Ondine raconte son expérience en tant qu'ancienne élève du collège Stanislas. Homophobie, sexisme, harcèlement : voici les dessous de cet établissement "élitiste".
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00:00 Tu ne te masturberas pas, tu n'auras pas de relation sexuelle hors mariage.
00:04 Si tu tombes enceinte, tu auras ton enfant et il n'y a pas de débat, il n'y a pas de discussion possible.
00:08 C'est comme ça, point barre.
00:09 J'ai été élève à Stanislas de la 6e à la 3e, donc de 2008 à 2012.
00:15 À l'époque, on n'en parlait pas du tout comme on en parle aujourd'hui.
00:18 Donc je savais que c'était un établissement privé catholique quand je l'ai intégré.
00:22 Donc je savais que ce serait le cas, mais on m'avait dit oui, c'est surtout un établissement d'excellent niveau.
00:26 La partie religieuse n'est pas si importante.
00:28 Et à l'époque, il n'y avait pas les réseaux sociaux comme aujourd'hui.
00:30 Il n'y avait pas encore eu de scandale dans les médias.
00:32 Donc pour moi, j'allais juste dans un établissement de très, très bon niveau.
00:35 Et quand je suis arrivée, ça a été un petit peu la douche froide.
00:38 On sait qu'on est dans un établissement qui est extrêmement strict, extrêmement rigoureux.
00:42 Ça file droit, il y a des règles qui sont très précises.
00:44 Et donc, en fait, il y a une atmosphère assez dure.
00:48 Moi, j'en garde vraiment une impression de silence parce que dès qu'il y avait un truc bizarre qui se passait,
00:53 il ne fallait surtout pas en parler.
00:54 Tout était étouffé tout le temps.
00:55 La grosse menace, c'était si vous filez pas droit, vous allez vous faire virer de Stan
01:00 et vous allez rater votre vie parce qu'on nous faisait croire vraiment que Stanislas,
01:03 c'était le meilleur établissement sur Terre et qu'en dehors, il n'y avait rien.
01:05 Quand on est enfant et qu'on est là-bas, on n'a pas de recul, quoi.
01:08 Donc on se fait vite enfermer là-dedans.
01:10 Les cours, ça dépendait vraiment des profs pour toutes les matières assez classiques.
01:15 J'ai eu un prof de maths en troisième qui nous faisait le programme de terminal
01:18 et qui nous balançait des dictionnaires à la gueule.
01:20 Il y avait un prof qui nous balançait des éponges mouillées aussi.
01:22 Et puis à côté, on avait des profs super sympas avec qui ça se passait hyper bien.
01:26 Après, moi, ce qui m'a marquée, c'était les cours de catéchisme
01:29 où on nous apprenait par exemple que l'homosexualité, c'était horrible,
01:33 qu'il n'y avait aucune bonne raison d'avorter de son enfant,
01:36 qu'il ne fallait surtout pas se masturber.
01:37 Il y avait plein de trucs assez violents et qui ne passeraient plus du tout aujourd'hui.
01:41 Et déjà, à l'époque, c'était un peu bizarre, mais personne ne disait rien.
01:44 Donc ça, c'était le livre de catéchisme que j'avais en troisième,
01:48 qui est un polycopier qui nous était distribué par l'établissement.
01:51 Et on a par exemple dans "Tu ne commettras pas d'adultère"
01:54 son contraire à la chasteté, la masturbation, les relations sexuelles hors mariage,
01:58 la pornographie, les pratiques homosexuelles.
02:00 Et donc, les cours d'éducation à la sexualité, qui étaient une obligation à l'époque,
02:04 nous, c'était des cours de vie affective.
02:07 Ils n'appelaient pas ça sexualité.
02:08 Et donc, on avait des intervenants de l'extérieur qui nous expliquaient
02:12 que pareil, il ne fallait pas avoir de rapport sexuel hors mariage.
02:15 Le meilleur moyen de contraception, c'était l'abstinence
02:18 parce que la contraception, c'est pas bien.
02:20 Si on couche avec d'autres gens, c'est uniquement pour se reproduire.
02:22 Les rapports homosexuels et l'homosexualité n'étaient pas du tout abordés,
02:26 sauf pour nous dire que l'homosexualité émanait d'un désir de viol
02:30 et que les personnes homosexuelles étaient malades
02:33 et qu'il fallait les soigner ou prier pour leur guérison.
02:36 Et le directeur de l'époque était passé dans certaines classes de garçons
02:40 pour expliquer que quand lui couchait avec sa femme,
02:42 c'était uniquement pour se reproduire.
02:44 Dans les règles de vie de Stanislas,
02:46 la plupart des classes étaient non mixtes,
02:48 mais il y avait une partie des classes qui étaient mixtes.
02:50 Et donc, dans les règles de vie, il y avait écrit
02:52 "La mixité ne signifie pas pour nous un renoncement à nos valeurs éducatives.
02:56 Elle nous permet de rappeler que l'éducation affective
02:59 est une démarche lente et progressive.
03:00 Ceci exclut tout comportement de petits couples entre élèves."
03:03 Donc, les couples étaient proscrits.
03:05 Eh bien, j'étais déjà pas d'accord à l'époque.
03:08 J'avais reçu une instruction catholique par mes parents,
03:11 donc j'avais quand même grandi dans le catholicisme,
03:13 mais c'était pas du tout le genre de valeur qu'on m'avait inculquée.
03:15 En troisième, j'avais énormément d'amis homosexuels
03:18 en dehors de l'établissement, par exemple.
03:19 Moi-même, j'étais en train de me questionner sur ma sexualité.
03:22 Je me rendais compte que j'étais probablement pas hétéro.
03:24 Et juste, je trouvais ça absurde,
03:25 parce que pour moi, le message principal de la religion,
03:28 c'était censé être "aime ton prochain comme toi-même",
03:30 pas "déteste tout ce qui ne te ressemble pas".
03:32 Donc, j'étais déjà hyper opposée à ça.
03:34 J'ai l'impression que Stanislas a nuit à ma construction
03:38 parce que je m'entendais répéter tous les jours
03:41 que je ne devrais pas exister, globalement.
03:43 Donc, forcément, quand on est enfant et qu'on entend ça,
03:45 c'est hyper violent.
03:46 En fait, à l'époque, on ne parlait pas vraiment
03:48 de troubles de santé mentale comme on en parle aujourd'hui.
03:51 Clairement, je faisais une dépression et je n'étais pas diagnostiquée.
03:53 Tous les soirs, en rentrant du collège, je pleurais,
03:56 je faisais des crises d'angoisse.
03:57 Mais en fait, comme je n'avais pas les mots pour en parler,
03:59 que je ne savais pas ce qui m'arrivait,
04:01 j'avais juste l'impression que j'étais folle, en fait.
04:03 Et en fait, aujourd'hui, avec le recul,
04:05 et puis avec le reste de ma vie,
04:06 je me rends compte que j'avais juste un trouble anxio-dépressif.
04:09 Je suis hyper heureuse qu'on commence à parler de Stan
04:13 et à se rendre compte de ce qui se passait là-bas
04:15 et à se rendre compte que ce n'était pas normal.
04:17 Et j'ai été une des premières personnes à parler,
04:19 surtout à visage découvert.
04:20 Et il y a beaucoup d'anciens élèves qui m'ont contactée
04:23 pour me dire "merci d'avoir parlé, j'ai vécu la même chose",
04:26 qui m'ont livré leurs témoignages, etc.
04:28 Et ça m'a fait énormément de bien, en fait.
04:30 Je trouve qu'il y a quelque chose d'hyper restauratif là-dedans.
04:33 Moi, si je parle, au départ, ce n'est pas tant pour fusiller Stan
04:36 que pour essayer de trouver des gens qui ont vécu la même chose
04:39 et peut-être même qui sont encore à Stan
04:41 et leur dire que ça va aller, on s'en sort,
04:44 c'est juste un mauvais passage dans la vie
04:45 et que les gens qui, peut-être, souffrent autant que moi,
04:48 j'ai souffert là-bas, ne sont pas tout seuls.
04:50 Parce que moi, à l'époque, ça m'aurait fait énormément de bien
04:52 de me rendre compte que je n'étais pas toute seule.
04:53 Et puis, ça veut aussi dire que la société avance
04:56 et que des choses qui pouvaient passer il y a dix ans
04:57 ne passent plus aujourd'hui.
04:58 Et je trouve ça vraiment hyper important.