Paris demande une enquête indépendante pour comprendre ce qui s'est exactement passé hier lors d'une distribution alimentaire à Gaza, distribution durant laquelle plus de 110 personnes ont été tuées selon le Hamas. Pour en parler, Léo Cans, chef de missions de Médecins sans frontières qui revient de Gaza, et Émilie Baujard du service étranger de RTL.
Regardez L'invité de RTL Midi du 01 mars 2024 avec Agnès Bonfillon et Vincent Parizot.
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00:02 RTL midi. Agnès Bonfillon, Vincent Parézot.
00:07 Paris demande aujourd'hui une enquête indépendante pour comprendre ce qui s'est exactement passé
00:13 hier, vous le savez sans doute, lors de cette distribution alimentaire à Gaza
00:17 qui s'est transformée en drame. Plus de 110 personnes ont été tuées, chiffre donné par le Hamas. Bonjour Émilie Beaujard.
00:26 Bonjour. Plusieurs versions aujourd'hui pour un même drame.
00:29 Oui, comme souvent on se retrouve entre deux propagandes, celle du Hamas et celle d'Israël. Pour y voir un peu plus clair,
00:36 il faut écouter les témoins qui étaient sur place. Déjà, ça se passe de nuit à 4h30.
00:41 Les témoins parlent de coups de feu qui retentissent dès qu'ils ont essayé de s'approcher des camions d'aide.
00:46 Ensuite c'est la panique, les camions avancent, des mouvements de foule et des balles qui sifflent. Au lever du soleil,
00:52 les Palestiniens ne peuvent que constater les morts et les blessés, les charger sur des charrettes pour les emmener vers les hôpitaux,
00:58 car les ambulances n'ont pas le droit d'accéder à cet endroit de l'enclave palestinienne.
01:02 Israël explique de son côté que des soldats ont effectivement ouvert le feu, car des Palestiniens
01:08 représentaient une menace,
01:10 notamment celle de s'approcher trop près des chars.
01:13 Mais pourquoi, Émilie, les gens se jettent à ce point sur les camions quand ils arrivent ?
01:18 Eh bien il faut savoir que dans le nord de la bande de Gaza, aucun camion d'aide humanitaire n'est arrivé depuis plus d'un mois.
01:25 Les ONG réclament depuis des semaines l'ouverture d'un point de passage au nord de l'enclave pour faciliter l'entrée de l'aide humanitaire, ce que
01:33 Israël refuse.
01:35 Résultat, quand un camion arrive, il est pris d'assaut par des milliers de personnes.
01:38 Les gens se jettent sur les camions pour tenter d'attraper un sac de farine.
01:43 Un commerce parallèle se développe en raison des pénuries. Un sac de farine peut se négocier plusieurs centaines d'euros dans le nord.
01:51 Alors eh bien chacun tente de survivre comme il peut.
01:55 Merci beaucoup de ces explications, Émilie Beaugard. Pour bien comprendre, on est en ligne avec Léo Kanz. Bonjour.
02:00 Bonjour.
02:03 Chef de mission pour Médecins sans frontières, vous êtes en ligne de Jérusalem, mais vous revenez de la bande de Gaza et vous allez d'ailleurs
02:10 y retourner la semaine prochaine.
02:13 Ce qu'on craignait depuis des semaines est donc en train de devenir réalité, de se produire, à savoir la famine.
02:19 À l'instant, Émilie Beaugard
02:21 l'expliquait, c'est le cas. Vous en avez vous-même été témoin ?
02:25 Mais écoutez, moi j'ai discuté avec un de nos collègues qui était à Gaza, dans la ville de Gaza, il y a trois jours.
02:31 Il nous expliquait que la semaine dernière, ils avaient tué l'âne.
02:35 Il y a encore des ânes à Gaza, ils avaient tué l'âne pour le manger. Et que maintenant, ils étaient en train de
02:40 mélanger la nourriture qu'il avait avec des graines d'oiseaux.
02:43 Donc, et ça, c'était il y a trois jours, mais c'était déjà des cas, on avait déjà des témoignages comme ça, y compris de nos collègues
02:49 il y a plusieurs semaines. Donc c'est une situation qu'on voit arriver, que tout le monde,
02:54 voilà, on est en train de sonner la sonnette d'alarme par rapport à ça. Et voilà, qu'on voit arriver et qui est en train de s'empirer
03:01 jour après jour, semaine après semaine.
03:03 Ça se passe dans le nord, vous venez de nous l'expliquer. Comment ça se passe dans le camp de Raniounès, dans le sud ?
03:10 La situation au sud, elle est meilleure en termes de nourriture, en termes d'accès aux biens de première nécessité,
03:16 bien qu'elle n'est pas du tout suffisante.
03:18 Notamment en termes d'accès à la santé, qui c'est catastrophique. Il y a beaucoup de gens qui n'ont aucun accès à la santé,
03:23 notamment toutes les maladies chroniques, toutes les soins dentaires et évidemment les soins d'urgence, parce que
03:29 l'hôpital dans lequel on travaillait, Médecins Sans Frontières, Nasser, il y a dix jours, a été complètement attaqué
03:34 par l'armée israélienne et est maintenant totalement en service.
03:37 C'était un des derniers hôpitals du sud de la bande de Gaza qui fonctionnait.
03:41 Donc maintenant le système de santé est détruit, aussi bien au nord que dans le sud.
03:45 Donc l'accès à la santé est quasi nul, notamment pour les urgences et pour les soins chroniques.
03:50 Donc voilà, c'est une situation qui est extrêmement... qui ne fait que s'empirer.
03:55 On revient à la famine qui règne, notamment au nord de la bande de Gaza.
04:01 Ça veut dire qu'aujourd'hui on ne peut pas mettre en place de distribution humanitaire sans que,
04:07 inévitablement, ça vire à la scène des meutes ?
04:10 Non, mais en fait ce qu'il faut comprendre c'est qu'il y a une politique mise en place par l'armée israélienne
04:15 d'empêcher l'aide humanitaire d'arriver au nord.
04:17 Et donc plus la situation se détériore, plus la situation devient catastrophique,
04:21 plus les gens sont désespérés, plus les gens sont affamés, parce que c'est réellement la situation,
04:25 quand vous en arrivez à manger de la nourriture pour animaux, pour vous et pour vos enfants,
04:30 vous devenez affamé. Et quand vous êtes affamé, vous êtes dans la survie.
04:33 Et donc voilà, il n'y a plus d'ordre public du tout,
04:36 et on est en train d'affamer une population qui du coup se jette sur la nourriture
04:41 dès qu'ils voient de la nourriture.
04:42 C'est totalement inhumain en fait, ces scènes de voir des gens se jeter sur des camions
04:47 parce qu'ils ont faim, c'est totalement inacceptable.
04:50 Nous, quand nous étions... moi quand j'étais à Gaza déjà en janvier,
04:53 il nous avait fallu quatre tentatives pour pouvoir atteindre le nord.
04:56 Quatre fois on avait été refusé au checkpoint israélien.
04:59 Quatre fois successivement. Et c'est seulement à la quatrième qu'on a pu passer.
05:03 Et déjà quand on était passé, les gens étaient totalement désespérés.
05:06 C'est un camion d'essence cette fois-ci qui a amené du fioul à l'hôpital de Shifa,
05:10 et déjà les gens étaient désespérés.
05:12 La ville de la voiture avait été cassée, les gens étaient montés sur...
05:15 Et donc là, on va toujours un peu plus loin dans l'horreur,
05:18 toujours un peu plus loin dans le non-respect du droit international,
05:21 parce que le droit international stipule très clairement
05:23 que les biens essentiels doivent pouvoir parvenir aux populations,
05:25 et ce n'est pas le cas du tout en ce moment à Gaza.
05:27 Merci infiniment Léo Cance, chef de mission de Médecins Sans Frontières,
05:30 en direct de Jérusalem. Merci infiniment d'avoir été avec nous dans RTL Midi.
05:34 Allez, une courte pause, et dans un instant, ce sera RTL Midi, votre vie.
05:38 A tout de suite.
05:39 RTL midi
05:41 *Rire*
05:41 Merci à tous !