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"Un jour qui marquera l'histoire politique de la France", assure le Premier ministre Gabriel Attal après le vote du Sénat mercredi soir en faveur de la constitutionnalisation de l'avortement. Rachel-Flore Pardo, avocate et militante féministe, est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-29-fevrier-2024-6287383

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00:00 Il est 6h21, c'est un jour qui marquera l'histoire politique de la France.
00:04 Les mots du Premier ministre Gabriel Attal après le vote du Sénat hier soir en faveur
00:09 de la constitutionnalisation de l'avortement.
00:12 Bonjour Rachel Florpardot.
00:13 Bonjour.
00:14 Vous êtes avocate, militante féministe, vous avez fondé l'association Stop Ficha
00:18 qui lutte contre le cybersexisme et les cyberviolences.
00:20 Et vous militez depuis longtemps pour l'inscription de l'IVG dans la Constitution.
00:23 Ce vote au Sénat, c'était le dernier verrou, il ne reste plus que l'étape du Congrès
00:28 grandi, mais ça devrait être une formalité, un vote historique.
00:31 Oui, c'est une victoire féministe historique.
00:34 Et je pense à toutes les femmes, à toutes les féministes du monde entier qui nous regardent.
00:38 Et je veux leur dire de poursuivre leur combat, chacune dans leur pays, pour la liberté des
00:43 femmes à disposer de leur corps et qu'on les soutiendra.
00:46 Je pense aussi évidemment à toutes ces militantes féministes qui ont milité ici en France.
00:51 Je pense aux parlementaires, aux membres du gouvernement, aux présidents de la République
00:54 qui ont su faire évoluer la vision que beaucoup avaient de l'interruption volontaire de
00:59 grossesse.
01:00 Parce que oui, certains ont changé d'avis, certains sénateurs même ont changé d'avis
01:03 au gré des conversations avec leurs femmes, avec leurs filles.
01:07 Et je crois qu'il y a un sondage, il y a un an, qui disait que 86% de la population
01:11 française était favorable à l'inscription de l'interruption volontaire dans la Constitution.
01:14 Et je crois que si on refaisait ce sondage aujourd'hui, le chiffre serait bien plus
01:18 important.
01:19 On a convaincu encore que les femmes sont libres.
01:21 Libres de choisir pour elles-mêmes, de choisir leur destin et libres d'être maires ou
01:24 de ne pas l'être.
01:25 Et en parlant de chiffres, est-ce que vous avez été quand même surprise du résultat
01:28 de l'écart ? C'est une large majorité quand même.
01:31 267 voix pour, 50 contre.
01:33 Oui, je suis très agréablement surprise de cette grande majorité.
01:37 Je crois que justement ça montre qu'on peut faire changer d'avis sur ces questions-là.
01:41 Qu'en expliquant, qu'en faisant de la pédagogie, comme on l'a fait ces derniers
01:44 mois depuis, évidemment, et depuis 2022, depuis la décision de Roe versus Wade, eh
01:49 bien, on a pu convaincre que les femmes sont libres et que cette liberté fondamentale
01:53 devait être inscrite dans la Constitution.
01:55 Alors, vous l'avez dit, un vote historique, c'est le seul pays au monde à faire ça,
02:00 la France, à inscrire dans la Constitution le droit à l'IVG.
02:05 Mais en quoi cette constitutionnalisation protège-t-elle davantage les droits des femmes ? Qu'est-ce
02:09 que ça change vraiment ?
02:10 En fait, on ne change pas la Constitution comme on change la loi.
02:13 Donc déjà en France, c'est une garantie pour l'avenir.
02:15 C'est-à-dire que ce sera beaucoup plus difficile si demain il y avait d'autres majorités
02:18 politiques en présence dans notre pays de changer ce droit, cet accès, cette liberté
02:24 des femmes d'interrompre volontairement leur grossesse.
02:27 Plus difficile, mais ce sera encore faisable.
02:29 On pourra encore le détricoter.
02:30 Ce n'est pas bloquer, inscrit dans le marbre jusqu'à la nuit des temps.
02:33 Alors, c'est inscrit dans le marbre d'une certaine façon parce qu'on ne peut pas offrir
02:36 plus de garanties que cela.
02:37 Donc on donne aujourd'hui, ici en France, toutes les garanties qui existent, toutes
02:41 les garanties possibles à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de
02:46 grossesse.
02:47 Et ensuite, ce que ça change ?
02:48 On voit un signal aux femmes européennes, aux femmes du monde entier.
02:51 Et finalement, c'est très important parce que ce combat pour la liberté des femmes
02:55 à disposer de leur corps, c'est un combat qui est intrinsèquement international.
02:58 On le voit d'ailleurs sur les réseaux sociaux, quand on voit ces propagandes conservatrices,
03:02 rétrogrades, qui parfois diffusent de fausses informations, des informations culpabilisatrices
03:06 sur l'interruption volontaire de grossesse.
03:08 On voit bien que parfois ça vient de France, mais parfois ça vient de l'étranger.
03:11 Donc on doit combattre ces idéologies, on doit se battre pour la liberté des femmes
03:16 à disposer de leur corps, partout.
03:17 Et ce qui se passe en France, c'est regardé vraiment à l'étranger ? C'est suivi ?
03:20 Vous avez des infos là-dessus ?
03:21 Oui, c'est regardé.
03:22 On a vu aux Etats-Unis, ça a eu un écho.
03:25 On le voit aussi dans certains pays d'Europe.
03:27 C'est regardé et ça a son importance.
03:28 Parce que demain, il y aura d'autres combats à mener.
03:31 Je vous le disais à l'instant, le combat pour la liberté des femmes à disposer de
03:34 leur corps, il est international.
03:35 Et on doit le mener absolument partout.
03:37 Et demain, je crois que notre Président de la République, la France, sera en mesure
03:41 de défendre l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Charte des
03:45 droits fondamentaux de l'Union Européenne pour protéger toutes les femmes européennes.
03:48 Ça, c'est la prochaine étape ?
03:49 Je pense que c'est la prochaine étape.
03:50 Ce ne sera pas un chemin facile, mais dans cet élan que nous donne cette légitimité,
03:54 que ça nous donne d'être le premier pays au monde à inscrire l'interruption volontaire
03:58 dans la Constitution, je crois qu'on va y aller.
04:00 Il y a encore l'étape du Congrès à passer lundi.
04:02 Juste sur l'Europe, quel est l'état des lieux ? Il y a le grand écart entre les 27 pays ?
04:07 Oui, il n'y a absolument pas de consensus sur cette question.
04:10 En réalité, je crois qu'il faut le rappeler, dans les pays qui sont dirigés par des gouvernements
04:14 d'extrême droite, ce sont des pays qui sont particulièrement mal à l'aise avec l'interruption
04:19 volontaire de grossesse, qui vont parfois jusqu'à le remettre en cause ou en tout
04:22 cas multiplier les entraves.
04:24 Quel pays par exemple ?
04:25 Je pense à la Pologne, ça a été très dur ces dernières années, même si c'est en
04:27 train de se rétablir.
04:29 Je pense à la Hongrie, je pense à l'Italie où l'interruption volontaire de grossesse
04:33 est autorisée, mais où l'accès est rendu difficile, notamment parce que très peu de
04:38 médecins sont d'accord, acceptent de réaliser cet acte.
04:41 Il y a combien d'avortements en France ?
04:43 Il y en a à peu près 230 000 par an, et c'est un chiffre en réalité qui ne bouge
04:47 pas tellement depuis des années, donc c'est un chiffre stable.
04:50 Il y en a 230 000, c'est là qu'on se rend compte qu'en fait, ça concerne beaucoup,
04:55 beaucoup de monde.
04:56 Et qu'en réalité, c'est pour ça que c'est important de l'inscrire dans la Constitution
05:00 aussi.
05:01 C'est parce que beaucoup de femmes y ont recours, parce qu'à un moment, elles sont
05:04 face à cette décision et qu'elles la font, parce qu'elles décident pour elles-mêmes
05:07 d'être mère ou d'une palette.
05:08 Est-ce qu'il y a encore des avortements illégaux ?
05:10 Clandestins ?
05:11 En France, je ne crois pas qu'il y ait des avortements clandestins, mais il y a des
05:15 femmes qui ont beaucoup de difficultés à avorter, qui parfois sont contraintes d'aller
05:18 dans des pays voisins.
05:20 En tout cas, ça l'était encore jusqu'à il y a peu, jusqu'à ce qu'on allonge le
05:23 délai légal pour réaliser l'IVG de 12 à 14 semaines.
05:27 Et ça, ça a permis notamment de permettre à 5 000 femmes qui allaient avorter à l'étranger
05:32 d'avorter désormais en France.
05:33 Mais il y a encore des progrès à faire, notamment dans les zones qui sont des déserts
05:37 médicaux, où il peut être très difficile d'obtenir un rendez-vous.
05:39 Parce qu'il n'y a pas assez de médecins ou parce que les médecins se sont plus réticents
05:42 qu'avant ?
05:43 C'est les deux.
05:44 Mais aussi parce qu'il n'y a pas assez de médecins.
05:46 Évidemment, dans certaines zones, notamment des zones sous-denses en personnel de santé,
05:50 ça va être plus difficile que dans d'autres.
05:52 Et notamment selon la période, je pense qu'au mois d'août ou pendant les vacances de Noël,
05:56 c'est des moments où c'est plus difficile d'avorter en France.
05:59 C'est des inégalités qu'on doit combattre.
06:00 Et je crois qu'inscrire ce texte, cette interruption volontaire de grossesse dans la Constitution,
06:04 ça va nous aider à les combattre demain.
06:06 Et une dernière question, Rachel Florpardot.
06:08 Vous ne disiez quasiment plus d'avortements clandestins en France.
06:11 En revanche, dans le monde, il y en a encore beaucoup et des femmes en meurent.
06:14 Beaucoup trop.
06:15 47 000 femmes par an.
06:16 Une femme, toutes les 9 minutes, meurt d'avortements clandestins dans le monde.
06:20 C'est bien pour les femmes que c'est une cause de mortalité.
06:23 D'ailleurs, lorsque l'avortement n'est pas légal et lorsqu'il est pratiqué clandestinement.
06:27 Merci Rachel Florpardot, avocate, militante féministe.
06:30 Votre association s'appelle Stop Ficha.
06:32 Et je rappelle donc ce vote hier soir au Sénat, la constitutionnalisation de l'avortement.
06:37 Et lundi, la dernière étape avec le Congrès.

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