En plus d’être une navigatrice chevronnée, Clarisse Crémer est aussi une maman déterminée.
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00:00 Je m'appelle Clarisse Crémer, je suis navigatrice.
00:03 J'ai eu la chance en 2020-2021 de faire mon premier Vendée Globe,
00:06 un tour du monde à la voile en solitaire en 87 jours.
00:10 J'ai aujourd'hui le record féminin.
00:12 Mon prochain projet c'est le Vendée Globe 2024.
00:17 Entre ces deux gros projets, j'ai pas mal de courses.
00:20 J'ai aussi eu une petite fille qui s'appelle Matilda, qui est née en novembre 2022.
00:24 L'agenda est très variable.
00:27 Jusqu'à présent, je suis jamais partie plus de 15 jours.
00:30 Jusqu'au Vendée Globe, je ne vais jamais partir quasiment plus de 15 jours.
00:34 Donc ça va, je trouve que c'est encore une période qui reste assez courte.
00:38 Il y a des moments où on peut être là pendant presque 3 mois à l'affilé,
00:42 où on part peut-être éventuellement 48 heures pour des rendez-vous, des choses comme ça.
00:46 Mais il y a des moments où on est vraiment très présent.
00:48 Et le gros morceau, ça va être le Vendée Globe en tant que tel en novembre 2024.
00:53 Parce que là, si tout va bien, on est parti pour 2 mois et demi, 3 mois en même.
00:57 C'est un sacré challenge de quotidien de gérer la vie de famille et la vie de navigatrice.
01:02 Ça fait des journées un peu intenses, mais ce serait impossible sans le soutien de mon équipe.
01:07 Et surtout, on est hyper soutenus par notre famille proche,
01:12 et notamment par ma belle-sœur, la petite-sœur de mon mari, Léna, qui habite avec nous.
01:17 Et qui s'occupe de notre petite-fille quand on est en mer.
01:21 Et qui fait un peu ce troisième parent dont on rêve tous.
01:26 Et donc ça, c'est hyper précieux.
01:28 Après le dernier Vendée Globe, il y avait vraiment ce projet d'enfant qui était très clair pour nous deux.
01:33 Et c'était une priorité pour moi.
01:35 Devant les difficultés aussi d'avoir un enfant dans une carrière un peu ambitieuse comme ça,
01:39 une carrière sportive en particulier, je me suis posé la question,
01:42 je me suis dit, est-ce que c'est bien raisonnable de faire les deux en même temps ?
01:47 Est-ce que je vais y arriver ? Est-ce que c'est sain pour ma petite-fille ?
01:49 Est-ce que c'est sain pour mon couple ? Pour notre couple ?
01:52 J'ai un peu suivi mon intuition.
01:54 Moi, je suis navigatrice, c'est ma passion d'être sur l'eau.
01:57 Et pour l'instant, c'est un schéma qui me convient bien.
02:00 On est en perpétuel ajustement.
02:02 Pour l'instant, elle a 10 mois.
02:03 Donc on ne prétend pas avoir la solution parfaite.
02:06 Ça s'ajuste dans un sens.
02:07 Elle s'adapte à nous, on s'adapte à elle.
02:08 Enfin voilà, tout avance petit à petit.
02:10 Mais on va dire que les incertitudes sur le fait de continuer ma carrière sont assez vite disparues.
02:16 Et je ne considère pas avoir fondamentalement changé.
02:19 Moi, je me dis que ma petite-fille, c'est quelque chose qui est venu s'additionner,
02:23 qui est venu s'ajouter à ma vie,
02:24 qui fait rentrer ma vie dans plein de dimensions supplémentaires.
02:27 Mais ça ne m'a pas enlevé quelque chose.
02:29 Et ça ne m'a pas enlevé ma passion de navigatrice.
02:32 Ça ne m'a pas enlevé mon envie de me démener dans mes projets.
02:35 Peut-être que ce sera le cas plus tard.
02:38 Mais en tout cas, aujourd'hui, c'est comme ça.
02:40 Mais voilà, moi, j'aime bien avancer projet après projet sans me projeter forcément trop loin.
02:45 Et on verra quand elle sera plus grande.
02:47 Est-ce que j'aurais envie d'être à la sortie de l'école tous les jours ?
02:49 Peut-être, je ne sais pas.
02:51 Je pense que le moment de quitter ma maison, de quitter Matilda est plus difficile.
02:56 Parce que je suis encore plus heureuse à terre qu'avant.
03:00 Mais là, avec une petite-fille, on a vraiment l'impression,
03:03 et puis ça évolue tellement vite, on a un peu l'impression de louper quelque chose.
03:05 Il y a ce petit pincement au cœur supplémentaire.
03:07 Après, oui, en réalité, il y a un peu de culpabilité.
03:11 Parce que ce sont des projets personnels.
03:14 Parfois, je me demande, est-ce que je ne suis pas égoïste à faire passer mes projets personnels
03:18 un peu sur le devant de la scène et à devoir adapter le quotidien de ma fille à ces projets-là.
03:22 Et puis en même temps, elle est tombée sur moi comme maman,
03:26 elle est tombée sur Tanguy, mon mari, comme papa.
03:29 Et aujourd'hui, on a besoin de ça.
03:33 C'est notre métier, en fait, aussi.
03:36 Moi, je lui dis, pour l'instant, il n'a que 10 mois, mais on lui parle beaucoup.
03:38 On essaie de lui expliquer.
03:39 On se dit que petit à petit, elle va comprendre.
03:41 Et au fond, c'est notre travail.
03:42 On a beaucoup de chance d'avoir ce travail-là, mais c'est notre travail.
03:45 Donc, on lui explique qu'on part au travail.
03:46 En fait, il y a très peu d'exemples de femmes navigatrices
03:51 qui ont eu des enfants et qui ont poursuivi leur carrière au plus haut niveau.
03:54 On peut avoir envie d'une vie de famille et d'une vie professionnelle.
03:56 Et ça, c'est hyper difficile à expliquer.
03:59 Et je pense que ça m'aurait fait du bien de me rapprocher de schémas qui n'existaient pas forcément dans mon domaine en particulier,
04:04 mais dans d'autres secteurs.
04:06 Ça n'a pas toujours été facile.
04:08 Même aujourd'hui, pas forcément, parce qu'il y a des moments où je suis fatiguée.
04:11 Il y a forcément des moments où je doute.
04:13 Il y a des moments où je me dis, mais est-ce que j'ai le droit de faire vivre toutes ces choses-là à ma petite fille
04:17 ou on va la laisser pendant 15 jours, puis l'année prochaine, pendant trois mois ?
04:21 Et puis, il y a d'autres moments où je me dis juste que j'ai la chance d'avoir un métier extraordinaire.
04:24 Il y a des gens qui me soutiennent autour de moi.
04:26 J'ai des femmes que ça inspire autour de moi de poursuivre leur métier parce qu'elles en ont envie.
04:31 Ce n'est pas tout noir, tout blanc.
04:33 [SILENCE]