Dominique Cura-Carboni, Président de la fédération des infirmiers de Dordogne

  • il y a 7 mois

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00:00 Les infirmiers libéraux se disent à bout, ils tiennent leur congrès aujourd'hui à Coulognier-Chamier.
00:05 On parle de leurs difficultés ce matin, les déserts médicaux, l'administratif.
00:09 En recevant le président de la Fédération des infirmiers de Dordogne, il répond à vos questions.
00:13 Louis de Bergevin.
00:14 Bonjour Dominique Cura Carboni.
00:16 Bonjour, merci de m'accueillir dans vos studios.
00:18 Six cabinets d'infirmiers libéraux vont fermer d'ici l'été dans le département.
00:22 Votre cas personnel est symptomatique, vous êtes infirmier depuis 30 ans et vous envisagez aussi de fermer en mai.
00:28 Tout à fait, je pense qu'on est en train de franchir un cap important dans l'exercice libéral.
00:35 Six cabinets, je pense que vu le cours des choses, on risque d'arriver à bien plus de fermetures que ce qui est prévu.
00:44 Alors par exemple, vous personnellement, pourquoi vous pensez à fermer votre cabinet ?
00:49 Alors je travaille dans une zone fortement rurale, dans l'extrême sud de la Dordogne,
00:54 avec une population très âgée, souvent très isolée malheureusement,
01:00 une désertification médicale qui est très très inquiétante,
01:04 puisque sur le secteur nous n'avons plus qu'un seul médecin pour une couverture qui est très très large,
01:09 des patients qui sont complètement dépourvus,
01:13 et effectivement l'exercice libéral infirmier qui devient de plus en plus compliqué,
01:19 du fait qu'on fait bien plus que le travail d'infirmier.
01:24 Vous remplacez les médecins, vous faites des tâches que les médecins qui ne sont pas là devraient faire ?
01:28 Exactement, dans la limite de nos compétences surtout.
01:32 Le problème c'est qu'on est de plus en plus obligé de faire des relais, entre autres avec les hôpitaux,
01:37 quand on est face à une urgence, on n'est pas toujours très très bien reçu,
01:43 ce qui pose vraiment problème.
01:45 Personnellement, en 30 ans d'exercice, j'ai travaillé dans les hôpitaux à Montpellier,
01:49 entre autres en réanimation aux urgences,
01:52 je ne pensais pas qu'en fin de carrière je serais aussi dépité par la situation.
01:59 Qu'est-ce que vous avez perdu, que vous aimiez dans votre métier et qu'aujourd'hui vous n'avez plus ?
02:04 Je pense sincèrement que j'ai eu, j'ai encore une adoration pour mon métier,
02:09 je pense que je suis un vrai passionné de mon travail,
02:12 j'adore le contact humain, le fait de pouvoir rendre service à des personnes
02:18 qui, comme je l'ai dit, sont souvent très isolées, âgées, avec des grosses pathologies,
02:23 et puis faire tout ce lien avec la famille, avec les professionnels de santé,
02:29 le médecin traitant, le pharmacien, les hôpitaux,
02:32 c'est ce travail de coordination qui à mon avis est l'avenir pour la profession d'infirmier libéral.
02:40 Mais qu'est-ce qui vous déçoit, que vous n'avez plus, que vous avez perdu ?
02:44 Beaucoup trop de choses à gérer, avec de moins en moins de temps à passer auprès de nos patients.
02:49 Comme je l'ai dit, on fait beaucoup de choses,
02:52 et de moins en moins de travail infirmier, du soin à purement parler.
02:57 7h48 sur France Bleu Périgord, notre invité ce matin c'est Dominique Curacarboni,
03:02 le président de la Fédération des infirmiers de Dordogne,
03:05 il répond à vos questions Louis de Bergevin.
03:06 Il y a beaucoup d'administratifs aussi, vous passez beaucoup de temps là-dessus,
03:10 notamment à vous battre pour récupérer de l'argent,
03:14 vous êtes payé à la tarification aux soins,
03:17 et vous devez vous battre pour être payé à chaque fois ?
03:19 Le gros souci à l'heure actuelle, c'est qu'on a une nomenclature des actes infirmiers
03:24 qui est la plus complexe des professions médicales et paramédicales,
03:28 qui est énorme, et qu'on est soumis de plus en plus au harcèlement des caisses,
03:34 qui nous réclament des induits sur des actes qui auraient été fictifs,
03:39 ce qui n'est pas du tout le cas.
03:41 Je tiens quand même à souligner qu'en Dordogne,
03:44 on n'est pas les plus mal lotis là-dessus,
03:47 puisque à titre indicatif, depuis deux ans, il n'y a eu aucun dossier de fraude,
03:51 et je ne parle pas des infirmiers libéraux dans d'autres départements,
03:57 entre autres qui défraient la chronique.
03:58 Et parfois vous devez vous battre pour justifier un paiement de 7 euros par exemple,
04:03 vous devez le justifier ?
04:04 En permanence, en permanence.
04:07 Parfois il y a des induits pour moins de 10 euros qui sont réclamés par la caisse,
04:11 avec des procédures qui sont entamées.
04:13 C'est entre autres le rôle des syndicats de défendre les infirmiers libéraux,
04:18 des procédures qui aboutissent au tribunal administratif quand même.
04:22 Vous, si vous fermez votre cabinet, c'est quoi ?
04:25 Pour continuer à être infirmier ou pour changer complètement ?
04:30 C'est pour changer de voie, d'orientation,
04:32 puisque à titre personnel, je prépare un CAP cuisinier,
04:35 c'est ma passion, la cuisine.
04:37 Et franchement, je pense que je peux...
04:40 Vous voulez vous éloigner de ce métier qui devient dur ?
04:44 Sincèrement, oui.
04:45 Je vous l'ai dit, je ne pensais pas qu'un jour j'en serais là.
04:50 Je ne suis pas en burn-out, loin de là,
04:52 mais je pense qu'il est temps que j'arrête, grand temps que j'arrête.
04:56 Vous dites que vous n'êtes pas en burn-out,
04:58 mais il y a certains infirmiers libéraux qui...
05:01 Ça vous inquiète qu'ils pourraient être proches de la rupture en Dordogne ?
05:06 Je pense qu'effectivement, il y a pas mal de collègues infirmiers libéraux
05:11 en Dordogne et ailleurs qui sont déjà dans une situation de burn-out.
05:16 C'est très inquiétant.
05:18 L'autre gros problème, c'est le fait de trouver des remplaçants
05:22 dans les zones rurales.
05:25 Et ça, je pense que c'est un phénomène qui est prégnant à l'heure actuelle.
05:28 On a de plus en plus de mal à trouver des remplaçants.
05:31 Pourquoi ? Parce qu'avec les mesures Brown,
05:34 l'hôpital a revalorisé les salaires
05:36 et des jeunes infirmiers ou infirmières qui pensaient
05:40 que le libéral était l'apanacée,
05:43 se rendent compte qu'en fait, il vaut mieux retourner à l'hôpital
05:45 dans des conditions qui sont nettement moins pénibles.
05:49 Merci beaucoup Dominique Curac Carboni,
05:51 président de la Fédération des infirmiers de Dordogne.
05:54 Et vous tenez votre congrès départemental aujourd'hui à Coulonier-Chamié.
05:58 Merci d'être venu dans les studios de France Bleu Périgord.

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