Culture: la Cour des comptes note un défaut de pilotage dans l’utilisation des crédits exceptionnels
La commission des Finances du Sénat avait diligenté une enquête auprès de la Cour des comptes sur l’utilisation des crédits exceptionnels alloués à la culture et aux industries créatives. Devant les élus, Pierre Moscovici a présenté un rapport très critique sur la gestion de ces crédits qui échappent au ministère.
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00:00 Le rapport livre quatre principaux messages que je souhaite partager avec vous.
00:04 Le premier porte sur le plan de relance.
00:06 La Cour souligne qu'il a davantage contribué à la sauvegarde des revenus du secteur culturel qu'à sa transformation structurelle.
00:13 Les trois autres portent sur les programmes d'investissement d'avenir, les PIA et sur France 2030.
00:19 D'abord, nous relevons que les crédits issus des PIA 1 et 30 ont été utilisés pour des opérations patrimoniales et des opérations risquées.
00:27 Ensuite, notre rapport relève qu'en dépit de moyens considérables, le plan France 2030 a une stratégie trop lisible.
00:34 Enfin, nous analysons le mode de pilotage de ces fonds comme largement déconnecté des objectifs de la politique culturelle du pays.
00:44 C'est donc un rapport qui a – c'est vrai – une dimension critique significative et qui met en exergue des pratiques de dépenses
00:53 expédientielles qui se sont pérennisées en 2023 au-delà du seul domaine de la culture et des industries créatives.
00:58 J'ai d'ailleurs eu l'occasion de revenir sur ce sujet la semaine dernière en séance publique devant votre Assemblée
01:03 lors de la présentation de notre rapport plus qu'à l'année. Premier constat, donc, c'est le suivant.
01:08 Le plan de relance a davantage contribué à la sauvegarde des revenus du secteur culturel qu'à sa transformation structurelle.
01:14 Les crédits du plan de relance ont certes été utiles pour sauvegarder le secteur culturel frappé par la crise COVID.
01:22 Mais sa mise en œuvre a été guidée par une logique de dépense plus que par une analyse de besoins réels.
01:29 Doté d'1,6 milliard d'euros pour la culture, le plan de relance adopté dans la loi de finances pour 2021 est en raison du contexte sanitaire
01:37 en grande partie constitué de mesures relevant de l'urgence ou amplifiant des dispositifs de droit commun.
01:43 Elles ont bénéficié en priorité au secteur du patrimoine, près de 600 millions d'euros, au spectacle vivant, plus de 400 millions d'euros.
01:50 Le plan de relance a eu deux objectifs pour ce qui concerne les cultures.
01:53 Un soutien aux revenus du secteur sur une logique keynésienne, d'une part, et puis aussi de sauvegarde.
01:59 Ça, c'est la crise COVID. N'oublions pas quand même le contexte dans lequel tout ceci s'inscrivait.
02:03 Et d'autre part, une accélération des transformations structurelles identifiées comme nécessaires.
02:07 Le plan a incontestablement permis de stabiliser la situation budgétaire et financière de nombreux secteurs selon le premier objectif du plan.
02:17 Il a aussi permis de financer des travaux urgents de restauration de monuments, notamment via le plan cathédral.
02:25 Plus globalement, il a conduit à la sauvegarde des revenus des acteurs culturels.
02:30 Disons ça, c'est un peu le paysage d'ailleurs global du « quoi qu'il en coûte, COVID » que la Cour avait eu l'occasion de valider,
02:36 d'une certaine façon, lors de son rapport public annuel il y a deux ans. Et tout ceci est assurément significatif et positif.
02:45 Dans ce cadre, les administrations et leurs agents ont été largement mobilisés à moyen humain constant,
02:51 tout comme les opérateurs chargés de répartir une grande partie des crédits.
02:54 En revanche, le second objectif du plan, à savoir accélérer les transformations économiques, industrielles, sociales du secteur,
03:01 n'a été que marginalement engagé. Ainsi, l'occasion semble avoir été manquée d'accompagner les mutations des industries culturelles,
03:08 notamment la presse, pourtant fortement dotée en crédit du plan de relance, ou encore la musique et le livre.
03:15 Plusieurs éléments nous ont semblé poser problème dans le déploiement du plan de relance dans le secteur agriculture.
03:20 D'abord, l'impératif de mise en œuvre rapide du plan, qui a été fixé au plus haut niveau de l'État et suivi de près,
03:27 a entraîné un pilotage par la dépense parfois au détriment d'objectifs de politique publique.
03:32 Cet objectif de dépenser le plus vite possible les crédits de l'État a eu un effet inflationniste dans certains secteurs.
03:38 Il a même conduit à privilégier les secteurs culturels déjà les plus aidés, comme le cinéma et la presse, au détriment par exemple du livre.
03:45 Par ailleurs, une partie des crédits du plan de relance a été utilisée pour boucler les plans de financement de grands travaux des opérateurs culturels
03:52 ou même pour anticiper des travaux à rebours d'objectifs fixés. Ainsi, le château de Versailles, sur lequel un excellent rapport a été également publié,
04:00 a vu, grâce au plan de relance, sa subvention d'investissement quadruplée en 2021. L'établissement a même pu financer des travaux
04:06 qui auraient pu être effectués à échéance de 20 ans dans un échéancier normal. La Cour mentionnait déjà cet élément un peu surprenant
04:15 dans son rapport sur le château de Versailles, publié en 2023. Ensuite, certains dispositifs créés dans le cadre du plan de relance
04:23 se sont surajoutés aux institutions et procédures existantes sans être in fine évalués. Par exemple, l'appel à la manifestation d'intérêts,
04:29 nommé « Montnouveau » au pluriel, a conduit à choisir et à financer dans de brefs délais 264 projets artistiques à hauteur de 30 millions d'euros.
04:41 Je souligne que ce montant est sans commune mesure avec le budget annuel d'acquisition des 22 fonds régionaux d'action culturelle,
04:47 les FRAC, qui s'élèvent à 4 millions d'euros. Une part significative de ce dispositif a été attribuée à des intermédiaires,
04:56 et non aux créateurs. Et faute de médiation, certaines œuvres financières ont manqué de visibilité. C'est pourquoi la Cour recommande,
05:02 avant toute nouvelle consommation de crédits, de procéder à une évaluation indépendante du dispositif « Montnouveau »,
05:08 notamment du point de vue de la rémunération des artistes et de l'articulation avec les dispositifs et institutions préexistants.
05:13 Enfin, les crédits restants n'ont pas toujours été réalloués selon les besoins effectivement constatés. Pour les crédits de relance
05:21 gérés par l'administration, la réallocation s'est opérée grâce à certains fonds moins sollicités que prévus. Ce fut le cas de l'aide aux pigistes,
05:28 par exemple. En revanche, faute de clauses de retour à meilleure fortune, les crédits confiés à des opérateurs au titre de la relance
05:34 ne sont pas restitués au budget de l'État, combien même leur situation à la sortie de la crise sanitaire le permettrait.
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