Cette semaine, Nexity, le premier promoteur immobilier de France, a annoncé un plan social à venir. Un signe supplémentaire d'une crise de logement qui n'en finit pas de s'aggraver. La PDG de Nexity, Véronique Bédague, revient sur cette annonce et décrypte l'actualité du secteur : un possible assouplissement des crédits immobilier, le "choc d'offre" qu'espère l'exécutif, le prix des logements toujours hauts et le Conseil national de la refondation où a été tirée la sonnette d'alarme...
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00:00 Et la PDG du premier promoteur de France, Nextcity, est l'invité d'On n'arrête pas l'écho.
00:04 Bonjour Véronique Bédag.
00:05 Bonjour.
00:06 On va revenir sur cette transformation de bureau en logement.
00:09 Mais parlons d'abord des résultats de 2023 que vous venez de dévoiler.
00:14 Ils sont à l'image du secteur.
00:15 La construction est en crise, baisse de 13% du chiffre d'affaires sur le résidentiel,
00:21 quasiment un cinquième des réservations qui ont disparu.
00:23 Vous annoncez, et ça fait un choc, un plan social.
00:27 Est-ce que ça signifie Véronique Bédag que vous pensez qu'on n'est pas seulement sur
00:30 un creux de vagues ?
00:32 Ça signifie qu'on ne va pas retrouver très vite, ne serait-ce que les niveaux qu'on avait
00:38 en 2021.
00:39 Entre aujourd'hui et 2021, le marché du logement neuf s'est replié de 40%.
00:48 Vous imaginez ce que ça représente.
00:49 Nous on a fait mieux que le marché mais on s'est replié de 30% en deux ans.
00:53 Il y a des signes d'amélioration, on pourra en redire un mot, mais pas au point de se
01:01 dire qu'on va revenir en six mois au niveau de 2021.
01:05 Et n'oubliez pas que dans nos métiers, on a en 2026 les élections municipales et qu'évidemment
01:11 les permis de construire se font vraiment très rares 12 à 18 mois avant.
01:15 A ce stade des informations que j'ai, je pense que tous mes confrères disent la même
01:22 chose.
01:23 Ça va reprendre mais il ne va pas y avoir un rebond extrêmement fort.
01:27 Ça va reprendre en 2025 si je vous suis ?
01:30 Ça c'est une bonne question.
01:32 Je pense qu'on voit quand même des lueurs.
01:34 On a deux brillants économistes à côté de moi qui en diraient sans doute plus et plus
01:38 avamant que moi.
01:39 On se dit malgré tout que les taux de la Banque Centrale vont baisser.
01:43 Le consensus de marché c'est de l'ordre de 1 point cette année.
01:49 Je ne sais pas quand ça commence, je ne sais pas à quel rythme.
01:51 Un point de baisse de la BCE traduit en prêt immobilier c'est 10% de pouvoir d'achat
01:59 en plus.
02:00 Et puis il y a un deuxième signe encourageant me semble-t-il.
02:02 C'est que moi j'ai le sentiment aujourd'hui que le gouvernement, à la fois par la voix
02:07 du Premier ministre et du ministre du logement, sont arrivés au même diagnostic que le secteur
02:14 et vont prendre des décisions.
02:16 Le gouvernement qui veut agir à la fois sur la demande et sur l'offre.
02:19 Et on va en parler.
02:20 Une question quand même sur le côté social.
02:22 Au moment où votre plan social va se mettre en place, il y aura environ 5000 salariés
02:29 chez Nexity.
02:30 Alors je sais que vous allez me dire que le nombre de postes concernés, ça sera discuté
02:34 avec les organisations syndicales et on en saura plus en avril.
02:36 Mais des licenciements secs c'est possible chez Nexity ?
02:39 Je ne sais pas ce que vous avez appelé sec.
02:43 Parce que pour le coup, le choix de passer par un plan de sauvegarde de l'emploi, qui
02:48 est un vrai choix social au fond, c'est vraiment un très bon accompagnement des salariés
02:52 je vous le rappelle.
02:53 C'est-à-dire que le plan social, le plan de sauvegarde de l'emploi, vous oblige d'abord
02:57 à définir tous les moyens d'accompagnement des salariés qui seraient amenés à quitter
03:01 le groupe.
03:02 C'est une mesure très potrétrice des salariés.
03:05 Mais dans votre philosophie, il va falloir maigrir au niveau de la baisse de volume de
03:10 construction ?
03:11 Évidemment, je suis une entreprise qui est créée, qui était créée historiquement
03:16 pour faire 20 000 logements.
03:17 Je pense qu'on va se retrouver en rythme de croisière à 14 000 logements.
03:21 Je suis obligée évidemment d'adapter ma structure à ça.
03:24 Mais honnêtement, au-delà de ça, je suis surtout obligée, et c'est ça qui fait que
03:28 je prends le temps de cela, de complètement transformer Nexity de l'intérieur.
03:33 Ma conviction, c'est que le monde qu'on va trouver en sortie de crise va être très
03:37 différent du monde qui était en entrée de crise.
03:40 Tout simplement parce que je vais m'organiser de façon très différente.
03:44 On va avoir des patrons, on va vraiment être de plus en plus ancré dans le territoire.
03:48 Depuis 7 ans que je suis entrée chez Nexity, ce qui me frappe beaucoup, c'est la différenciation
03:53 sur le territoire des demandes des élus et des habitants.
03:55 Donc nous, on va vraiment basculer dans une organisation territoriale multiproduite.
04:00 C'est vraiment ce qu'on a fait avec Carrefour qui m'a fait prendre conscience du fait que
04:05 demain, on aura sur beaucoup de réhabilitations urbaines, et on va arriver avec des propositions
04:12 de produits divers.
04:13 - Carrefour, vous vous êtes entendue pour construire sur du foncier, sur des parkings ?
04:19 - Pour redéployer avec eux 76 sites sur tout le territoire, moitié centre-ville, moitié
04:23 entrée de ville.
04:24 Et vraiment le travail qu'on a fait avec eux et qui est très intéressant, c'est
04:27 qu'on a un projet sui generis pour chaque site, adapté à chaque territoire, et les
04:34 produits qu'on propose sont extrêmement divers et adaptés à chaque site.
04:38 Il y a un site sur lequel on a un data center, on a du logement, on peut avoir des hôtels,
04:42 on a beaucoup de demandes sur le médical par exemple.
04:45 Donc vraiment, je pense que demain, il faut que Nexity soit en capacité, de façon extrêmement
04:50 efficace et très professionnelle, produit par produit, de proposer aux habitants, aux
04:56 élus, vraiment des produits mixtes en fait.
04:59 - Véronique Bédard, vous parliez de...
05:01 Vous qui avez beaucoup tiré la sonnette d'alarme, vous dites que le gouvernement a
05:05 pris conscience là.
05:06 On va parler de la demande, il essaie de convaincre les banquiers de proposer d'autres
05:10 formules de crédit immobilier aux français.
05:13 Ça s'appellerait le crédit hypothécaire, le crédit in fine.
05:16 Alors c'est très technique mais ça permet de faire baisser les mensualités.
05:19 Ça c'est des bonnes pistes ?
05:20 - Alors moi je suis preneuse de toutes les pistes.
05:22 Il faut simplement que ceux qui souscrivent ces emprunts ne soient pas déçus à la fin.
05:27 Moi j'ai un tout petit peu peur de quelqu'un qui souscrit un emprunt de cette nature, pense
05:32 qu'il est propriétaire et puis au fond ne paye que les intérêts et à la fin se retrouve
05:36 au fond à rembourser à la banque la valeur du bien qu'il a vendu.
05:41 Moi je pense qu'il faut que tout doit être ouvert.
05:45 Je salue l'effort que font les ministres pour trouver des solutions mais il faut que absolument
05:51 nos concitoyens quand ils signent un prêt de cette nature comprennent très exactement
05:55 de quoi ils en retournent.
05:56 - C'est la demande le problème.
05:58 Qu'est-ce qui pourrait la décoincer ?
06:00 - Alors la demande, je pense que des choses ont vraiment été faites sur les Français
06:06 qui cherchent à acquérir un logement pour vivre à l'intérieur.
06:10 Donc ça il y a eu quand même les choix du gouvernement sur le PTZ, le rezonage.
06:15 Donc moi je pense qu'on va finir par reprendre un peu de vigueur sur ce marché qui s'est
06:20 effondré d'un tiers l'année dernière.
06:22 Mais celui, le marché qui s'est vraiment effondré de 50% c'est le marché du logement
06:29 qu'on achète pour investir et pour proposer ce logement à la location.
06:32 Ça c'est un marché qui s'est complètement effondré.
06:35 Et c'est effondré pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec les taux d'intérêt qu'on
06:39 a aujourd'hui, avec la fiscalité quand même punitive sur ce type d'investissement qu'on
06:45 a aujourd'hui, il y a moins d'intérêt de nos concitoyens qui vont préférer le
06:49 livret A ou une action ou une obligation.
06:52 Mais Véronique Bédac vous savez aussi que par exemple tous les dispositifs fiscaux,
06:55 c'est ça qui est inflationniste sur le prix des logements.
06:58 Et le prix des logements c'est ça l'obstacle premier.
07:00 Le prix des logements a explosé au regard des revenus sur les 20 dernières années.
07:05 Je ne sais pas, je pense que les français sont rationnels.
07:06 S'ils ont un peu d'épargne, ils regardent où ils peuvent mettre leur épargne aujourd'hui,
07:12 avec les taux d'intérêt actuels, avec le fait que quand vous avez des loyers, vous
07:18 avez d'abord l'impôt sur le revenu, vous avez une taxe locale, la taxe foncière qui
07:22 augmente de 7% par an en ce moment, et vous pouvez aussi avoir la troisième lame de l'ICI.
07:28 Et vos rendements sont contrôlés, et on comprend tous pourquoi, puisque l'évolution
07:33 des loyers est contrôlée.
07:34 Et bien quand vous ajoutez tout ça, c'est un rendement qui est moins rentable aujourd'hui
07:38 que les autres.
07:39 C'est factuel, je ne fais que dire quelque chose qui est factuel.
07:42 Et puis les français ont beaucoup de bon sens, et ça s'est traduit l'année dernière
07:46 par cet effondrement de ces achats.
07:50 Mais après, quand personne n'achète pour louer, qu'est-ce qui se passe ? Il n'y a
07:54 pas de marché de la location.
07:55 Alors parlons de l'offre justement.
07:57 L'exécutif promet un choc d'offre avec, j'en parlais, les diagnostics énergétiques
08:03 assouplis pour les locations, les procédures accélérées pour construire.
08:06 Le choc d'offre, ça peut marcher avec ces mesures ?
08:10 Le choc d'offre, on l'attend depuis au moins 6 ans je pense.
08:13 Il a été annoncé plusieurs fois.
08:15 Je pense que si vraiment l'état s'en saisit, il y a des moyens de faire baisser les prix.
08:19 Je vais vous donner un exemple un peu anecdotique, mais que j'avais sur mon bureau la semaine
08:22 dernière.
08:23 A Lyon, on fait un immeuble sans clim et sans chauffage.
08:26 Ça marche en Autriche, ça marche en Suisse, ce ne sont pas des pays d'une nature extraordinairement
08:31 différente des nôtres.
08:32 Dans la réglementation, on ne peut pas construire dans ce pays un logement sans chauffage.
08:37 On nous a obligés à mettre du chauffage.
08:38 10 000 euros de plus par appartement.
08:40 Il n'y a pas eu moyen de s'échapper de la réglementation.
08:43 Donc pour vous, l'assouplissement des normes, si on veut faire baisser les prix, c'est
08:47 un levier ?
08:48 Moi franchement, je pense qu'aujourd'hui, il faut toucher à tout.
08:51 Mais vous ne pensez pas que les prix vont d'eux-mêmes baisser avec cette demande ?
08:54 Et est-ce que ça ne serait pas ça LA solution ?
08:57 Le problème c'est que le prix aujourd'hui de production du logement neuf, je ne vois
09:02 pas tellement comment il baisse.
09:04 Le foncier devient de plus en plus rare.
09:06 La non-artificialisation au fond, ça crée de la rareté.
09:09 Les biens rares sont chers, ça a toujours été vrai.
09:11 Je ne vois pas les coûts de construction baisser, sauf si les normes baissent.
09:16 Parce que malgré tout, on ne voit pas les salaires dans le BTP baisser, c'est normal.
09:20 On voit un petit peu de baisse de matières premières, mais pas tant que ça.
09:23 Donc le prix de production ne baisse pas beaucoup.
09:25 Et plus largement, on est, sauf erreur de ma part, dans un marché où la demande excède
09:31 de beaucoup l'offre.
09:32 Moi, j'attends toujours l'économiste qui vient me montrer la théorie où dans un
09:36 marché de biens essentiels, où il n'y a pas assez d'offres, le prix baisse.
09:41 Donc vous ne croyez pas que parce qu'il a baissé de 4%…
09:44 Mais 4% c'est rien.
09:45 Les Français sont d'accord avec vous, je pense.
09:48 4% c'est rien, dans la crise qu'on connait, c'est rien.
09:50 Donc on voit bien qu'en réalité, le marché ne s'ajuste pas par les prix, mais il s'ajuste
09:55 par les flux.
09:56 Il y a moins de biens alloués, il y a moins de produits à vendre.
10:02 Et moi, ce qui me révolte depuis 18 mois, c'est qu'en faisant ça, on bloque toutes
10:07 les personnes, les jeunes, tous ceux qui bougent dans cette société.
10:11 On ne peut plus bouger.
10:12 C'est ça le problème.
10:13 Vous êtes un jeune, vous voulez étudier à l'autre bout du pays, vous ne trouvez
10:17 pas à vous loger.
10:18 Vous cherchez un travail, vous en trouvez un, vous ne trouverez pas à vous loger.
10:21 On bloque la société.
10:22 Le logement, secteur essentiel en effet.
10:25 Véronique Bédag, la PDG de Nextcity, merci d'avoir été au micro d'On n'arrête
10:29 pas les cours.