Aujourd'hui, impossible d’évoquer la haute gastronomie française sans citer la maison Troisgros. Cette maison, qui depuis 1968 est triple étoilée au Michelin, intrigue par sa longévité. Trois générations de chefs ont su faire progresser sans cesse l’art familial. Depuis un an, Michel Troisgros a laissé les commandes de la cuisine à son fils César. César incarne la quatrième génération. Plus terrien et végétal que son père, il utilise la nourriture pour créer des émotions. Ses mets font frémir nos narines, excitent nos sens, créent des sensations visuelles, tactiles, olfactives, auditives, gustatives. Le repas est pensé comme une œuvre éphémère. Le but du film sera de traduire en image de cet art des sens.
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00:44 On a quatre générations de cuisiniers, c'est quand même assez magique.
00:47 Il n'y a pas de mots pour l'expliquer, il n'y a pas de secret pour ça.
00:51 Je n'ai pas trouvé encore les raisons pour lesquelles moi-même j'ai choisi de faire comme mon père.
00:57 Je ne sais pas réellement pourquoi mes enfants font comme moi, mais voilà, c'est assez magique.
01:01 De vivre une grande épopée comme ça, familiale, et de sentir que derrière moi, derrière nous,
01:07 derrière Marie-Pierre et moi, on a nos enfants qui vont prolonger cette histoire.
01:13 Je ferai l'équivalent d'un dashi, tu ne feras pas le...
01:15 Le froid réduit après.
01:16 J'ai fait mon temps où finalement c'est moi qui mettais le point final au développement d'un plat,
01:24 et puis à un moment ça a basculé, j'ai accepté que ce soit César qui mette le point final,
01:29 et maintenant on en est au point où il construit et met le point final.
01:32 Tu ne m'as pas dit que tu faisais avec des cèpes blanchies.
01:35 Ça fait dix ans déjà qu'il a une maturité, mais bien sûr elle a grandi cette maturité.
01:39 C'est moi qui n'étais pas mature pour partir.
01:41 Je me sens encore vif, passionné, j'ai besoin de l'énergie de l'entreprise, des jeunes, pour exister,
01:51 donc je ne suis encore pas prêt à tout laisser.
01:52 Qu'est-ce qu'on fait ? Un pigeon au cacao ? Un lièvre ?
01:56 Ce n'est pas facile parce que je réalise bien qu'il n'y a pas seulement le fils qui pousse,
02:01 mais il y a aussi le temps qui passe sur moi.
02:03 Je réalise combien ma fertilité d'aujourd'hui, mon agilité physique d'aujourd'hui n'est plus celle qu'il était.
02:11 Et pour faire la cuisine, il faut les deux.
02:13 C'est un métier physique, mais c'est aussi un métier dans lequel il y a un engagement intellectuel.
02:18 Aujourd'hui, c'est César qui a la maîtrise de la cuisine, la maîtrise totale de la cuisine,
02:27 dans tous ses aspects artistique, organisateur, agitateur même, je dirais,
02:35 parce qu'il ne s'agit pas de ronronner, il s'agit bien d'aller de l'avant.
02:39 Écartez les herbes, les gars, écartez, écartez.
02:43 Ne faites pas un monticule d'herbes.
02:45 C'est un cache-cache d'écrevisse.
02:47 Ce n'est pas joli, un truc comme ça, faites un plat.
02:50 D'initier, de modifier, de triturer les choses pour les faire évoluer.
02:56 Service, s'il vous plaît.
02:58 On a envie d'amener de la cuisine, de la gourmandise par des cuissons, par des techniques,
03:05 mais qui viennent souligner, qui ne sont jamais le devant du plat.
03:10 Le plat d'écrevisse, on cherche à amener un petit goût de fumée,
03:15 on passe les écrevisse sur le grill,
03:17 et une cueillette d'herbe qui vient assaisonner les écrevisse,
03:21 les herbes fraîches, frites, on amène de la texture avec les herbes frites,
03:26 qui est très intéressante, et on se rend compte que le craquant d'écrevisse,
03:30 quand on croque dans une écrevisse, c'est assez craquant,
03:33 ferme, le craquant des feuilles frites, la texture aussi des feuilles fraîches,
03:41 qui peuvent être quand même assez texturantes en bouche,
03:44 et ça fait des niveaux de croquants, craquants différents,
03:48 qui créent des émotions dans le plat.
03:51 J'ai mis l'oseille, là, l'oseille rouge.
03:55 Il manque une canette, elle sera bonne.
04:00 C'est tout bon, il manque le beurre là-dessus.
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04:06 Comme nouveau plat, en ce moment, on a les premières truffes blanches italiennes qui arrivent,
04:21 avec des têtes de brocolis, des brocolis âgés,
04:25 qui font des petites têtes comme ça, juste grillées,
04:28 quelques anchois, zeste de citron,
04:32 et puis après assaisonnées avec un beurre d'écrevisse,
04:36 et truffes blanches frappées dessus, c'est magnifique.
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04:44 Je crois que c'est comparable à toutes les activités artistiques.
04:48 C'est passionnel, quelque part.
04:50 Le but, c'est en effet de satisfaire,
04:55 mais d'aller au-delà même, de créer quelque chose d'inoubliable.
05:00 Alors cette feuille, c'est du caviar pressé.
05:04 Comment c'est venu ?
05:06 Alors, c'est pareil, c'est un cheminement assez long.
05:10 J'ai voulu travailler le caviar pressé, qu'on appelle le caviar des connaisseurs,
05:14 parce que c'est tous les œufs qui, au moment du tri des œufs des surgeons, sont moins jolis,
05:21 ils sont écartés des sélections pour faire des types de qualité de caviar.
05:27 On les sale, comme le caviar, et on les presse ensuite dans des linges.
05:33 On n'a plus du tout la texture du grain, mais on a une texture pommadeuse,
05:37 ce qui est très intéressant.
05:38 Il y a un intérêt de texture, et surtout gustatif, parce qu'il est vraiment très puissant.
05:44 Et en fait, je me suis rendu compte en voulant travailler,
05:47 ce caviar pressé, on pouvait l'étaler très très finement, comme ça,
05:52 entre deux feuilles de papier, et en faire comme une feuille.
05:55 Et au moment où on travaillait là-dessus, la saison des asperges est arrivée,
06:00 je me suis dit "tiens, pourquoi pas avec une asperge ?"
06:02 Et puis on a mis le plat au point, on s'est rendu compte que ça marchait très bien,
06:06 on a ajouté une crème de noisette aussi dans ce plat.
06:08 Crème de noisette, zeste de citron jaune,
06:11 et ça a été un plat qui a marqué un petit peu les clients,
06:17 parce que c'est cette association, ce jeu de texture, en fait,
06:20 entre le caviar pressé, qui, dès qu'il est en bouche, finalement,
06:24 fait un peu comme un caramel, ça colle un peu aux dents, ça colle au palais,
06:27 puis après ça fond, et donc ça crée une persistance aromatique,
06:31 parce que sa texture fait que ça imprègne l'intérieur de la bouche,
06:36 et du coup on fait en mesure de la dégustation du plat,
06:39 même si vous ne mangez plus le caviar, vous ne mangez qu'un morceau d'asperge,
06:42 vous avez encore la persistance aromatique, et ça c'est assez intéressant.
06:46 Ne croyons pas que tout le monde peut être artiste.
06:58 L'artiste, c'est quelqu'un qui a une totale maîtrise du travail,
07:03 dans tous ses aspects qu'il réalise.
07:05 Avant de vouloir être artiste, il faut être un artisan qui maîtrise.
07:08 Il faut avoir la patience d'apprendre, toute la construction de la connaissance,
07:11 le solfège, où on commence à se familiariser avec l'instrument.
07:18 Et là, il y en a plein d'instruments, parce que la cuisine, c'est le garde-manger,
07:22 la cuisine, c'est les poissons, et la connaissance des poissons, théorique,
07:25 savoir-faire, savoir de la main, etc., expérience, le savoir-faire de la cuisson,
07:31 les sauces, quelles sauces, parce que c'est les sauces du côté des crustacés,
07:36 des coquillages et des poissons, ou est-ce que c'est les sauces rôtisseurs,
07:40 en tant que viande, etc. Il faut des années d'apprentissage.
07:43 Il y a Léo, qui est cuisinier, dans la famille aussi,
07:55 donc le plus jeune frère de César, qui lui aussi est cuisinier,
08:00 lui aussi a son talent, et il a décidé de l'exercer dans un autre endroit,
08:06 la colline du Colombier, où il excelle, on va dire, là aussi.
08:09 Léo n'a pas les mêmes moyens pour cuisiner que César.
08:13 Léo, on pourrait dire que la pression, il en a une, une incertaine,
08:17 parce qu'il s'inscrit dans la dynastie Troigron, la tendre virage aussi,
08:20 et même s'il n'est pas étoilé, même s'il est passionné par ce qu'il réalise,
08:25 ce qu'ils ont en commun, vraiment, c'est le sens de l'assaisonnement,
08:29 et en particulier de l'acidité, ça ils l'ont en commun.
08:33 L'un et l'autre apprécient ce qui n'est pas sophistiqué,
08:40 une cuisine qui a avant tout du goût, mais en même temps qui est belle.
08:44 Ils ont en commun une forme de pureté, finalement.
08:51 Je cherche une émotion, et à travers cette émotion,
08:55 il faut forcément trouver un équilibre dans le plat.
08:58 C'est rare qu'un plat marche du premier coup.
09:01 Il faut vraiment goûter plusieurs fois pour trouver l'équilibre
09:04 entre plusieurs ingrédients qui créent cette harmonie et du coup l'émotion.
09:08 Je n'ai pas de règle, c'est vraiment ce que je ressens quand je goûte le plat.
09:13 Je ne cherche pas à créer de nouvelles saveurs, de nouvelles matières,
09:17 de nouvelles techniques.
09:19 J'essaie plutôt de mêler des saveurs, moi.
09:22 C'est vraiment comme ça que je crée, en essayant de créer une harmonie
09:25 entre plusieurs goûts, et puis après en créant une originalité dans le visuel.
09:30 C'est le goût qui est important en premier, mais après le visuel a une importance.
09:34 En tout cas, quand l'assiette arrive, quand elle est appétissante,
09:37 quand elle est belle, ça donne envie.
09:50 À suivre, trois cochons, un poulet enfant, trois ongles.
09:54 À suivre, une dariole enfant, quatre darioles, une rhubarbe, un moulin rouge.
09:57 Sept couverts qui passent, trois rouges, deux betteraves...
10:02 À chaque fois que je dois créer une recette, ça part souvent d'un aliment,
10:07 mais parfois ça part d'un plat ou d'une vieille recette, en fait,
10:11 que j'ai envie de retravailler.
10:13 Je travaille beaucoup avec mes souvenirs.
10:16 Je cherche quelque chose dans ma mémoire qui m'a plu à un moment donné.
10:20 Je ressors des choses de mes voyages, mais aussi de mon bagage de chef cuisinier,
10:25 qui n'est pas si long, il a quatre ans.
10:28 Mais parfois, il y a des choses que j'ai faites que je vais ressortir
10:31 parce que j'ai beaucoup aimé.
10:33 J'ai déjà en tête ce que je vais travailler, puis après on goûte, on goûte.
10:37 Donc il faut au minimum deux à trois semaines pour avoir le plat au point.
10:43 Là, c'est le jus de viande, c'est le fond de veau qui est cuit pendant quatre jours,
10:47 jours et nuits, sans coloration.
10:50 C'est la technique de mon grand-oncle et de mon grand-père.
10:54 Ensuite, on la passe, on la réduit.
10:58 On passe de 60 litres à 5 litres de concentration de viande.
11:02 C'est la base de toutes nos sauces.
11:04 Toutes ces connaissances, je les ai peut-être piquées de mon grand-père et de mon père.
11:09 Ce sont des choses que j'ai emmagasinées.
11:11 J'ai vu mon père procéder à la création de divers plats quand j'étais plus jeune.
11:17 Et mon père me faisait goûter le plat à un moment donné.
11:20 C'est là où il a vraiment développé cet aspect de la cuisine au vinaigre,
11:24 la cuisine au citron, la cuisine acidulée.
11:27 Et moi, mon palais s'est formé à ce moment-là.
11:31 Et c'est là où j'ai découvert toutes les saveurs qui pouvaient exister en cuisine,
11:35 enfin toutes celles de mon père en tout cas.
11:38 Et celle-ci est aujourd'hui un élément marqueur de la mienne d'ailleurs.
11:42 Mon palais a besoin de citron et d'acidité.
11:47 Service s'il vous plaît.
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12:16 J'aime bien changer des plats une entrée, un plat et un dessert à peu près toutes les deux semaines.
12:23 De changer, ça permet d'alimenter la créativité et de redonner du plaisir à notre métier,
12:30 d'éviter la routine en fait.
12:32 Je déteste, j'ai peur de la routine.
12:35 C'est pour ça que ce métier me fascine.
12:39 Il y a une créativité qui est sans fin.
12:42 C'est pour ça vraiment que ce métier me plaît.
12:46 J'adore le foie de veau depuis que je suis petit.
12:49 Et vu que j'adore les abats, c'est pour ça que j'ai travaillé le foie de veau.
12:52 Ce foie de veau est accompagné d'une sauce, un jus de veau vinaigré,
12:56 une pointe de piment qui est un tout petit peu mielé, qui ramène un peu de sucre pour adoucir le piment.
13:01 Je rajoute des noix concassées qui viennent adoucir justement ce piment.
13:05 Et dessus, des poireaux taillés en julienne que je fais frire à une température qui n'est pas de 180 degrés,
13:11 un peu plus basse, ce qui permet d'avoir le croustillant sans avoir l'amertume de la friture.
13:16 Je pose un nid de friture sur mon foie et dessus, j'ai posé des petits oignons aigre doux marinés au caramel et au saffran.
13:23 Et tout ça, voilà, crée un équilibre et on va dire une fantaisie au foie que les clients adorent.
13:30 Si un jour, avec Lisa, on a une étoile Michelin, eh bien on l'aura.
13:40 Voilà, mais ce n'est pas notre mission.
13:42 Avec Lisa, on a envie de créer un lieu atypique où on se sent bien et où on mange bien et où on boit bien.
13:51 C'est un ensemble, c'est un lieu, c'est une cuisine. On reçoit les gens, on leur fait passer un beau moment.
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14:30 J'ai de la chance d'avoir une famille très équilibrée. On s'aime tous.
14:35 Mes parents sont ensemble depuis qu'ils ont 16 ans. Ils ont fait l'école hôtelière ensemble.
14:40 Ça a toujours été une harmonie entre ma mère qui s'occupait de toute la partie hôtellerie, restauration, décoration,
14:49 et avec mon père qui était dans la partie cuisine.
14:52 Et tout ça, on l'a partagé dans notre enfance au milieu de repas de famille.
14:57 C'est ce qui crée notre lien, notre force. C'est ce qui fait qu'on est tous soudés en famille, vraiment.
15:02 Je n'aime pas ces odeurs pas naturelles.
15:07 Je pense que dans les trois étoiles, tous les Français ou même les étrangers,
15:12 ce qui est intéressant, c'est que chacun a sa personnalité.
15:15 Les clients vont aussi parce qu'ils vont découvrir un homme, une famille ou des gens qui ont fait une maison,
15:23 un peu avec leur tripe quand même, ou avec leur goût.
15:26 Et c'est ça qui est intéressant aussi, les trois étoiles, c'est la personnalité des personnes qui la tiennent.
15:32 Je pense que c'est tellement fait du cœur. Nous, on travaille dans ce sens-là.
15:37 Moi, je ne parle jamais de déco, je parle plutôt d'atmosphère ou d'ambiance.
15:41 Je n'aime pas ce mot décoration. En fait, on a travaillé ça comme une maison.
15:46 Il y a plein de choses. Ce vase, c'est mon beau-père qui me l'a offert. Il vient du Japon.
15:51 J'aime bien notre vie. C'est ce qu'on aime, tout simplement.
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16:21 C'est tous les anciens menus qu'on a retrouvés dans les archives.
16:24 Vous avez le Guinée-Michelin, septembre 59. J'ai été née Michelin 61, 62, 63 et là 60, 61.
16:37 L'hôtel moderne. Et si vous regardez les plats, c'est très drôle moi je trouve.
16:43 Parce que quand même, il y a du caviar, mais vous pouvez avoir une salade de tomates aussi.
16:50 C'est drôle ce mélange.
16:54 Mon rôle, c'est de m'assurer que tout le monde fait bien son travail au niveau de l'hôtellerie, de la restauration, du ménage, des jardins.
17:01 Je supervise un peu tout ça. On va dire que je suis une maîtresse de maison.
17:07 C'est à partir du moment où un client réserve, on fait absolument tout noter, tout ce qu'on a écouté.
17:14 C'est-à-dire si vous parlez d'un anniversaire, de quoi que ce soit, tout est noté. Il faut toujours aller dans ce sens-là.
17:20 Il sait qu'il va être bien accueilli, il sait qu'il va avoir l'attention qui l'attend.
17:25 Puis il faut être à l'écoute. Il faut vite analyser ses besoins.
17:29 Tout ça pour une soirée, donc c'est très éphémère en fait.
17:33 Si vous pensez à un repas, c'est tellement éphémère.
17:40 Oui, c'est une fierté. Je ne le dis pas trop parce qu'il ne faut pas non plus en rajouter.
17:46 Mais intérieurement, c'est quand même un résultat qui est formidable.
17:52 Depuis que Michel s'est plus retiré de la cuisine, César s'exprime beaucoup mieux. C'est normal.
17:58 Je pense que César a une cuisine encore plus terrienne que Michel et que Jean et Pierre.
18:09 Il n'est plus végétal. Il aime la nature. Ça l'inspire beaucoup.
18:15 Je pense que moi, je trouve qu'elle est très élégante sa cuisine, mais bon, je suis la maman.
18:19 Forcément, je ne veux pas dire des méchancetés du tout.
18:25 César, il a forcé, mais c'est aussi sa génération, sur le végétal.
18:34 La créativité en cuisine, c'est de la recherche, mais on t'attend tout le temps.
18:39 On ne sait jamais vraiment où on va. On a des choses sous la main.
18:43 On va au marché. On a une idée en tête de quelque chose qu'on a goûté quelque part.
18:49 On a vu quelque chose. On a échangé avec quelqu'un qui nous a parlé de quelque chose.
18:54 Un client, un ami, un artiste. Ce que nous offrent nos producteurs.
18:59 On fait du porc en plein air, en fait, dans la nature.
19:03 On ne peut pas parler d'un produit, ni même le travailler sans savoir d'où il vient.
19:09 Qui a pris soin de le faire ? Comment ? Pourquoi ?
19:13 Ça prend énormément de temps, d'ailleurs. Il faut le trouver, ce temps-là.
19:17 Je suis attentif à ce que l'éleveur va nous partager dans sa vision, déjà.
19:24 Pourquoi il l'a fait comme ça et pas autrement ?
19:27 Après, il y a une écoute. Puis, il y a le goût, la texture, la qualité du produit final.
19:37 On est là pour les découvrir. En restant enfermé dans votre restaurant, vous ne les découvrez pas.
19:48 Donc, ces gens-là, souvent, il faut y croire, il faut les suivre.
19:53 Il faut encourager les personnes pour produire des choses magnifiques.
19:59 Dans le marché, déjà, je cherche à entretenir un lien avec les producteurs présents.
20:07 Ça, c'est important.
20:09 Voir, toucher, sentir, s'inspirer. Toujours en cherchant, en fait.
20:14 C'est la curiosité permanente.
20:16 On va au marché et on se dit « tiens, mais je n'avais pas pensé à ça ».
20:19 En fonction des saisons, en fonction de l'audace des producteurs qui sont capables de faire des choses nouvelles,
20:25 on est là pour les découvrir.
20:27 Si vous n'allez pas au marché, vous ne les découvrez pas.
20:29 C'est bien de la menthe au chocolat ?
20:31 C'est la foncée, celle-là.
20:33 On en reprend deux ?
20:37 On en reprend deux, de la menthe au chocolat ?
20:39 Pour gourmand, on en a plein dans le jardin aussi.
20:41 On a les plantes tomates, on a tout ce qu'il faut.
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21:01 On a mis toutes les premières tomates, les salades, les semis, radis on a ramassé, persil, des carottes nouvelles et les choux fleurs.
21:13 On a fait comme le principe des buttes, mais du coup on l'a fait à plat.
21:18 Composte, fumier.
21:20 Ça a l'air de bien fonctionner.
21:23 Ça pousse.
21:25 Les choux fleurs, celui-là il est presque bon.
21:28 Ça va être joli ça.
21:32 Ça c'est extra bon.
21:38 Fleur de roquette, super.
21:40 Ça c'est un petit goût sucré, piquant à la fin.
21:46 Le shiso, basilic japonais, moi j'adore.
21:50 C'est un plus le potager ici.
21:52 On a des collègues, des copains, des maraîchers qui nous donnent une graine ou un plant de telle ou telle chose.
21:58 Ça nous intéresse, on essaye, ça marche.
22:00 Les piments habanero que j'avais ramenés du Mexique.
22:03 La fève d'Auvergne aussi, donc on essaye de sauvegarder.
22:06 Là on a des baies, j'avais jamais goûté, la baie de mai.
22:10 Une petite baie rouge un peu ovale comme ça, qui est entre le cassis, la groseille.
22:17 Petit goût de raisin aussi, c'est assez étonnant, je ne connaissais pas.
22:20 La menthe au chocolat par exemple, on fait un dessert au chocolat et à la menthe.
22:24 Et j'ai découvert la menthe au chocolat, donc c'est encore mieux que la menthe marocaine par exemple, qu'on utilisait.
22:32 C'est un petit plus dans la cuisine, les variétés un petit peu particulières.
22:36 Puis après la fraîcheur aussi de la cueillette, notamment les herbes aromatiques qui sont cueillies et servies quasiment dans les minutes qui suivent.
22:45 En termes d'arômes, c'est incroyable.
22:48 C'est particulier le monde dans lequel on vit.
22:57 Il est comme un théâtre qui s'agit deux fois par jour comme ça, avec des longs préparatifs.
23:04 Le métier de cuisinier, c'est à la fois d'être gardien de savoir-faire, de connaissance, avoir sa propre écriture de cuisine.
23:24 C'est accepté aujourd'hui, ce qui n'a pas toujours été le cas.
23:27 Les clients adhèrent à cette position-là, je dirais même qu'ils la suscitent.
23:32 Soyez créatifs, étonnez-nous.
23:35 Je réfléchis la tête dans le chou.
23:39 C'est pour accompagner un nouveau plat.
23:43 Garniture avec un poisson à l'amande.
23:49 On va essayer de travailler des beaux choux pointus.
23:54 Le chou pointu est sucré, croquant.
23:58 On le cuit à peine, presque comme une feuille de salade.
24:02 Il a ce goût typique de chou un peu sulfureux, gazeux.
24:08 Il amène une fraîcheur, un croquant et un petit sucré dans le plat.
24:13 Le processus créatif est assez particulier à nous.
24:20 On ne sait jamais vraiment où on va.
24:24 On part d'un ingrédient, de deux ingrédients, puis on les assemble.
24:29 Ça ouvre un champ créatif infini.
24:32 La façon de les assembler, de les cuire, de les découper, de les assaisonner.
24:38 On fonctionne comme ça.
24:42 On essaye une version, puis on essaye une autre.
24:45 On se dit que ça va être mieux comme ça.
24:47 C'est moins bien, on revient en arrière.
24:49 Finalement, on se dit qu'il manque une fraîcheur, une acidité, une amertume.
24:54 On va chercher un condiment, un produit qui va jouer ce rôle dans le plat.
25:01 L'amande a un goût très délicat, ce goût d'amande, de noyau.
25:07 On les taille très fines et on les toaste.
25:11 Elles deviennent très croustillantes, très délicates.
25:14 On est sur un plat qui a une saveur sur l'amande.
25:18 Il y a un peu d'amaretto dans la sauce.
25:21 Elles apportent plein de choses, de la texture.
25:23 Des petites écailles croustillantes d'amande sur le poisson.
25:27 Là, il y a de la noisette.
25:29 Je crois que ce soit trop épais quand même.
25:34 Allez, on goûte.
25:42 C'est bon.
25:43 C'est pas mal en gourmandise, c'est mieux.
25:55 On a un garde-manger culinaire, intellectuel.
25:59 On connaît beaucoup de choses, mais des plats qu'on ne connaît pas encore.
26:03 On est tout le temps en train de les chercher.
26:06 Ça vient comme ça, en essayant une multitude de choses.
26:09 Et puis en l'essayant, on le goûte et ça fonctionne.
26:13 On ne le sait pas à l'avance.
26:14 C'est pour ça que je ne suis pas capable de répondre.
26:17 Je ne sais pas dans ma tête, avant de l'avoir fait,
26:19 que les amandes vont bien aller avec le Saint-Pierre.
26:22 Je m'en doute, parce que c'est probable.
26:25 Mais parfois, il y a des associations qui sont créées
26:27 qui sont complètement improbables.
26:28 Et ça marche.
26:32 Chaque fois que je redémarre, ou que César, je le vois bien,
26:37 redémarre une nouvelle piste.
26:39 Parce que quelque chose l'agit, un ingrédient qui arrive, la saison.
26:44 Il n'y a rien de précis devant lui, sinon un champ de possibilités.
26:47 En tentant une chose et une autre, puis une chose, une autre, une autre.
26:53 Et puis cette chose-là, non.
26:56 Mais ça et ça, c'est pas mal.
26:58 Et puis, tiens, pourquoi je n'irais pas plus…
27:00 Ah, maintenant, je vais revenir là.
27:02 C'était pas mal ce que je faisais là.
27:04 La création, c'est quand rien n'est précis.
27:07 Un vaste brouillard, comme ça,
27:09 d'une espèce de grand chantier, comme ça,
27:12 où on est passé par un nombre d'ingrédients immenses,
27:16 et de techniques immenses, cuisson, vapeur, pochée,
27:19 coupé comme ça, coupé comme ça, tout ça autour d'un produit.
27:22 L'asperge, ou des coquilles Saint-Jacques.
27:25 Et mais, pour en arriver là, t'es passé par une multitude de choses.
27:29 Parfois, ça dure un mois, un mois et demi,
27:32 pour arriver, on pourrait dire, un truc…
27:36 Mais on se dit, mais c'est que deux, trois ingrédients.
27:39 Mais comment je ne l'ai pas trouvé tout de suite, quoi ?
27:41 Et en même temps, tu ne sais pas à combien de temps,
27:44 ni si ça va le faire.
27:46 Parce que parfois, la saison est passée,
27:48 t'as pas trouvé ta solution, quoi.
27:50 Rendez-vous l'année prochaine.
27:51 C'est ça, la création.
27:53 On a la chance d'être suivis par le Guéritier Michelin depuis 1968, c'est vrai.
27:57 Effectivement, c'est une pression.
27:59 En même temps, je crois qu'on n'y pense pas tous les jours.
28:02 On n'est pas là, à chaque service, à se dire,
28:05 tiens, c'est peut-être un inspecteur, tiens…
28:08 Non, en fait, on a l'envie de faire plaisir à tout le monde.
28:11 Alors, on est sur un 20 d'exception, avec un millésime d'exception.
28:14 Dans le service en salle, on a une pression,
28:17 on a une pression, on a une pression.
28:19 On a 20 d'exception avec un millésime d'exception.
28:21 Dans le service en salle, on est là pour faire vivre un moment,
28:24 pour partager la cuisine, pour partager les vins,
28:26 pour faire vivre, en fait, le meilleur moment possible au client.
28:30 Et encore une fois, avec notre identité, notre histoire, notre personnalité, notre cuisine.
28:35 La cuisine Trois Gros, pour ma part, moi, je suis à la troisième génération.
28:41 J'ai connu la cuisine dans le milieu des années 80,
28:46 donc la cuisine de Pierre Trois Gros,
28:48 et ensuite, on va dire, dans les années 90, la cuisine de Pierre et Michel.
28:51 Ensuite, ça a évolué sur la cuisine de Michel,
28:54 et maintenant, avec le déménagement à Les Houches,
28:57 on est vraiment sur la cuisine de César Trois Gros.
29:00 Tous les jours, on est à la recherche, en dégustant les plats,
29:04 des bouteilles qui pourraient convenir.
29:07 Donc, on va fouiller en Corse, dans le sud-ouest, dans le Jura, Savoie,
29:13 pour découvrir des vins qui conviennent à la cuisine actuelle.
29:20 Ça, ça doit être une des clés de voûte du sommelier, les accords Mese et Vins.
29:26 - Grande bouteille locale. - Oui.
29:28 - Magnifique. - Ce sera galé.
29:30 - Je vais vous excuser, mesdames, monsieur, pour suivre, ça sera en Côte-du-Foré.
29:35 C'est un très beau domaine qui s'appelle Gilles Bonnefoy,
29:38 qui est situé à Chamdieu, donc c'est 100% gamay sur des terroirs volcaniques.
29:42 Et après, ce côté convivial que peut avoir le sommelier,
29:46 cette convivialité, ce marchand de bonheur que peut avoir le sommelier,
29:50 parce qu'ici, on vient se faire plaisir.
29:52 - Vous allez voir, c'est un très, très joli gamay.
29:54 Ce côté fumé ira parfaitement avec noisette d'agneau, voilà,
29:58 qui est légèrement épicée.
30:00 Très bonne dégustation. - Merci.
30:03 (musique)
30:06 - Ils ont choisi une merveille que j'adore, c'est une de mes préférées en Bourgogne.
30:20 C'est l'attache de la Romanée-Conti.
30:24 Donc c'est un vin d'exception, c'est un monopole du domaine de la Romanée-Conti.
30:31 Et donc on est vraiment dans un des plus beaux flacons de Bourgogne.
30:38 On va chercher pour sa finesse, sa complexité.
30:41 C'est un vin qui est vraiment riche en émotions.
30:44 Par rapport au choix du client aujourd'hui, c'était un pigeon.
30:48 On est sur une chair qui est à la fois sanguine, un petit peu sauvage.
30:52 Donc vraiment vin d'exception avec un mets d'exception.
30:57 Alors le pigeonneau à la cacahuète, la viande du pigeon qui est très fine, très délicate
31:02 et qui supporte aussi quand même les assaisonnements pointus.
31:06 On fait un camailleux de légumes marinés au sel.
31:10 Donc ils sont salés puis après marinés au vinaigre de prune.
31:15 Donc on va retrouver des navets, des radis, celeries branches, différentes variétés de radis,
31:21 carottes, shiitake quand il y en a.
31:23 Sur le pigeonneau, des très fines feuilles d'un caramel à la cacahuète
31:28 qui ont une texture très craquante et qui viennent former comme une peau sur le pigeon.
31:33 Au moment de la dégustation, il y a aussi un rôle de texture, de goût, le goût torréfié de la cacahuète.
31:43 Et donc là, on a besoin de condimenter ça en fait.
31:47 Le gras de la cacahuète, son goût, tout un panel de légumes marinés qui vont par touche ensuite,
31:55 à chaque morceau de viande que vous découpez, venir apporter le twist nécessaire
32:01 pour casser finalement et le sucre et le gras de la cacahuète.
32:05 La cuisine française a toujours évolué avec le vin.
32:10 A chaque assiette, à chaque préparation, il y a quelque part dans le monde,
32:14 un vigneron, un vin vient souligner un plat et c'est un fil conducteur.
32:19 Quand ça fonctionne, c'est magique.
32:22 Le 14, il a du fruit, il a du fruit rouge, il a de la complexité.
32:28 Et quand vous dégustez un plat avec un vin qui va parfaitement avec,
32:33 ce n'est pas facile à faire. L'accord parfait, c'est vraiment difficile. On le cherche.
32:39 Là-dessus, ça s'appelle un gibier.
32:42 Mais quand ça marche, vous êtes en train de profiter d'une bouchée du plat,
32:47 vous terminez cette bouchée, vous prenez une gorgée de vin et il y a quelque chose qui se passe.
32:52 En fait, les deux créent une explosion finalement et une persistance aromatique
32:58 et même parfois créent un nouvel arôme et un nouveau mariage.
33:04 Et ça, c'est la magie des accords méhévins.
33:07 Et le travail avec les sommeliers, avec Christian, avec Aïk,
33:10 c'est toujours de proposer des vins d'exception par le goût et par l'éthique.
33:16 Ici, on est vraiment dans la cave de réserve.
33:21 C'est là où on a vraiment les belles signatures, les vins de l'homme-garde.
33:27 C'est des vins qui sont partis pour 10-20 ans de vieillissement.
33:31 Alors l'étiquette que tout le monde va reconnaître de loin, c'est le champ François Coche de Riz.
33:35 Là, je suis avec une de ses bouteilles, un Murceau Perrière.
33:38 Donc c'est un Murceau premier cru.
33:40 On est encore sur le Millésime 2013 qui est encore en vieillissement.
33:44 Là, on arrive à maturité avec ce Millésime.
33:46 Il va apparaître sur la carte des vins bientôt.
33:48 Avec les Millésimes plus anciens que j'ai actuellement,
33:51 là, il y a des domaines que la maison apprécie beaucoup,
33:56 les domaines Mugir et Gibourg, sur Vosne-Romanée, qui a des grands crus très acharchés.
34:02 Le Vosne-Clau-des-Lucs est un monopole du Marquis d'Angerville, nos Vosnes.
34:08 On a également quelque part par là des Musignies.
34:11 Ça, c'est une des pièces les plus rares de la Bourgogne.
34:14 Musignies du domaine Georges Roumier.
34:16 Ça, c'est vraiment pour les collectionneurs et pour les amateurs de vin, des pièces d'exception.
34:21 Puis après, il y a tous les coups de cœur.
34:23 Il y a les nouveaux domaines qui apparaissent.
34:25 On conserve nos classiques et puis on est toujours en évolution par rapport aux nouveaux domaines.
34:32 On a un stock d'environ 30 000 bouteilles entre le vieillissement et les vins qui sont sur la carte,
34:39 avec plus de 2 000 références sur la carte des vins.
34:42 Il y a une évolution constante sur les vins, une recherche constante.
34:47 Les méthodes de vinification évoluent, le climat évolue.
34:51 On s'adapte à la recherche et à la découverte de régions auxquelles, hier, je ne pensais pas.
34:58 Si on reprend l'histoire de la région de la côte rouennaise, on était dans un monde paysan,
35:02 où on avait une polyculture.
35:04 Puis aujourd'hui, on est passé sur un monde de professionnels, d'une génération à l'autre.
35:08 Et nous, sur notre carte, on a plusieurs références aujourd'hui, alors qu'on n'en avait pas dans les années 80.
35:12 Le domaine Perret, c'est vraiment un de nos piliers.
35:17 Déjà, c'est un domaine qui est situé à Verlieu.
35:21 Verlieu, c'est un petit hameau de Chavannay.
35:23 Chavannay, c'est une commune de la Loire.
35:25 André Perret s'est installé dans le domaine familial il y a plus de 40 ans.
35:30 Du début, j'ai eu un grand coup de cœur pour son travail,
35:33 pour la passion qu'il donnait, pour son côté extrêmement vigneron.
35:37 C'est quelqu'un qui est dans ses vignes tous les jours, qui connaît chaque plant de ses vignes.
35:42 Le Condrieu de Perret, pour moi, c'est un peu son poto de chérie,
35:46 avec le coto de Vernon, de Chévernay, et puis Château-Grillet, c'est vraiment les pépites de Condrieu.
35:53 C'est une parcelle qui a été plantée par mon père dans les années 2000.
35:58 Oui, dans les années 2000.
36:00 Je suis validée par mon père quand même, mais c'est lui qui l'a plantée.
36:04 On est au-dessus du village de Verlieu, on l'appelle le coto de Verlieu.
36:09 C'est une parcelle en appellation Condrieu, donc c'est pas vieunier.
36:13 Pour l'instant, elle se présente plutôt bien.
36:16 On voit des belles formations de raisins, donc ça c'est ce qui nous intéresse pour l'instant.
36:22 Et puis après, on va attendre la floraison, en espérant qu'il ne pleuve pas sur la fleur, pour ne pas la faire couler.
36:28 Là, les sangles glaces sont passées, donc le gel, normalement, on est sauvé.
36:33 Mais après, il y a la pluie, qui peut être vis-à-vis des maladies un peu compliquées.
36:38 Et puis il y a la grêle, qui peut arriver à tout moment et nous supprimer une récolte.
36:43 C'est le jeu, on vit avec la nature, c'est ce qui est intéressant aussi.
36:48 Ce matin, on démarre l'attachage de la vigne.
36:52 Il faut que la vigne pousse droit, et que ça ne traîne pas par terre, et que ça ne prenne pas la maladie.
36:57 Il ne faut juste pas coincer les raisins, qu'ils soient bien libres.
37:03 Nous avons 13 hectares, ce qui est une superficie moyenne des appellations.
37:09 Nous produisons des appellations Condrieu et Saint-Joseph, et puis un peu de 20 pays.
37:14 Nos vignes sont regroupées peut-être sur 5 km de long, avec plein de petites parcelles.
37:20 Nous, on aime bien cette superficie, parce que ça nous permet de tout faire, la vigne, la vignification et la commercialisation.
37:27 On aime la polyvalence de ce métier, et de pouvoir encore être dans la vigne.
37:33 Les murs en pierre sèche, non maçonné, c'est une particularité de chez nous.
37:39 Ça fait des terrasses naturelles.
37:41 On est dans des villes où rien n'est mécanisable, et tout se fait à la main.
37:46 Les vendanges sont faits à la main, avec des seaux, des caisses portées à dos jusqu'à la chenillette, qui remontent au tracteur.
37:52 C'est vraiment du travail d'orfevre, manuel.
37:59 On est sur la parcelle sur le Côte d'Aucherry, au niveau de Condrieux.
38:02 Sur cette parcelle, c'est très joli.
38:05 On voit des beaux raisins, avec des belles baies.
38:10 Donc on est assez contents.
38:12 On a eu quelques brûlures liées au soleil, avec cette année un peu chaude.
38:19 Mon père, ça fait 30-40 ans que je ne sais plus qu'il est là.
38:23 Donc il comprend chacune de ses vignes, il sait comment elles fonctionnent, comment se reflètent les vins derrière.
38:29 Parce qu'on vignifie par parcelle, donc au final on comprend chacune de nos parcelles.
38:34 En tant qu'enfant de vigneron, je suis très content de pouvoir vivre ici.
38:38 Je suis très content de pouvoir vivre ici.
38:40 Je suis très content de pouvoir vivre ici.
38:42 Je suis très content de pouvoir vivre ici.
38:44 En tant qu'enfant de vigneron, c'est vrai qu'on est un peu, depuis notre enfance, dans l'exploitation.
38:49 On apprend petit à petit, mais c'est vrai que moi j'ai tout de suite aimé ça, aider mon père à travailler dans les vignes.
38:55 J'ai fait une école en lien, et puis je suis partie au Chili juste à la fin de mes études,
39:01 pour faire une vignification et puis revenir sur l'exploitation par la suite.
39:06 On a trois Condrieux différents, dont deux parcellaires.
39:11 Donc c'est principalement les parcellaires qu'on vend à la Maison Trois Gros.
39:15 Le coteau de chéri sur Condrieux, qui est un coteau emblématique de l'appellation.
39:21 On est sur du granit, mais là c'est des granits très décomposés,
39:24 et qui donne une typicité au vin avec de la finesse, de la fraîcheur.
39:30 Et puis après on a donc un Condrieux qu'on appelle Clochanson, là sur le village de Chavanet.
39:34 Et on est sur un seul, toujours granit, mais avec un petit peu de chèvre.
39:39 Et un seul, toujours granit, mais avec un peu plus d'argile, qui donne une autre typicité au vin.
39:46 Ce qui est intéressant, c'est que pour la même vignification de vin, exactement pareil, la même vendange,
39:51 on produit trois vins totalement différents.
39:53 On souhaite une qualité de raisin très qualitative,
40:00 qui nous permettra en cas d'après d'avoir des vins d'une qualité importante.
40:05 Quand on a une qualité de raisin mauvaise, la vignification est beaucoup plus compliquée.
40:09 Il n'a que depuis 2019-2020, donc c'est tout jeune.
40:16 Il y a beaucoup de choses à apprendre.
40:18 En vigne, je commence de plus en plus à être indépendante.
40:22 Au niveau de la cave, il y a encore besoin de son expertise, de sa dégustation.
40:27 Ce sont des choses où il faut pas mal d'expérience.
40:30 Chaque millésime ne se ressemble pas en plus,
40:32 donc il faut quand même pas mal de millésimes pour vraiment avoir confiance et prendre le coup de main.
40:37 Au niveau du goût, c'est vrai que mon père a toujours fait ce qu'il aimait faire.
40:42 Il n'a jamais cherché à suivre une tendance.
40:45 C'est vrai qu'il y a eu des tendances, beaucoup de bois, que du fruit,
40:52 ce qui n'est pas très intéressant.
40:56 On peut faire le vin qu'on aime et pas le vin que certains disent qu'il faut faire.
41:00 Ça reste frais quand même pour un millésime chaud.
41:03 On garde la fraîcheur.
41:05 J'ai un peu la même vision que mon père.
41:07 On veut des vins qui sont frais, qui ont une belle aromatique,
41:11 qui sont très équilibrés sur la fraîcheur et la finesse,
41:14 et puis une belle longueur en bouche.
41:16 C'est vrai que mon père a commencé avec rien.
41:20 Maintenant, C. Saint-Joseph et Condrieux sont renommés.
41:24 C'est vrai que quand on sait qu'on est dans je ne sais plus combien de trois étoiles en France
41:29 ou qu'on est exportés dans 21 pays,
41:32 c'est vrai que c'est valorisant pour nous de voir que les gens aiment notre vin.
41:35 C'est une pression pour les enfants qui n'est pas nulle, c'est sûr.
41:40 J'aimerais poursuivre ça, évidemment.
41:43 Les deux mondes évoluent. Le monde de la cuisine évolue, le monde du vin évolue.
41:48 Il y a plein de jeunes qui s'installent, qui ont des techniques de vinification,
41:51 qui vont créer des arômes dans les vins.
41:54 Tout ça, juste par la fermentation du raisin, c'est extraordinaire.
41:57 On associe plusieurs ingrédients, dans le vin, il n'y en a qu'un.
42:00 C'est ça qui est incroyable.
42:03 Et avec un ingrédient, la diversité aromatique qu'il peut y avoir, c'est magique.
42:08 Donc, tout ce monde-là, il est vraiment lié à notre quotidien.
42:14 On a des vins intéressants dans tout le monde,
42:17 mais la France, quand même, par tradition, a cultivé cet art de vivre,
42:21 cette gastronomie qui est vraiment propre à nous.
42:25 Les fromages aussi, ça fait partie de notre patrimoine culinaire français.
42:29 C'est des produits merveilleux qui, pareil, nécessitent énormément de temps à être réalisés.
42:35 Ils sont l'expression d'un terroir, l'expression d'un producteur,
42:39 d'une fabrication, d'un héritage.
42:41 En fonction de là où la vache a été traite,
42:44 les prairies où elles ont pâturé, la fermentation, la fabrication,
42:48 on arrive à créer une diversité aromatique qui est extraordinaire.
42:52 Par la fermentation, par l'affinage, c'est aussi magique.
42:56 C'est un savoir-faire tradition qui est considérable.
43:00 Et partout en France, on a des fromages divers
43:05 qui ont leur place sur nos tables parce que ça fait partie aussi du repas à la française.
43:12 C'est un peu comme le vin, on est les metteurs en scène de ces producteurs,
43:15 de ces produits d'exception.
43:17 Nous, on va se tourner vers des affineurs, les meilleurs.
43:21 La famille Mons, et aussi en direct avec quelques fabricants fromagers.
43:26 On a une diversité, alors Ronald Pauvergne, très très très riche.
43:32 Et puis même la France entière, c'est un trésor.
43:35 Ici, on est vraiment dans l'ambiance du tunnel qui est assez favorable
43:38 à tous nos développements de petites moisissures.
43:40 Parce qu'en fait, nous, on est des pousseurs de champignons aussi.
43:43 Toutes ces moisissures sont en train de se développer sur la surface du fromage.
43:46 Donc maintenant, on est avec un fromage, un Labor,
43:49 dans la maison Trois Gros, c'était quand même un produit référent.
43:51 Le chef Pierre adorait ça, et Michel, César, toute la famille a pris le relais.
43:55 On est avec un fromage au lait de brebis, lait cru, bio.
43:59 Alors tu vois très bien les évolutions des produits,
44:01 parce que tu vois ton produit quand il arrive en blanc,
44:03 tu vois ça, c'est arrivé la semaine dernière,
44:05 et en une semaine déjà, regarde un peu ce qui se passe.
44:07 Tu vois, c'est assez amusant parce qu'il est en train de se bourrer de poils un peu.
44:10 C'est assez rigolo.
44:12 Tu vois, regarde, les fleurs, elles se développent toutes seules.
44:14 Fleurs naturelles, c'est vraiment l'écosystème de la cave
44:17 qui nous permet de conduire ces affinages de cette manière-là.
44:20 Les affinages, on peut les conduire au minimum sur six mois.
44:23 Donc là, les fromages vont être frottés à la main.
44:25 On va coucher cette fleur.
44:27 Donc tu vois, on fait ça quand même sur toutes les planches,
44:30 et ça, tout au long de la vie du produit.
44:32 La croûte, c'est comme la peau, OK ? C'est une protection pour le fromage.
44:35 Et si tu ne la soignes pas, si tu ne la bonifies pas en la frottant,
44:38 en la retournant en permanence, en fait, tu vas créer quelque part
44:41 des gersures, des blessures de surface sur ton fromage,
44:43 et qui vont altérer la pâte du fromage, et qui amèneront une oxidation prématurée.
44:46 Donc tout ça, c'est des soins quotidiens qu'il faut qu'on mette en place.
44:49 On est sur la commune d'Amberle, et c'était un ancien tunnel ferroviaire
44:52 qui a servi que très peu de temps, en fait.
44:54 1940, tu vois, ça s'est arrêté.
44:56 On a 250 mètres de tunnel, que bien sûr, on a aménagé,
45:00 dans lesquels on a donné de la praticité pour travailler.
45:03 C'est des conditions dans lesquelles l'affinage est parfait,
45:05 parce que température régulée toute l'année entre 10 et 11 degrés.
45:08 95-96 % d'humidité, c'est juste fantastique.
45:12 Et il y a un phénomène que techniquement, on a un peu du mal à expliquer,
45:16 mais quoi qu'il en soit, la façon dont l'humidité, la température,
45:21 les pierres, le bâtiment par lui-même, créent une espèce d'ambiance
45:25 qui est très particulière.
45:27 Il y a une typicité qui se passe ici, il y a une évolution d'affinage
45:29 qui fait que c'est plutôt bénéfique.
45:31 Puis le résultat final, c'est que nos clients sont aussi contents
45:33 parce qu'ils y reconnaissent des goûts et des saveurs
45:35 que je pense qu'on n'arriverait pas à développer dans un autre type de cave.
45:39 On garde un fromage de chaque lot qu'on va venir sonder toutes les 4 semaines
45:43 pour voir son évolution et décider quel est le moment le plus opportun
45:46 pour le mettre en commercialisation.
45:48 Certains produits seront bons à 14, d'autres à 18, d'autres à 24,
45:51 d'autres des fois à 9 mois.
45:53 Un fromage a une durée de vie et il faut choisir le bon moment pour le vendre.
45:56 C'est vraiment ça qui fera que le produit soit plus efficace.
45:59 On a un produit qui est très efficace,
46:01 c'est-à-dire qu'il est très rapide, très rapide,
46:03 il est très rapide, il est très rapide,
46:05 et il faut choisir le bon moment pour le vendre.
46:07 C'est vraiment ça qui fera que le produit est exceptionnel ou pas.
46:09 C'est juste de chasser le bon goût quand c'est le bon moment.
46:12 Là, on est sur des comtés qui sont des comtés du mois de septembre de l'année dernière.
46:18 Ce qui est intéressant, c'est qu'on va décider réellement
46:21 que ces lots-là sont à commercialiser maintenant.
46:23 Parce qu'on est exactement dans la bonne adéquation,
46:26 qui est celle de la bonne texture
46:28 et quasi le maximum de la puissance aromatique que peut me donner ce fromage-là.
46:32 Là, on est plutôt avec du fromage qu'on appelle nos fromages de garde de tradition,
46:36 parce que là, on est avec un produit qui est évolué,
46:38 qui a de la texture, qui a de la pâte,
46:40 qui a une grande persistance aromatique, qui a une belle complexité.
46:43 Là, c'est vraiment un produit de couteau,
46:45 c'est vraiment un produit où on va vraiment se régaler.
46:47 Et là, on est déjà un peu dans les produits d'exception.
46:49 Ça a l'air tradition.
46:56 C'est des belles pièces, avec des produits qui font à peu près une trentaine de kilos.
47:00 Si on regarde bien la croûte, on dit qu'elle commence un tout petit peu à boutonner.
47:03 Et tu vois, on va venir coucher toutes ces petites fleurs blanches qu'on a en surface.
47:07 On est avec des fromages qui sont, tu vois, du mois d'août 2022.
47:12 Ils vont bientôt avoir un an.
47:14 C'est des fromages qu'on va commercialiser à partir du mois de mai-juin.
47:17 Entre 12 et 14 mois, en général, ces fromages sont complètement exceptionnels.
47:21 La France a quand même cette particularité incroyable
47:24 qui, sur mi-kilomètre d'un côté comme de l'autre,
47:27 a une diversité climatique et de contexte géographique qui sont incroyables.
47:31 Pratiquement tous les 50 kilomètres, je suis dans un autre terroir.
47:34 On a du lait, comme dans beaucoup de pays,
47:36 mais comme on a un territoire qui est quand même tellement divisé par des microclimats,
47:40 il y a eu en définitive toute une somme de gens qui ont eu l'ingéniosité
47:44 d'inventer tout un tas de recettes différentes, avec des technologies différentes.
47:47 Et c'est vrai que dans nos jargons, tu n'as pas de pressé non-cuit, pas de pressé cuit,
47:50 pas de molle, pas de coute-lavée.
47:52 C'est un peu la même richesse que dans le vin,
47:53 quand les gens te parlent de cépage, te parlent de vinification.
47:55 En fait, on a exactement les mêmes similitudes
47:58 parce que chaque technologie va nous donner une certaine catégorie,
48:01 une certaine famille de fromages.
48:03 Et c'est aussi ça qui a donné cette diversité dans les fromages.
48:06 On avait réussi à répertorier 1272 fromages différents.
48:11 C'était quand même assez incroyable.
48:13 Notre premier job, ça a été vraiment d'aller sourcer
48:18 les producteurs qui nous semblaient les meilleurs pour nous.
48:20 Si on n'a pas ces fermiers aujourd'hui,
48:22 ces producteurs qui travaillent pour nous, qui fabriquent le fromage au quotidien,
48:25 on n'a pas les produits que l'on a aujourd'hui.
48:28 On est plutôt avec des gens orientés plutôt bio,
48:31 dans une agriculture qui est plutôt extensive, pas intensive.
48:35 C'est ça la bonne adéquation.
48:37 On a plus de 200 fromages en cave, différents.
48:43 On a une énorme chance d'avoir un choix quand même incroyable de fromages.
48:47 Donc on a toujours des fromages qui sont au rendez-vous.
48:49 Ce qui est très important, c'est que tout le choix de fromage qu'on va faire,
48:53 tout ce qu'on va sélectionner, doit être des choses qui doivent être vraiment à point
48:56 et au meilleur d'un moment.
48:57 La maison Trois Gros y livrait souvent.
48:59 C'est pour que les produits sortent vraiment de la cave au dernier moment
49:01 et qu'ils aient toujours un plateau qui soit le plus parfait possible.
49:04 Chez Trois Gros, ils aiment des fromages moelleux, avec de la texture et des arômes.
49:08 Mais il ne faut pas qu'ils soient trop forts non plus,
49:10 parce qu'il faut qu'on soit toujours dans quelque chose qui soit goûteux,
49:12 qui ait du caractère, qui ait de la personnalité.
49:14 Mais il ne faut pas qu'on aille sur des choses qui soient trop extrêmes non plus,
49:17 trop piquantes, trop exubérantes.
49:19 Il faut qu'on reste vraiment dans la bonne mesure.
49:21 Mais il faut de l'élégance, il faut du goût quoi qu'il en soit.
49:23 Donc c'est là que les affinages sont très importants.
49:25 Trois Gros, aujourd'hui, c'est 55 ans de trois étoiles,
49:29 sans dose continuée et à travers le passage de plusieurs générations.
49:33 Ce qui est juste improbable.
49:35 Et c'est unique au monde.
49:36 Ils ont été très inspirants, parce qu'ils ont un niveau d'exigence.
49:40 Il faut toujours amener de l'excellence.
49:42 Ça fait élever le niveau à tout le monde.
49:44 Rouen, quand tu vois la dimension de la ville, l'endroit où on est géographiquement,
49:47 tout ça a amené une espèce d'ensemble de choses
49:50 qui fait que cette ville est devenue vraiment un tournant gastronomique.
49:54 Je ne fais que continuer à faire vivre avec l'équipe cette belle maison.
50:00 Quatre générations de restaurateurs-cuisiniers
50:03 qui cherchent toujours à se remettre en question et à apprendre des nouvelles choses.
50:06 Je ne fais que continuer ce que j'ai appris en me posant des questions,
50:10 petit à petit en étant de plus en plus moi-même,
50:12 parce que je suis de moins en moins épaulé par papa sur la partie créative.
50:16 Petit à petit, je trace un chemin qui est moi,
50:19 mais ce que je suis moi, c'est ce qu'on m'a transmis.
50:21 La maturité, certainement, j'en gagne petit à petit.
50:24 Mais en même temps, c'est bien aussi de ne pas avoir cette maturité, cette confiance.
50:29 Il faut de la jeunesse, il faut de la folie, un petit peu, raisonner,
50:33 mais il faut un peu d'incertitude aussi.
50:35 Je pense que c'est ce qui nous fait avancer,
50:37 c'est l'incertitude permanente de « tiens, est-ce que vraiment ce plat,
50:40 est-ce que vraiment cette décoration,
50:43 est-ce que vraiment c'est abouti ? »
50:45 On peut toujours faire mieux.
50:47 Donc en fait, il faut chercher autre chose,
50:49 une autre association, une autre méthode de cuisson,
50:51 essayer de créer quelque chose de nouveau tout en poursuivant
50:54 cette aventure familiale et cette lignée, cette ligne de conduite
50:57 qui est évidemment la grande cuisine.
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