• il y a 8 mois
La "taxe lapin" est la nouvelle mesure voulue par l’exécutif pour sanctionner les patients qui n’honorent pas un rendez-vous médical. Frédéric Bizard, professeur d’économie à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP), président de l’Institut Santé est l'invité de 6h20.

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Transcription
00:00 6h22, bonjour Frédéric Bizarre.
00:02 Bonjour Odyssey Gaillet.
00:03 Frédéric Bizarre, économiste de la santé, vous êtes professeur d'économie à l'école supérieure de commerce de Paris,
00:07 et président de l'institut de recherche autour de la refondation de notre système de santé.
00:12 Gabriel Attal a confirmé le week-end dernier la mise en place d'une taxe lapin,
00:16 5 euros pour tout rendez-vous chez le médecin non honoré et non excusé.
00:20 Comment la mettre en place ?
00:22 Le gouvernement a évoqué la possibilité de laisser son empreinte bancaire au moment de la prise de rendez-vous,
00:26 notamment sur les plateformes de réservation d'octolib.
00:29 C'est une information, France Inter refuse d'y aller, et on va y venir mais rapidement pour qu'on comprenne bien François Bazar.
00:35 Frédéric Bazar, pardon je vais y arriver.
00:37 Bizarre.
00:38 Bizarre, je sais, c'est complet.
00:40 Qu'est-ce qu'on sait de ces rendez-vous non honorés ? Il y a beaucoup de chiffres qui circulent.
00:44 Oui, il y a beaucoup de chiffres qui circulent parce qu'il n'y a pas de chiffre officiel,
00:47 parce qu'il n'y a pas d'études officielles, parce que c'est un phénomène qui n'est absolument pas documenté,
00:51 autre qu'il y a eu une étude qui a été faite par l'Union régionale des professionnels de santé d'Ile-de-France,
00:56 qui a à peu près évalué ça à entre 10 et 27 millions en le généralisant à l'ensemble du pays
01:03 par rapport à ce qui se passe en Ile-de-France, et l'Ile-de-France n'est pas forcément la France,
01:06 donc vous voyez le manque quand même d'études sérieuses.
01:10 Mais en tout cas, c'est un phénomène qui existe et qui est plutôt en croissance,
01:14 et qui montre quand même à mon avis deux phénomènes, mais qu'il faut étudier encore une fois,
01:19 parce qu'il y a un, c'est la relation entre les Français et les médecins,
01:23 on voit la relation entre les Français et les enseignants,
01:26 comme la relation entre les Français et ceux qui sont détenteurs d'un service public, qui se dégradent,
01:30 il y a un manque de respect de base, on le voit, ça c'est une réalité.
01:34 Deuxièmement, c'est que qui sont ces Français qui n'honorent pas les rendez-vous ?
01:42 Je pense que ce serait intéressant sociologiquement de les connaître.
01:44 Est-ce que ce sont des gens qui sont très précarisés ? Est-ce que ce sont simplement des hypochondriacs ?
01:48 Mais en tout cas, ce n'est pas les Français qui tout d'un coup se mettent à ne pas honorer les choses.
01:54 C'est important parce que dans le traitement et dans les solutions qu'on va mettre en place,
01:59 on voit que là, c'est une solution généralisée qui va probablement imposer à tous les Français
02:04 de déposer leur carte bancaire avant de prendre un rendez-vous.
02:07 Et les raisons de ce refus, de ces rendez-vous non honorés ?
02:11 Encore une fois, je pense qu'il y a des raisons sociologiques qui font qu'il y a une précarisation
02:15 de la société, une partie de la société française, qui fait qu'on tombe dans des gens qui ne respectent pas,
02:22 qui n'honorent pas des rendez-vous qui sont une évidence pour une très grande majorité des Français.
02:28 Mais encore une fois, je suis très gêné de vous répondre parce qu'il n'y a aucune donnée.
02:33 Tout ça repose sur du sable. C'est un phénomène qui existe.
02:37 Mais est-ce que c'est un phénomène d'une telle ampleur ?
02:39 Ce que je vois, je me suis renseigné avant de venir ici, auprès de syndicats de médecins,
02:42 auprès de leur dire "mais tout ça, ce sont des mesurettes, tout ça n'a pas d'importance".
02:46 Je n'entends pas quand même sur le terrain de gens qui nous disent "on a un phénomène massif
02:51 qui nous pose un problème massif".
02:53 Dernier point, il faut savoir que les médecins ont plus un problème d'honorer eux les rendez-vous
02:58 de pouvoir répondre à la demande qu'un problème de manque de demande.
03:04 Frédéric Bizarre, ce matin, on l'a donné, Information France Inter,
03:08 la plus grosse plateforme dit non à l'empreinte bancaire au nom de l'égalité des soins.
03:12 Vous comprenez la décision de Dr. Libes ?
03:14 Non, je ne la comprends pas parce que moi je pense que la solution, c'était justement les plateformes.
03:18 On n'est plus à une ère où on prend les rendez-vous comme ça par téléphone.
03:23 Je pense que la solution, elle est technologique.
03:25 C'est-à-dire que comme nous sommes tous obligés en tant que citoyens de passer par ces plateformes numériques,
03:30 ces plateformes numériques ne peuvent pas juste avoir des droits et pas des devoirs.
03:33 Donc il faut que cette plateforme s'assure.
03:35 On doit avoir avec les données, une analyse des données, mieux connaître ce phénomène-là.
03:39 Et on doit obliger ces plateformes à avoir une analyse et à sortir ces impétueux patients.
03:46 Mais on fait comment pour ceux qui sont victimes d'électronisme ?
03:50 On dit 15%, ceux qui n'ont pas de carte bancaire, 5%, on fait comment pour eux ?
03:54 Ça, il faut que ça se traite.
03:57 C'est-à-dire que si on ne peut pas...
03:59 Bon, d'abord, c'est une ultra-minorité, mais cette ultra-minorité, elle doit être traitée
04:02 en s'assurant qu'on peut avoir un contact avec son médecin, et c'est quand même le cas,
04:06 sans passer par Docter Libre.
04:08 Mais ça, vous voyez, on sort de ce sujet-là.
04:10 Vous avez aujourd'hui une numérisation qui a pris toute la place,
04:14 mais qui n'apporte pas un service si qualitatif que ça aux médecins.
04:18 Mais je pense que c'est à ces plateformes numériques de s'assurer que ça soit de bons rendez-vous.
04:24 Et quand ce n'est pas des rendez-vous honorés, de regarder.
04:27 Il faut avoir une analyse.
04:28 Donc c'est le rôle des plateformes, c'est pas le rôle de l'assurance maladie,
04:31 comme le souhaitent certains syndicats ?
04:34 On peut reprocher beaucoup de choses à l'assurance maladie,
04:36 mais là, l'assurance maladie n'est quand même pas pour grand-chose, du fait qu'il y a des patients...
04:40 Mais c'est un phénomène qui est beaucoup plus profond qu'il n'en a l'air.
04:43 Parce qu'on n'a pas des fonctionnaires en France de médecins.
04:46 La grande majorité sont des médecins libéraux.
04:48 C'est-à-dire, ce sont des médecins qui sont indépendants normalement,
04:50 même si on les a mis sous la tutelle de l'État aujourd'hui.
04:52 Donc le fait qu'il n'y ait plus du tout de paiement, par exemple,
04:56 en relation où on va chez le médecin, on y va, sa carte vitale vaut carte bleue.
05:00 Aussi perd la relation et la responsabilisation,
05:04 ou une relation saine entre le médecin et son patient.
05:07 Donc tout ça, je pense que ça fait partie d'une sorte de dénaturation
05:11 de la relation entre le médecin et ses soins.
05:13 Mais ce qu'il faut voir, c'est que c'est cette relation-là qu'il faut reconstruire.
05:17 C'est pas parce que vous avez du numérique entre le médecin et le patient
05:21 que ça doit dénaturer complètement cette relation.
05:24 - Frédéric Bizarre, la décision de Dr Liou, est-ce que ça veut dire que la taxe Lapin est mortenée ?
05:30 - Oui, mais elle est de toute façon inapplicable en nature.
05:33 Vous savez, on a des génies de toute façon au pouvoir
05:36 qui ont réglé en un week-end l'essentiel de la désertification médicale.
05:40 Donc de toute façon, sans aucune concertation, ni avec les plateformes,
05:43 ni avec les professionnels de santé, on a pris cette décision-là,
05:46 qui est inapplicable en l'État.
05:48 Sauf à transformer complètement notre relation avec les médecins,
05:51 où vous allez devoir déposer tous, parce qu'on ne va pas sélectionner les patients
05:55 qui vont mettre leur carte bancaire sur ces plateformes, ou pas.
05:58 Donc soit on va tous devoir mettre notre carte bancaire dans les plateformes médictoniques,
06:05 soit elle est inapplicable.
06:07 Et vous savez, il y a un problème avec le médecin.
06:09 On manque de médecins devant les patients.
06:11 Et là, on est en train de charger en tâche administrative le médecin,
06:14 puisqu'on a dit que ça va être les médecins qui vont décider si on applique cette taxe ou pas.
06:19 - Merci Frédéric Bazard, économiste de la santé, pour cet éclairage.
06:22 Vous étiez l'invité du 5/7.

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