Israël Nisand, gynécologue obstétricien

  • il y a 7 mois
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Transcript
00:00 Et alors nous recevons ce matin le professeur de gynécologie Israël Nissan.
00:04 Bonjour.
00:05 Bonjour.
00:06 Bienvenue.
00:07 Vous sortez chez Grasset un petit livre passionnant qui s'appelle "Parler sexe, comment informer
00:12 nos ados".
00:13 Vous me disiez juste avant l'émission, ça a le mérite de se lire vite.
00:16 Ce n'est pas le seul mérite de ce livre, mais c'est vrai que ça nous arrange, nous
00:19 les journalistes, parce que ça se lit vite et que vous avez un langage très direct,
00:22 très cash et c'est très agréable à lire.
00:24 Ça fait 30 ans que vous intervenez dans des collèges, dans des lycées pour parler de
00:28 sexualité.
00:29 Alors votre constat, il est assez alarmant.
00:31 Pour vous, ce ne sont ni les parents ni l'éducation nationale qui apprennent la sexualité à nos
00:35 enfants.
00:36 C'est la pornographie.
00:37 Et pour vous, il est temps de tirer le signal d'alarme sur cette question.
00:41 Tout à fait.
00:42 Quand il n'y a pas d'information sur la sexualité, c'est les femmes qui payent l'addition.
00:46 Et donc, c'est une démarche féministe.
00:48 Vous me direz, il y a des pays qui sont pires où on n'apprend pas à lire aux femmes.
00:51 Comme ça, on est tranquille.
00:52 Chez nous, on apprend à traverser la rue en regardant à droite et à gauche pour ne
00:57 pas se faire renverser, mais on n'apprend pas à nos jeunes à débuter leur sexualité
01:01 pour en éviter les écueils.
01:03 Et puis surtout, il n'y a pas de contact entre les adultes et les ados sur ces sujets.
01:07 Donc, les ados qui ont besoin d'informations, ils sont en stabulation libre sur la pornographie.
01:12 Et je peux vous dire que ça ne leur fait pas du bien.
01:14 La pornographie les éduque à notre place.
01:16 C'est une barbarie, dites-vous.
01:18 Et ça concerne les garçons comme les filles et tout milieu confondu.
01:22 Tout milieu confondu, et assez tôt, et de plus en plus tôt.
01:26 50% des enfants de 11 ans ont vu un film porno, garçons et filles.
01:30 Vous, dans les classes où vous intervenez, ils en ont tous vu ?
01:32 Pratiquement tous.
01:33 Je vois aux questions anonymes qu'ils posent qu'elles sont toutes influencées par des
01:39 choses qu'ils ont vues.
01:40 Et là, les images et les sons, à cet âge-là, il n'y a pas d'appareil critique pour se
01:44 mettre à distance de cela.
01:45 Pour eux, c'est la réalité, c'est la vraie vérité vraie.
01:48 Donc, les enfants estiment, les ados estiment que c'est un prêt-à-porter, que c'est comme
01:55 ça qu'il faut faire, puisque les adultes font comme ça.
01:57 Oui, parce qu'à chacune de vos sessions en milieu scolaire, vous consacrez 30 minutes
02:00 aux questions anonymes des élèves sur la sexualité, où ils vous font passer des petits
02:04 papiers comme ça.
02:05 Et c'est fou l'influence du porno dans leur questionnement, comme cette horrible question
02:10 que vous recevez un jour, quand une meuf ne veut pas, est-ce qu'un copain peut la tenir
02:14 pour qu'on puisse la faire ? Cette question, elle n'est pas posée sérieusement, c'est
02:19 pas possible de poser ça.
02:20 Eh bien, je n'ai pas su sur le moment si c'était sérieux ou pas.
02:23 Mais en tout état de cause, la pornographie c'est un apprentissage du non-consentement.
02:28 Une femme qui dit non, en fait, ça veut dire oui.
02:31 Et d'ailleurs, si on est bien virile et qu'on la fait bien jouir, elle regrettera d'avoir
02:35 dit non.
02:36 Donc, c'est un apprentissage du non-consentement.
02:38 Il ne faut pas s'étonner que la violence entre les sexes augmente.
02:41 Et ça rend les jeunes garçons agressifs, c'est ce que vous dites.
02:44 Ça les rend d'autant plus agressifs que la pornographie suscite leur excitation, les
02:49 choques, les excite et les intéresse et qu'ils ne peuvent pas lâcher le regard et qu'après
02:54 ils en veulent aux jeunes femmes qui ne sont pas capables de les exciter autant.
02:58 - Oui, c'est ça.
02:59 Et vous intervenez dans les établissements scolaires partout en France, en milieu urbain
03:03 comme rural, mais pas forcément aux mêmes âges, c'est ça ?
03:06 - Alors, je fais confiance au directeur d'établissement, en tout cas dans la région où j'étais,
03:12 à Strasbourg, pour me dire c'est plutôt en quatrième, c'est plutôt en troisième.
03:16 Mais je pense qu'il y a une loi en France depuis 2001 qui prévoit trois heures d'intervention
03:21 sur la vie affective et sexuelle dès le CP et elle n'est appliquée nulle part.
03:26 Donc le citoyen nisan demande juste l'application de cette loi-là, mais aussi la protection
03:31 des mineurs.
03:32 C'est comme si elle n'existait pas la loi sur la protection des mineurs.
03:35 On peut montrer des images effroyables à nos jeunes, gagner de l'argent avec ça et
03:43 ne pas être puni.
03:44 Donc j'appelle les pouvoirs publics à éviter ce qui se passe actuellement, c'est qu'on
03:51 rentre sur un site pornographique, on vous demande "t'as 18 ans ?", "oui", "non",
03:55 "oui" en page suivante.
03:56 Donc on se moque du monde.
03:57 - Il n'y a aucune protection en fait.
03:58 - On se moque du monde.
03:59 - Vous ce que vous dites c'est qu'il faut mettre la carte bleue quoi.
04:01 - Alors ça c'est une des solutions, il y en a peut-être d'autres, mais mettre un
04:04 numéro de carte bleue avant la première image de pornographie, ça limiterait tout
04:08 simplement les dégâts.
04:09 - C'est certain, oui.
04:10 Mais si vous dites que 50% des enfants de 11 ans ont déjà regardé un film porno,
04:16 c'est peut-être avant la quatrième qu'il faut.
04:18 Ils ont bien plus de 11 ans en quatrième.
04:20 - C'est pour ça que la loi de la France est magnifiquement faite.
04:23 Trois heures dès le CP, c'est-à-dire qu'on apprendrait à nos jeunes "touche pas à mon
04:28 corps, mon corps est à moi, tu n'as pas le droit de me laver entre les fesses quand
04:31 tu me donnes le bain", ce qu'un enfant de 6 ans ne sait pas.
04:34 Et on lutterait de fait contre l'inceste qui est assez élevé dans notre pays.
04:38 Le Conseil de l'Europe dit que c'est 20% des garçons et des filles qui ont subi des
04:42 abus sexuels dans leur enfance, avec les catastrophes médicales qui vont derrière.
04:47 Donc le constat est là.
04:50 Il faut qu'on aide les parents, il faut agir.
04:53 Et agir, c'est informer et éduquer.
04:56 - Mais vous le savez mieux que personne, il y a beaucoup de résistance face à ça.
04:59 Je suis sûr que même parmi les gens qui nous écoutent là ce matin sur Europe 1,
05:02 il y a beaucoup de gens qui se disent "non, c'est pas à l'école de faire ça, l'éducation
05:06 sexuelle, on n'en a pas besoin".
05:08 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
05:09 - Ils ont en partie raison parce que la première éducation, ce qu'on appelle l'éducation
05:14 à la morale, elle a lieu à 4 ans.
05:16 Respecte-toi toi-même.
05:17 Elle a lieu à 6 ans et les parents sont les seuls légitimes pour faire cela.
05:22 Et d'ailleurs quand ce travail n'est pas fait, c'est pas bien récupérable.
05:25 Mais quand les 12-13 ans approchent et que le regard se tourne vers les copains et les
05:31 copines de classe et que l'enfant a l'impression de trahir ses parents, il les ménage, il
05:38 les informe plus et les parents sont littéralement mis de côté au moment où l'enfant aurait
05:44 le plus besoin de protection.
05:45 Les parents à ce moment-là ont besoin d'aide.
05:48 Ils ont besoin d'aide parce qu'ils ne peuvent pas aborder ces sujets-là frontalement avec
05:53 leurs enfants même s'ils se sentent très ouverts.
05:56 Les enfants ont un besoin de protéger leurs parents et c'est normal.
06:01 En fait les parents on est les moins bien placés, c'est ce que vous nous dites, pour
06:04 les éduquer sur ces questions-là.
06:05 Ils sont très bien placés quand il y a une question qui vient du jeune sur ces questions,
06:10 il faut répondre et pas se défiler.
06:12 Mais s'il n'y a pas de question, dire à une jeune fille de 14 ans "viens par ici,
06:18 on va parler de sexualité", ce n'est juste pas possible.
06:21 Et quand vous dites qu'il y a des enfants de 10 ans qui consomment 3 heures de porno
06:25 par jour, moi j'ai un enfant de cet âge-là, quand je vous lis je me dis que les parents
06:29 qui laissent faire ça à leurs enfants sont complètement démissionnaires, ce n'est
06:33 pas possible 3 heures de porno par jour.
06:35 Ce qu'il faut savoir c'est qu'aujourd'hui les enfants tombent sur la pornographie par
06:38 hasard et ça leur saute aux yeux.
06:42 Avant il fallait la chercher, aujourd'hui il n'y a plus besoin de la chercher.
06:45 Et la deuxième chose c'est que ces images choquent dans un premier temps, ça donne
06:50 un vrai choc, mais en même temps elles excitent.
06:53 Mais elle est où cette pornographie ? Moi je ne tombe pas dessus par hasard, elle est
06:55 où cette pornographie ? Oui mais il faut la chercher, il faut taper sur des sites
06:59 pornographiques.
07:00 Ça c'était avant, maintenant vous faites un prénom féminin et vous tombez sur un
07:04 site pornographique.
07:05 Et donc justement des jeunes peuvent tomber dessus sans la chercher, être complètement
07:13 indignés par ce qu'ils ont vu, mais en même temps excité.
07:16 Et ces deux mélanges peuvent donner une addiction.
07:21 Et les jeunes qui sont addicts ils rentrent à la maison, ils sont tout seuls, il n'y
07:24 a personne qui surveille ce qu'ils vont voir, et ils ne peuvent pas lâcher l'écran
07:28 des yeux.
07:29 Parlez sexe, comment informer nos ados ? Vraiment c'est un petit bouquin passionnant à lire,
07:34 d'Israël Nissan, séché, grassé, on va continuer à en parler et puis dans un instant