Louis de Funes et Claude Gensac

  • il y a 5 mois
Transcript
00:00 Bonne nuit ma biche. Bonne nuit ma biche. Bonne nuit ma biche.
00:10 Ah!
00:11 Bien voyez-vous, Louis de Funès, il m'arrive de commencer une interview en demandant à l'intervieweur s'il est bien à l'aise.
00:19 S'il se sent confortablement installé, je crois que cette fois-ci, cette précaution sera inutile.
00:24 C'est merveilleux. Surtout qu'hier je me suis foulé le pied et je ne pouvais pas marcher.
00:30 Et aujourd'hui il me tombe une scène comme ça qui n'était pas prévu. C'était prévu au scénario.
00:34 C'était un accident de travail?
00:36 Ça aurait pu être un accident de travail. Mais aujourd'hui je me remets tout doucement dans le lit.
00:39 J'ai déjà tourné dans le lit. Ça n'a pas été fait exprès. On n'a pas rangé du tout la séquence.
00:44 Vous n'avez pas vu d'autres incidents pendant le tournage?
00:46 Non, non, non. On les évite.
00:48 C'est assez rare parce qu'au fond, comme vous cavalez assez souvent dans les films, vous vous foutez le journée.
00:52 J'ai marché sur des morceaux de ciment et ça m'a foulé le pied. Enfin un petit muscle.
00:59 Il n'en faut pas beaucoup pour diminuer un homme.
01:02 Moi je vois nos hommes d'État ou un président avec ça. On est ridicule.
01:06 On ne peut plus marcher. On est ridicule.
01:08 Ça s'est dit qui est Joe?
01:10 Joe c'est un monsieur, c'est un maître chanteur qui vient me demander de l'argent,
01:15 qui me fait chanter pour une histoire de ma femme.
01:18 Parce que ma femme était la fille d'un bandit célèbre autrefois.
01:22 Je ne veux pas que ça se sache. Elle ne le sait pas non plus.
01:26 Alors Joe vient me demander de l'argent, me fait chanter, sans qu'il ne divulgue le secret.
01:29 Il me fait chanter. J'ai pris une fois, deux fois.
01:31 Et puis un jour je trouve un moyen de le faire disparaître.
01:36 De le tuer, de l'enfermer dans le sol, dans des fondations,
01:42 sur lesquelles il va y avoir un petit casque à musique que ma femme a acheté.
01:46 Je suis venu parce qu'elle a acheté le casque à musique.
01:48 Le gars vient, je l'épaule, je le tue, je l'enveloppe dans le rideau de douche.
01:55 Je le colle dans le ciment, et on met la gloriette dessus.
01:59 Et le lendemain, il y a un inspecteur de police qui vient me demander ce que je sais au sujet de M. Joe.
02:04 Je dis que je trouve ça fabuleux ce gars-là, qu'il sait déjà.
02:08 Il dit oui parce que Joe a été trouvé assassiné chez lui hier.
02:12 Je dis que c'est chez lui.
02:14 Non, chez moi.
02:16 Non, c'est chez lui.
02:18 Et alors, ça fait que Joe me demande qui est-ce que j'ai bien pu tuer hier soir.
02:22 Je dis donc pas lui.
02:23 Alors je fais le tour de mes amis pour savoir qui j'ai tué.
02:25 Voilà, c'est ça, c'est le début.
02:26 Parce que vous avez assez allègrement tué ce maître d'enchanteur,
02:29 mais enfin, ceci dit, vous n'êtes pas particulièrement habituellement méchant.
02:32 Non, pas du tout. Mais là, je l'ai tué, mais c'est pas lui que j'ai tué.
02:34 Alors, qui ai-je tué ?
02:36 Qui j'ai collé dans le ciment ?
02:38 Voilà, c'est ça l'histoire.
02:40 Vous avez vraiment choisi des personnages irascibles comme ça ?
02:42 Non, mais je voudrais aller même plus loin.
02:45 Parce que je trouve que c'est en moi, parce que ces gens-là me font rire.
02:50 Parce qu'ils perdent toute dignité en général.
02:52 Les gens qui se mettent en colère.
02:53 C'est pas irascible, c'est une mauvaise humeur.
02:55 Enfin, qui correspond bien, je crois, à un petit côté de notre époque actuellement.
02:59 La mauvaise humeur, tout ce qui enlève la dignité de l'homme m'amuse.
03:04 Moi, pareil, je perds la dignité, on perd la dignité complètement.
03:08 On perd la dignité, justement, un petit truc, un petit tendon du pied, un tout petit truc comme un cheveu, on peut plus marcher.
03:14 Parce que vous êtes presque toujours resté fidèle à ce personnage, je me souviens.
03:17 Oui, automatiquement.
03:18 C'est une des toutes premières apparitions, je me souviens, c'était je crois dans le film de Gellin, "Aller dans l'ongue".
03:22 "Aller dans l'ongue", oui.
03:23 Toujours.
03:24 Tout de suite.
03:25 Et puis ça ne me va pas d'aller dans une certaine petite douceur, mais il faut que je reprenne quand même.
03:29 Je crois que c'est ça mon personnage, je suis encore en train de le chercher, mais enfin c'est ça.
03:32 Le bon, ça va être ça.
03:34 Très souvent, les acteurs comiques cherchent à un moment donné à être aussi attendrissants, vous ne cherchez pas...
03:39 Oui, non, parce que ça ne me va pas, ça ne me va pas, parce qu'il y en a qui le font...
03:42 Je le sais, je suis passé par là, là-dedans, mais oh là là, j'en ai vu des acteurs comiques aussi, ils le font.
03:46 J'ai vu Fernand L, par contre, qui est incomparable, et puis Rémy qui est incomparable là-dedans.
03:50 Mais sorti de là, je n'en ai pas vu beaucoup.
03:52 Et puis, il y en a qui le font tellement mieux, comme le drame c'est tellement mieux joué que par moi, vous savez.
03:57 Moi, je préfère rester en comique, puis apprendre, puis me perfectionner, parce que je...
04:01 Croyez-moi, là, j'en ai beaucoup à faire, c'est ce qui m'intéresse, d'ailleurs, c'est ce qui me passionne.
04:05 Et comment peut-on se perfectionner quand on arrive quand même au sommet ?
04:10 Je suis arrivé à un sommet de rapport d'argent pour les producteurs, c'est tout, mais je ne suis pas arrivé à un sommet de savoir.
04:15 J'ai encore plein de choses, et heureusement, et ça, je suis très content.
04:18 Et je compte, après le film de Gérard Roury, m'arrêter une petite année, me m'offrir ça, parce que je ne peux plus travailler,
04:24 et essayer d'écrire avec des amis, trouver un scénario très solide, une chose très burlesque.
04:29 Un peu comme ça correspondait à mon esprit que j'avais au début.
04:32 J'ai une tendance un petit peu à perdre, il faut rester dans le burlesque.
04:35 Si je retape dans le burlesque, dans le gendarme en balade, on a trouvé les petites scènes qui sont franchement burlesques,
04:39 et celles-là portent terriblement.
04:41 Parce que plus vous allez, plus vos responsabilités augmentent.
04:43 Vous êtes non seulement le comique français, vous êtes presque le cinéma français.
04:46 Oh non, pas même pas.
04:47 Il y a des firmes qui défendent de vous, il y a des techniciens qui défendent de vous.
04:50 Mais quand même, je me laisse aller trop dans une chose sérieuse.
04:55 Ça ne doit pas rester sérieux ce truc-là.
04:57 Le comique est toujours sérieux, mais moi je deviens trop sérieux aussi.
05:00 Je perds mon enthousiasme, pas mon enthousiasme, mais je m'égare un peu.
05:03 Moi j'aimerais me retrouver comme lorsque je jouais "Les Belles Bacchantes", vous savez.
05:06 Je faisais un poulet, et puis le poulet disait "Oh".
05:10 Ça, ça m'abuse.
05:13 C'était ça le vrai truc.
05:14 Mon vrai comique, c'est ça.
05:15 Avec un peu d'absurde, beaucoup d'absurde.
05:17 Un absurde logique.
05:19 Vous devez recevoir des propositions de scénario par centaines d'heures.
05:21 Oui, mais je ne reçois jamais cette heure.
05:22 Rien, il n'y a rien.
05:23 Je ne reçois rien de bon. Absolument rien.
05:25 Rien. C'est toujours les mêmes choses.
05:27 Ou il y a de la drogue, ou il y a des choses sexuelles, ou il y a des gangsters.
05:31 Je n'en sors pas.
05:32 Et les espions, alors là je n'en sors pas.
05:34 C'est le grand sort du comique, ça. C'est incroyable.
05:38 Et vous êtes par contre fidèle à certains réalisateurs.
05:41 Les Giros, parce que je m'entends bien.
05:42 Je m'entends très bien, oui.
05:43 On a fait tous les "Journal", on m'entend bien.
05:45 Avec mon amie Jean-Sacq, qui est madame...
05:47 J'allais dire madame de Funès.
05:49 C'est madame...
05:50 Elle change de nom.
05:51 Elle a été madame Bosquiet.
05:53 Elle a été madame...
05:55 Madame comment se s'appelle ?
05:56 Le gendarme, oui. Il s'appelle Cruchot.
05:58 Madame Cruchot.
05:59 Vous avez madame Cruchot à la devant de vous.
06:01 Qui rit.
06:02 Qui fume. Qui ne devrait pas fumer.
06:04 Je lui poserai la question tout à l'heure, d'ailleurs à elle-même.
06:07 Est-ce que vous croyez que c'est facile d'être la partenaire de de Funès ?
06:09 Vous croyez que c'est une sinicure, à votre avis ?
06:11 Oh, sûrement. Je crois que c'est facile.
06:13 Et puis moi j'aime bien être son partenaire.
06:15 À côté de Jean-Sacq aussi, c'est bien.
06:18 C'est drôle parce que c'est madame de Funès la vraie alors qu'il y a eu l'idée de Jean-Sacq.
06:22 Parce que si quand elle a dit non, j'ai dit je pense bien que c'est bien.
06:25 Mais il se mette bien l'idée.
06:27 Maintenant je crois que vous en êtes déjà ici.
06:30 Il y a déjà plusieurs semaines de tournage.
06:31 Oui, je crois que sept.
06:33 Donc ça se tire.
06:34 Encore deux ou trois semaines.
06:36 Vous avez déjà d'autres projets ?
06:38 Oui, Gérardoui.
06:39 Le film qu'on devait faire avec Bourvil et qu'on fait avec Yves Montand.
06:42 Et puis après je n'accepte plus rien.
06:44 Je vais essayer de retrouver un peu les choses d'antan.
06:47 L'enthousiasme d'antan.
06:48 Comme dans le jazz, on fait un peu comme Claude Guterre.
06:51 Il est retourné aux sources pour faire autre chose, pour revenir.
06:53 On a besoin de retourner un peu aux sources de ce qu'on était autrefois.
06:55 Et comment allez-vous procéder avec Yves Montand ?
06:58 Parce qu'enfin ce n'est pas un acteur drôle, Montand.
07:00 Si. Parce que vous regardez, je l'avais vu, je ne le croyais pas.
07:03 Il est très drôle dans "Le diable par la queue" de De Broca.
07:07 Il est très drôle.
07:09 Et tout le film est très drôle, oui.
07:11 Dans la vie, je ne le connais pas encore plus avant,
07:14 mais il a l'air de vouloir s'abuser beaucoup.
07:17 Il est très bien.
07:18 Je crois qu'en plus d'un acteur dramatique,
07:20 il va se révéler un très bon acteur comique.
07:23 Alors on peut terminer en disant Louis de Funès est un chercheur.
07:27 Toujours, éternel, comme tout le monde.
07:29 On voudrait tous l'être.
07:31 Je vous trouve relié aussi,
07:34 mais j'espère qu'il n'y a pas eu deux entorses dans le même film.
07:36 Non, moi ce n'est pas une entorse.
07:39 Je me suis coupée avec une scie dans une scène endiablée.
07:43 Vous êtes vraiment blessée ?
07:45 Oui.
07:46 Ah bon ?
07:47 On m'a fait des points de suture,
07:48 on m'a fait aussi une piqûre antitétanique.
07:51 Alors cette scène au lit,
07:53 que nous devions faire un peu plus tard,
07:55 on l'a faite tout de suite.
07:56 Comme ça, ça nous fatigue moins.
07:58 Non, mais on ne devait pas la faire plus tard.
08:00 On peut la faire maintenant ?
08:01 C'est tombé comme ça, juste.
08:02 Ah bon ?
08:03 Mais oui, c'est ça.
08:04 Je ne savais pas.
08:05 C'est ça qui est amusant.
08:06 Il n'a pas voulu faire une entorse au planning.
08:08 Là, j'avais promis de vous poser une question,
08:10 je vous la pose.
08:11 Mais enfin, il faut répondre en toute sincérité,
08:13 comme si le Funès ne vous entendait pas.
08:16 Est-ce que...
08:17 Vous ne savez pas ce que je pense.
08:18 Qu'est-ce que ça représente,
08:19 d'être un partenaire de lui, de Funès ?
08:21 D'un film à l'autre, comme ça ?
08:23 Qu'est-ce que ça représente ?
08:28 Ça représente d'abord beaucoup de travail.
08:31 Parce qu'il faut se donner des coups de pied,
08:35 même quand on n'est pas dans le coup.
08:37 Parce qu'il sait très bien que pour que ça passe à l'écran,
08:42 le comique, il faut vraiment y aller de toutes ses forces,
08:45 de toute son âme, de toutes ses tripes.
08:47 Alors, si vous êtes un peu en dessous,
08:49 il vous le fait remarquer tout de suite,
08:51 parce qu'il le voit tout de suite, il le sent.
08:53 Alors, même quand on n'est pas tout à fait en train,
08:58 là, alors, c'est vraiment du travail.
09:00 Et alors, après ça, on s'amuse.
09:02 Alors, ça, moi, rire quand je travaille,
09:05 je trouve ça merveilleux.
09:06 Ça crée une ambiance extraordinaire.
09:08 De toute façon, à se retrouver comme ça, d'un film à l'autre,
09:10 ça crée des affinités, des accointances, quand même, non ?
09:13 Oui, oui, parce qu'on commence à se connaître mieux.
09:17 Je sais qu'en même temps, tout en jouant avec lui,
09:20 je regarde et je sais presque les choses qui vont arriver.
09:24 Et je m'attends à quelque chose qui me plaise,
09:28 et ça me plaît, et je peux enchaîner dessus.
09:30 Enfin, je m'exprime très mal, mais...
09:32 Non, très bien.
09:34 Ça roule, quoi, exactement comme une...
09:37 C'est merveilleux, bon.
09:40 Il y a néanmoins, généralement, entre ces deux êtres,
09:42 une manière d'électricité qui circule, non ?
09:46 Oui, oui, il y a des affinités, quoi, indiscutablement.
09:49 Oui, mais les personnages aussi.
09:51 Ah, les personnages, oui.
09:53 Vous croyez que c'est le côté colérique de Funès
09:56 qui change de costume, d'uniforme, que sais-je,
09:58 qui provoque cette électricité ?
10:00 Je trouve que je suis un impatient.
10:03 Ah, c'est vrai, c'est un impatient,
10:05 c'est peut-être que l'impatient.
10:06 C'est un actif.
10:08 Oui, mais un patient.
10:10 Et en face de l'impatience, qu'est-ce qu'on peut placer ?
10:12 La patience, c'est la seule solution.
10:15 Non, c'est pas la patience, je ne sais pas ce que je place.
10:19 Ça vient d'un stage, je ne sais pas.
10:21 Vous êtes du projet Oury, aussi ?
10:24 Non, non, non.
10:25 Non, malheureusement.
10:26 Ah, c'est gentil.
10:28 Ah, c'est gentil, voyez qu'il est gentil, hein.
10:31 Merci beaucoup.
10:32 Je vous en prie.
10:34 Un rêve.
10:36 Je vis dans un rêve.
10:44 Comme dans le gendarme en balade,
10:46 et là je le prends un coup de levier de vitesse sur le loup.
10:50 Merci beaucoup.
10:52 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
10:55 [SILENCE]

Recommandée