnet, professeur de médecine d'urgence
08:00 et chef de service du SAMU de Paris d'avoir été notre invité ce soir sur RTL.
08:07 Vous ne bougez pas dans un instant RTL Inside,
08:09 au cœur du dispositif de sécurité du salon de l'agriculture.
08:12 En pleine colère agricole et face aux actions coup de poing
08:15 qui se multiplient depuis plusieurs semaines,
08:17 on va voir comment les forces de l'ordre se préparent à accueillir
08:20 les tracteurs aux portes de la capitale.
08:22 Et puis on va rire à nouveau avec vous, Alex Vizorek.
08:24 Il y aura quoi au menu de notre visoconférence ?
08:26 Je vous ai promis un début de palmarès des Césars, vous l'aurez.
08:29 Eh ben on a hâte, on se retrouve dans un instant.
08:32 RTL Bonsoir, jusqu'à 20h.
08:35 ♪ ♪ ♪
08:36 [SILENCE]