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La question de la taxation des superprofits fait son chemin au sein de la majorité. Pascal Saint-Amans, économiste, spécialiste des questions fiscales, plaide plutôt pour "rééquilibrer la taxation du travail, qui devrait diminuer, et la taxation du capital, qui devrait augmenter". Il est l'invité éco de franceinfo jeudi 25 avril.

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00:00Bonsoir à toutes et à tous, l'exécutif est suspendu au verdict des agences de notation Fitch et Moody's
00:10qui diront demain soir si elle dégrade ou non la note de la dette souveraine de la France.
00:15Bonsoir, Pascal Saint-Avant, vous êtes économiste, professeur à HEC, spécialiste des questions fiscales,
00:21vous avez longtemps travaillé au sein de l'OCDE. Petite question boule de cristal avec ce déficit qui se creuse
00:28bien plus que prévu et malgré les milliards d'économies annoncées pour cette année par le gouvernement,
00:33est-ce que la France peut échapper à la dégradation des agences de notation ?
00:37Eh bien, je n'ai pas de boule de cristal, donc on attendra demain soir pour la réponse.
00:41Est-ce qu'elle peut y échapper ? Oui. Est-ce qu'elle va y échapper ? On n'en sait rien, on verra.
00:45Mais il faut espérer qu'il n'y ait pas de dégradation parce qu'il y a des conséquences qui ne sont pas bonnes
00:48pour la France ni pour le reste du monde. La situation n'est pas géniale aujourd'hui, il y a peut-être une trajectoire
00:55pour s'en sortir, donc on verra ce qu'en pensent les agences.
00:57Justement, concernant cette trajectoire, pour 2024, il y a deux vagues d'annonces d'économies,
01:02deux fois 10 milliards et donc sans correctif budgétaire.
01:05Est-ce que vous regrettez cette politique du coup drabeau ou est-ce que la situation l'exige ?
01:10Je crois que le déficit file, on n'est plus en Covid, on n'est plus en explosion des prix du pétrole,
01:16ce qui peut revenir d'ailleurs vu la situation au Moyen-Orient.
01:19Et donc faire des économies sur les dépenses, c'est sans doute une nécessité.
01:25Est-ce qu'il faudrait compenser aussi cela par des hausses d'impôts ?
01:29Vu le niveau de la fiscalité en France, ce n'est pas évident.
01:31En France, on est les champions mondiaux de l'impôt.
01:33D'ailleurs, on a le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé du monde sur le produit intérieur brut
01:37et on est toujours plein d'idées pour augmenter ici ou là les impôts.
01:41On a une pression fiscale qui est très, très élevée.
01:43Maintenant, elle pourrait être mieux répartie, elle pourrait peut-être être plus juste.
01:46Donc ça, c'est les débats qu'on peut avoir.
01:48Le gouvernement veut aussi s'attaquer à ce que Gabriel Attal appelle des rentes à hauteur de 2,5 milliards pour cette année.
01:54C'est quoi une rente à votre avis, Pascal Saint-Amand ?
01:57Une rente pour les économistes, c'est lorsque vous avez un retour sur capital,
02:02un retour sur investissement, des profits qui sont anormaux.
02:05Par exemple, si vous avez un monopole du temps des monopoles au XIXe siècle de la métallurgie
02:10ou aujourd'hui des Google et autres qui peuvent ressembler plus ou moins à des monopoles,
02:15vous pouvez charger, vous pouvez faire payer beaucoup plus cher vos clients
02:19et donc vous avez des retours sur investissement qui sont faramineux.
02:22Et c'est ça qu'on appelle une rente.
02:23Lorsque les prix du pétrole s'envolent, les énergéticiens, ils ont ce qu'on pourrait appeler une rente,
02:29c'est-à-dire des super profits, des retours sur investissement qui sont très élevés.
02:33Sauf qu'on voit que la taxe sur les profits des producteurs d'énergie, l'an dernier, elle n'a rapporté que 300 millions d'euros.
02:40Alors, je vous ai dit ce qu'était une rente, mais je ne vous ai pas dit s'il fallait taxer les rentes ou pas.
02:44Et en fait, ça paraît être une évidence.
02:46Si des gens ont un retour de monopole, ils ont un retour extraordinaire.
02:51On peut prendre une partie de ces profits sans que ça réduise les investissements de ces personnes.
02:58Vous savez, dans l'économie, il faut taxer les revenus, mais il vaut mieux taxer les rentes que les retours normaux,
03:06parce que sur les retours normaux, vous empêchez les gens d'investir.
03:09Donc, il faut taxer les rentes, les super profits.
03:11Il faut taxer les rentes lorsqu'on sait bien les définir.
03:14Lorsque vous avez une guerre, lorsque vous avez un Covid, vous pouvez identifier ce qu'est une rente.
03:18Lorsque vous avez juste des événements normaux, des entreprises qui performent bien, qui sont juste très bonnes,
03:24est-ce qu'il faut prendre ce que l'on estime comme anormal, ce qui n'est pas habituel ?
03:29Vous l'évaluez, vous.
03:30Et donc, c'est assez compliqué.
03:31On peut identifier les rentes dans des situations exceptionnelles.
03:33On peut difficilement les identifier dans des circonstances normales.
03:37Même lorsque le prix du pétrole s'envole, on voit que les énergéticiens, ce n'est pas du tout évident de récupérer leur rente.
03:42Et donc, ça veut dire qu'on est revenu à une situation normale, à votre avis ?
03:46On est en quelque sorte revenu dans une situation normale où la taxe est mal conçue et provoque des comportements d'évitement.
03:53Et in fine, ces taxes sur les surprofits, elles ne marchent pas très bien.
03:56C'est pour ça que Bercy, lorsque le Premier ministre a dit qu'on pourrait faire ça, a dit oui, mais ce n'est pas forcément la meilleure des idées du monde.
04:03Et alors, le gouvernement veut aussi taxer le rachat d'actions.
04:06C'est en tout cas une des pistes évoquées.
04:08Est-ce que ça, c'est une bonne idée à votre avis ?
04:10Alors ça, il faut le mettre dans le contexte des 30 ou 40 dernières années où le capital est moins taxé que le travail.
04:17Donc, si vous gagnez des dividendes plutôt qu'un salaire, vous allez être moins taxé.
04:22Si vous avez des rachats d'actions, vous allez être moins taxé que si vous avez une prime à la fin de l'année.
04:27Et si vous êtes un grand capitaliste avec des milliards, in fine, vous allez payer moins d'impôts relativement que si vous êtes un salarié qui gagne bien sa vie, mais qui n'est pas milliardaire.
04:36Et donc, on a une vraie question de rééquilibrer la taxation du travail, qui devrait diminuer, et la taxation du capital, qui devrait être augmentée, taxer les rachats d'actions, taxer les dividendes au barret.
04:48A quelle hauteur ? J'ai vu 1%. Est-ce que c'est la bonne fourchette ?
04:50Je n'en sais rien. En remontant de la politique, il n'y a pas de bonne fourchette.
04:53En tout cas, mieux taxer le capital, c'est sans aucun doute ce qu'il faut faire.
04:57Vous avez, la semaine dernière au G20, j'étais à Washington pour les réunions de printemps du Fonds monétaire international.
05:03Il y a eu un débat, il y a eu une proposition au G20 de mettre en place un impôt minimum sur la fortune des milliardaires.
05:10Et c'était ma prochaine question, parce que l'économie, ça reste quand même de la politique.
05:13Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a plaidé pour une taxe sur les ultra-riches au niveau international. C'est le bon niveau ?
05:20Alors, c'est le bon niveau parce que si on le fait au niveau national, en fait, les riches, ils partent. Ils partent dans un autre pays.
05:25Ce que l'on a fait, et j'y ai participé à l'OCDE, c'est mettre en place un impôt minimum mondial sur les sociétés.
05:30Donc, on peut avoir un accord. Il y avait 140 pays qui se sont mis d'accord. C'est appliqué, dès cette année.
05:34Sauf que Bruno Le Maire avait mis en place une taxe sur les GAFAM en France.
05:37Ça, c'est différent. Vous avez raison. Ils ont mis une taxe sur les services numériques.
05:41Mais là, on est sur une imposition mondiale d'au moins 15% sur les profits des entreprises, lorsque, aujourd'hui, ces profits sont à zéro.
05:47Pour les personnes physiques, on pourrait concevoir un système qui aboutirait à ce que les milliardaires qui, aujourd'hui, sont taxés très faiblement.
05:54Vous avez Buffet, qui est un milliardaire, qui dit qu'il est moins taxé que sa secrétaire.
06:00Comme qui dirait un petit problème, on peut peut-être se diriger vers cette imposition minimum du revenu et de la fortune.
06:08C'est ce que le Brésil a mis tout en haut de l'agenda du G20, avec maintenant le soutien de la France et de quelques autres pays qui ont, aujourd'hui, dans Guardian au Royaume-Uni, indiqué leur soutien.
06:17Merci beaucoup, Pascal Saint-Amand, professeur d'économie à HEC. Vous étiez l'invité éco de France Impôt, ce soir.
06:23Merci à vous.

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