Le roman de Lewis Carroll, Alice au pays des Merveilles, n’était pas à l’origine une histoire pour enfants, mais un conte philosophique pour adultes. Loin d’être aussi absurde qu’il en a l’air, c’est une source d’inspiration inépuisable pour les stratèges. Alice a atterri dans un monde foisonnant, en changement perpétuel et de surcroît modifié par ses propres actes. C’est en s’ajustant à ses étranges lois qu’elle apprend, bien malgré elle, à être stratège. La stratégie commence avec la « vision » : c’est le point de départ obligé. La vision, c’est imaginer un ailleurs et y croire. C’est avoir un désir d’avenir, et la foi en sa capacité à le réaliser. Or ce n’est que dans le deuxième volume d’Alice au Pays des Merveilles, de l’autre côté du miroir, qu’Alice a arrêté sa vision, son objectif stratégique : devenir Reine à la place de la Reine. [...]
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00:08 Le roman de Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, n'était pas à l'origine une
00:13 histoire pour enfant, mais un conte philosophique pour adulte.
00:16 Loin d'être aussi absurde qu'il en a l'air, c'est une source d'inspiration
00:20 inépuisable pour les stratèges.
00:21 Alice a atterri dans un monde foisonnant en changements perpétuels et de surcroît modifiés
00:27 par ses propres actes.
00:28 C'est en s'ajustant à ces étranges lois qu'elle apprend, bien malgré elle, à être
00:34 stratège.
00:35 La stratégie commence avec la vision.
00:37 C'est le point de départ obligé.
00:39 La vision, c'est imaginer un ailleurs et y croire.
00:42 C'est avoir un désir d'avenir et la foi en sa capacité à le réaliser.
00:48 Or, ce n'est que dans le deuxième volume d'Alice au pays des merveilles, de l'autre
00:52 côté du miroir, qu'Alice a arrêté sa vision, son objectif stratégique, qui est
00:57 de devenir reine à la place de la reine, mais dans le premier volume, elle ne sait
01:01 pas encore et est plutôt perdue.
01:02 Mais le chat du chéchaï va lui faire comprendre pourquoi.
01:05 Avec son immense sourire, sa dentition humaine et sa capacité à ne faire apparaître qu'une
01:11 partie de son corps, le chat surgit sur une branche au moment où Alice entre dans le
01:16 bois.
01:17 « Pourriez-vous me dire quel chemin je dois prendre pour m'en aller ? » lui demande
01:21 Alice.
01:22 « Cela dépend beaucoup où tu veux aller » répond le chat.
01:26 En clair, il n'est pas de chemin pour qui ne sait où il va.
01:30 Sénèque dirait « Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne connaît pas son
01:33 port ». Ce n'est pas une évidence.
01:36 La plupart des décideurs ne ressentent pas le besoin de définir clairement leur vision
01:40 et de l'affirmer.
01:41 Ils croient que l'objectif est limpide pour leurs équipes comme pour eux.
01:44 Or, s'ils demandaient à leurs collaborateurs d'exprimer le but final de leurs actions,
01:49 ils découvriraient, comme tous ceux qui sont astreints à cet exercice, que tout le monde
01:54 ne va pas au même endroit.
01:55 La suite de l'histoire d'Alice permet de découvrir un deuxième principe stratégique
01:59 qui complète celui-là.
02:00 Lorsque le chat lui demande où elle va, Alice répond en soupirant « Cela m'est un peu
02:05 égal où aller ? » Le chat rétorque « Alors, peu importe quel chemin tu prends ? » Mais
02:11 Alice n'avait pas terminé sa phrase « Cela m'est un peu égal du moment que j'arrive
02:16 quelque part ». « Oh » conclut alors le chat « tu es sûr d'y parvenir si tu marches
02:20 assez longtemps ». Ce qui rejoint la maxime de Descartes dans le discours de la méthode
02:25 quand il se compare à un voyageur égaré.
02:27 Il affirme que celui qui ne retrouve plus son chemin doit avancer toujours tout droit
02:32 dans la même direction s'il veut avoir une chance d'arriver quelque part, et non
02:36 pas aller une fois à gauche, une fois à droite, s'arrêter, changer d'avis.
02:39 Car en allant droit, si vous n'allez pas forcément où vous désirez, vous arriverez
02:44 au moins quelque part et ce sera toujours mieux que de rester au beau milieu d'une
02:47 forêt.
02:48 En clair, pour être sûr d'arriver à bon port, il faut savoir maintenir son cap.
02:53 Troisième concept important qu'Alice va découvrir, le syndrome du bris, le danger
03:00 qui guette les stratèges qui n'ont connu que des victoires.
03:03 En ayant voulu grandir sans être capable de maîtriser sa croissance, Alice se retrouve
03:08 coincée dans la petite maison du Lapin Blanc, un bras bloqué dans la fenêtre, son énorme
03:12 corps bouchant toutes les issues.
03:13 Le Lapin et ses serviteurs essaient de la déloger, ils lui lancent des brouettes de
03:18 gravier et ils envisagent même d'incendier la maisonnette.
03:21 Alice s'affole.
03:22 Heureusement, les petits cailloux dont ils l'arrosent se sont transformés en petits
03:26 gâteaux qui lui permettent de retrouver sa taille normale.
03:29 Alice a été victime de la maladie du pouvoir, l'orgueil démesuré, le syndrome du bris.
03:35 Exactement comme ces dirigeants qui se sont lancés dans une bataille pour acheter une
03:39 entreprise et sont tellement obsédés par la volonté de l'emporter qu'ils font
03:43 de la surenchère, qu'ils s'endettent trop ou ils ne gardent plus les moyens nécessaires
03:46 pour investir par la suite.
03:48 Bref, ils perdent le sens des réalités et pour une victoire de court terme, font échouer
03:53 leur entreprise sur le long terme.
03:55 [Musique]