Les injections illégales atteignent un niveau record

  • il y a 7 mois
Lèvres pulpeuses, disparition des ridules et des cernes, les injections illégales atteignent un niveau record. Selon les chiffres du Conseil de l'ordre des médecins, 104 injections illégales ont été signalées en 2023 contre 55 en 2022. 

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Des peaux lissées, des relookings miraculeux.
00:05 Derrière des promesses comme celles-ci, ce sont parfois des praticiennes amateurs qui exercent.
00:11 Et donc, de manière illégale.
00:14 Il suffit de leur envoyer un message par Instagram et tout de suite on va avoir une réponse.
00:18 C'est très peu cher, en gros on est sur des prix 2 à 3 fois moins chers qu'un chirurgien.
00:23 Moi, celle que j'ai visitée, proposait une seringue d'un millilitre à 150 euros.
00:28 Ce qui est vraiment un défi toute concurrence.
00:29 Un phénomène amplifié par les réseaux sociaux et qui attire en particulier un jeune public.
00:35 Leur injectrice illégale leur promet monts et merveilles et leur dit que de toute façon tout est réversible.
00:41 Elle te donne une impression de sécurité et ces jeunes filles ont l'impression que c'est comme s'acheter un jean.
00:46 Or, selon cette professionnelle, les risques sont très importants.
00:50 Risques de cécité, perte de la vue, perte d'un oeil, nécrose du nez, nécrose des lèvres, nécrose de certaines extrémités.
00:58 C'est une activité médicale.
01:01 En 2023, 104 injections illégales ont été signalées. C'était moitié moins l'année précédente.
01:08 Docteur, vous envoyez souvent des patients ou des patientes victimes d'injections illégales ?
01:13 On envoie de plus en plus souvent, moi personnellement, une à deux fois par semaine.
01:17 Mais chez mes collègues, c'est sensiblement pareil.
01:20 Pourquoi est-ce que vous finissez par les voir ?
01:22 Alors, on les voit pour deux raisons. Soit au stade de la complication, et c'est déjà probablement un petit peu trop tard.
01:27 Quel genre ?
01:28 Ça peut être souvent des complications d'origine vasculaire, c'est-à-dire qu'il y a une petite artère qui a été touchée lors de l'injection.
01:34 Et on peut avoir du coup des nécroses qui vont être entraînées par cette injection,
01:38 qui peuvent même parfois mener à une amputation partielle de la zone injecteur.
01:41 Mais pour quel genre d'injection ?
01:42 Pour des injections d'acide hyaluronique uniquement.
01:44 Ah, donc c'est pour...
01:45 Souvent les lèvres, c'est très en vogue. Ça peut être aussi des injections au niveau du nez, ce qu'on appelle des rhinoplasties médicales,
01:51 ou parfois même des injections au niveau de la mâchoire.
01:54 Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a de plus en plus de garçons qui viennent aussi ?
01:57 Ah oui, il y en a de plus en plus, mais ça reste quand même une minorité.
02:00 Pour faire quoi les garçons ?
02:02 Souvent c'est plutôt la mâchoire et le nez des rhinoplasties médicales.
02:05 Mais comment se fait-il, malgré des recommandations, qu'on continue à passer par des escrocs en fait ?
02:10 Je pense que le problème c'est que le canal de diffusion de cette filière-là, c'est Instagram, c'est TikTok,
02:17 donc ça touche des patients qui sont plutôt jeunes et qui sont "appâtés" par la facilité déjà de consulter,
02:25 et surtout le prix proposé par ces gens-là.
02:27 C'est-à-dire ?
02:28 C'est de l'ordre de deux à trois fois moins cher, comme c'est mentionné dans le reportage, par rapport aux tarifs pratiqués par des médecins.
02:34 Et ensuite, ces jeunes-là finalement, aller chez le médecin pour des injections, c'est quelque chose qui est souvent...
02:43 Ça prend du temps, elles n'ont pas les moyens pour le faire, et donc dans ces cas-là, elles vont vers la facilité.
02:48 Le deuxième souci, c'est que cet acide hyaluronique est en vente libre dans les pharmacies, contrairement à la toxine botulique par exemple.
02:54 Donc ce que vous nous dites, c'est qu'à la fois pour la vente de ces produits, et à la fois pour les actes, il y a un problème de régulation ?
03:00 Il y a totalement un problème de réglementation autour de l'acide hyaluronique.
03:03 On essaye de combattre un petit peu ce fléau, parce qu'effectivement, n'importe qui peut aller en pharmacie,
03:07 acheter sa seringue d'acide hyaluronique, et même s'injecter soi-même en regardant des vidéos YouTube.
03:12 Il y en a des centaines pour apprendre aux gens à s'injecter.
03:14 Et vous avez sensibilisé le ministère de la Santé, j'imagine ?
03:16 Oui, le syndicat national des chirurgiens plastiques, reconstructeurs et esthétiques s'est mobilisé, et on espère que ça va changer rapidement.
03:23 Peut-être que maintenant que l'ancien ministre de la Santé est médecin esthétique, ça va faire bouger les lignes ?
03:27 On espère, on espère.
03:28 Non, parce que ça va devenir un vrai problème quand même de santé publique, on est d'accord.
03:31 Ça l'est déjà, les 105 signalements, c'est probablement une partie émergée de l'iceberg.
03:35 C'est très peu par rapport à ce que nous on constate réellement, parce que ces jeunes finalement,
03:39 ils ont peut-être peur de porter plainte, peur de signaler lorsque ça ne va pas,
03:43 ils préfèrent venir nous voir et prendre en charge les complications.
03:45 Vous arrivez à réparer les dégâts ?
03:47 Le plus souvent.
03:48 Marc ?
03:49 Non, c'est ce que j'allais demander, parfois c'est pas du tout rattrapable.
03:51 Parfois c'est pas rattrapable.
03:52 C'est-à-dire, et donc du coup ?
03:54 On doit intervenir chirurgicalement pour faire ce qu'on appelle un parage,
03:58 c'est-à-dire retirer les tissus nécrosés, que ce soit au niveau des lèvres, au niveau de l'aile narinaire ou des choses comme ça.
04:02 Parce que je me dis toujours, en voyant effectivement, parce que si on parle plutôt de jeunes femmes,
04:05 d'adolescentes, avec leurs lèvres repulpées, ça peut durer,
04:09 ça donne quoi lorsqu'elles ont 40 ans ?
04:11 Alors, c'est difficile de répondre à cette question, c'est sûr que plus on répète les injections,
04:16 plus on répète les injections, effectivement, plus dans le temps ça veillit un petit peu mal.
04:19 Ce qui est grave, c'est qu'on constate parfois en consultation que c'est pas de l'acide hyaluronique
04:23 que ces injectrices illégales leur ont injecté, parfois c'est du silicone, parfois c'est de l'huile de paraffine.
04:28 Nous on a un antidote contre l'acide hyaluronique, mais on n'a pas d'antidote contre le reste.
04:32 On a des dérives qui sont vraiment extrêmes.
04:34 Mais l'huile de paraffine, c'est-à-dire, ça sort d'où ça ?
04:36 Tout est une bonne occasion pour rajouter du volume et pouvoir casser un petit peu les poux.
04:43 Mais bien souvent, il faut quand même accorder à ces victimes, entre guillemets, leur innocence,
04:48 c'est-à-dire qu'elles ne savent pas forcément qu'elles ont fait appel à une injectrice illégale
04:53 à partir du moment où elle a pignon sur rue en étant sur les réseaux sociaux.
04:57 Qu'est-ce qui doit éveiller les soupçons des utilisateurs ?
05:01 Éveiller les soupçons, c'est déjà lorsqu'elles se rendent au rendez-vous,
05:04 de constater que ce n'est pas un cabinet médical, que vous n'avez aucune plaque nominative avec le nom d'un médecin.
05:09 Vous êtes souvent injecté dans une cuisine, dans un salon, séparé de la pièce d'à côté par un paravent.
05:15 Donc, il faut absolument s'assurer d'aller voir un médecin qualifié en tant que chirurgien
05:20 ou médecin habilité à réaliser des injections.
05:22 Ça me paraît être le seul critère indispensable.
05:25 Et bien souvent, ce sont des mineurs ?
05:27 Souvent, ce sont des mineurs.
05:28 Donc, elles peuvent y aller sans le consentement des parents.
05:32 Effectivement, tandis que chez le médecin, on demande un consentement des deux parents
05:37 lorsqu'on accepte d'injecter des mineurs, ce qui est quand même relativement rare.
05:40 Voilà un bon message pour le nouveau ministre délégué à la santé.
05:45 Réglementez, essayez de réglementer ces dérives sur le web.
05:49 Merci beaucoup, Docteur, d'être venu nous voir ce matin sur le plateau de Première Édition.

Recommandations