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00:09 Bonjour et bienvenue sur Investisseur TV dans notre émission Focus, avec un focus sur l'Allemagne aujourd'hui, avec Alexandre Mirbicourtoy,
00:18 le directeur de la prévision chez Xerfi. Alexandre, bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Alors vous étiez venu il y a quelques temps pour nous parler des menaces sur l'économie française. Aujourd'hui, c'est sur le déclin allemand.
00:33 Peut-être deux mots avant sur Xerfi, votre maison.
00:36 Xerfi, c'est une société qui date de 1993, d'abord axée sur l'économie, plus particulièrement sur les secteurs, qui s'est ouverte au management, à la stratégie,
00:44 en voulant toujours intégrer les nouvelles technologies, notamment l'IA actuellement, mais avec cette volonté en disant que les nouvelles technologies,
00:50 l'IA en particulier, n'avaient de valeur sans le talent humain. Donc voilà, ça se note un petit peu. Notre ligne de directrice est à l'intérieur de cette entreprise.
00:58 Je suis chargé de montrer un peu notre savoir-faire et en traitant notamment des pays, en les traitant un petit peu comme des entreprises.
01:04 Parfait. Alors vous êtes venu faire un focus sur l'Allemagne aujourd'hui, nous vous en remercions. Donc l'Allemagne qui s'éhissait au troisième rang de l'économie mondiale
01:11 en prenant la place du Japon, est en train de basculer, selon vous, sur la voie du déclin. Pourquoi ?
01:19 Vous l'avez dit, c'est tout le paradoxe. Au moment où il se vit sur le troisième rang, on est quand même inquiet sur l'Allemagne.
01:23 Il y a trois indicateurs. Trois indicateurs, on pourrait en trouver d'autres, mais bon, trois principaux. D'abord le PIB, ce qui est évidemment le plus évident.
01:29 Quand on regarde le PIB actuel de l'Allemagne, on se rend compte qu'il est à peine juste supérieur à celui qui prévalait avant la crise de la Covid.
01:36 Il est plus de cinq ans. Le temps perdu par l'économie allemande. On regarde après le pouvoir d'achat des ménages. Le pouvoir d'achat des ménages, il baisse.
01:44 Donc il y a une paupérisation, entre guillemets bien évidemment, puisqu'ils partent plus haut que les Français, mais une paupérisation quand même relative des ménages allemands.
01:52 Et puis le troisième indicateur, c'est le réacteur de l'économie allemande. On le sait, c'est l'industrie. Et quand on regarde la production industrielle,
01:58 entre janvier 2019 et maintenant, on a une chute de la production de quasiment 12%, ce qui est colossal au niveau de l'économie allemande.
02:06 – D'accord. Alors, revenons peut-être si vous voulez bien les facteurs, justement, il y a trois facteurs qui ont permis cette position.
02:12 Et aujourd'hui, ces facteurs clairement ne fonctionnent plus.
02:15 – Ces facteurs ne fonctionnent plus. Alors, j'en rajouterais même un quatrième, mais on va voir, c'est l'ensemble.
02:20 D'abord, l'économie de bazar. Alors l'économie de bazar, c'est quoi ? C'est tout simplement ce modèle allemand,
02:25 un business modèle allemand, qui s'est mis en place à la suite de l'effondrement du mur de Berlin.
02:29 Tout simplement, les alliés industriales allemands se sont étendus sur les PECO, les pays européens,
02:35 comment on dit ? – L'Europe centrale et orientale.
02:37 – L'Europe centrale et orientale, donc Tchécoslovaquie, Romagnie, Pologne, etc.
02:40 Donc ce n'est pas de la délocalisation, mais de la sous-traitance. Il faut bien comprendre ça.
02:45 Donc là, le but, c'était de siphonner la productivité de ces pays qui avaient des coûts salariaux très bas, une monnaie très faible.
02:50 Et donc là, on avait des modules qui étaient fabriqués, qui étaient réimportés, assemblés en Allemagne,
02:56 et stampés en Médine-Germanie, et qui envahissaient le monde, l'Europe.
02:59 Il y avait également une autre partie qui était plus complexe, peut-être à appréhender, ce sont les services.
03:04 Les services sont incorporés, bien évidemment, à l'industrie. Et là, les Allemands n'avaient pas de SMIC à l'époque.
03:09 Et les services, la branche des services, avait des coûts salariaux très très faibles.
03:14 Donc là, encore un avantage productif. Troisième avantage productif, c'était le coût de l'énergie.
03:20 C'était volontairement... On l'a peut-être oublié, mais avant la guerre en Ukraine...
03:24 – Ça ne porta pas bon compte le gaz à eau russe ?
03:26 – Tout à fait, via les gazoducs. Il y avait un nouveau gazoduc qui devait être mis en place.
03:29 Donc, des coûts de l'énergie très faibles. Et on va dire, quatrième point d'ancrage,
03:34 c'était cette volonté de s'étendre vers ce qu'on appelle les briques, notamment la Chine,
03:40 qui devait être le nouvel eldorado des industriels allemands.
03:43 – Les débouchés pour l'industrie. – Tout à fait.
03:46 Donc, ces quatre facteurs-là, évidemment, se sont cassés, se sont brisés.
03:51 Les PECO, tout simplement, au fil du temps, les salaires ont augmenté, ce qui est normal.
03:56 Les devises se sont plutôt appréciées. Donc, moins de productivité.
03:59 Donc là, ça pêche un tout petit peu. On a eu l'introduction en Allemagne,
04:03 à peu près en 2015, d'un SMIC. Alors, ce n'est pas tout à fait un SMIC,
04:06 mais bon, ça y ressemble beaucoup. Et c'est mis progressivement en place.
04:10 Et actuellement, le salaire minimum allemand est supérieur au SMIC français.
04:13 On peut le savoir, mais c'est supérieur au SMIC français.
04:15 Évidemment que là, ils ont perdu en productivité. Je passe sur, évidemment,
04:19 le prix de l'énergie, qui est totalement explosé. Et tous les problèmes actuellement des briques,
04:24 donc, ils ont du mal à faire émerger et assurer l'essor d'une classe moyenne.
04:28 Donc là, l'économie allemande, elle est figée de ce côté-là.
04:31 – Alors, en plus, pour rajouter, Fakies School, comme on dit,
04:34 donc, qui sont challengés par l'industrie US, avec notamment des prix d'énergie ultra compétitifs,
04:40 et le fameux IRA, Reflection, Réduction.
04:43 – Alors, oui, sur le rapport des prix d'énergie entre les États-Unis et l'Europe,
04:48 grosso modo, c'est de 1 à 3, pour donner un petit peu l'ampleur quand même de la différence.
04:53 Et puis, il y a ce fameux IRA, qui est une mesure ultra protectionniste.
04:57 En fait, tout simplement, ce sont des droits de douane,
05:00 des subventions auxquelles on a droit, tout simplement, il faut produire sur place,
05:05 ou si on ne produit pas sur place, il faut que les produits
05:07 qui soient intégrés à la production soient faits sur place.
05:10 Alors, il y a des petites dérogations avec le Mexique, etc.
05:12 Mais bon, c'était quand même une grosse mesure protectionniste,
05:15 et ça a l'air de fonctionner quand même un petit peu.
05:17 Et l'Allemagne, l'Allemagne, évidemment, en apathie, notamment l'industrie chimique.
05:21 – Oui, quelles industries sont plus chères ? Il y a la chimie.
05:23 – La chimie, oui, bien évidemment la chimie.
05:25 La chimie, grosso modo, on est à une production actuellement qui est 20% inférieure
05:29 à ce qu'elle était avant la crise de la Covid, pour vous donner un petit peu l'ampleur du choc.
05:33 Le taux d'utilisation des capacités de production dans cette industrie-là,
05:36 c'est inférieur à 80%, sachant qu'il faut minimum 84% pour que ça soit rentable.
05:41 Donc évidemment, le risque, c'est de délocaliser.
05:44 Et ça a été mis en partie en musique.
05:46 On a parlé de la chimie, mais la métallurgie, la branche papier-carton…
05:50 – Même cause, même effet.
05:51 – Il y a une grosse, grosse, grosse quantité de l'industrie allemande.
05:54 Et les industriels allemands, alors c'était en 2022,
05:56 alors c'est peut-être, il y a peut-être une surréaction,
05:59 notamment via les prix d'énergie, mais il y avait quand même, dans le Mitechland,
06:02 cet espace-là fait d'ETI et de PME,
06:05 il y en avait un quart qui disait vouloir délocaliser.
06:07 – D'accord.
06:08 – Donc c'était relativement énorme.
06:09 – Pour l'énergie, quoi.
06:10 Et puis alors, triple lame, côté, donc Chinois, on a vu qu'il y avait des débouchés,
06:15 donc ce boucher, et en tout cas, ils sont challengés,
06:20 enfin leur grosse industrie, donc automobile,
06:22 est challengée par les constructeurs chinois.
06:24 – Tout à fait, alors là, c'est peut-être l'épine dans le pied, la plus importante.
06:28 Il faut bien voir qu'avant la crise, l'industrie allemande sortait
06:34 à peu près 5,5 millions de véhicules par an.
06:36 – Ils sont à 4, c'est la grande force.
06:38 – Ils sont à 4, ils sont tombés à 4.
06:40 Ils ont loupé, ben ça arrive, on fait des mauvais choix stratégiques,
06:42 ils ont loupé le virage de l'électrique, tout à fait.
06:45 Donc ils étaient le roi de l'atmosphérique, évidemment,
06:48 ils sont maintenant challengés, et de plus en plus fortement,
06:51 à la fois par l'Asie, mais également, on peut le dire,
06:53 par des pays européens, dont la France.
06:55 Tout le monde veut essayer d'attirer, une entreprise de batterie, etc.
06:58 Donc on sent bien que là, ce point fort de l'Allemagne,
07:02 est en train d'être sapé.
07:04 Alors quand on commence à accumuler un petit peu tout ça,
07:06 on se dit que l'Allemagne est, on va dire, c'est très vulgaire, mais mal barrée.
07:11 – Oui, alors justement, l'économie était leur force,
07:13 qu'est-ce que ça a de conséquent sur la politique sociale et politique en Allemagne ?
07:18 – On l'a vu, vous l'avez vu, c'est qu'il y avait un modèle de cohésion sociale,
07:22 de dialogue social exigeant, certes, mais apaisé.
07:26 On l'a vu, ce qui s'est passé.
07:28 – Parce qu'il y avait la richesse de créer, etc.
07:30 – Voilà, et qu'il y avait quand même, on l'a vu, tout le monde s'est mis à faire grève,
07:33 alors pas simplement les agriculteurs en Allemagne,
07:35 il y a les services publics, il y a également l'industrie,
07:37 enfin là on voit bien que c'est quelque chose qui est en train de coaguler en Allemagne,
07:41 on le perçoit mal du côté français, mais c'est quand même assez exceptionnel en Allemagne.
07:45 On voit bien que quelque chose se passe du côté du modèle social allemand,
07:48 alors économique et social allemand, donc évidemment ce n'est pas de bonne augure pour le futur.
07:52 – Oui, alors justement, si on élargit en dehors de l'Allemagne, à l'Europe,
07:55 quelles conséquences sur l'Union européenne et l'euro ?
07:57 Parce que c'était un peu le bailleur de fonds, l'Allemagne.
07:59 – Tout à fait, donc c'est pour ça qu'il ne faut pas trop se réjouir des malheurs allemands,
08:02 c'est bien du côté français, on a tendance à vouloir le faire.
08:04 Bon, c'est notre principal partenaire, alors certes, il nous avait taillé des coupières,
08:08 certes, il n'a pas toujours été, on va dire, franc du collier sur certains domaines,
08:12 mais ça reste un partenaire important et surtout, c'était un petit peu l'âme de l'euro.
08:17 Dire que la crédibilité de l'euro, elle est quand même liée à la solidité d'Allemagne.
08:21 Alors que si cette solidité, comment elle s'était un petit peu ébréchée,
08:25 donc on pourrait avoir des problèmes, notamment sur la monnaie,
08:28 sur la valeur de la monnaie, mais également sur les taux longs,
08:31 qui pourraient se mettre à augmenter.
08:33 Et là, ce serait une catastrophe, notamment pour la France,
08:35 qui est beaucoup plus endettée que l'Allemagne.
08:37 – Et sur la comparaison avec la Fed, les taux américains.
08:40 – Tout à fait. – Alexandre, merci,
08:42 c'est toujours passionnant de vous recevoir et d'échanger avec vous.
08:44 Merci à tous de nous avoir suivis.
08:46 Rendez-vous très vite sur Investeur TV avec un nouveau Focus.
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