• il y a 9 mois
"1904-2024 : 120 ans d'un journal"

Soirée débat avec Patrick Le Hyaric, directeur du journal de 2000 à 2020, dans le cadre de la semaine de la presse; organisée par la Société des Lectrices & Lecteurs de l'Humanité en Isère.
Un évènement qui s'est tenu à l'Institut de la Communication et des Médias à Échirolles, le mardi 19 mars
Transcription
00:00 [Musique]
00:20 Maintenant sur les questions, Georges Ibrahim Abdallah, l'Humanité, le traite régulièrement,
00:26 on a même deux de nos journalistes ont été lui rendre visite en prison,
00:33 ils l'ont même interviewé, Alain Reynal et Pierre Barmancel.
00:39 Sur les cartes de presse, ce n'est pas l'Humanité qui donne les cartes de presse,
00:46 c'est une commission nationale de la carte de presse qui octroie un certain nombre de cartes de presse
00:53 selon un certain nombre de critères. On ne peut pas avoir une carte de presse
01:03 si l'essentiel de ses revenus n'est pas le travail de journaliste
01:12 ou si on n'écrit pas un certain nombre de papiers, ce sont les règles de la commission nationale.
01:24 À ce propos, il y a d'ailleurs une question, c'est que je crois qu'on est passé de 37 000 cartes de presse
01:32 il y a quelques années à 30 000 cartes de presse, qui montrent pour une part les difficultés de la presse aujourd'hui.
01:45 Parce que s'il y a moins de cartes de presse, ça veut dire qu'il y a moins de journalistes.
01:52 C'est le début de ce que je disais tout à l'heure, un journaliste vérifie ses sources,
01:58 un journaliste écrit à partir de données, de théories, un journaliste fait des reportages,
02:04 un journaliste va faire des enquêtes dans le pays et à l'étranger.
02:10 Si vous avez moins de journalistes, c'est-à-dire moins de cartes de presse,
02:15 vous êtes dans une situation où il est sûr que vous avez moins d'enquêtes et de reportages
02:21 et donc une information qui est prématurée par le système médiatique tel qu'on le connaît aujourd'hui.
02:27 C'est une question très importante, le nombre de cartes de presse, et on ne se bat pas assez pour cela.
02:37 Nous n'avons pas de correspondants en Nouvelle-Calédonie, ni d'ailleurs ailleurs à l'extérieur de l'Hexagone,
02:47 pour les mêmes raisons que je viens de dire.
02:51 Les difficultés financières ont fait qu'on a réduit la pagination, qu'on a réduit la rédaction considérablement,
03:00 et malheureusement, vous savez, dans un journal, et comme je suis le mauvais auteur de tout cela,
03:14 je ne m'en vante pas, mais dans un journal, quand on réduit, on réduit les correspondants étrangers,
03:24 on réduit les photographes, ensuite on réduit les reportages,
03:31 et on réduit les reportages à l'intérieur et les reportages à l'extérieur.
03:38 Je ne dis pas, et vous réduisez, le nombre de journalistes.
03:44 Parce que vous êtes contraints, non pas parce que je suis un sale mec qui veut du mal à quelqu'un.
03:52 Moi, j'aurais préféré avoir une rédaction de 200 journalistes.
03:56 Malheureusement, elle n'est que de 58, et avec ça, on doit faire un quotidien, un magazine,
04:05 alimenter la plateforme numérique, et les journalistes maintenant, de plus en plus,
04:10 notamment les jeunes, font des vidéos. C'est beaucoup de travail pour eux.
04:15 Et nous aussi, on s'abre sur des enquêtes, il y a des choses qu'on ne suit pas.
04:22 Et donc, du nombre de journalistes dans une rédaction dépend la diversité des traitements du journal,
04:32 la diversité des sujets, mais aussi les enquêtes et les reportages.
04:37 Le plus important quand même, ce sont les enquêtes et les reportages.
04:43 Quand les gens peuvent aller sur le terrain, rapporter des choses un peu originales.
04:51 Sur la question de la visibilité du Parti Communiste, moi, dans un autre temps et dans d'autres fonctions,
04:59 je serais venu protester contre cela, mais ici, ce soir, je ne suis pas là pour cela.
05:06 Je veux simplement dire que si c'était ça la question, reprenez l'Humanité magazine
05:13 et l'Humanité de ces derniers jours, vous verrez que le candidat communiste aux élections européennes
05:20 est bien traité. Sur la concentration de la presse, vous connaissez à peu près,
05:30 vous êtes à peu près informé là-dessus, les médias dominants aujourd'hui,
05:38 les médias qui font l'opinion, sont détenus par neuf grands groupes capitalistes.
05:45 Seulement neuf grands groupes capitalistes, qui sont dans l'armement, dans le bâtiment,
05:54 l'immobilier, qui sont dans le colonialisme de certains.
06:04 Évidemment, chacun comprend bien que cette concentration là,
06:19 elle a forcément des conséquences sur les contenus. Vous n'allez pas demander,
06:26 vous ne pouvez pas demander à un propriétaire de journal comme Bouygues, le groupe d'assaut,
06:34 ou Bolloré, vous ne pouvez pas leur demander d'écrire des articles anti-capitalistes.
06:42 Vous ne pouvez pas demander à un journal propriété du premier groupe d'armement français
06:52 d'être contre la vente d'armes, ça se comprend aisément.
06:57 Donc, il y a cette volonté de rachat des journaux par les grands groupes,
07:08 évidemment, elle coïncide avec le fait qu'il faut défendre le système.
07:15 Et les journalistes dans ces journaux ne sont pas libres aux échos,
07:27 qui est un journal libéral, c'est le journal de l'économie libérale.
07:32 Et bien même le rédacteur en chef a été licencié il y a huit mois de cela,
07:39 parce qu'il avait fait un éditorial qui ne plaisait pas au patron, M. Bernard Arnault.
07:47 Et que comme ça il y a de multiples exemples, il y a des tensions dans les rédactions autour de cela.
07:56 Mais évidemment, les syndicats à l'intérieur, les sociétés de journalistes
08:08 font leur possible, mais il y a des limites à cela.
08:15 Le cas de Bolloré est sans doute maintenant le cas qui devient le plus préoccupant.
08:29 Parce que lui maintenant, il a des chaînes de télévision, il a quand même plus des chaînes de télévision autour,
08:43 des chaînes de télévision qui ne peuvent exister que parce que l'émission,
08:55 l'émission N'R'est-ce-que-ce-que, des contenus ne peut se faire que par le domaine public.
09:04 Ils ont une autorisation d'émettre qui est contrôlée par ce qu'on appelle l'ARCOM,
09:10 qui est chargé de réguler les médias.
09:14 Et en échange de ça, toutes les télévisions et les radios sont contraintes
09:21 d'avoir à l'intérieur de leur programme du pluralisme, du pluralisme d'opinion.
09:29 Mais pas seulement d'opinion politique, d'opinion syndicale, d'opinion scientifique, d'opinion culturelle.
09:39 Or là, on a des orientations maintenant de C8, avec ce Hanouna, il faut voir ce que c'est quand même.
09:55 Hanouna, c'est regardé par deux millions et demi ou trois millions de personnes le soir.
10:03 Moi je m'y suis intéressé du jour où, c'est une histoire assez banale, mon garçon, mon fils,
10:12 fait un jeu, je ne sais pas si vous connaissez ça, qui n'est pas du tennis, qui est du paddle.
10:18 Et Hanouna joue au paddle. Ils se retrouvent donc ensemble dans le jeu.
10:24 Donc il me décrit la vie de ce type, c'est abominable, et il m'a dit "mais regarde ces émissions".
10:34 Et j'ai regardé, j'ai regardé, j'ai regardé.
10:38 Trois millions de personnes qui regardent ça le soir, je vous prie de croire que ça fait mal.
10:47 La manière dont c'est construit, la manière où lui, il domine un certain nombre de gens
10:53 et où il oriente les discussions, comme au café du comptoir, c'est terrible.
11:01 Il en est de même à CNews, où maintenant c'est une chaîne ouvertement d'extrême droite,
11:09 c'est la chaîne des catholiques intégristes et d'extrême droite.
11:14 Et il y a une combinaison maintenant entre celui de CNews et le journal du dimanche
11:21 qui a vraiment changé, je les lis, donc il a vraiment changé dans le contenu
11:28 et vraisemblablement Paris Match va changer assez rapidement.
11:34 Et donc là, nous avons un gros problème.
11:38 Mais il a maintenant la quasi-totalité de l'édition.
11:46 Et donc quand un écrivain ne plaira pas ou un texte de livre ne plaira pas aux gens
11:55 qu'il va nommer dans les comités d'écriture, il y aura des gens qui ne seront pas publiés
12:02 dans ces maisons à lui, voire elles ne seront pas mises en avant.
12:09 Parce que, imaginons que demain, en plus, il achète ce qui reste de Lagardère.
12:14 Dans Lagardère, il y a une partie de la distribution des journaux,
12:18 ce que vous voyez dans les gares, les relais trash.
12:22 Eh bien, si on ne vous met pas en avant, on ne vous achètera pas, on ne vous verra pas.
12:27 Donc il a l'ensemble de la chaîne.
12:29 Il a la billetterie des grands événements, il achète des salles de spectacle,
12:36 il a acheté une des plus grandes librairies à Saint-Germain-des-Prés.
12:41 Donc c'est toute une chaîne de production culturelle et idéologique
12:46 pour mener la bataille culturelle, ce n'est pas pour autre chose.
12:51 Et quand vous voyez quelqu'un comme Kretinsky, qui est dans le monde,
12:57 qui peut-être va devenir un des principaux actionnaires du monde,
13:03 qui est propriétaire de Marial, qui veut acheter tout ce qui passe devant lui,
13:08 il est prêt à acheter le casino, il est prêt à acheter tout ce qui passe devant lui,
13:13 il achète des centrales à charbon, centrales thermiques.
13:18 Là, il voulait acheter Atos, ce n'est pas fait pour l'instant.
13:26 Donc, ils achètent de la presse, et avec la presse, ils ont un moyen de pression considérable
13:37 sur le Parlement, sur les gouvernements, quels qu'ils soient.
13:47 On vous sort n'importe quoi, parce qu'il y a des documents.
13:53 Donc, il ne faut pas croire que c'est banal tout ça.
14:00 Il y a aujourd'hui des gens qui vous suivent, qui vous écoutent,
14:07 qui enregistrent même ce que vous dites, et qui l'utilisent contre vous.
14:14 Je peux en parler très largement.
14:18 Donc, le fait de disposer d'un système médiatique comme ça est très nouveau.
14:23 Et donc, défendre aujourd'hui la presse indépendante, je dis l'humanité,
14:28 mais il y en a plein d'autres, il y a Politis, Témoignages Chrétiens,
14:31 Le Monde Diplo, à sa façon, il est en groupe le monde, il est resté autonome.
14:36 Et d'autres encore, qui se sont auto-construits, Mediapart, Blast, etc.,
14:46 qui ont un autre son de cloche.
14:51 C'est très important, parce que sinon, il ne restera rien.
14:57 On sera écrasé, on aura la pensée unique à accepter.
15:03 Vous avez vu encore, maintenant, l'entreprise qui fait plus de profits que Total,
15:10 CGM, de M. Saadé, qui est basé à Marseille,
15:15 CGM fait des profits considérables grâce au Covid et à la guerre.
15:21 Puisqu'elle est dans les quatre entreprises mondiales qui font le grand transport logistique.
15:32 Compagnie Générale Mariti, ils font plus de profits que Total, personne n'en parle.
15:37 Mais vous avez vu qu'ils viennent lundi soir ou mardi matin,
15:43 ils viennent de racheter BFM TV,
15:47 après avoir acheté La Tribune, L'Economie, et avoir lancé La Tribune dimanche.
15:54 Évidemment, on sait pour qui M. Saadé roule, et pourquoi il fait tout ça.
16:04 Il fait tout ça parce qu'il y a la campagne présidentielle qui s'annonce,
16:08 et il y a la campagne européenne, ils veulent un peu recadrer l'orientation éditoriale de BFM.
16:14 Mais c'est cela qui est en train de se passer.
16:18 Que peut-on faire ? Il y a déjà des outils dans les lois,
16:23 même les lois anti-concentration comme celle de 1986, faite par la droite, qui est mauvaise.
16:29 Elle permettrait aujourd'hui de contrôler bien plus ce qu'on fait.
16:34 Mais au-delà de ça, il faut une nouvelle loi sur les médias et l'information en France,
16:42 qui décrète, conformément à la Constitution, que l'information est un bien public.
16:51 Et à partir du moment où l'information est un bien public,
16:55 il doit être traité, par ceux qui ont accès au cadeau public,
17:02 doit la traiter de manière pluraliste.
17:07 Et il faut une nouvelle loi anti-concentration.
17:10 On ne peut pas accepter que le même homme puisse aller exploiter les salariés de Côte d'Ivoire,
17:18 de faire de l'huile de palme, d'avoir le monopole du tabac,
17:24 une partie du papier, les batteries électriques,
17:29 que sais-je encore, la presse, les maisons d'édition,
17:35 détenir des salles de spectacle, en ces questions de monopole sur la billetterie.
17:41 Donc, choisir les artistes.
17:44 Vous savez, par exemple, maintenant, quand vous voulez certains artistes à la fête de l'Humanité,
17:49 vous ne pouvez pas les avoir, parce que l'artiste ne peut pas venir,
17:54 parce qu'il n'est pas seulement signataire d'un contrat avec sa maison d'udysse,
18:01 il est signataire d'un contrat avec le tourneur.
18:04 Si le tourneur veut vous faire crever, il vous fait crever,
18:08 et il ne vous emmène pas l'artiste à la fête.
18:10 Ou bien il vous demande un million et demi pour un article,
18:13 un artiste qui valait il y a deux ans 200 000 euros sur la grande scène de la fête de l'Humanité.
18:18 Donc, les menaces sur la diversité, l'exception culturelle,
18:26 auxquelles il faut ajouter le rôle de ce qu'on appelle les GAFAM,
18:32 Facebook, Google, etc., qui trient, qui sont aussi en situation,
18:38 qui pillent eux l'information, qui trient l'information,
18:42 et vous la mettent sur votre écran,
18:46 mais ils vous la mettent selon leur orientation politique.
18:50 Pourquoi ? Parce que sur votre écran de téléphone,
18:53 quand vous vient une information, c'est un algorithme qui vous emmène à l'information.
18:59 Ce n'est jamais une information de l'Humanité.
19:02 Ce n'est jamais un hashtag sur un article qui a fait l'Humanité.
19:06 C'est toujours autre chose.
19:09 C'est toujours un média dominant,
19:14 soit qui a payé, soit qui a un contrat avec cette semaine GAFAM.
19:20 Maintenant, ils le font tous, Twitter, Facebook, TikTok, je crois, le fait désormais aussi.
19:27 Google, Amazon, des gens qui vont tout faire.
19:33 Ils sont dans l'information, ils sont dans le traitement des données qu'ils vendent,
19:39 mais ils sont dans la santé.
19:41 Parce que les données de santé, on dit que les Russes ont volé les données de santé.
19:46 Mais enfin, il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles.
19:50 Il n'y a pas plus de Russes que moi, je suis évêque de Valais.
19:55 Ceux qui prennent les données de santé, c'est les grands majors de GAFAM.
19:59 Pourquoi ? Parce que vos données de santé valent très cher.
20:06 Et elles valent très cher à qui ?
20:09 Moi, j'ai des problèmes cardiaques.
20:12 Eh bien, mon assurance ou mon banquier ne me feront pas de prêt
20:18 s'ils pensent que mes problèmes cardiaques feront que dans deux ans,
20:22 je ne serai plus là et je ne pourrai pas rembourser mon prêt.
20:25 Donc, toutes ces données qui sont pillées aujourd'hui,
20:29 elles ne sont pas pillées par les Russes,
20:32 elles sont pillées par la grande industrie numérique capitaliste
20:35 qui revend ces données, mais fait plus que ça.
20:39 Parce qu'elle les revend pour partie à elle-même.
20:42 Il faut savoir quand même qu'Amazon commence à monter les hôpitaux aujourd'hui,
20:47 commence à être dans les EHPAD.
20:50 Donc, c'est florissant tout ça.
20:53 Et dans la logistique, tout ce que vous connaissez,
20:57 je ne peux pas me passionner autour de ça.
21:00 Donc, autour de ces enjeux, il y a de grandes questions.
21:06 Et le capitalisme français, qui se prend pour un nain mondial,
21:11 ce qu'il est pour partie, il veut se mettre là-dedans aussi.
21:18 Par exemple, Sarkozy a fait les études généraux de l'information
21:22 et Macron fait là des trucs de l'information aussi, je ne sais pas quoi.
21:27 Mais c'est pour ça.
21:30 Ce n'est pas pour réguler, c'est pour dire,
21:33 il faut que vous atteigniez la taille critique.
21:36 Comme on dit aux paysans, vous allez bouffer un pack de la neo-zélandaise,
21:41 mais parce que nos élevages de moutons n'ont pas la taille critique.
21:45 C'est-à-dire qu'on n'a pas d'élevage à 2000-3000 moutons comme la neo-zélandaise.
21:50 C'est la même démarche qu'ils sont en train de faire
21:53 et qui tue les paysans comme on tue l'information.
21:57 Sur le budget du journal, en gros, le budget, les recettes du journal,
22:04 c'est les ventes et la diffusion, c'est aux alentours de 18 millions d'euros.
22:09 La souscription, ça varie en années normales, 2,5 millions,
22:14 mais on a été jusqu'à 4,5 millions, 5 millions.
22:18 La fête aux alentours de 500 000 euros.
22:21 Les aides publiques, 3,6 millions d'euros.
22:26 3,6 millions d'euros.
22:29 Au titre de l'aide au quotidien à fête aux sources publicitaires
22:33 auxquelles nous avons droit, comme La Croix et maintenant Libération.
22:39 Et les recettes nettes publicitaires, c'est aux alentours de 800 000 euros.
22:44 Elles se sont améliorées.
22:47 Vous savez qu'on a été très mal, puisqu'on a été en situation aussi
22:51 de dépôt de bilan de notre régie publicitaire,
22:55 qu'à l'époque j'avais réussi à empêcher.
22:59 Mais depuis 2 ans maintenant, 2021, mais surtout de 2023,
23:11 la marge nette de notre régie publicitaire est positive.
23:18 Et en 2024, ça s'annonce aussi par an.
23:27 Sur le journal Par Plaisir, je ne sais pas quoi dire,
23:30 c'est mieux de le lire par plaisir que de lire un journal emmerdant,
23:39 ou des articles emmerdants.
23:42 Et donc, effort doit être fait en permanence sur le contenu.
23:54 Le fait qu'il y ait une stabilisation,
23:58 il y a une poursuite du râgé de distance de la rédaction,
24:02 une stabilisation interne aussi.
24:05 Les gens sont moins dans la hantise, comme ils l'ont été.
24:10 On a vécu pendant 20 ans dans la hantise de la fermeture, quand même.
24:17 Parce que moi, on m'a emmené là-dedans en 2000,
24:20 en me cachant la vérité des chiffres,
24:23 et j'ai pu se débrouiller avec ça.
24:26 Et ce n'a pas été simple, je ne vais pas vous raconter ma vie.
24:30 Donc, les équipes sont un peu plus stabilisées.
24:35 Et comme il y a des résultats assez difficiles,
24:40 il faut se battre pour des raisons générales,
24:43 de lecture, de concurrence avec aussi les réseaux sociaux notamment.
24:52 Le fait qu'on recherche ce modèle économique donne quand même,
24:55 je crois, un peu plus le moral aux équipes.
24:58 C'est un peu plus apaisé que ce que j'ai connu il fut un temps.
25:06 Donc, il faut maintenir ça.
25:09 Mais là, on a ouvert mieux maintenant, par exemple, un service révélation.
25:19 Il y a plus de révélations de humanité dans le journal.
25:23 Il y a eu pas mal de choses, peut-être.
25:25 Les pages tribunes, débats, on continue sur la lancée.
25:28 Mais la question fondamentale, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure,
25:32 il faut essayer que nous ayons accès, nous comme lecteurs,
25:36 qu'on ait accès à tout ce qui se produit dans le monde
25:41 autour du progressisme, de l'écologie politique,
25:44 du communisme et de l'écologie, du communisme et du féminisme,
25:48 du communisme tout court, avec ce qu'on sait aussi
25:52 des traductions de Marx, les nouvelles traductions de Marx,
25:56 qui ne sont pas les traductions de Staline
25:59 et de ce qu'on apprenait parfois dans les écoles centrales du Parti communiste.
26:06 Et donc, le fait que nous fassions tout ça, je pense, est très utile et très important.
26:15 Mais on aurait besoin d'encore plus de reportages.
26:19 Moi, je rêve, mais ce n'est pas toujours facile,
26:22 et puis ce n'est pas non plus toujours accepté.
26:25 Moi, par exemple, je rêverais que dans l'humanité...
26:28 Bon, vous allez sans doute me lancer des tomates,
26:31 comme on me l'a fait ailleurs, mais...
26:34 Il y a quand même une question...
26:36 Non, vous n'avez pas les tomates, elles ne sont pas mûres.
26:38 Mais il y a quand même une question.
26:40 Pourquoi il y a tant de gens des milieux populaires
26:43 qui choisissent le bulletin fondationnel,
26:46 alors que quand vous parlez avec eux, ils disent comme vous ?
26:49 Moi, je rêverais que dans l'humanité, il y ait un reportage,
26:52 il y ait des reportages, trois mois d'enquête,
26:55 voyage à l'intérieur des électeurs de l'extrême droite.
26:59 Non pas pour les soutenir,
27:02 mais pour nous aider à comprendre ce qui pousse à cette démarche-là.
27:07 Pourquoi un jeune, 22% des jeunes qui vont voter disent...
27:11 Pourquoi un ouvrier choisit ça ?
27:14 Le même ouvrier !
27:16 Moi, je vois des gens...
27:19 J'étais encore ce week-end dans ma région, dans mon canton.
27:25 C'est inimaginable !
27:28 Des gens que je connais,
27:30 qui ont voté comme moi pendant très longtemps,
27:33 mais qui me parlent aujourd'hui
27:37 pour bien me faire comprendre que c'est ce vote-là qu'ils feront.
27:41 Et donc, est-ce que nous n'aurions pas intérêt à comprendre,
27:46 nous tous, que nous soyons communistes, socialistes, insoumis, écologistes,
27:52 progressistes, démocrates, qui ne veulent pas voir la vague brune déferler sur la frontière.
27:58 On aurait besoin de combat.
28:00 Bon, ça nécessite des enquêtes, et puis il faut que ce soit accepté.
28:04 Je dis ça parce que je l'avais testé,
28:08 et j'avais emmené une journaliste faire ça dans une certaine ville.
28:12 On l'avait quasiment jeté au bout de deux...
28:16 Mais il y a d'autres choses.
28:19 Par exemple, on nous dit qu'il y a la réindustrialisation.
28:24 Il faudrait que nous ayons des moyens pour faire des enquêtes.
28:28 Il y a la question de la genèse.
28:30 Les malheureux événements de la Courneuve, avec un jeune qui s'est fait fourcher,
28:36 une voiture de police qui s'est mise en travers.
28:39 Mais depuis cet été...
28:41 Moi je rêve, je dis ça tous les pas, vous ne répétez pas ce que je vous dis,
28:44 parce qu'ils vont dire "mais tu vas dans les réunions, tu racontes ta vie, tu nous critiques",
28:48 ce que je ne fais pas.
28:50 Mais moi pareil, je rêverais qu'on mette quatre, cinq sentinelles dans quatre, cinq quartiers populaires,
28:56 et qu'on raconte la vie.
28:59 Comment qu'on en arrive là ?
29:01 Comment il y a cet état de désespoir ?
29:05 Il y a dans cette genèse à la fois...
29:11 Moi j'ai vécu à la Courneuve, puis à Aubervilliers,
29:16 donc je vois bien ce qui se passe, je vois bien comment ça évolue.
29:21 Mais j'aimerais qu'on raconte.
29:24 Pas pour dire "ils ont raison de brûler une école",
29:28 mais pour se questionner,
29:31 parce que est-ce que nous parlons bien à ces jeunes-là ?
29:35 Pourquoi ? Il y a une question que je me pose,
29:38 comment nos aînés, dans les mines de charbon, dans les usines,
29:44 ils ont intégré l'immigration italienne, portugaise, polonaise,
29:49 et pourquoi ? Alors les conditions sont différentes,
29:52 mais cette immigration qui a trimé,
29:57 qu'on a fait venir des pays du Maghreb,
30:00 qui ont fait nos usines, qui ont fait nos routes,
30:03 qui ont fait nos maisons, nos HLM,
30:06 comment les enfants de cette immigration-là,
30:09 ou les petits-enfants, qui sont français aujourd'hui,
30:12 en veulent tant, y compris à nous ?
30:16 Il y a des gens, je crois, à Aubervilliers,
30:21 qui sont sympas et tout, mais quand il y a une discussion,
30:24 ils me disent "mais toi aussi, t'es un colonialiste,
30:27 je veux comprendre ça".
30:30 Enfin bref, je vais pas vous raconter ma vie,
30:33 mais c'est bien d'avoir le plaisir de lire l'Humanité.
30:36 Ça par contre, je le répéterai, mais ne répétez pas mes trucs de après.
30:50 Merci. Tout à l'heure, tu parlais des CDH,
30:53 il se trouve qu'avec Pierrot,
30:56 enfin moi je l'ai fait pendant très très longtemps,
30:58 je faisais toutes les semaines du porte-à-porte,
31:00 puis après j'ai arrêté pendant un temps,
31:02 et là avec Pierrot, qui est là-bas à la ferbe avec moi,
31:05 on est tous les jeudis soir,
31:08 et on vend le journal,
31:12 c'est-à-dire qu'on explique aux gens que Humanité,
31:16 c'est un journal alternatif,
31:20 qu'il y a une information qu'ils ne trouvent pas,
31:23 et on a des discussions très intéressantes.
31:26 Alors moi, il y a deux choses qui me surprennent,
31:29 la première c'est le nombre de personnes
31:32 qui nous disent qu'ils ne lisent plus,
31:35 et pour moi, je suis là, je leur dis,
31:38 "mais moi j'aime lire, j'aime avoir un livre entre les mains,
31:41 j'aime avoir un journal",
31:43 et beaucoup de gens nous disent après,
31:46 "ouais c'est vrai, c'est bien, mais on n'a plus le temps,
31:49 c'est pas possible, puis on va sur nos téléphones, enfin voilà",
31:52 et en même temps, on vend quand même en moyenne
31:56 quatre humains, et tout ça en 30 minutes,
31:59 et il y avait pas mal de jeunes qui nous l'achètent.
32:02 Et ça c'est la grande surprise,
32:04 parce qu'au départ, quand Pierrot me disait,
32:06 "mais Claire, je te promets, il y a plein plein de jeunes
32:09 qui achètent l'Huma", j'étais un peu fatiguée quand même,
32:12 et puis je constate maintenant que les jeunes achètent,
32:16 qu'il y a un intérêt, et ma question c'est,
32:19 pour moi c'est une forme d'éducation populaire aussi,
32:22 c'est-à-dire qu'à un moment donné,
32:24 prendre le temps de présenter un journal
32:26 et de discuter sur ce qu'est l'actualité,
32:29 c'est extrêmement important,
32:31 et ma question c'est, est-ce qu'on ne pourrait pas
32:33 essayer de re-réfléchir pour relancer,
32:36 dans ce qu'on appelait les CDH,
32:38 ce qu'on peut appeler autrement,
32:40 mais qui fasse que ce contact-là,
32:42 il est tellement bien, que moi,
32:44 je pense qu'il faut qu'on le reprenne, voilà.
32:49 Et puis, l'autre chose que je voudrais dire,
32:52 parce que de temps en temps, là,
32:54 j'ai entendu certains dire, il faudrait que ça revienne,
32:58 l'Humanité, c'est le journal du Parti Communiste,
33:01 non, non, il faut bien que ça reste le journal communiste,
33:04 il faut que ça reste bien le journal,
33:06 tel que Jaurès l'a créé,
33:08 et tel que les décisions qui ont été votées,
33:13 pour que ça reste un journal communiste,
33:15 mais pas un journal du Parti Communiste.
33:18 Pour moi, c'est très très important de faire la différence.
33:21 - Moi, je l'excuse,
33:24 mais ça fait 45 ans que je suis en Humanité,
33:27 toutes les semaines,
33:29 j'ai trois points de rencontre,
33:31 où j'ai vachement de bons contacts avec les gens,
33:33 et je trouve qu'il y a une possibilité énorme,
33:36 d'applaudissements,
33:38 souvent, je prends des montées, comme ça,
33:41 sous un temps, je prends une montée, comme ça,
33:43 et c'est rarement les montées où je ne vois pas des humains.
33:46 Je vous parlais à l'air, on est monté dans une montée,
33:48 on a rencontré quatre humains,
33:50 on est monté tranquille,
33:52 et quatre personnes attendent des humains,
33:54 et il y en a qui attendent des humains,
33:56 parce qu'on sentait qu'ils connaissaient,
33:58 qu'ils avaient envie d'acheter le journal,
34:00 mais ils le trouvent pas dans les magasins,
34:02 dans les bureaux de tabac, c'est un peu dur,
34:04 ce que je dis beaucoup, c'est l'isolation,
34:06 nous, en tant que CDH, on est isolés,
34:09 et puis on a une meilleure consignation qu'à ton téléphone,
34:12 et quand même, on laisse son numéro de téléphone,
34:14 qu'il nous rappelle,
34:16 il y a un problème, quand même, beaucoup, hein.
34:18 - Ah, c'est marrant. - Moi, c'est le touchement.
34:22 - C'est les gens qui connaissent l'humain,
34:25 et après, ils sont accros, quand même,
34:27 ils achètent, là.
34:29 Le problème, c'est qu'ils le perdent pas, là.
34:31 C'est spécial.
34:33 (applaudissements)
34:35 - Je veux féliciter Pierrot,
34:41 pour sa constance, et puis,
34:43 son militantisme autour de l'humanité,
34:47 et dire que,
34:54 je crois que c'est une forme de contact,
35:00 avec le porte-à-porte ou le coin de rencontre,
35:04 qui est plus utile, peut-être, que ça n'a été dans le temps, encore.
35:11 Pourquoi ? Parce que c'est vrai, ce qui a été dit,
35:16 il y a des gens qui ont envie de parler,
35:22 qui attendent, parfois,
35:24 que maintenant, on a un Humanité Magazine,
35:30 qui est redevenu plus ouvert,
35:33 au sens où on aborde bien autrement les questions,
35:38 ça dépend des sujets,
35:42 parfois, on rentre par un thème,
35:44 mais un thème qui est en discussion,
35:48 un thème d'intérêt général,
35:50 ou par une personnalité diverse,
35:53 ça peut être un scientifique, un chanteur, un écrivain,
35:56 il y a du service, plus de service,
36:00 développement de la rubrique culture,
36:06 les pages radio et télévision sont traitées autrement,
36:10 et donc, c'est la manière de rentrer
36:16 dans la lecture d'une presse de la sphère de l'humanité,
36:24 elle est facilitée.
36:27 Pour des gens qui, par exemple, on a dit les jeunes,
36:31 si c'est avéré, ça c'est une très bonne nouvelle,
36:36 parce qu'on a changé l'Humanité Dimanche en Humanité Magazine
36:41 pour cela, pour cette raison-là,
36:43 pour faire un journal plus populaire.
36:46 Du reste, quand on procédait à cette...
36:51 vous pensez bien que ça ne s'est pas fait tout seul,
36:55 donc j'ai eu beaucoup de résistance,
36:58 j'ai sorti l'Humanité Dimanche des années 1950,
37:06 c'était un Humanité Dimanche grand format,
37:10 écrit en rouge le titre,
37:13 eh bien, j'ai dû sortir ces numéros-là
37:20 pour montrer à tout le monde
37:22 à quel point, à l'époque,
37:25 l'Humanité Dimanche était un journal extrêmement ouvert,
37:31 qui était, ce que je vous ai cité de Paul Vaillancourturier,
37:35 organe d'information.
37:38 On trouvait tout, le sport, la couture,
37:41 les jeux croisés, le sport, hein ?
37:46 J'en ai un mais sans miroir.
37:49 Et donc, c'est une manière de rentrer en contact,
37:54 c'est une manière de rendre service,
37:57 d'aider à lire,
38:00 et donc de rester lié avec des gens
38:06 qui autrement ne viendraient pas à cette lecture-là.
38:11 Moi, je suis pour trouver...
38:13 c'est pas facile, hein, aujourd'hui,
38:16 trouver des formes de recréation
38:20 de comités de diffusion de l'humanité.
38:25 Je pense pas que, dans ce monde moderne,
38:29 les CDIH qui existent, il faut les continuer.
38:32 Si on peut en créer, il faut.
38:35 Mais il faut aussi, peut-être, à réfléchir à d'autres formes.
38:39 Parce qu'on ne trouvera plus de militants,
38:43 comme Pirot, qui fait un point de rencontre le samedi,
38:51 le porte-à-porte le dimanche.
38:54 Ça ne se fait plus, ça ne se fera plus.
38:57 Aujourd'hui, j'y crois pas.
38:59 Moi, j'ai été responsable d'un comité de diffusion
39:04 de l'humanité à la Courneuve,
39:07 sur un bureau de vote de 800 électeurs.
39:12 Nous faisions trois tournées,
39:15 et nous vendions 200 humanités dimanche
39:20 sur 800 électeurs.
39:23 Mais nous faisions une tournée le vendredi soir,
39:30 le dimanche, le samedi matin et le dimanche matin,
39:34 je faisais sans interruption un point de rencontre
39:37 qui me servait de permanence d'élu.
39:40 J'étais élu municipal à l'époque.
39:43 Et je faisais encore une tournée le samedi
39:46 pour un certain nombre de gens qui habitaient de mon côté.
39:50 Et ceux qui faisaient la tournée,
39:53 on avait un tourniquet à peu près de six personnes
39:57 pour un chat de week-end.
40:00 Mais ce mode de militantisme,
40:05 je crois que c'est difficile de le retrouver aujourd'hui.
40:08 On le retrouve tant mieux.
40:10 Parce que qu'on le veuille ou non,
40:13 le mieux quand même pour moi,
40:16 c'est d'entendre ce que les gens ont à dire
40:21 et de confronter notre propre idée,
40:26 notre propre réflexion,
40:29 à ce que les gens peuvent entendre
40:32 ou comprendre de ce que vous dites.
40:35 Je me suis souvent rendu compte que,
40:39 par exemple, les gens regardaient un bulletin de télévision à 20h.
40:44 Je le regarde aussi.
40:47 Je retrouve ces mêmes gens dans une réunion à 20h30.
40:52 Ils me disent « Tu as vu ce qu'il a dit au journal de 20h ? »
40:57 Eh bien, ce qu'avait entendu la personne
41:01 et ce que j'avais entendu,
41:03 ce n'était pas la même chose.
41:05 Ils n'ont pas compris la même chose.
41:07 Donc on voit bien que cette question...
41:09 Et les réseaux sociaux ne règlent pas ça.
41:11 D'ailleurs, les réseaux sociaux sont souvent asociaux.
41:15 Parce qu'on ne peut pas se comprendre.
41:17 On n'est qu'entre soi à s'engueuler ou à se concrétuler.
41:21 Ce n'est pas...
41:23 Moi, je les utilise.
41:25 J'ai un ami qui gratuite.
41:27 Moi, personnellement,
41:29 je ne les utilise pas au sens où je mets des contenus.
41:35 Tous les contenus que j'ai, c'est un ami à moi
41:38 qui fait ça gratuitement,
41:40 qui met tous mes contenus sur les réseaux.
41:42 Mais je vois bien ce qui se dit.
41:44 C'est parfois bizarre, y compris entre nous.
41:48 Par contre, la conversation,
41:51 le débat,
41:54 il n'y a rien qui va...
41:56 Il n'y a pas le débat au sens de s'engueuler.
42:00 Le débat, c'est toujours deux personnes qui disent quelque chose.
42:05 Et moi, quand quelqu'un m'a dit quelque chose,
42:09 même avec une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord,
42:13 cette chose me fait évoluer.
42:16 C'est ça, le débat.
42:18 C'est pouvoir avancer l'un vers l'autre,
42:20 dans une altérité.
42:23 On change après une discussion.
42:26 On ne pense plus pareil.
42:28 Même si on pense que l'argument en face,
42:33 il n'est pas juste.
42:35 On dit "mais pourquoi tu ne l'as pas convaincu ?
42:38 Si tu ne l'as pas convaincu, ton argument n'est pas compréhensible.
42:42 Donc il faut que tu le changes."
42:44 Et donc moi, je suis très friand de ça.
42:46 Même pour faire le journal,
42:48 j'ai toujours dit ça,
42:50 aux équipes,
42:53 écoutez, regardez,
42:56 même la remarque qu'on vous fait,
42:58 pas les remarques qu'on nous raconte sur les réseaux,
43:01 comme on ne traiterait pas ci, qu'on ne favoriserait pas ça,
43:04 ça, ça ne tient pas la route.
43:06 J'en ai fait mille fois la démonstration,
43:09 ça ne tient pas la route.
43:11 La question c'est,
43:14 en quoi, dans une conversation,
43:17 et dans l'apport du journal, on est utile ?
43:20 Et même dans la manière d'être.
43:23 Si notre manière d'être,
43:26 c'est de dire à celui qu'on voit,
43:28 "de toute façon, toi, tu es un sale raciste, un sale taché."
43:31 Si vous dites ça, vous êtes sûr de ne pas vendre le journal.
43:34 Par contre, si vous lui dites,
43:36 "ce que tu dis là,
43:38 moi, je ne peux pas être d'accord parce qu'on est,
43:41 par exemple, sur le racisme, on est tous les mêmes,
43:44 on est dans un monde commun,
43:46 et voilà les raisons des migrations, etc."
43:50 Mais bon,
43:52 renseigne-toi plus, regarde,
43:54 il y a un article.
43:56 Eh bien, il va aller dans l'article.
44:00 Et il va lire l'article, il va avoir bougé un peu.
44:03 Il ne sera peut-être pas convaincu, mais il aura bougé.
44:05 Et c'est comme ça sur beaucoup de sujets.
44:08 Et donc même,
44:10 celui qui porte le journal,
44:12 déjà la manière de porter le journal,
44:15 ça dit quelque chose sur le journal lui-même.
44:19 Et donc, plus on est ouvert,
44:22 plus on est républicain,
44:24 plus on est progressiste,
44:26 plus on accepte la contradiction, la controverse,
44:32 même on accepte d'être contredit,
44:35 eh bien, plus facilement on emmènera un journal.
44:39 Mais vous vous rendez compte ?
44:40 Quelqu'un qui lit 40 numéros de l'Humanité magazine
44:44 pendant l'année,
44:46 évidemment, il ne va pas lire que la recette de cuisine,
44:49 qui est très intéressante par ailleurs,
44:51 mais ça va lui donner une autre image.
44:54 Et donc, il va dire,
44:56 "Ah ben, je veux bien aller plus loin,
44:59 je veux bien continuer à discuter avec toi,
45:01 je veux bien venir à une réunion,
45:03 je veux bien venir à un débat."
45:05 Et évidemment, il va venir aussi,
45:07 "Je ne veux pas être déçu, mais je suis trop loin."
45:10 Excuse-moi.
45:12 (Applaudissements)
45:17 Merci.
45:18 [SILENCE]

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