Vendredi 15 mars 2024, MARQUES & STRAT reçoit Julien Levilain (CEO, Buzzman) et Nathalie Cachet (Présidente, Score DDB)
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00:00 [Générique]
00:08 Bonjour à tous, bienvenue dans Mark & Stratt.
00:11 Je suis ravie de vous retrouver pour discuter ensemble des grands enjeux du secteur de la communication.
00:19 Comme chaque semaine, on va recevoir des professionnels du secteur, des annonceurs, des publicitaires qui viennent expliquer
00:27 leurs campagnes, leurs dernières activations, les défis auxquels ils font face en ce moment et puis l'ensemble aussi de leurs enjeux stratégiques, c'est important.
00:35 Alors au programme cette semaine, un changement de génération.
00:38 Ça se passe du côté de Buzzman, puisque vous le savez, Georges Mohamed Scherif a passé la main à Julien Levillen.
00:44 L'agence passe en quelque sorte à une ère plus collective avec aussi trois directeurs généraux.
00:50 C'est sans doute une façon d'assurer la transmission de la culture créative de cette agence singulière.
00:56 Julien Levillen sera avec moi dans quelques instants pour parler de tous ces sujets.
01:00 Et puis des dernières campagnes créatives de Buzzman, évidemment, on ne peut pas passer à côté.
01:05 Les vieux, c'est chiant. Alors rassurez-vous, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le claim de la dernière campagne des Jardins d'Arcadie.
01:12 Elle est signée Score des débets. Cette campagne vise à démonter un peu les clichés dont sont victimes nos seniors.
01:18 La nouvelle génération de vieux n'est finalement pas si vieille qu'on croit. Comment mettre un terme à l'ensemble de ces clichés ?
01:26 Bien Nathalie Cachet, qui est la patronne de Score des débets, viendra nous donner son point de vue là-dessus.
01:33 Bienvenue dans Mark & Stratt, c'est l'épisode 24.
01:36 Et pour commencer cette émission, j'ai le plaisir de recevoir Julien Levillen. Bonjour.
01:44 Bonjour.
01:45 Vous êtes le nouveau CEO de Buzzman, puisque Georges Mohamed Cherif vous a passé la main il y a maintenant quelques semaines.
01:50 Mais Georges est toujours là, il a gardé le titre de président et surtout de directeur de créa. Vous n'avez pas trouvé mieux en fait ?
01:57 Non, c'est difficile de trouver mieux. On est très content qu'il reste, c'est le plan, on ne sait pas du tout qu'il s'en aille.
02:04 C'est plus effectivement une façon de témoin qu'un départ. Il supervise toujours toute la création et on est très content que ce soit le cas.
02:14 C'est un truc qui s'est fait de façon progressive. Ava s'était monté au capital en 2019, je crois qu'ils avaient racheté 51%, aujourd'hui ils sont à 100%.
02:24 Mais ils s'étaient engagés à redonner des parts au management. Vous-même, vous avez décidé d'en redonner une partie à des salariés.
02:31 Pourquoi ce choix aujourd'hui ? Pourquoi procéder de cette façon en fait ?
02:35 Ava s'était à la base pas engagé, c'est juste que la qualité des cinq dernières années et la volonté de continuer l'aventure, eux et nous, a amené à cette discussion.
02:46 Et donc cette volonté de partage de l'Ava, de nous redonner une partie des parts.
02:50 Et après, nous, avec Georges et les actionnaires existants qui étaient déjà dans le premier deal, on a eu envie de partager avec les gens qui ont aussi participé fortement aux cinq dernières années.
03:04 Mais surtout, les gens dont on considère qu'ils seront ceux qui feront les cinq prochaines années, les dix voire les quinze prochaines, ça l'avenir nous le dira.
03:13 Et donc voilà, c'était vraiment une volonté d'avoir une vision plus collective de la suite et de partager avec ceux qui font l'agence aujourd'hui dans les 180.
03:21 Évidemment qu'on n'est pas deux ni cinq à la faire s'en est.
03:24 Vous êtes avec à vos côtés trois directeurs généraux. J'ai le sentiment de ce que j'observe de l'industrie aujourd'hui qu'on est passé un peu d'une époque où on avait des agences très incarnées, très fortement portées,
03:37 soit par un patron, soit par un directeur de créa et qu'aujourd'hui, on est plutôt dans une ère du collectif. Vous vous inscrivez là-dedans ?
03:45 Ouais, on s'inscrit là-dedans. Après, je pense que c'est aussi lié à... On a beaucoup de budget, il y a beaucoup de gens, il y a beaucoup de choses à incarner, etc.
03:57 Après, Georges restera toujours une tête de pont médiatique pour l'agence. On n'aura pas tous le même rôle de représentation.
04:04 Mais en revanche, faire que les décisions ne soient pas prises à un ou deux personnes, mais à plus, ça me semble plutôt aller dans le sens de l'histoire.
04:13 Et on espère que ça fait que les décisions qu'on prend sont meilleures. Je ne sais pas si c'est vraiment la volonté de s'inscrire dans une époque
04:22 ou le sentiment que c'était la bonne chose à faire et que c'était normal. Et qu'à un moment, c'est aussi un moyen de garder les gens avec lesquels on a envie de travailler dans l'agence,
04:30 parce qu'ils ont aussi des ambitions et des envies.
04:32 Et c'est aussi une façon de transmettre peut-être la culture de Buzzman qui est assez singulière.
04:36 Oui, tout à fait. On se dit souvent que quand on est une agence, on n'a pas de choses très concrètes, autres qu'une culture.
04:45 Une culture, ce n'est pas très concret, mais c'est sûr que c'est ce qui fait la différence.
04:49 Et ça passe autant par une atmosphère, une ambiance que des ambitions partagées en termes de ce qu'on fait, le type de campagne qu'on fait,
04:55 quel type de marque on a envie de bosser, etc. Et donc ça, évidemment, ça se transmet. Et ça se transmet à différentes échelles.
05:02 Et donc effectivement, ce management CDG, mais aussi le middle management en dessous,
05:07 ils sont dans la logique d'être imprégnés de cette culture pour la transmettre à tous les gens de l'agence.
05:13 Et le rachat par Avas n'a rien changé là-dedans ? C'est-à-dire, je me souviens, à l'époque, j'avais reçu Georges qui me disait
05:17 "le maître mot du deal, c'est l'autonomie totale". Vous êtes toujours là-dedans ?
05:21 Honnêtement, le deal a été respecté par Avas de A à Z. Il n'y a pas d'ingérence. On continue d'être libre.
05:31 Évidemment, notre liberté, on la gagne ou on l'achète par la qualité de ce qu'on fait et par les résultats de l'agence.
05:37 On n'est pas naïf. Mais en tout cas, de ce point de vue-là, on a une autonomie complète dans la gestion, dans les recrutements,
05:42 dans les choix des compètes, des pitchs sur lesquels on va, etc. Il n'y a aucune ingérence de leur part.
05:47 Cette réorganisation, elle change quelque chose dans votre façon de travailler aujourd'hui ?
05:52 Dans la façon de travailler, pas réellement. Je pense que le fait de cette réorganisation est l'encre des choses
05:59 qui existaient plus ou moins déjà ou qui étaient en chemin. Il n'y a pas de transformation majeure dans la manière de travailler.
06:09 Votre client sans doute le plus emblématique, c'est Burger King. Ça fait 10 ans de campagne cette année.
06:15 Qu'est-ce qui caractérise cette relation ?
06:19 Ça va être un peu cliché, mais je pense qu'il y a un niveau de confiance entre eux et nous qui est très élevé.
06:27 Souvent, les clients nous demandent comment on fait pour faire ça avec Burger King.
06:32 C'est un niveau de confiance qui est avec le recul et quand on regarde le marché, qui est quand même assez hallucinant.
06:40 Il y a énormément de volume. C'est 10 ans de campagne, mais aujourd'hui c'est 50 campagnes par an.
06:46 Pour réussir à faire ça en ayant une continuité dans la qualité, il faut se faire confiance.
06:51 Ils nous font confiance et on leur fait confiance aussi. Quand ils nous disent non à des trucs, c'est pour des bonnes raisons.
06:59 Cette confiance est aussi liée à la connaissance de la marque. Elle est vraiment ancrée dans énormément de gens de l'agence.
07:10 Il y a peut-être la moitié des gens de l'agence qui sont arrivés à travailler sur Burger King à un moment ou à un autre dans l'année.
07:15 Ils ont tous une connaissance assez innée de ce qu'est cette marque. Ils nous comptent rarement à côté.
07:21 Vos autres clients ne sont pas jaloux ?
07:23 Il faudrait leur demander. C'est sûr que souvent on nous demande de faire la même chose.
07:32 Il faut aussi la monestie de dire que toutes les marques ne sont pas les mêmes, ne se ressemblent pas à Burger King.
07:37 Avant même qu'on travaille dessus, c'est une marque extraordinaire. C'est une marque qui fait des choses extraordinaires dans plein de pays.
07:42 Nous sommes aussi des passeurs sur cette marque. C'est plus facile de faire des choses sur Burger King qu'il y a d'autres marques.
07:50 Les autres clients sont aussi contents du travail qu'on fait pour eux. Il est différent, mais je pense que les gens de Boursorama, d'Ikea, d'Uber Eats
07:58 ne sont pas jaloux parce qu'ils sont contents de ce qu'on fait pour eux. Les résultats sont là.
08:02 À la fin, c'est peut-être une inspiration, mais pas de la jalousie.
08:08 Justement, sur Uber Eats, vous avez une campagne qui vient de sortir. Elle est sortie dimanche.
08:16 Il y a des stars. Il y a un casting de stars. Il y a Léna Situation, il y a Sophie Marceau.
08:22 Je me faisais la réflexion qu'en ce moment, j'ai l'impression qu'il y a un peu le retour des stars dans les campagnes.
08:27 Je pense à Michel Polnareff pour Yomoni. Il y a eu, je crois, Gérard Darman pour Parion Sport il n'y a pas longtemps.
08:34 Comment ça s'explique ce retour ? C'est un peu surprenant, je trouve.
08:40 Comment ça s'explique ? Je n'ai pas de rationnel derrière, très honnêtement.
08:44 Est-ce que c'est du soft power des Américains ? Parce que pour le coup, quand vous regardez le Super Bowl,
08:49 c'est une orgie de stars dans tous les sens. Maintenant, ce n'est pas une star, c'est qu'un star.
08:54 Est-ce qu'on copie ou pas ? Je n'en sais rien. Je pense que c'est effectivement lié à ça.
09:05 C'est culturellement aussi la volonté pour les marques de s'ancrer dans des gens.
09:14 Parce qu'aujourd'hui, c'est difficile de créer des ponts très consensuels à travers des programmes, etc.
09:20 En revanche, il y a encore des gens, des stars, comme Sophie Marceau, qui fait l'unanimité auprès d'une très large population.
09:29 Finalement, il n'y a pas tant de produits culturels qui font cette unanimité.
09:36 Peut-être que les stars apportent ça. Et à l'inverse, des stars qui sont peut-être moins l'unanimité, mais plus niche,
09:41 eux, en revanche, ils ont une puissance, un impact. Parce que dans la campagne, il y a aussi SCH.
09:46 Il fait moins l'unanimité, mais en revanche, sur la cible sur laquelle il est fort, il est très fort.
09:51 Donc, ça fait sans doute des marqueurs et des moyens d'entrer en résonance avec la culture et les cibles.
09:58 Mais c'est vrai que je suis d'accord, on en voit de plus en plus.
10:03 Pourquoi ? Je ne sais pas trop. C'est des tendances.
10:07 Est-ce que c'est pour autant une garantie de succès ?
10:09 Non, je pense que ce n'est pas une garantie de succès.
10:12 Et je pense que c'est toujours pareil, la manière dont on les utilise joue énormément.
10:16 Quand on a fait Brad Pitt avec Bursorama il y a quelques années,
10:20 évidemment, Brad Pitt, c'est un événement en soi, mais le fait d'utiliser pour ne pas le faire parler,
10:24 ça rajoute quand même quelque chose de très important.
10:28 Nous, on ne croit pas trop à l'usage de stars en homme sandwich.
10:31 L'idée, c'est comment est-ce qu'on l'utilise d'une manière qui est soit inattendue,
10:35 soit qui a un clin d'œil à quelque chose qui est vraiment très lié à eux.
10:40 C'est quand même là où il y a besoin de la création.
10:42 Ce n'est pas juste un outil qu'on utilise et puis après ça marche tout seul.
10:46 Et ils sont faciles à convaincre ?
10:49 Je pense qu'il y a différents facteurs qui jouent, les marques et le projet.
10:54 La création, globalement, on ne va pas se mentir, c'est plutôt une galère.
10:58 Ils n'ont pas toujours très envie.
11:01 Ça va beaucoup dépendre de leurs actualités.
11:03 S'ils ont des actualités personnelles très fortes,
11:06 ils ne peuvent pas avoir envie de mêler à ça une campagne commerciale.
11:11 D'autres, au contraire, vont le voir comme une manière de mettre un spotlight sur eux
11:16 et donc de rendre leur actualité plus visible.
11:18 Franchement, les marques, ça joue beaucoup.
11:21 Je pense qu'évidemment, les grandes marques de luxe, les grandes marques de mode, etc.
11:24 c'est plus facile.
11:26 Donc, ce n'est pas simple.
11:29 Quand on se lance là-dedans, il faut avoir en tête qu'on peut se prendre des murs.
11:34 Mais en revanche, c'est quand même assez excitant, c'est quand même assez marrant.
11:38 Quelle serait votre vision, vos envies, vos ambitions pour Buzzman sur les 5, 10 prochaines années,
11:44 maintenant que vous en êtes à la tête ?
11:48 Ma première ambition, c'est de faire que ce qu'on a construit pendant 15 ans perdure.
11:55 Je pense qu'à un moment, ce qui est difficile dans ce métier, c'est de durer.
12:00 Donc, si dans 10 ans ou dans 5 ans, Buzzman est toujours une des agences
12:07 avec la plus grosse réputation créative dans Paris, ce sera déjà un succès.
12:11 Et après, l'autre ambition, c'est qu'il y ait des gens beaucoup plus talentueux que moi,
12:18 beaucoup plus talentueux que Georges, qui prennent les rênes de l'agence.
12:21 Ça, c'est la deuxième ambition, c'est de réussir à faire éclore des gens qui ont des talents hors normes.
12:26 Merci beaucoup, Julien Le Villain. Je rappelle que vous êtes le nouveau CEO de Buzzman.
12:29 On poursuit cette émission en compagnie de Nathalie Caché. Bonjour.
12:36 Bonjour Aurélie.
12:37 Nathalie, vous êtes présidente de Score DDB, l'entité retail de DDB,
12:41 et vous signez une campagne pour les résidences seniors, les jardins d'Arcadie.
12:45 On va y revenir, mais d'abord, je voudrais quand même qu'on parle de la place des seniors dans les images publicitaires.
12:50 Les femmes de plus de 60 ans, par exemple, ne sont représentées que dans 5% des cas.
12:56 Ça me paraît très, très peu. Comment ça s'explique, Nathalie ?
12:59 En fait, effectivement, les chiffres sont assez étonnants. On s'est penchés sur le sujet.
13:05 Et effectivement, c'est un sujet pour l'instant qui ne s'explique pas vraiment.
13:08 En fait, je pense qu'il y a quand même une gêne et un problème de représentation des gens
13:14 avec un vrai décalage justement entre la réalité de ce que sont ces gens et leur représentation.
13:20 Alors c'est vrai qu'il y a des campagnes, il y a Airbnb, il y a Lacoste,
13:24 qui ont représenté dernièrement de façon assez juste et assez jolie justement des seniors.
13:29 Mais dans la réalité, peu de marques le font.
13:32 Ou alors ils le font de façon un petit peu caricaturale pour montrer des gens aigris, des gens qui râlent ou des gens très fragiles.
13:39 C'est vrai qu'il y a des choses qui bougent. On voit dans la mode, dans les défilés, on voit Balmain, on voit Eris Apfel,
13:45 on voit Hélène Miron qui a 79 ans, on voit Maggie Smith qui en a 88 qui existent et qui sont aigris.
13:55 Mais dans l'univers de la communication, les seniors sont très très peu représentés.
14:00 Et en fait, ce qui est quand même au-delà de la comme pure et dure, c'est qu'il y a un vrai sujet qui est celui de l'agisme.
14:06 L'agisme, c'est en fait porter des préjugés négatifs sur les seniors par rapport à leur âge.
14:13 Et en fait, il y a des études qui prouvent que cet agisme, c'est un vrai problème de société parce qu'il a des conséquences vraiment négatives sur les gens.
14:20 Et par exemple, les seniors, ils sont entre 70 et 94% à dire qu'ils se sentent victimes d'agisme.
14:26 Ça a des conséquences sur leur santé physique avec du stress et des maladies cardiovasculaires,
14:32 leur santé mentale avec de l'humiliation, du repli sur soi et des choses qui vont jusqu'à de la dépression,
14:38 sur des comportements d'isolement et même sur l'espérance de vie.
14:43 Donc c'est un vrai sujet de société vraiment important.
14:46 Et c'est vrai qu'il y a tellement peu de représentations de ces seniors qu'en fait, ils sont 80% à se dire "c'est que des stéréotypes et je ne me reconnais pas dans ces campagnes".
14:56 Et c'est d'autant plus surprenant qu'avec le vieillissement de la population, cette population-là tend à croître en termes de poids.
15:06 Et donc c'est comme si on ignorait un peu toute une partie de la population, Nathalie, non ?
15:10 Oui, complètement. Alors c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses qui se passent sur plein d'autres populations qui sont mises en avant.
15:15 Mais sur le phénomène des vieux, clairement, les choses ne bougent pas beaucoup.
15:21 Selon vous, est-ce que les vieux d'aujourd'hui sont les mêmes qu'hier ?
15:24 Ah non, alors ça, c'est... On a ce qu'on appelle les nouveaux vieux.
15:28 Alors c'est vrai qu'avant, il y avait toute une génération qui avait fait la guerre.
15:33 Nos anciens vieux, ils avaient fait la guerre et eux, c'était dans l'ordre des choses naturelles de vieillir, de devenir des petits vieux.
15:41 Là, on a une nouvelle génération, il ne faut pas oublier. Elle a grandi avec les Rolling Stones.
15:44 Elle est née avec les Rolling Stones, le début des Rolling Stones.
15:47 Elle a fait toute la révolution sur le plaisir, la société de consommation, la jeunesse.
15:52 C'est la génération qui a grandi avec des Jacques Dutronc, avec des Catherine Deneuve qui ont 80 ans maintenant.
16:01 Des Jeanne Fonda qui ont 86 ans.
16:05 Et c'est une génération qui a très bien vieilli.
16:07 Donc nos vieux de maintenant, ce ne sont plus du tout les mêmes.
16:11 Et alors ce qui est à l'opposé un petit peu étrange, c'est que en étant née dans cette génération de la jeunesse et du culte de la jeunesse,
16:21 maintenant ils subissent les effets négatifs de cet agisme par rapport à la jeunesse.
16:27 En tant que publicitaire, vous avez déjà travaillé sur ce sujet, notamment pour une marque Damar.
16:32 Comment est-ce que vous avez tenté de rectifier justement les choses sur cette image de nos vieux ?
16:39 Damar, c'était une marque qui communiquait beaucoup sur des égéries qui étaient très jeunes.
16:43 Et à un moment, il y avait un décalage entre la réalité de l'offre produit et le vêtement porté par des jeunes femmes.
16:53 Et il y a eu en 2017 un projet de loi qui obligeait les marques à annoncer quand la photo était retouchée.
17:02 Donc on a décidé un petit peu volontairement, on a décidé justement de profiter de ça, d'avoir une campagne qui disait "photo non retouchée"
17:10 en ayant une mannequin senior très belle avec ses rides, etc., qui a décidé de s'assumer complètement.
17:18 Et à l'époque, il y a eu même une enquête avec OpinionWay justement pour voir un peu la perception des seniors.
17:23 Et les femmes seniors étaient perçues comme des femmes isolées, attentistes, complètement en opposition avec la réalité de la vie.
17:33 Vous avez aujourd'hui une campagne un peu dans le même esprit qui sort pour casser les clichés.
17:39 C'est pour les résidences seniors, les jardins d'Arcadie. Quel était le brief de départ, Nathalie ?
17:43 Moi j'aime bien comprendre d'où ça part.
17:45 Alors déjà, c'est parti de comment on va créer du trafic dans des résidences seniors.
17:52 La demande de base était ça. On est arrivé en plein scandale Ehpad.
17:57 C'était assez compliqué. On a rencontré des équipes des jardins d'Arcadie, super, on les a trouvés très bien.
18:03 Mais on s'est dit, il se passe quand même des choses, on ne connaissait pas très bien cet univers.
18:07 Donc on est allé à la rencontre des résidents et dans les résidences pour rencontrer ces gens et voir la réalité de la vie.
18:13 Honnêtement, si on avait rencontré des gens malheureux et autres, on n'y serait pas allé, on n'était pas à l'aise avec le sujet.
18:18 Et là, on a découvert une autre vie de gens heureux, épanouis, peut-être même plus qu'avant dans leur vie,
18:27 qui font du sport, qui partagent, qui s'amusent. Vraiment, c'était incroyable.
18:32 Donc nous, on s'est dit, dans cette démarche, le premier levier qu'on va faire,
18:35 on va lever le frein de "les résidences pour seniors, c'est pas bien".
18:40 On a voulu montrer la réalité de la vie en résidence.
18:43 Puis après, on s'est dit, il faut qu'on montre la réalité de la vie de ces gens, la réalité de ces gens tels qu'ils sont.
18:49 Montrer que ce n'est pas des gens séniles, des gens tristes.
18:54 Et on a découvert, d'ailleurs, on a fait le tournage dans les résidences de Versailles et de Breil-Mademaison avec des vrais résidents, en partie.
19:01 Je peux vous dire que le tournage, ils sont loin de manquer d'énergie, d'autonomie.
19:06 Ils nous ont fatigués, en fait. Ils nous ont épuisés. Ils étaient beaucoup plus à l'aise que nous.
19:10 Et vraiment, c'était incroyable. Vraiment, ça a été une découverte.
19:14 Et voilà, c'est de là où c'est parti, en fait.
19:17 On va regarder tout de suite ce que ça donne.
19:19 Oh, les vieux, c'est chiant.
19:22 Ils sont jamais contents.
19:26 Ils ne bougent pas de leur fauteuil.
19:29 Et ils mangent tous les jours la même chose.
19:32 Les vieux, c'est pas compliqué. À 18h, c'est hop, au dodo.
19:36 Les vieux, ça fait que des trucs de vieux.
19:39 Mais les vieux, aujourd'hui, ils sont plus si vieux.
19:43 - Effectivement, c'est plein de vie. - Oui.
19:46 Ils ont été faciles à convaincre quand vous leur avez dit "Bon, alors, on va vous faire passer devant la caméra".
19:51 Alors, à convaincre, oui.
19:53 Franchement, ils ont été hyper demandeurs.
19:56 Mais en plus, ils ont plein d'activités. Théâtre, ils ont plein d'activités.
20:00 Expo, rencontres, etc.
20:03 Donc, en fait, ils sont très à l'aise avec ce genre de choses.
20:06 Donc, franchement, ça a été très facile.
20:08 Ce qui a été plus difficile au début à convaincre, c'est de faire en sorte qu'on soit choisi pour cette campagne un peu disruptive.
20:16 Qui parle de vieux, qui parle de vieux clichés.
20:19 Et voilà, c'était ça qui était un peu plus compliqué.
20:23 Mais on voulait vraiment avoir quelque chose qui marque fort.
20:26 Et quelle a été leur réaction après le tournage ?
20:29 Alors, on a fait... La réaction, elle a été excellente.
20:32 Honnêtement, même au-delà de nos espérances, pour être très honnête.
20:36 C'était quand même risqué, parce qu'on parlait de vieux.
20:40 On parlait... Les vieux, c'est chiant.
20:42 Donc, voilà, on y allait carrément.
20:44 Et puis, on avait en plus le risque de se dire "Est-ce qu'on passe pas d'un cliché à un autre de vieux de 80 ans qui s'amusent comme des jeunes de 20 ans ?"
20:52 Donc, il y avait tout ce risque.
20:53 Et bien, en fait, on a fait un post-test de campagne auprès des cibles.
20:57 Et on est à plus de 90% de taux d'agrément, de justesse, de valorisation de la cible, de gens qui se sentent à l'aise.
21:03 Et on a entendu des barbatimes qui étaient très touchants en disant "Plus je vieillis, plus je me sens jeune et je me ressens complètement dedans".
21:10 Donc, non, l'accueil est parfait.
21:13 Et en plus, les chiffres de trafic sont importants.
21:16 Donc, je ne peux pas vous les donner, puisqu'on est en plein dedans.
21:18 Mais en tout cas, il y a beaucoup de gens qui demandent, que ce soit des gens âgés ou leurs enfants, parce que c'est aussi une cible,
21:25 qui demandent beaucoup de renseignements pour aller dans ces résidences, qui leur donnent envie d'y aller.
21:29 Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour continuer à lever un peu tous ces clichés dont on parlait ?
21:34 Il faut que l'industrie peut-être s'engage un peu plus globalement.
21:38 Alors déjà, il y a le président Macron qui veut augmenter, qui veut accroître la natalité.
21:43 Donc, on va se dire que ça fait partie de la donnée de base.
21:49 Mais évidemment, il faudrait que les gens...
21:51 En fait, je pense qu'il faut retrouver une distance normale par rapport à cette population.
21:56 Arrêter de la voir comme, justement, ce fameux stop au vieux cliché.
22:00 Se dire que, effectivement, ce ne sont plus les mêmes vieux.
22:04 Nos nouveaux vieux, ils sont vraiment plein de vie et plein de dynamisme.
22:07 C'est vrai que les marques, la communication, montre beaucoup les générations Y et Z.
22:12 La réalité, c'est aussi d'un point de vue financier, nos nouveaux vieux, ils ont une part importante dans le pouvoir d'achat.
22:20 Et qu'effectivement, il faudrait continuer.
22:22 Mais c'est vrai que tout ce qui se passe, quand même, de plus en plus, on voit...
22:27 Comme on s'est dit tout à l'heure, il y a plein de populations qui sont mises en avant qui n'étaient pas avant.
22:31 Il faut que, effectivement, l'industrie donne plus de place à nos nouveaux vieux.
22:36 Parce que je pense que l'avenir, la place est grande pour eux, en tout cas.
22:41 Comment est-ce que vous faites quand vous êtes sur une campagne comme ça pour trouver le juste ton ?
22:46 Parce que vous le disiez, le risque c'était de tomber d'un cliché à un autre.
22:50 Oui, en fait, on teste beaucoup. On a fait beaucoup d'essais.
22:56 On a interrogé des gens autour de nous. On a interrogé des gens en résidence.
23:00 En fait, on est très à l'écoute. On a essayé vraiment de ne pas tomber, comme vous disiez, dans ces clichés.
23:07 En partageant, en écoutant, en faisant des pré-campagnes et en les validant auprès de la cible pour s'assurer qu'on soit juste.
23:17 Et puis, après, on va se dire un truc. Alors, bien sûr, on a tous demandé à nos parents comment ils ont fait le truc.
23:23 Ça a été un grand mouvement collectif.
23:27 On a été très surpris agréablement de voir que ça créait un vrai élan collectif de bonne humeur et de plaisir, de zirabâche.
23:38 Enfin, on nous reconnaît telles qu'on est. On n'est pas ces vieux ringards qu'on a tendance à montrer en permanence.
23:46 Merci beaucoup, Nathalie Cachet. Je rappelle, vous êtes la présidente de SCORE DDB.
23:51 C'est la fin de cette émission. Merci de nous avoir suivis. Bien sûr, vous pouvez la retrouver en replay, comme d'habitude, sur le site bsmart.fr,
23:59 mais aussi en podcast sur l'ensemble de vos plateformes d'écoute habituelles.
24:03 N'oubliez pas de vous abonner et passer une très belle journée sur Bsmart. A la semaine prochaine.
24:09 [Musique]