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La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a remis ce vendredi sur la table la question de la taxation des superprofits. Mais pour Alexandre Saubot, le président de France Industrie, "les profits sont déjà taxés".

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Transcription
00:00 L'invité éco, Camille Revel.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous. Notre invité ce soir est le président de France Industrie.
00:08 Bonsoir Alexandre Sautin.
00:09 Bonsoir.
00:09 Vous rassemblez 50 grandes entreprises privées et publiques des secteurs industriels, 31 fédérations.
00:15 La présidente de l'Assemblée, Yael Braun-Pivet, a remis ce matin sur la table une question un peu éternelle.
00:20 La taxation des super-profits étant donné l'état des finances publiques.
00:24 Le ministre de l'économie Bruno Le Maire répond que le gouvernement taxera
00:28 comme prévu dans le prochain budget les énergéticiens mais pas plus que ça.
00:32 Et je voudrais votre position sur cette question-là.
00:35 Écoutez, je pense que la France a de nombreux défis à affronter.
00:38 Elle a le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé du monde dans une économie ouverte.
00:42 Donc je pense que ça devrait être une évidence pour tout le monde qu'on ne règlera aucun des problèmes du pays
00:46 en augmentant les impôts en plus.
00:47 On a la redistribution la plus forte avec la réduction des inégalités la plus forte.
00:52 Donc aujourd'hui l'enjeu du pays c'est comment est-ce qu'on crée plus de richesses,
00:55 comment est-ce qu'on mobilise notre tissu économique, nos collaborateurs,
00:58 comment est-ce que le gouvernement simplifie notre environnement
01:01 pour répondre aux défis du pays qui soient sur l'emploi, sur les finances publiques, sur la décarbonation.
01:05 Il y a quand même des entreprises de votre secteur qui réalisent en 2023
01:08 des bénéfices records qui viennent d'être publiés.
01:10 C'est une très bonne nouvelle. L'État prend 25% de ce que les entreprises françaises gagnent.
01:14 Je crois que l'impôt sur les sociétés a fortement augmenté ces dernières années.
01:18 Donc les profits sont déjà taxés.
01:19 Après je sais que dans l'énergie il y a des dispositions spécifiques.
01:22 Donc vous les comprenez ?
01:24 Je crois que l'idée des dispositions c'est que les énergétiens sont protégés
01:28 quand le cours d'électricité tombe très bas
01:30 pour éviter que les investissements, notamment dans le renouvelable qu'ils ont fait,
01:34 soient pas rentables et pour inciter les gens à investir.
01:37 Et la contrepartie c'est quand le prix de l'électricité monte,
01:39 il restitue tout ou partie de ce qui dépasse.
01:42 Et ces dispositifs je pense fonctionnent.
01:44 Après dans quelles conditions je ne suis pas le plus grand expert de cette question technique.
01:47 Les États membres de l'Union européenne sur un autre dossier
01:50 viennent de valider une législation sur le devoir de vigilance.
01:52 Concrètement elle prévoit que les grandes entreprises
01:55 que vous représentez notamment pour votre secteur, l'industrie,
01:58 soient juridiquement responsables des violations des droits humains, sociaux, dommages environnementaux,
02:03 y compris pour leurs fournisseurs et filiales.
02:05 La balaie dans le camp du Parlement européen qui doit voter sur le texte mi-avril.
02:09 Alors vous, vous ne le cachez pas, vous êtes contre, profondément contre même.
02:13 Pourquoi ? Parce qu'on parle quand même d'enjeux forts, l'environnement, les droits de l'homme.
02:17 Pourquoi dire non ?
02:18 Tout le monde est d'accord sur les objectifs.
02:20 La question c'est comment on veut les atteindre.
02:22 Demander à des entreprises, en plus on parle de grandes entreprises,
02:24 je rappelle que ça descend jusqu'à 1000.
02:26 J'ai la chance de diriger une entreprise de 2000 personnes,
02:28 je ne me suis jamais vu comme une grande entreprise.
02:30 Et ce qui va nous être demandé par ce texte,
02:32 pour la majorité des entreprises qui y sont soumises,
02:34 est juste inapplicable.
02:36 Des dizaines de milliers de références, des milliers de fournisseurs,
02:39 des chaînes de valeurs qui ne sont pas limitées dans la profondeur,
02:42 donc ça peut être le rang 2, le rang 3, le rang 4,
02:44 avec des responsabilités lourdes, des investigations profondes
02:48 que les entreprises ne seront pas capables de faire.
02:50 On ne peut pas le faire.
02:52 Encore une fois, le texte français qui préexistait,
02:55 qui posait déjà pas mal de problèmes,
02:56 se limitait au rang 1 et ne traitait que les entreprises de plus de 5000.
03:00 Et quand vous les interrogez, déjà elles avaient du mal.
03:02 Mais imaginez qu'une entreprise comme la nôtre,
03:04 qui a 500 fournisseurs,
03:06 qui achète plus de 17 000 composants différents,
03:08 des composants qui eux-mêmes sont constitués
03:10 de dizaines de fournisseurs de rang 2 puis de rang 3,
03:14 la capacité à les auditer dans des conditions raisonnables
03:17 et avec un niveau de sécurité et de confort suffisant
03:21 est juste totalement illusoire.
03:23 Ce n'est pas comme ça qu'il faut prendre le problème.
03:25 - Et alors qu'est-ce qu'on doit faire face à ces enjeux qui sont cruciaux ?
03:28 - Il faut continuer à réaffirmer les objectifs.
03:30 Les entreprises, chaque fois qu'elles le peuvent,
03:32 s'interrogent sur avec qui elles travaillent, sur quels fournisseurs.
03:35 Mais ce type de réglementation doit être,
03:38 un, vu à l'aune de ce que les entreprises savent faire,
03:41 et deuxièmement, on ne peut pas être la seule région du monde
03:44 qui va faire courir un risque juridique à ces entreprises
03:46 quand les entreprises américaines ou chinoises n'y sont pas exposées.
03:49 Alors que la souveraineté est un enjeu majeur
03:52 qui a été réaffirmé dans la déclaration d'Anvers
03:55 et avec le soutien de Mme van der Leyen,
03:57 prendre une disposition de ce type
03:58 quand l'objectif c'est de produire plus en Europe n'a aucun sens.
04:01 - Qu'est-ce que vous êtes prêts à faire ?
04:04 Que doit-on faire ?
04:05 - On fait déjà énormément de choses.
04:07 On choisit nos fournisseurs,
04:09 on fait un certain nombre de vérifications
04:11 mais l'idée qu'on peut aller dans l'intégralité de la profondeur
04:14 des chaînes de valeur
04:16 pour des entreprises de taille aussi faible,
04:18 c'est juste que ça ne marchera pas.
04:20 - Je vous entends parler d'autres régions du monde,
04:23 les États-Unis, la Chine, c'est quoi ?
04:24 C'est une question de compétitivité pour vous aussi ?
04:26 - C'est une question de risque juridique,
04:27 de compétitivité, de capacité à faire.
04:30 Encore une fois, on viendra peut-être sur les sujets environnement,
04:32 mais la meilleure façon de décarboner la planète
04:34 c'est de produire plus en Europe.
04:36 Et en Europe, c'est de produire le plus possible en France
04:38 puisqu'on a le point de PIB le plus décarboné du monde,
04:40 l'énergie la plus décarbonée de tous les grands pays européens.
04:43 Donc plus on fait en France, plus on protège la planète.
04:46 Donc prendre des dispositions qui, par leur complexité,
04:48 leur inapplicabilité, leur coût,
04:50 découragent des gens à faire à l'endroit où il faut faire
04:52 pour protéger la planète, ça n'a aucun sens.
04:55 - Est-ce que l'industrie française, justement, parlons-en,
04:57 arrive à se décarboner ?
04:58 - Mais bien sûr !
04:59 L'industrie française est maintenant, depuis 5 ans,
05:02 à travers les différentes filières,
05:04 les contrats stratégiques de filières,
05:06 engagée dans une trajectoire de décarbonation.
05:08 Elle a identifié les projets, elle a identifié les coûts,
05:10 elle travaille avec le gouvernement dans le cadre de France 2030
05:13 et avant de France Relance sur le niveau de soutien qui est nécessaire
05:16 pour que ces projets puissent voir le jour.
05:19 Et aujourd'hui, alors encore une fois, il y a des changements récents,
05:21 mais l'industrie était au rendez-vous de l'objectif précédent
05:24 qui était -35% sur nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030.
05:28 Et on continue à travailler pour aller au-delà,
05:30 pour essayer d'être au rendez-vous de Feed for 55.
05:33 - Il y a un mot qu'on entend beaucoup ces dernières années,
05:35 c'est celui de réindustrialisation.
05:37 Est-ce que la France peut se réindustrialiser ?
05:40 Et je vais aller plus loin.
05:41 Est-ce que vous avez senti, en tournant politique sur ces questions-là ?
05:45 - Je pense que depuis le milieu de la décennie précédente,
05:48 avec le rapport de Louis Gallois,
05:50 il y a eu une prise de conscience que si la France n'arrêtait pas sa désindustrialisation,
05:54 elle allait dans le mur.
05:55 Que collectivement, on allait se retrouver avec une balance commerciale,
05:58 une création de richesse et une situation fragile.
06:00 Et l'affaiblissement de la France, on ne peut pas toujours le financer
06:03 par un surcroît de dette.
06:05 Donc il y a eu un changement d'état d'esprit.
06:06 Après, comme toujours dans l'industrie, c'est le temps long.
06:08 Donc quand on prend des décisions, ça met du temps à produire des résultats.
06:12 Sur la période 2000-2015, on a détruit entre 50 et 100 000 emplois par an dans l'industrie.
06:18 Depuis 2017, en 5 ans, on en a créé 100 000.
06:21 Donc certes, 100 000 en 5 ans, ce n'est pas énorme,
06:23 mais par rapport à la trajectoire précédente, c'est une forte inflexion.
06:26 Et mon inquiétude aujourd'hui, c'est que dans l'environnement réglementaire,
06:30 les problèmes d'énergie, les enjeux de souveraineté,
06:33 c'est que cette dynamique s'enraye et que cette trajectoire,
06:35 qu'il faut poursuivre pendant les 15 prochaines années si on veut y arriver,
06:38 s'interrompe ou soit fragilisée.
06:40 Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour éviter ça ?
06:42 Il faut continuer à soutenir nos entreprises,
06:44 il faut continuer à leur simplifier la vie,
06:46 il faut continuer à les écouter quand ils disent qu'une réglementation n'est pas applicable,
06:49 il faut les écouter quand ils disent que le MACF fait courir plus de risques
06:52 qu'il règle davantage,
06:53 il faut les écouter quand ils disent que le zéro artificiation net
06:56 va faire peser un risque sur le développement de certaines entreprises
07:00 et dans certains sites,
07:01 et que si la priorité c'est la réindustrialisation,
07:03 il faut mettre tous nos actes en cohérence avec l'objectif stratégie
07:07 que je crois que tout le monde partage.
07:08 Il nous reste très peu de temps, une trentaine de secondes,
07:10 mais vous avez parlé emploi, est-ce que vous arrivez à recruter ?
07:13 Bien sûr, on arrive à recruter, après il faut faire plus,
07:16 avec la réindustrialisation,
07:17 on a des besoins exceptionnels de recrutement dans l'industrie française,
07:20 on parle de plus d'un million d'emplois dans les 10 prochaines années,
07:22 donc il faut être attractif,
07:24 il faut convaincre les jeunes, les jeunes femmes, les ingénieurs
07:26 de venir travailler chez nous.
07:27 On s'y attelle tous les jours, on essaye d'être attractif,
07:30 on travaille avec plein d'associations,
07:32 avec toutes nos fédérations professionnelles,
07:34 nos grandes entreprises, l'Opco 2i,
07:36 tous les acteurs de l'industrie,
07:37 pour essayer de réussir ce formidable défi,
07:39 et c'est sans doute le plus beau.
07:40 Merci beaucoup Alexandre Sobot, Président de France Industrie,
07:43 et invité Echo de France Info.

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