Le Misanthrope de Molière mis en scène par Stéphane Braunschweig à Strasbourg en 2003

  • il y a 5 mois
En 2003, le Théâtre National de Strasbourg (TNS) a présenté une mise en scène du Misanthrope de Molière par le metteur en scène français Stéphane Braunschweig. Cette adaptation a connu un franc succès auprès du public et de la critique.

Une vision contemporaine

Braunschweig a choisi de présenter la pièce dans un décor minimaliste et moderne, s'éloignant des costumes d'époque traditionnels. Cette mise en scène visait à souligner la permanence des thèmes abordés par Molière, tels que la misanthropie, l'hypocrisie sociale et les relations amoureuses complexes, qui restent pertinents même aujourd'hui.

Focus sur le jeu des acteurs

L'accent a été mis sur le jeu des acteurs pour faire ressortir la profondeur psychologique des personnages. Le public a pu apprécier le talent de la troupe du TNS, qui a donné vie aux personnages emblématiques de la pièce : Alceste, le misanthrope intransigeant ; Célimène, la coquette manipulatrice ; et Philinte, le représentant de la raison modérée.

Une expérience théâtrale immersive

La mise en scène de Braunschweig a également cherché à créer une expérience théâtrale immersive pour le public. L'utilisation de la lumière et du son a contribué à créer une atmosphère particulière et à renforcer l'impact émotionnel de la pièce.

Retentissement et impact

Cette adaptation du Misanthrope a été saluée pour son originalité, sa fidélité au texte de Molière et son interprétation captivante. Elle a permis à un public contemporain de redécouvrir ce chef-d'œuvre du théâtre français.
Transcript
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00:01:32 Qu'est-ce donc ?
00:01:34 Qu'avez-vous ?
00:01:38 Laissez-moi, je vous prie.
00:01:40 Mais encore, dites-moi, quelle bizarrerie !
00:01:43 Laissez-moi là, dis-je, et courez vous cacher.
00:01:46 Mais on entend les gens au moins sans se fâcher.
00:01:49 Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
00:01:53 Dans vos brusques chagrins, je ne puis vous comprendre.
00:01:58 Et quoi, Camille, enfin, je suis tout des premiers.
00:02:01 Laissez-moi, votre amie, rayer cela de vos papiers.
00:02:05 J'ai fait jusque-ci profession de lettre,
00:02:09 mais après ce qu'en vous je viens de voir paraître,
00:02:12 je vous déclare net que je ne le suis plus,
00:02:15 et ne venu de place en des cœurs corrompus.
00:02:18 Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte.
00:02:23 Allez, vous devriez mourir de pure honte.
00:02:25 Une telle action ne saurait s'excuser,
00:02:27 et tout homme d'honneur s'en doit scandalisé.
00:02:31 Je vous vois accabler un homme de caresse,
00:02:34 et témoigner pour lui les dernières tendresses.
00:02:37 De protestations, d'offres et de serments,
00:02:40 vous chargez la fureur de vos embrassements.
00:02:43 Et quand je vous demande après quel est cet homme,
00:02:47 à peine pouvez vous dire comme il se nomme.
00:02:49 Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant,
00:02:53 et vous me le traitez, à moi, d'indifférent, morbide.
00:02:58 C'est une chose indigne, lâche, infâme,
00:03:02 de s'abaisser ainsi jusqu'à trahir son âme.
00:03:05 Et si par un malheur j'en avais fait autant,
00:03:08 je m'irais de regret pendre tout à l'instant.
00:03:12 Je ne vois pas pour moi que le cas soit pendable,
00:03:15 et je vous supplierais d'avoir pour agréable
00:03:18 que je me fasse un peu grasse sur votre arrêt,
00:03:20 et ne me pende pas par cela, s'il vous plaît.
00:03:22 Que la plaisanterie ait de mauvaise grâce.
00:03:24 Non, sérieusement, que voulez-vous qu'on fasse ?
00:03:26 Je veux qu'on soit sincère,
00:03:28 et qu'en homme d'honneur, on ne lâche aucun mot
00:03:31 qui ne parte du cœur.
00:03:33 Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie,
00:03:36 il faut bien le payer de la même menoi,
00:03:38 répondre comme on peut à ses empressements,
00:03:40 et rendre offre pour offre, et serment pour serment.
00:03:43 Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
00:03:47 qu'affecte la plupart de vos gens à la mode.
00:03:49 Et je ne hais rien tant que les contorsions
00:03:52 de tous ces grands faiseurs de protestation,
00:03:54 ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
00:03:57 ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
00:04:00 qui de civilité avec tous font combat,
00:04:02 et traitent du même air l'honnête homme et le fard.
00:04:06 Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse,
00:04:09 vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
00:04:14 et vous fasse de vous un éloge éclatant
00:04:16 lorsque au premier facin, vous pourrez en faire autant ?
00:04:19 Non, non, il n'est pas un dame un peu bien située
00:04:22 à l'œil d'une estime ainsi prostituée,
00:04:25 et la plus glorieuse à des régals plus chers
00:04:27 des convois qu'on nous mêle avec tout l'univers.
00:04:29 Sur quelque préférence, une estime se fonde,
00:04:33 et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
00:04:37 Puisque vous y donnez dans ces vices du temps,
00:04:40 moble, vous n'êtes pas pour être de mes gens,
00:04:43 je refuse d'un cœur la vaste complaisance
00:04:46 qui ne fait de mérite aucune différence.
00:04:50 Je veux qu'on me distingue,
00:04:52 et pour le trancher net,
00:04:54 l'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.
00:04:58 Mais quand on est du monde, il faut bien que l'on rende
00:05:11 quelques dehors civils que l'usage demande.
00:05:13 Non, vous dis-je, on devrait châtier sans pitié
00:05:18 ce commerce honteux de semblants d'amitié.
00:05:21 Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
00:05:24 le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre,
00:05:27 que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
00:05:29 ne se masquent jamais si on devient complément.
00:05:31 Il est bien des endroits où la pleine franchise
00:05:33 deviendrait ridicule et serait peu permise,
00:05:36 et parfois, n'en déplaise à votre austère honneur,
00:05:39 il est bon de cacher ce qu'on a dans le cœur.
00:05:42 Serait-il à propos et de la bienséance de dire à mille gens
00:05:44 tout ce que d'eux on pense ?
00:05:46 Et quand on a quelqu'un qu'on hait ou qui déplait,
00:05:49 lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?
00:05:52 Oui.
00:05:53 Quoi ? Vous iriez dire à la vieille Émilie
00:05:56 qu'à son agissier humain elle le fait relâcher lié
00:05:58 et que le blanc qu'elle a scandalise chacun ?
00:06:00 Sans doute.
00:06:01 A Dorila, qu'il est trop important, et qu'il l'est
00:06:04 à la cour oreille, et qu'il ne lasse à compter
00:06:05 sa bravoure et l'éclair de sa race.
00:06:07 Fort bien.
00:06:08 Vous vous moquez ?
00:06:09 Je ne m'émoque au point, et je ne vais n'épargner
00:06:13 personne sur ce point.
00:06:15 Mes yeux sont trop blessés, et la cour, et la ville
00:06:19 ne m'envoient rien qu'objet à m'échauffer la bile.
00:06:22 J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond
00:06:26 quand je vois vivre entre les hommes comme ils font.
00:06:29 Je ne trouve partout que lâches flatteries,
00:06:31 qu'injustices, intérêts, trahisons, fourgleries.
00:06:35 Je n'y puis plus tenir.
00:06:36 J'enrage, et mon dessein est de rompre en visière
00:06:40 à tout le genre humain.
00:06:42 Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage.
00:06:46 Je ris des noirs accès où je vous envisage,
00:06:49 et crois voir en nous deux sous même soin nourri,
00:06:51 ces deux frères que peint l'école des maris dont...
00:06:53 Mon Dieu, laissons là vos comparaisons fades.
00:06:56 Non, tout de bon.
00:06:58 Quittez de toutes eux ces incartades.
00:07:00 Le monde, par vos soins, ne se changera pas.
00:07:05 Et puisque la franchise a pour vous tant la paix,
00:07:10 je vous dirai tout franc que cette maladie,
00:07:12 partout où vous allez, donne la comédie,
00:07:14 et qu'un si grand courroux contre les mœurs du temps
00:07:16 vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
00:07:19 Tant mieux, Morbleux, tant mieux.
00:07:21 C'est ce que je demande.
00:07:23 Ce met un fort bon signe, et ma joie en est grande.
00:07:26 Tous les hommes me sont à tel point odieux
00:07:29 que je serais fâché d'être sage à leurs yeux.
00:07:31 Vous voulez un grand mal à la nature humaine.
00:07:34 Oui, j'ai conçu pour elle une effroyable haine.
00:07:37 Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
00:07:39 seront enveloppés dans cette aversion.
00:07:42 Encore en est-il bien dans le siècle où nous sommes ?
00:07:45 Non, elle est générale, et je hais tous les hommes,
00:07:49 les uns parce qu'ils sont méchants et malfaisants,
00:07:52 et les autres pour être aux méchants complaisants,
00:07:55 et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
00:07:57 que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
00:08:00 De cette complaisance, on voit l'injuste excès
00:08:05 pour le France et l'Era avec qui j'ai procès.
00:08:08 Au travers de son masque, on voit à plein le traître.
00:08:11 Partout, il est connu pour tout ce qu'il peut être,
00:08:14 et ses roulements dieux et son ton radouci
00:08:17 n'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici.
00:08:20 On sait que ce pied plat, digne qu'on le confonde,
00:08:24 par de sales emplois s'est poussé dans le monde,
00:08:26 et que par eux son sort de splendeur revêtu
00:08:29 fait gronder le mérite et rougir la vertu.
00:08:32 Quelque titre honteux, quand tout lion lui donne,
00:08:35 son misérable honneur ne voit pour lui personne
00:08:37 nommé le fourbe, infâme et scélérat maudit.
00:08:40 Tout le monde en convient, et nul n'y contredit.
00:08:44 Cependant, sa grimace est partout bienvenue.
00:08:47 On l'accueille, on lui rit, partout il s'insime.
00:08:51 Et s'il est par l'abri guérant indisputé,
00:08:53 sur le plus honnête homme, on le voit l'emporter.
00:08:56 Tête bleue, ce ne sont de mortelles blessures
00:09:00 de voir qu'avec le vice on garde des mesures.
00:09:05 Et parfois, il me prend des mouvements soudains
00:09:10 de fuir dans un désert, l'approche des humains.
00:09:13 Mon Dieu, les moeurs du temps, mettons-nous moins en peine
00:09:16 et faisons un peu grâce à la nature humaine.
00:09:19 Ne l'examinons point dans la grande rigueur,
00:09:21 et voyons ses défauts avec quelque douceur.
00:09:24 Il faut, parmi le monde, une vertu traitable,
00:09:29 à force de sagesse ou peut-être blâmave,
00:09:32 la parfaite raison fuit toute extrémité
00:09:35 et veut que l'on soit sage avec sobriété.
00:09:38 Cette grande raideur des vertus des vieux âges
00:09:42 heurte trop notre siècle et les communs usages.
00:09:45 Elle veut aux mortels trop de perfection.
00:09:48 Il faut fléchir au temps, sans obstination,
00:09:51 et c'est une folie à n'une autre seconde
00:09:53 de vouloir se mêler de corriger le monde.
00:09:55 J'observe, comme vous, cent choses de tous les jours
00:09:58 qui pourraient être récoltées,
00:10:00 cent choses de tous les jours qui pourraient mieux aller,
00:10:02 prenant un autre cours, mais,
00:10:04 quoiqu'à chaque pas je puisse voir paraître,
00:10:07 en courant, comme vous,
00:10:09 on ne me voit point être.
00:10:11 Je prends tout doucement les hommes comme ils sont.
00:10:15 J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font,
00:10:19 et je crois qu'à la cour, de même qu'à la ville,
00:10:21 mon phlegme est philosophe autant que votre bile.
00:10:26 Mais ce phlegme, monsieur, qui résonne si bien,
00:10:30 ce phlegme pourra-t-il ne s'échauffer de rien ?
00:10:34 Et s'il faut, par hasard, qu'un ami vous trahisse,
00:10:38 que pour avoir vos biens on dresse un artifice,
00:10:41 ou qu'on tâche à semer de méchants bruits de vous,
00:10:43 verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux ?
00:10:47 Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure
00:10:51 comme vices unis à l'humaine nature,
00:10:54 et mon esprit, enfin, n'est pas plus offensé
00:10:56 de voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
00:10:59 que de voir des vautours affamés de carnage,
00:11:01 des singes malfaisants et des loups pleins d'orage.
00:11:03 Je me verrais trahir, mettre en pièce, voler, sans que je sois mort bleue.
00:11:08 Je ne veux point parler dont ce raisonnement est plein d'impertinence.
00:11:10 Cette fois, vous faudrez bien me garder le silence.
00:11:15 Compte en votre partie, éclatez un peu moins,
00:11:17 et donnez au procès une part de vos soins.
00:11:19 Je n'en donnerai point, c'est une chose dite.
00:11:21 Mais qui voulez-vous donc ? Qui pour vous sollicite ?
00:11:23 Qui je veux ? La raison, mon bon droit, l'équité.
00:11:28 Aucun juge par vous ne sera visité.
00:11:30 Non. Est-ce que ma cause est injuste ou douteuse ?
00:11:33 Je me demeure d'accord, mais la brigue est fâcheuse.
00:11:35 Non, j'ai résolu de n'en pas faire un pas.
00:11:38 J'ai tort ou j'ai raison.
00:11:39 Vous y filiez pas.
00:11:40 Je ne remuerais point.
00:11:41 Votre partie est forte et peut par sa cabale entraîner.
00:11:43 Il n'importe.
00:11:44 Vous vous tromperez.
00:11:45 Soit j'en veux voir le succès.
00:11:47 J'aurai le plaisir de perdre mon procès.
00:11:50 Mais enfin !
00:11:51 Je ne serai pas prêt dans ce couplet de rimes
00:11:53 si les hommes auront assez les fronteries,
00:11:55 seront assez méchants, scélérats et pervers,
00:11:57 pour me faire injustice aux yeux de l'univers.
00:11:59 Tel homme !
00:12:00 Je voudrais, n'en coûte-t-il grand-chose,
00:12:02 pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause.
00:12:04 On se rirait de vous, Alceste, tout de bon,
00:12:07 si l'on nous entendait parler de la façon.
00:12:09 Tant pis pour qui rirait.
00:12:12 Mais cette rectitude que vous voulez en tout, avec exactitude,
00:12:18 cette pleine droiture où vous vous renfermez,
00:12:23 la trouvez-vous ici, dans ce que vous aimez ?
00:12:28 Je m'étonne.
00:12:29 Pour moi, qui est encore un peu plus jeune,
00:12:31 je ne suis pas un peu plus jeune.
00:12:33 Je suis un peu plus jeune.
00:12:35 Vous, ici, dans ce que vous aimez ?
00:12:39 Je m'étonne.
00:12:40 Pour moi, qui étant, comme il le semble,
00:12:42 vous et le genre humain si fort brouillés ensemble,
00:12:46 malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux,
00:12:49 vous ayez pris chez lui ce qui charme vos yeux.
00:12:52 Et ce qui me surprend encore davantage,
00:12:55 c'est cet étrange choix où votre cœur s'engage.
00:13:00 La sincère Eliante a du penchant pour vous,
00:13:03 la prude Arcinoué vous voit d'un œil fort doux.
00:13:07 Cependant, à leur vœu, votre âme se refuse,
00:13:10 tandis qu'en ses liens, c'est lui-même l'amuse,
00:13:16 de qui l'humeur coquette et l'esprit médisant
00:13:21 semblent si fort donnés dans les mœurs d'à présent.
00:13:26 D'où vient que leur portant une haine mortelle,
00:13:28 vous pouvez bien souffrir, ce qu'en tient cette belle,
00:13:32 ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
00:13:36 Ne les voyez-vous pas, ou les excusez-vous ?
00:13:42 Non, l'amour que je sens pour cette jeune veuve
00:13:47 ne ferme point mes yeux aux défauts qu'on lui trève,
00:13:50 et je suis, quel quart d'heure qu'elle m'ait pu donner,
00:13:53 le premier à les voir comme à les condamner.
00:13:56 Mais avec tout cela, quoi que je puisse faire,
00:13:59 je confesse mon faible, elle a l'art de me plaire.
00:14:03 J'ai beau voir ses défauts et j'ai beau l'emblâmer,
00:14:05 en dépit qu'on en ait, elle se fait aimer.
00:14:08 Sa grâce est la plus forte, et sans doute ma flamme
00:14:11 de ses vices du temps pourra purger son âme.
00:14:14 Si vous faites cela, vous ne ferez pas que vous.
00:14:17 Vous croyez être dont elle m'est idem ?
00:14:19 Oui, parbleu, je ne l'aimerais pas si je ne croyais l'être.
00:14:25 Mais si son amitié pour vous se fait paraître,
00:14:28 d'où vient que vos rivaux vous causent de l'ennui ?
00:14:31 C'est qu'un cœur bien atteint veut qu'on soit tout à lui,
00:14:35 et je ne viens ici qu'à dessein de lui dire
00:14:37 tout ce que là-dessus ma passion m'inspire.
00:14:40 Pour moi, si je n'avais qu'à former des désirs,
00:14:42 la cousine Eliante aurait tous mes soupirs.
00:14:45 Son cœur, qui vous estime, est solide et sincère,
00:14:49 et ce choix plus conforme était mieux votre affaire.
00:14:51 Il est vrai, ma raison me le dit chaque jour,
00:14:54 mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour.
00:14:56 Je crains fort pour vos feux et l'espoir où vous êtes, pour elle.
00:15:00 J'ai su là-bas que pour quelques enplettes,
00:15:06 Eliante est sortie et Célimène aussi,
00:15:10 mais comme l'on m'a dit que vous étiez ici,
00:15:13 j'ai monté pour vous dire, et d'un cœur véritable,
00:15:17 que j'ai conçu pour vous une estime incroyable,
00:15:21 et que depuis longtemps, cette estime m'a mis
00:15:26 dans un ardent désir d'être de vos amis.
00:15:31 Oui, mon cœur, au mérite, aime à rendre justice,
00:15:36 et je brûle qu'un nœud d'amitié nous unisse.
00:15:41 Je crois qu'un ami chaud et de ma qualité
00:15:47 n'est pas assurément pour être rejeté.
00:15:51 C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse.
00:16:03 À moi, monsieur ?
00:16:05 À vous. Trouvez-vous qu'il vous blesse ?
00:16:08 Non, pas, mais la surprise est fort grande pour moi,
00:16:12 et je n'attendais pas l'honneur que je reçois.
00:16:14 L'estime où je vous tiens ne doit point vous surprendre,
00:16:18 et de tout l'univers, vous la pouvez prétendre.
00:16:21 Monsieur ?
00:16:22 L'État n'a rien qui ne soit au-dessous du mérite éclatant
00:16:26 que l'on découvre en vous.
00:16:28 Monsieur ?
00:16:29 De ma part, je vous tiens préférable à tout ce que j'y vois de plus considérable.
00:16:33 Monsieur ?
00:16:34 Sois-je du ciel écrasé si je mens ?
00:16:40 Et pour vous confirmer ici mes sentiments, souffrez qu'à cœur ouvert,
00:16:45 monsieur, je vous embrasse, et dans votre amitié, je vous demande place.
00:16:51 Touchez-la, s'il vous plaît.
00:16:55 Vous me la promettez, votre amitié ?
00:16:59 Monsieur ?
00:17:00 Quoi ? Vous y résistez ?
00:17:03 Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me voulez faire,
00:17:06 mais l'amitié demande un peu plus de mystère,
00:17:10 et c'est assurément en profaner le nom que de vouloir le mettre à toute occasion.
00:17:14 Avec lumière et choix, cette union veut naître.
00:17:17 Avant que nous ne l'ayez, il faut nous mieux connaître,
00:17:20 et nous pourrions avoir telle complexion que, tous deux, du marché, nous nous repentirions.
00:17:26 Parbleu, c'est là-dessus parler un homme sage,
00:17:33 et je vous en estime encore davantage.
00:17:37 Souffrons donc que le temps forme des nœuds si doux,
00:17:42 mais cependant je m'offre entièrement à vous.
00:17:45 S'il faut faire à la cour pour vous quelque ouverture,
00:17:49 on sait qu'auprès du roi je fais quelques figures.
00:17:53 Il m'écoute.
00:17:54 Et dans tout, il en use ma foi le plus honnêtement du monde avec moi.
00:18:02 Enfin, je suis à vous de toutes les manières.
00:18:06 Et comme votre esprit a de grandes lumières,
00:18:10 je viens pour commencer entre nous ce beau nœud,
00:18:14 vous montrer un sommet que j'ai fait depuis peu,
00:18:18 et savoir s'il est bon qu'au public je l'expose.
00:18:22 Monsieur, je suis mal propre à décider la chose, veuillez m'en dispenser.
00:18:26 Pourquoi ?
00:18:27 J'ai le défaut d'être un peu plus sincère en cela qu'il le faut.
00:18:31 C'est ce que je demande.
00:18:33 Et j'aurai lieu de plainte si, m'exposant à vous pour me parler sans feinte,
00:18:38 vous alliez me trahir et me déguiser rien.
00:18:43 Puisqu'il vous plaît ainsi, monsieur, je le veux bien.
00:18:54 Sonneux. C'est un sonnet.
00:18:58 L'espoir.
00:19:01 C'est une dame qui, de quelque espérance, avait flatté ma flamme.
00:19:07 L'espoir.
00:19:12 Ce ne sont pas de ces grands verres pompeux,
00:19:15 mais de petits verres doux, tendres et langoureux.
00:19:20 Nous verrons bien.
00:19:22 L'espoir.
00:19:24 Je ne sais si le style pourra vous en paraître assez net et facile,
00:19:28 et si du choix du mot, vous vous contenterez.
00:19:32 Nous allons voir, monsieur.
00:19:33 Au reste, vous saurez que je n'ai demeuré qu'un quart d'heure à le faire.
00:19:37 Voyons, monsieur, le temps ne fait rien à l'affaire.
00:19:41 L'espoir, il est vrai, nous soulage.
00:19:49 Et nous berce un temps notre ennui.
00:19:53 Mais filisse le triste avantage lorsque rien ne marche après lui.
00:20:00 Je suis déjà charmé de ce petit morceau.
00:20:07 Quoi ? Vous avez le front de trouver cela beau ?
00:20:10 Vous eûtes de la complaisance, mais vous en deviez moins avouer.
00:20:15 Et ne vous pas mettre en dépense pour ne me donner que l'espoir.
00:20:21 Ah ! quand elles me galantent, ces choses-là sont mises.
00:20:25 Morbleux, vil complaisant, vous louez les sottises.
00:20:28 S'il faut qu'une attente éternelle pousse à bout l'ardeur de mon zèle,
00:20:32 le trépas sera mon repos.
00:20:35 Vos soins ne m'en peuvent distraire.
00:20:38 Belle filisse, on désire vous.
00:20:42 Belle filisse, on désespère, alors qu'on espère toujours.
00:20:50 La chute en échaline, amoureux, admirable.
00:20:56 La fesque de ta chute, empoisonneur au diable, en eusses-tu fait une à te casser le nez ?
00:21:00 Je n'ai jamais ouï de vers si bien tourné.
00:21:03 Morbleux.
00:21:04 Vous me flattez, et vous croyez peut-être...
00:21:06 Non, je ne flatte point.
00:21:08 Et que fais-tu donc, traître ?
00:21:09 Elle est pour vous.
00:21:11 Vous savez qu'elle est notre trépée.
00:21:14 Parlez-moi, je vous prie, avec sincérité.
00:21:18 Monsieur, cette matière est toujours délicate.
00:21:25 Et sur le bel esprit, nous aimons qu'on nous flatte.
00:21:29 Mais un jour, à quelqu'un dont je tairai le nom,
00:21:34 je disais, en voyant des vers de sa façon,
00:21:37 qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire
00:21:40 sur les démangeaisons qui nous prennent, l'écrivain,
00:21:43 qu'il doit tenir l'abri de grands empressements qu'on a
00:21:46 de faire éclat de tels amusements,
00:21:48 et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
00:21:51 on s'expose à jouer de mauvais personnages.
00:21:54 Est-ce que vous voulez me déclarer par là que j'ai tort de vous...
00:21:58 Je ne dis pas cela.
00:22:00 Mais je lui disais, moi, qu'un froid écrit assomme,
00:22:05 qu'il ne faut que ce faible à décrier un homme,
00:22:07 et qu'eut-on, d'autre part, sans belle qualité,
00:22:10 on regarde les gens par leur méchant côté.
00:22:13 Est-ce qu'à mon sonnet vous trouvez à redire ?
00:22:16 Je ne dis pas cela.
00:22:18 Mais pour ne point écrire, je lui mettais aux yeux,
00:22:20 comme dans notre temps, cette soif à gâter de fort honnête gens.
00:22:25 Est-ce que j'écris mal et leur ressemblerais-je ?
00:22:31 Je ne dis pas cela.
00:22:33 Mais enfin, lui disais-je,
00:22:35 quel besoin si pressant avez-vous de rimer,
00:22:38 et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ?
00:22:42 Si l'on peut pardonner les sorts d'un mauvais livre,
00:22:45 ce n'est qu'aux malheureux qui composent pour vivre.
00:22:47 Croyez-moi, résister à vos tentations,
00:22:50 dérober au public ses occupations,
00:22:53 et n'aller point quitter, de quoi que l'on vous somme,
00:22:55 le nom que, dans la cour, vous avez donné Tom,
00:22:58 pour prendre de la main d'un avis d'imprimeur,
00:23:00 celui de ridicule et misérable auteur,
00:23:02 c'est ce que je tâchais de lui faire comprendre.
00:23:05 Voilà qui va fort bien, et je crois vous entendre.
00:23:11 Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sommet ?
00:23:16 Franchement, il est bon à mettre au cabinet.
00:23:20 Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles,
00:23:24 et vos expressions ne sont pas naturelles.
00:23:27 Qu'est-ce que nous berce un temps notre ennui ?
00:23:32 Et que rien ne marche après lui.
00:23:37 Que ne vous pas mettre en dépense,
00:23:40 pour ne me donner que l'espoir,
00:23:42 et que finisse on désespère,
00:23:45 alors qu'on espère toujours.
00:23:48 Ce style figuré dont on fait vanité,
00:23:51 sort du bon caractère et de la vérité.
00:23:55 Ce n'est que jeu de mots,
00:23:57 qu'affectation pure, et ce n'est point ainsi que parle la nature.
00:24:02 Le méchant goût du siècle, cela me fait peur.
00:24:05 Nos pères, tout grossier, l'avaient beaucoup meilleur,
00:24:08 et je prise bien moins tout ce que l'on admire,
00:24:11 qu'une vieille chanson que je m'en vais vous dire.
00:24:15 Si le roi m'avait donné Paris, sa grande ville,
00:24:20 et qu'il me fallut quitter l'amour de mamie,
00:24:23 je dirais au roi Henri, reprenez votre Paris,
00:24:27 j'aime mieux mamie, au guet, j'aime mieux mamie.
00:24:32 La rime n'est pas riche, et le style en est vieux,
00:24:40 mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux
00:24:42 que ces codifichés dont le bon sens murmure,
00:24:45 et que la passion parle la toute pure ?
00:24:49 Si le roi m'avait donné Paris, sa grande ville,
00:24:53 et qu'il me fallut quitter l'amour de mamie,
00:24:56 je dirais au roi Henri, reprenez votre Paris,
00:25:00 j'aime mieux mamie, au guet, j'aime mieux mamie.
00:25:04 Voilà ce que dirait un chœur vraiment épris.
00:25:09 Oui, monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
00:25:13 j'estime plus cela que la pompe fleurie
00:25:15 de tous ces faux brillants où chacun surécrit.
00:25:19 Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.
00:25:29 Vous les trouvez ainsi, vous avez vos raisons,
00:25:32 mais vous trouverez bon que j'en puisse avoir d'autres
00:25:34 qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres ?
00:25:36 Il me suffit de voir que d'autres n'en font pas.
00:25:39 C'est qu'ils ont l'âme faim, et moi je ne l'ai pas.
00:25:43 Croyez-vous donc avoir tant d'esprit en partage ?
00:25:46 Si je louais vos vers, j'en aurais davantage.
00:25:48 Je me passerais bien que vous les affrouviez.
00:25:51 Il faut bien, s'il vous plaît, que vous vous en fassiez.
00:25:53 Je voudrais bien pourvoir que, de votre manière,
00:25:57 vous en compose à scier sur la même matière.
00:26:00 J'en pourrais par malheur faire d'aussi méchants,
00:26:03 mais je me garderais de les montrer aux gens.
00:26:05 Vous me parlez bien ferme, et c'est suffisant aussi.
00:26:08 Autre part que chez moi, chercher qui vous en sens ?
00:26:10 Mon petit monsieur Brunel, un peu moins haut.
00:26:13 Ma foi, mon grand monsieur, je le prends comme il faut.
00:26:16 Monsieur, il s'en fait trop. Laissez cela de grâce.
00:26:18 J'ai tort, je l'avoue, et je quitte la place.
00:26:22 Je suis votre valet, monsieur, de tout mon cœur.
00:26:38 Et moi, je suis, monsieur, votre humble serviteur.
00:26:43 Bien, vous le voyez, pour être trop sincère,
00:26:48 vous voilà sur les bras une fâcheuse affaire.
00:26:51 Et j'ai bien vu qu'au ronde, afin d'être flatté...
00:26:54 Ne me parlez pas.
00:26:56 Plus de société.
00:27:00 C'est trop.
00:27:02 Laissez-moi là.
00:27:03 Si, je...
00:27:04 Point de langage.
00:27:05 Mais...
00:27:06 Encore ?
00:27:07 Quoi ?
00:27:08 À part bleu, c'en est trop. Ne suivez point mes pas.
00:27:10 Vous vous moquez de moi, je ne vous quitte pas.
00:27:14 [Musique]
00:27:33 Madame, voulez-vous que je vous parle honnête ?
00:27:43 [Bruit de bouche]
00:27:45 De vos façons d'agir, je suis mal satisfait.
00:27:49 Contrairement à elles, dans mon cœur, trop de bile s'assemble.
00:27:52 Et je sens qu'il faudra que nous rompions ensemble.
00:27:56 [Rire]
00:27:58 Oui, je vous tromperais de parler autrement.
00:28:01 Tôt ou tard, nous romperons, indubitablement.
00:28:04 Et je vous promettrais mille fois le contraire,
00:28:06 que je ne serai pas en pouvoir de le faire.
00:28:09 C'est pour me corrêler, donc, à ce que je vois que vous avez voulu me ramener chez moi ?
00:28:14 Je ne corrèle point.
00:28:16 Mais votre humeur, madame, ouvre aux premiers venus trop d'accès dans votre âme.
00:28:21 Vous avez trop d'amants qu'on voit vous obséder,
00:28:23 et mon cœur de cela ne peut s'incommoder.
00:28:26 Les amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
00:28:30 Puis j'empêche les gens de me trouver aimable ?
00:28:33 Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
00:28:37 dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors ?
00:28:40 Non, ce n'est pas, madame, un bâton qu'il faut prendre,
00:28:43 mais un cœur à leur vœu moins facile et moins tendre.
00:28:46 Je sais que vos appâts vous suivent dans tous lieux,
00:28:49 mais votre accueil retient ceux qui attirent vos yeux,
00:28:52 et sa douceur offerte à qui vous rend les armes,
00:28:54 achève sur les cœurs ouvrages de vos charmes.
00:28:57 Le trop rayant espoir que vous leur présentez,
00:29:00 attache autour de vous leur assiduité,
00:29:02 et votre complaisance, un peu moins étendue,
00:29:05 de tant de soupirants, chasserait la commune.
00:29:08 Mais au moins, dites-moi, madame,
00:29:11 par quel sort votre cli tendre a l'heure de vous plaire si fort ?
00:29:16 Sur quel fond de mérite et de vertu sublime
00:29:19 appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime ?
00:29:22 Est-ce, parlons de le long, qu'il porte le petit doigt ?
00:29:26 Il s'est acquis chez vous l'estime dont le voie ?
00:29:29 Vous êtes-vous rendu, avec tout le beau monde,
00:29:31 au mérite éclatant de sa perruque blanc-ronde ?
00:29:35 Ou sa façon de rire ?
00:29:37 Et son ton de fausset, quant il ne vous touchez,
00:29:39 si trouvez le secret ?
00:29:41 Quelle justement de lui vous prenez de l'ombrage ?
00:29:43 Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage,
00:29:45 et que, dans mon procès, ainsi qu'il m'a promis,
00:29:48 il peut intéresser tous ceux qui l'a d'amis ?
00:29:50 Perdez votre procès, madame, avec constance,
00:29:53 et ne ménagez point un éval qui m'offense.
00:29:55 Mais de tout l'univers, vous devenez jaloux.
00:29:59 C'est que tout l'univers est bien reçu de vous.
00:30:03 C'est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
00:30:05 puisque ma complaisance est sur tous épanchée.
00:30:08 Et vous auriez plus suer de vous en offenser
00:30:11 si vous me la voyiez sur un seul ramasser.
00:30:14 Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
00:30:18 qu'ai-je de plus que tous, madame, je vous prie.
00:30:21 Le bonheur de savoir que vous êtes aimée.
00:30:30 Quel lieu de le croire, à mon cœur enflammé !
00:30:33 Je pense qu'ayant pris le souhait de vous le dire,
00:30:36 un aveu de la sorte a de quoi vous suffit.
00:30:39 Mais qui m'assurera que, dans le même instant,
00:30:41 vous n'en disiez peut-être aux autres tout autant ?
00:30:43 Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne,
00:30:48 et vous me traitez là de gentille personne.
00:30:51 Eh bien, pour vous ôter d'un semblable souci,
00:30:55 de tout ce que j'ai dit, je me dédise ici,
00:30:58 et rien ne saurait plus vous tromper que vous-même.
00:31:00 Soyez contents.
00:31:02 Morbleux faut-il que je vous aime !
00:31:05 Ah ! que si de vos mains je rattrape mon cœur,
00:31:08 je bénirais le ciel de ce rare bonheur.
00:31:11 Je ne le sève pas, je fais tout mon possible
00:31:13 à rompre de ce cœur d'attachement terrible,
00:31:15 mais mes plus grands efforts n'ont rien fait jusqu'ici,
00:31:18 et c'est pour mes péchés que je vous aime ainsi.
00:31:20 Il est vrai, votre ardeur est pour moi à cent secondes.
00:31:23 Oui, je puis là-dessus défier tout le monde.
00:31:25 Mon amour ne se peut concevoir, et jamais personne n'a, madame, aimé comme je fais.
00:31:30 En effet, la méthode en est toute nouvelle.
00:31:33 Quand vous aimez les gens pour leur faire querelle,
00:31:35 ce n'est qu'en mofasseux qu'éclate votre ardeur,
00:31:37 et l'on n'a jamais vu un amour aussi grondeur.
00:31:40 Mais il ne tient qu'à vous que ce chagrin ne passe.
00:31:43 À tous nos démêlés, coupons chemin de grâce,
00:31:46 parlons à cœur ouvert, et voyons d'arrêter ce...
00:31:48 - Qu'est-ce ? - Acastée, là-bas.
00:31:50 Eh bien, faites monter.
00:31:53 Quoi ?
00:31:55 On ne peut jamais vous parler tête à tête.
00:31:58 À recevoir le monde, on vous voit toujours prêtes,
00:32:02 et vous ne pouvez pas, au seul moment où tous,
00:32:05 vous résoudre à souffrir de n'être pas chez vous.
00:32:07 Voulez-vous qu'avec lui je me fasse une affaire ?
00:32:09 Vous avez des regards qui ne sauraient me plaindre.
00:32:11 C'est un homme à jamais ne me le pardonner s'il savait que sa vue pût m'opportuner.
00:32:15 Et que vous faites cela pour vous gêner, de sorte.
00:32:17 Mon Dieu, de ces pareils, la bienveillance importe,
00:32:19 et ce sont de ces gens qui, je ne sais comment,
00:32:22 ont gagné dans la tour de parler hautement.
00:32:24 Dans tous les entretiens, on les voit s'introduire.
00:32:27 Ils ne sauraient servir, mais ils peuvent vous nuire.
00:32:29 Et jamais, quel caput qu'on puisse avoir ailleurs,
00:32:31 on ne doit se brouiller avec ces grands brailleurs.
00:32:34 Enfin, quoi qu'il en soit, et sur quoi qu'on se fonde,
00:32:37 vous trouvez des raisons pour soutenir tout le monde,
00:32:39 et les précautions de votre jugement...
00:32:41 - Moi, c'était tendre, encore, madame. - Juste vous.
00:32:47 - Où courez-vous ? - Je sors.
00:32:49 - Demain. - Pourquoi faire ?
00:32:51 - Demain, et... - Je ne puis.
00:32:59 - Je veux pas. - Point d'affaire.
00:33:01 Ces conversations ne font que m'ennuyer, et c'est trop que vouloir me les faire essuyer.
00:33:04 - Je veux, je veux. - Non, non, il m'est impossible.
00:33:07 Eh bien, allez !
00:33:15 Sortez, vous êtes oubloisibles.
00:33:17 Voici les deux marquis qui montent avec nous.
00:33:24 - Vous l'étons venu dire ? - Oui.
00:33:26 Des sièges pour tous.
00:33:28 - Vous n'êtes pas sortis ? - Non.
00:33:43 Mais je veux, madame, ou pour eux, ou pour moi,
00:33:46 - faire expliquer votre art. - Caissez-vous.
00:33:48 - Aujourd'hui, je vous expliquerai. - Vous perdez le sens.
00:33:51 - Quoi ? Je vous déclarerai. - Ah !
00:33:53 - Vous prendrez parti. - Vous vous moquez, je pense.
00:33:55 Mais non, mais vous choisirez. C'est trop d'insolence.
00:33:58 Barbleu, je viens du Louvre.
00:34:01 Votre clé honte, enlevée, madame, a bien paru ridicule à chever.
00:34:06 N'as-tu point quelqu'un vu qui pue sur ces manières,
00:34:10 dans le charitable avis du prêté Léluvier ?
00:34:13 Dans le monde après-début, ce barbouilleux fauve,
00:34:16 partout il porte un air qui saute aux yeux d'abord,
00:34:19 et lorsqu'on le revoit après un peu d'absence,
00:34:22 on le retrouve encore plus plein d'extravagance.
00:34:25 Barbleu, s'il faut parler de gens extravagants,
00:34:28 je viens d'en essuyer un des plus fatigants,
00:34:30 Damon le raisonneur, qui me revous des plaies,
00:34:33 une heure au grand soleil, tenu hors de la chaise.
00:34:37 C'est un parleur étrange, et qui trouve toujours
00:34:40 l'air de vous réagir avec de grands discours.
00:34:43 Dans les propos qu'il tient, on ne voit jamais goûter,
00:34:46 ce n'est que du bruit, que tout ce qu'on écoute.
00:34:49 Ce début n'est pas mal, et contre le prochain,
00:34:52 la conversation prend un assez bon pain.
00:34:55 D'immortes encore, madame, et un bon caractère.
00:34:59 C'est de la tête au pied un homme tout mystère,
00:35:04 qui vous jette en passant un coup d'œil égaré,
00:35:07 et sans aucune affaire, et toujours affaireux.
00:35:10 Tout ce qu'il vous débite en grimaces abondes,
00:35:14 à force de façon, il assomme le monde.
00:35:16 Sans cesse, il a tout bas pour rompre l'entretien,
00:35:19 un secret à vous dire, et ce secret n'est rien de court.
00:35:24 C'est la fin de l'entrée, il fait une merveille,
00:35:26 et jusqu'au bonjour, il dit tout à l'arrêt.
00:35:29 Et Gérard, madame ?
00:35:32 Oh ! l'ennuyeux compteur !
00:35:35 Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur.
00:35:37 Dans le brillant commerce, il se mêle sans cesse,
00:35:40 et ne cite jamais que duc, prince ou princesse.
00:35:44 La qualité de l'entêté, et tous ses entretiens,
00:35:47 ne sont que de chevaux, d'équipage, et de chiens.
00:35:51 Il tutoie en parlant ce du plus haut étage,
00:35:54 et le nom de monsieur est chez lui hors visage.
00:35:57 On dit qu'avec Bélise, il est du dernier bien.
00:36:01 Ah ! le pauvre esprit de femme et de sec entretien !
00:36:06 Lorsqu'il vient me voir, je souffre le martyr.
00:36:09 Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire,
00:36:12 et la stérilité de son expression fait mourir à tout coup la conversation.
00:36:17 On va rattraquer son stupide silence.
00:36:20 De tous les lieux communs, vous prenez l'assistance.
00:36:23 Le beau temps et la pluie.
00:36:26 Et le froid et les chauds.
00:36:30 Tous les jours auquel on épuise bientôt.
00:36:34 Cependant sa visite assez insupportable
00:36:37 traîne en une longueur encore épaule.
00:36:41 L'on demande l'heure, et l'on baille vingt fois.
00:36:44 Quel grouilleux s'y peut qu'une pièce de bois !
00:36:47 Que vous semble, Nadraste ?
00:36:50 Ah ! quel orgueil extrême !
00:36:53 C'est un homme gonflé de l'amour de soi-même.
00:36:57 Son mérite jamais n'est content de la cour.
00:37:00 Contre elle, il fait métier de pester chaque jour,
00:37:03 et l'on ne donne emploi, charge, ni bénéfice
00:37:06 qu'à tout ce qu'il se croit en face injustice.
00:37:10 Mais le jeune Cléon sait qui vont aujourd'hui nos plus honnêtes gens.
00:37:15 Que dites-vous de lui ?
00:37:17 Que de son cuisinier, il s'est fait amériter
00:37:19 et que c'est à sa table qu'il en a envisé.
00:37:22 Il prend soin de lui servir des mets fort délicats.
00:37:25 Oui, mais je voudrais bien qu'il ne s'y servît pas.
00:37:28 C'est un fort méchant plat que ça sente personne,
00:37:31 et qui gâte à mon goût tous les repas qu'il donne.
00:37:34 On fait assez le cas de son oncle,
00:37:36 d'Amyce, quand dites-vous, madame.
00:37:38 Il est de mes amis.
00:37:40 Ah !
00:37:42 Je le trouve honnête homme et d'un air assez sage.
00:37:47 Oui,
00:37:53 mais il veut avoir trop d'esprit, dont j'en rage.
00:37:56 Il est gâté sans cesse,
00:37:58 et dans tous ses propos on voit qu'il se travaille à dire de bons mots.
00:38:02 Depuis que dans la tête il s'est mis d'être habile,
00:38:05 rien ne touche son goût tant il est difficile.
00:38:07 Il veut voir des défauts à tout ce qu'on écrit
00:38:10 et pense que louer n'est pas d'un mal esprit,
00:38:13 que cet être savant que trouver à redire,
00:38:16 qui n'appartient qu'aux sceaux d'admirer et de rire,
00:38:19 et qu'en approuvant rien des ouvrages du temps,
00:38:22 il se met au-dessus de tous les autres gens.
00:38:24 Aux conversations même il trouve à reprendre,
00:38:27 se sont trop trop bas pour y dénier des cendres,
00:38:30 et les deux bras croisés du haut de son esprit,
00:38:33 il regarde en pitié tout ce que je s'acquête.
00:38:36 Dieu me donne, voilà son portrait véritable.
00:38:39 Pour bien peindre les gens, vous êtes admirable.
00:38:42 Allons,
00:38:44 fermes,
00:38:45 poussées,
00:38:46 mes bons amis de cour,
00:38:50 vous n'en n'est pas un des points,
00:38:52 et chacun son cours.
00:38:54 Cependant, aucun d'eux à vos yeux ne se montre
00:38:57 pour ne vous voir qu'en hâte aller à sa rencontre,
00:39:00 lui présenter la main, et d'un baiser flatteur,
00:39:03 appuyer les serments d'être son serviteur.
00:39:05 Pourquoi s'en prendre à nous ?
00:39:07 Si ce compte vous blesse,
00:39:08 il faut que le reproche à Madame s'adresse.
00:39:11 Non, mort bleue, c'est à vous.
00:39:13 Les morits complaisants tirent de son esprit
00:39:16 tous ses traits, me disant,
00:39:17 son humeur satirique est sans cesse nourrie
00:39:19 par le coupable enceint de votre fâterie,
00:39:21 et son cœur, à railler, trouverait moins d'appât
00:39:24 si vous avez observé qu'on ne l'applique pas.
00:39:26 C'est ainsi qu'au flatteur on doit partout se prendre,
00:39:28 des vices où l'on voit les humains se répandre.
00:39:31 Et pourquoi pour ces gens un intérêt si grand
00:39:33 vous qui condamneriez ce qu'en eux on reprend ?
00:39:35 Et ne faut-il pas bien que M. contredise ?
00:39:38 À la commune voir, veut-on qu'ils se réduisent,
00:39:42 et qu'ils ne fassent pas éclater en tous lieux
00:39:45 l'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux ?
00:39:48 Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire,
00:39:51 il prend toujours en main l'opinion contraire
00:39:53 et penserait paraître un homme dû commun,
00:39:55 si l'on voyait qu'il fut de la vie de quelqu'un.
00:39:58 L'honneur de contredire a pour lui tant de charme
00:40:01 qu'il prend contre lui-même assis sous les armes,
00:40:04 et ses vrais sentiments sont combattus par lui
00:40:06 aussi tant qu'il les voit dans la bouche d'autrui.
00:40:09 Les rieurs sont pour vous, madame, c'est tout dire,
00:40:12 et vous pouvez pousser contre moi le satire.
00:40:14 Il est véritable aussi que votre esprit
00:40:16 se gendarme toujours contre tout ce qu'on dit,
00:40:19 et que par un chagrin que lui-même il avoue,
00:40:21 il ne saurait souffrir qu'on blâme ni qu'on loue.
00:40:24 C'est que jamais, mort bleue, les hommes n'ont raison,
00:40:27 que le chagrin contre eux est toujours de saison,
00:40:30 et que je vois qu'ils sont sur toutes les affaires
00:40:33 loueurs impertinents et chanceurs téméraires.
00:40:36 Non, madame, non, quand je devrais mourir,
00:40:38 vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir,
00:40:40 et l'on attend ainsi vous nourrir dans votre âme
00:40:42 ce grand attachement aux défauts qu'on y blâme.
00:40:44 Pour moi, je ne sais pas, mais j'avouerais tout haut
00:40:48 que j'ai cru jusqu'ici, madame, sans défauts.
00:40:50 De grâce et d'attrait je vois qu'elle est pourrue,
00:40:54 mais les défauts qu'elle a ne frappent point, ma vue.
00:40:56 Ils frappent tous la mienne, et loin de m'en cacher,
00:41:00 elle sait que j'ai ce point de les lui reprocher.
00:41:02 Plus on aime quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte,
00:41:06 à ne rien pardonner le pur amour qui flatte,
00:41:08 et je bannirai-moi tous ces lâches amants
00:41:11 que je verrai soumis à tous mes sentiments,
00:41:13 et donc à tout propos les molles complaisances
00:41:16 donneraient de l'encent à mes extravagances.
00:41:18 Enfin, s'il faut qu'à vous s'en rapportent les cœurs,
00:41:21 on doit, pour bien aimer, relancer aux douceurs,
00:41:25 et du parfait amour mettre l'honneur suprême
00:41:28 à bien injurier les personnes qu'on aime.
00:41:31 L'amour, pour l'ordinaire, est peu fait à ses lois,
00:41:35 et l'on voit les amants vanter toujours leurs choix.
00:41:38 Jamais leur passion n'y voit rien de blamable,
00:41:41 et dans l'objet aimé, tout leur devient aimable.
00:41:45 Il compte les défauts pour des perfections,
00:41:48 et ça veut y donner de favorables noms.
00:41:51 La pâle est au jasmin en blancheur comparable,
00:41:57 la noire à faire peur une brune adorable,
00:42:02 la maigre a de la taille et de la liberté,
00:42:06 la grâce est dans son port pleine de majesté,
00:42:11 la main propre sur soi de peu d'attrait chargé
00:42:16 est mise sous le nom de beauté négligée,
00:42:21 la géante paraît une déesse aux yeux,
00:42:25 l'amène un abrégé des merveilleux des cieux,
00:42:29 l'engueuilleuse a le cœur digne d'une couronne,
00:42:33 la fourbe a de l'esprit, la sotte est toute bonne,
00:42:39 la trop grande parleuse est d'agréable humeur,
00:42:43 et la muette garde une honnête pudeur.
00:42:49 C'est ainsi qu'un amant, dont l'ardeur est extrême,
00:42:53 aime jusqu'aux défauts des personnes qui l'aiment.
00:42:59 Et moi, je soutiens, moi...
00:43:03 Prisons-là ce discours, et dans la galerie allons faire deux tours.
00:43:07 Quoi, vous vous en allez, messieurs ?
00:43:10 Non, pas, madame.
00:43:12 La forme de votre départ occupe fort votre âme.
00:43:16 Sortez quand vous voudrez, messieurs,
00:43:19 mais j'avertis que je ne sors qu'après que vous soyez sortis.
00:43:23 À moins de voir, madame, en être importunée,
00:43:26 rien ne m'apprend ailleurs de toute la journée.
00:43:29 Moi, pourvu que je puisse être au petit coucher,
00:43:32 je n'ai point d'autre à faire ou je sois attaché.
00:43:35 C'est pour rire, je crois.
00:43:38 Non, en aucune sorte.
00:43:41 Nous verrons si c'est moi que vous voudrez qui sorte.
00:43:44 Monsieur, un homme est là qui voudrait vous parler
00:43:51 pour affaire du type qu'on ne peut reculer.
00:43:53 Dis-lui que je n'ai point d'affaire si pressé.
00:43:55 Il porte une jaquette, un grand basque plissé, avec du d'or dessus.
00:43:58 Allez voir ce que c'est.
00:44:00 Bien faites-le, entrez.
00:44:02 Qu'est-ce donc qui vous plaît ?
00:44:08 Venez, monsieur.
00:44:09 Monsieur, j'ai deux mots à vous dire.
00:44:12 Vous pouvez parler haut, monsieur, pour m'en instruire.
00:44:15 Messieurs les maréchaux,
00:44:17 mon gérandement vous demande de venir les trouver promptement, monsieur.
00:44:22 Qui ? Moi, monsieur ?
00:44:24 Vous-même.
00:44:25 Et pourquoi, frère ?
00:44:26 C'est d'Oronte et de vous la ridicule affaire.
00:44:29 Comment ?
00:44:30 Oronte et lui se sont tant obravés sur certains petits vers qu'il n'a pas approuvés.
00:44:34 Et l'on veut assoupir la chose dans sa naissance.
00:44:36 Moi, je n'aurai jamais de lâches complaisants.
00:44:39 Mais il faut suivre l'ordre. Allons, disposez-vous.
00:44:42 Quel accommodement veut-on faire entre nous ?
00:44:44 La voix de ces messieurs me condamnera-t-elle
00:44:46 à trouver bon les vers qui font de nos querelles ?
00:44:48 Je ne me dédie point de ce que j'en ai dit. Je les trouve méchants.
00:44:51 Mais il n'a plus douze esprits.
00:44:53 Je n'en démordrai point. Les vers sont exégrables.
00:44:55 Vous devez faire revoir des sentiments traitables. Allons, venez.
00:44:59 J'irai, mais rien n'aura pouvoir de me faire dédier.
00:45:02 Allons vous faire revoir.
00:45:04 Or, qu'un commandement exprès du roi me vienne
00:45:09 de trouver bon les vers dont on se met en peine,
00:45:11 je soutiendrai toujours, mort bleue, qu'ils sont mauvais
00:45:14 et qu'un homme est pendable après les avoir faits.
00:45:18 Par la sang-bleue, messieurs, je ne croyais pas être aussi plaisant que je suis.
00:45:22 Allez vite apparaître où vous devez.
00:45:24 J'y vais, madame, et sur mes pas, je reviens au solide pour vider nos débats.
00:45:30 [Rire]
00:45:33 [Rire]
00:45:36 [Rire]
00:46:03 Cher Marquis, je te vois l'âme bien satisfaite.
00:46:06 Toute chose t'est guée et rien ne t'inquiète.
00:46:09 En bonne foi, crois-tu, sans t'éblouir les yeux,
00:46:12 avoir de grands sujets de paraître joyeux ?
00:46:15 Par le je ne vois pas, lorsque je m'examine,
00:46:18 ou prendre aucun sujet d'avoir l'âme chagrin.
00:46:21 J'ai du bien, je suis jeune,
00:46:24 et sors d'une maison qui se peut dire noble avec quelques raisons,
00:46:28 et je crois par le rang que me donne ma race
00:46:30 qu'il est fort peu d'emplois dont je ne sois en passe.
00:46:34 Pour le cœur, dont surtout nous devons faire cas,
00:46:38 on sait sans vanité que je n'en manque pas,
00:46:41 et l'on m'a vu pousser dans le monde d'une affaire,
00:46:44 d'une assez vigoureuse et gaillarde manière.
00:46:47 Pour de l'esprit, j'en ai, sans doute, et du bon goût,
00:46:57 à juger sans étude et raisonner de tout,
00:47:00 à faire aux nouveautés dont je suis idolâtre,
00:47:03 figure de savant sur les bancs du théâtre,
00:47:06 y décider en chef, et faire du fracas
00:47:09 à tous les beaux endroits qui méritent des « oh ».
00:47:12 Je suis assez adroit, j'ai bonne aire, bonne mine,
00:47:17 les dents belles, surtout, et la taille fort fine.
00:47:22 Quant à se mettre bien, je crois, sans me flatter,
00:47:25 et je serais malvenu de me le disputer,
00:47:28 je me vois dans l'estime autant qu'on y puisse être,
00:47:32 fort aimé du beau sexe,
00:47:35 et bien auprès du maître.
00:47:39 Je crois qu'avec cela, mon cher Marquis,
00:47:41 je crois qu'on peut, par tout pays, être content de soi.
00:47:45 Oui, mais trouvant ailleurs des conquêtes faciles,
00:47:51 pourquoi pousser ici des soupirs inutiles ?
00:47:54 Pâble, je ne suis de taille ni d'humeur
00:47:56 à pouvoir d'une belle essuyer la froideur.
00:47:59 C'est aux gens mal tournés, aux mérites vulgaires,
00:48:02 à brûler constamment pour les beautés sévères,
00:48:05 à languir à leurs pieds et souffrir leur rigueur,
00:48:08 à chercher le secours des soupirs et des pleurs,
00:48:11 et tâcher, par les soins d'une très longue suite,
00:48:14 d'obtenir ce qu'on nie à leur peu de mérite.
00:48:18 Mais les gens de mon air, Marquis,
00:48:20 ne sont pas faits pour aimer à crédit
00:48:22 et faire tous les frais.
00:48:24 Quelque rare que soit le mérite des belles,
00:48:26 je pense, Dieu merci, qu'on vaut son prix comme elle.
00:48:29 Que pour se faire honneur d'un cœur comme le mien,
00:48:32 ce n'est pas la raison qu'il ne leur coûte rien
00:48:34 et qu'au moins, à tout mettre en de justes balances,
00:48:37 il faut qu'un frais commun se fasse les avances.
00:48:41 Tu penses donc, Marquis, être sans bien ici ?
00:48:44 J'ai quelque lieu, Marquis, de le penser ainsi.
00:48:47 Crois-moi, détache-toi de cette erreur extrême.
00:48:51 Tu te flattes, mon cher, t'aveugles toi-même.
00:48:54 Il est vrai, je me flatte et m'aveugle, en effet.
00:48:58 Mais qui te fait juger ton bonheur si parfait ?
00:49:01 Je me flatte.
00:49:02 Sur quoi fonder tes conjectures ?
00:49:04 Je m'aveugle.
00:49:05 En as-tu des preuves, qui soient sûres ?
00:49:07 Je m'abuse, te dis-je.
00:49:09 Qui ? Est-ce que de ses voeux,
00:49:12 Sélimène est à faire quelques secrets aveux ?
00:49:15 Non, je suis maltraité.
00:49:17 Réponds-moi, je te prie.
00:49:18 Je n'ai que des rebuts.
00:49:19 Laissons la raillerie.
00:49:21 Et me dis, quel espoir on peut avoir donné ?
00:49:24 Je suis le misérable et toi, le fortuné.
00:49:28 On a pour ma personne une aversion grande
00:49:32 et quelqu'un de ces jours, il faut que je me pende.
00:49:36 Bon, ça, veux-tu, Marquis, pour ajuster nos voeux,
00:49:39 que nous tombions d'accord d'une chose ou deux,
00:49:42 que qui pourra montrer une preuve certaine
00:49:45 d'avoir meilleure part au cœur de Sélimène,
00:49:48 l'autre ici fera place au vainqueur prétendu
00:49:51 et le délivrera d'un rival assidu.
00:49:54 Ah, Pâle, tu me plaises avec un tel langage.
00:49:58 Et du bon de mon cœur à cela, je m'engage.
00:50:01 Mais, chut !
00:50:03 Encore un ici ?
00:50:07 L'amour retient nos pas.
00:50:09 Je viens d'ouïe rentrer un carrosser là-bas.
00:50:12 Savez-vous qui c'est ?
00:50:13 Non.
00:50:14 Arsinoe, madame, monte ici pour vous voir.
00:50:17 Que me veut cette femme ?
00:50:20 Eliante, là-bas, est à l'entretenir.
00:50:23 De quoi s'avise-t-elle, et qui la fait venir ?
00:50:31 Crue de consommer en tous lieux,
00:50:33 elle passe, et l'ardeur de son zèle…
00:50:36 Oui, oui, franche grimace.
00:50:38 Dans l'âme, elle est du monde,
00:50:39 et si sointe en tout ou pour accrocher quelqu'un,
00:50:41 sans en venir à bout.
00:50:43 Elle ne saurait voir qu'avec un œil d'envie
00:50:45 les amants déclarés dont une autre est suivie,
00:50:48 et son triste mérite abandonné de tous
00:50:50 contre le siècle aveugle et toujours en courant.
00:50:53 Elle tâche à couvrir d'un faux voile de prude
00:50:56 ce que chez elle on voit d'affreuse solitude,
00:50:59 et pour sauver l'honneur de ses faibles appâts,
00:51:01 elle attache du crime aux pouvoirs qu'ils n'ont pas.
00:51:04 Cependant, à un amant plairait fort la dame,
00:51:07 et même pour Alceste, la tendresse d'âme,
00:51:11 ce qui ne rend de soin outrage ses appels
00:51:14 veut que ce soit un vol que je lui fais.
00:51:16 Et son jaloux dépic avec peine et le cache
00:51:19 en tous endroits sous main contre moi se détache.
00:51:22 Enfin, je n'ai rien vu de si sot à mon gré,
00:51:24 elle étant pertinente au suprême degré.
00:51:27 Ah !
00:51:30 Quelle heure aussi on en ce lieu vous amène !
00:51:36 Madame, sans mentir, j'étais de vous en peine.
00:51:41 Je viens pour quelque avis que j'ai cru vous devoir.
00:51:44 Ah ! mon Dieu, que je suis contente de vous voir !
00:51:59 Leur départ ne pouvait plus à profond se faire.
00:52:03 Voulons-nous nous asseoir ?
00:52:04 Il n'est pas nécessaire.
00:52:06 Madame, l'amitié doit surtout éclater aux choses
00:52:10 qui le plus nous peuvent apporter.
00:52:12 Et comme il n'en est point de plus grande importance
00:52:14 que celle de l'honneur et de la bien-séance,
00:52:17 je viens par un avis qui touche votre honneur
00:52:20 témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur.
00:52:23 Hier, j'étais chez des gens de vertu singulière
00:52:27 où sur vous du discours on tourne à la matière,
00:52:30 et là, votre conduite avec ces grands éclats,
00:52:34 Madame, eut le malheur qu'on ne la loue pas.
00:52:37 Cette foule de gens dont vous souffrez visite,
00:52:39 votre galanterie et les bruits qu'elle excite,
00:52:42 trouvèrent des senseurs plus qu'il n'aurait fallu
00:52:45 et bien plus rigoureux que je n'eusse voulu.
00:52:48 Vous pouvez bien penser quelle partie je suis prendre.
00:52:51 Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre.
00:52:54 Je vous excusais fort sur votre intention
00:52:56 et voulus de votre âme être la caution.
00:52:59 Mais vous savez qu'il y a des choses dans la vie
00:53:03 qu'on ne peut excuser, quoi qu'on en ait envie.
00:53:06 Et je me vis contrainte à demeurer d'accord
00:53:09 que l'air dont vous viviez vous faisait un peu tort,
00:53:13 qu'il prenait dans le monde une méchante face,
00:53:17 qu'il n'est qu'on te fâche que partout on en fasse,
00:53:20 et que si vous vouliez,
00:53:22 tous vos déportements pourraient moins donner prise au mauvais jugement,
00:53:25 non que j'y crois au fond, l'honnêteté blessée,
00:53:27 on me préserve le ciel d'en avoir la pensée.
00:53:30 Mais aux ombres du crime,
00:53:32 on prête aisément foi,
00:53:34 et ce n'est pas assez de bien vivre pour soi.
00:53:38 Madame, je vous crois l'âme trop raisonnable
00:53:42 pour ne pas prendre bien cet avis profitable,
00:53:45 et pour l'attribuer comme mouvement secret d'un zèle
00:53:48 qui m'attache à tous vos intérêts.
00:53:51 Madame,
00:53:56 j'ai beaucoup de grâces à vous rendre.
00:54:00 Un tel avis m'oblige, et loin de le malprendre,
00:54:03 j'en prétends reconnaître à l'instant la faveur
00:54:06 pour un avis aussi qui touche votre honneur.
00:54:09 Et comme je vous vois vous montrer mon ami
00:54:12 en m'apprenant les bruits que de moi le public,
00:54:15 je veux suivre à mon tour un exemple si doux
00:54:18 en vous avertissant de ce qu'on dit de vous.
00:54:21 En un lieu, l'autre jour où je faisais visite,
00:54:25 je trouvais quelques gens d'un très rare mérite
00:54:28 qui, parlant des vrais soins d'une âme qui vit bien,
00:54:32 firent tomber sur vous, Madame, l'entretien.
00:54:36 Là,
00:54:38 votre pruderie et vos éclats de zèle
00:54:42 ne furent pas cités comme un fort bon modèle.
00:54:45 Cette affectation d'un grave extérieur,
00:54:48 vos discours éternels de sagesse et d'honneur,
00:54:52 vos mines et vos cris aux ombres d'indécence
00:54:55 que d'un mot ambigu peut avoir l'innocence,
00:54:58 cette hauteur d'estime où vous êtes de vous
00:55:01 et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous,
00:55:04 vos fréquentes leçons et vos aigres censures
00:55:08 sur des choses qui sont innocentes et pures,
00:55:11 tout cela, si je puis vous parler franchement, Madame,
00:55:15 fut blâmé d'un commun sentiment.
00:55:18 À quoi bon, disait-il, cette mine modeste
00:55:20 et ce sage de orque dément tout le reste ?
00:55:24 Elle est à bien prier exact au dernier point,
00:55:27 mais elle bat ses gens et ne les paye point.
00:55:30 Dans tous les lieux dévots, elle est à la granzelle,
00:55:33 mais elle met du blanc et veut paraître belle.
00:55:36 Elle fait des tableaux couvrir l'énudité,
00:55:39 mais elle a de l'amour pour les réalités.
00:55:42 Pour moi, contre chacun, je pris votre défense
00:55:45 et leur assurai fort que c'était médisance,
00:55:48 mais tous les sentiments combattirent le mien,
00:55:51 et leur conclusion fut que vous feriez bien
00:55:54 de prendre moins de soin des actions des autres
00:55:57 et de vous mettre un peu plus en peine des vôtres,
00:56:00 qu'on doit se regarder soi-même un fort longtemps
00:56:03 avant que de songer à condamner les gens,
00:56:05 qu'il faut mettre le poids d'une vie exemplaire
00:56:08 dans les corrections qu'aux autres ont de faire,
00:56:10 et qu'encore vaut-il mieux s'en remettre aux besoins
00:56:13 à ceux à qui le ciel en a commis le soin.
00:56:16 Madame, je vous crois aussi trop raisonnable
00:56:20 pour ne pas prendre bien cet avis profitable
00:56:24 et pour l'attribuer qu'au mouvement secret
00:56:27 d'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts.
00:56:31 Quoi qu'en reprenant, soit assujetti,
00:56:35 je ne m'attendais pas à cette répartie, madame,
00:56:38 et je vois bien, par ce qu'elle a d'aigreur,
00:56:40 que mon sincère avis vous a blessé au cœur.
00:56:43 Au contraire, madame, et si l'on était sage,
00:56:46 ces avis mutuels seraient mis en usage.
00:56:49 On détruirait par là, traitant de bonne foi,
00:56:51 ce grand enrèglement où chacun poursoit.
00:56:54 Il ne tiendra qu'à vous qu'avec le même zèle
00:56:56 nous ne continuions cet office fidèle
00:56:58 et ne prenions grand soin de nous dire entre nous
00:57:00 ce que nous entendrons vous de moi, moi de vous.
00:57:03 Oh, madame, de vous je ne puis rien entendre.
00:57:06 C'est en moi que vous me trouvez forte à reprendre.
00:57:09 Madame, on peut, je crois, louer et blâmer tout,
00:57:12 et chacun a raison, suivant l'âge ou le goût.
00:57:15 Il est une saison pour la galanterie,
00:57:18 il en est une aussi propre à la pruderie.
00:57:21 On peut, par politique, en prendre le parti
00:57:23 quand de nos jeunes ans l'éclat est amordi.
00:57:27 Cela sert à couvrir de fâcheuses disgraces.
00:57:30 Je ne dis pas qu'un jour je ne suive vos traces.
00:57:33 L'âge améliorera tout, et ce n'est pas le temps,
00:57:35 madame, comme on sait, d'être prude à vingt ans.
00:57:38 Certes, vous vous tariez d'un bien faible avantage,
00:57:41 et vous faites sonner terriblement votre âge.
00:57:44 Ce que ne plus que vous en en pourrez avoir
00:57:46 n'est pas un si grand cas pour son temps prévaloir.
00:57:49 Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s'emporte,
00:57:52 madame, à me possèder de cet étrange sort.
00:57:55 Et moi, je ne sais pas, madame, aussi pourquoi
00:57:57 on vous voit en tous lieux vous déchaîner sur moi.
00:58:00 Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi reprendre ?
00:58:03 Et puis je me dis soin qu'on ne va pas vous rendre.
00:58:05 Si ma personne aux gens inspire de l'amour,
00:58:08 et si l'on continue à m'offrir chaque jour
00:58:10 des voeux que votre cœur peut souhaiter qu'on m'ôte,
00:58:12 je n'y saurais que faire, et ce n'est pas ma faute.
00:58:14 Vous avez le champ libre, et je n'empêche pas
00:58:16 que pour les attirer vous n'ayez des impas.
00:58:18 Hélas ! et croyez-vous que l'on se mette en peine
00:58:21 de ce nombre d'amendes dont vous faites la veine,
00:58:23 et qu'il ne nous soit pas fort aisé de juger
00:58:25 à quel prix aujourd'hui l'on peut les engager ?
00:58:28 Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule,
00:58:30 que votre seul mérite attire cette foule,
00:58:33 qu'il ne brûle pour vous que d'un honnête amour,
00:58:36 et que pour vos vertus ils vous font tous la cour ?
00:58:40 On ne s'arrête le point par de vaines défaites,
00:58:43 le monde n'est point dupe,
00:58:45 les gens voient qu'ils sont faits à pouvoir
00:58:47 inspirer de tendres sentiments qui, chez elles,
00:58:49 pourtant, ne fixent point d'amende.
00:58:52 Et de là nous pouvons tirer des conséquences,
00:58:54 qu'on acquiert point leur cœur sans de grandes avances,
00:58:57 qu'aucun ne peut nous brûler notre soupirant,
00:58:59 et qu'il faut acheter tous les soins qu'on leur rend.
00:59:01 Ne vous enflayez donc point d'une si grande gloire
00:59:03 pour les petits brillants d'une faible victoire,
00:59:06 et corrigez un peu l'orgueil de vos appâts
00:59:08 de traiter pour cela les gens de haut en bas.
00:59:12 Si nos yeux enviaient les conquêtes des vôtres,
00:59:16 je pense qu'on pourrait faire comme les autres,
00:59:20 ne se point ménager, et vous faire bien voir
00:59:23 que l'on a des amants quand on en veut avoir.
00:59:27 Prisons donc, madame, et voyons cette affaire.
00:59:35 Par ce rare secret, efforcez-vous de plaire.
00:59:38 Prisons, madame, un pareil entretien,
00:59:40 car, si vous êtes trop loin, votre esprit est le mien,
00:59:43 et j'aurais pris déjà le congé qu'il faut prendre,
00:59:45 si mon carrosse encore ne m'obligeait d'attendre.
00:59:48 Autant qu'il vous plaira, vous pouvez arrêter, madame,
00:59:50 et là-dessus, vous m'envoie boiter ;
00:59:52 mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie,
00:59:55 je m'en vais vous donner meilleure compagnie,
00:59:58 et monsieur, qu'à propos le hasard fait venir,
01:00:00 remplira au mieux ma place à vous entretenir.
01:00:03 Alceste !
01:00:07 Il faut que j'aille écrire un mot de lettre,
01:00:10 que, sans me faire autant, je ne saurai remettre.
01:00:12 Soyez avec madame, elle aura la bonté
01:00:14 d'excuser aisément mon assiduité.
01:00:17 Vous voyez, elle veut que je vous entretienne,
01:00:32 attendant un moment que mon carrosse vienne.
01:00:36 Et jamais tous ces soins ne pouvaient m'offrir rien
01:00:39 qui me fût plus charmant qu'un pareil entretien.
01:00:42 En vérité, les gens d'un mérite sublime
01:00:44 entraînent de chacun et l'amour et l'estime,
01:00:47 et le vôtre sans doute a des charmes secrets
01:00:51 qui font entrer mon cœur dans tous vos intérêts.
01:00:54 Je voudrais que la cour, par un regard propice
01:00:57 à ce que vous valez, rendit plus de justice.
01:00:59 Vous avez à vous plaindre,
01:01:01 et je suis en courroux quand je vois
01:01:03 chaque jour qu'on ne fait rien pour vous.
01:01:05 Moi, madame, et sur quoi pourrais-je en rien prétendre ?
01:01:10 Quel service à l'État est-ce qu'on m'a vu rendre ?
01:01:13 Qu'ai-je fait, s'il vous plaît, de si brillant de foi
01:01:16 pour me plaindre à la cour qu'on ne fait rien pour moi ?
01:01:18 Tous ceux sur qui la cour a été des yeux propices
01:01:21 n'ont pas toujours rendu de ces fameux services.
01:01:24 Il faut l'occasion, ainsi que le pouvoir,
01:01:27 et le mérite, enfin, que vous nous faites voir de...
01:01:30 Mon Dieu, laissons mon mérite de grâce.
01:01:33 De quoi voulez-vous là que la cour s'embarrasse ?
01:01:36 Elle aurait fort à faire, et ses soins seraient grands,
01:01:39 d'avoir à déterrer le mérite des gens.
01:01:41 Un mérite éclatant se déterre lui-même.
01:01:44 Du ventre en bien des lieux, on fait un cas extrême,
01:01:48 et vous serez de grattant deux fort bons endroits.
01:01:50 Vous fuyez hier loués par des gens d'un grand poids.
01:01:53 Eh, madame, l'on loue aujourd'hui tout le monde,
01:01:55 et le siècle en cela n'a rien qu'on ne confonde.
01:01:58 Tout est d'un grand mérite également doué.
01:02:01 Ce n'est plus un honneur que de se voir loué.
01:02:03 Des loges en redorge, à la tête on les jette,
01:02:06 et mon valet de chambre est mis dans la gazette.
01:02:09 Pour moi, je voudrais bien que pour vous montrer mieux,
01:02:11 une charge à la cour vous pût frapper les yeux.
01:02:14 Pour peu que d'y songer, vous nous fassiez les mines,
01:02:18 on peut pour vous servir remuer des machines.
01:02:21 Et j'ai des gens en main que j'emploierai pour vous,
01:02:23 qui vous feront à tout un chemin assez doux.
01:02:26 Et que voudriez-vous, madame, que j'y fisse ?
01:02:29 L'humeur dont je me sens veut que je m'en bannisse.
01:02:32 Le ciel ne m'a point fait, en me donnant le jour,
01:02:35 une âme compatible avec l'air de la cour.
01:02:38 Je ne me trouve point les vertus nécessaires
01:02:40 pour y bien réussir et faire mes affaires.
01:02:44 Être franc et sincère est mon plus grand talent.
01:02:48 Je ne sais point jouer les hommes en parlant.
01:02:51 Et qui n'a pas le don de cacher ce qu'il pense
01:02:53 doit faire en ce pays fort peu de résidence.
01:02:56 Hors de la cour, sans doute, on n'a pas cet appui
01:02:59 et ces titres d'honneur qu'elle donne aujourd'hui.
01:03:02 Mais on n'a pas aussi, perdant ses avantages,
01:03:05 le chagrin de jouer le forceau au personnage.
01:03:09 On a point à souffrir mille rebuts cruels,
01:03:12 on a point à louer les verts de messieurs tels,
01:03:16 à donner de l'encens à madame Nutel
01:03:18 et de nos francs marquis, essuyer la cervelle.
01:03:21 Laissons, puisqu'il vous plaît, ce chapitre de cour.
01:03:25 Mais il faut que mon cœur vous plaigne en votre amour.
01:03:29 Et pour vous découvrir là-dessus mes pensées,
01:03:32 je souhaiterais fort vos ardeurs mieux placées.
01:03:36 Vous méritez sans doute un sort beaucoup plus doux
01:03:39 et celle qui vous charme est indigne de vous.
01:03:42 Mais en disant cela, songez-vous,
01:03:44 je vous prie que cette personne ait madame votre amie.
01:03:47 Oui, mais ma conséance est blessée en effet
01:03:50 de souffrir plus longtemps le tort que l'on vous fait.
01:03:53 Les temps que je vous vois afflige trop mon âme
01:03:55 et je vous donne avis qu'on trahit votre flamme.
01:04:00 C'est me montrer, madame, un tendre mouvement.
01:04:15 Mais de pareils avis oblige-tu ton amour ?
01:04:18 Oui, toute mon amie est lège,
01:04:20 la norme indigne d'asservir le cœur d'un galant homme.
01:04:22 Et le sien n'a pour vous que de fates, tout ça.
01:04:24 Cela se peut, madame. On ne voit pas les cœurs.
01:04:28 Mais votre charité se serait bien passée
01:04:30 de jeter dans le mien une telle pensée.
01:04:32 Si vous ne voulez pas être désabusé,
01:04:34 il faut ne vous rien dire. Il est assez aisé.
01:04:36 Non, mais sur ce sujet, quoi qu'on nous expose,
01:04:39 les doutes sont fâchés, plus que tout autre chose.
01:04:42 Et je voudrais pour moi qu'on ne me fît savoir
01:04:44 que ce qu'avec clarté l'on peut me faire voir.
01:04:46 Eh bien, c'est assez dit.
01:04:48 Et sur cette matière, vous allez recevoir une pleine lumière.
01:04:52 Je veux que de tous vos yeux vous fassent foi.
01:04:55 Donnez-moi seulement la main jusque chez moi,
01:04:58 et là, je vous ferai voir une preuve fidèle
01:05:01 de l'infidélité du cœur de votre belle.
01:05:04 Et si pour d'autres yeux le vôtre peut brûler,
01:05:08 on pourra vous offrir de quoi vous consoler.
01:05:11 [Musique]
01:05:35 Non, l'on n'a point vu d'âme manier si dur
01:05:38 ni d'accommodement plus pénible à conclure.
01:05:41 En vain, de tous côtés, on l'a voulu tourner.
01:05:44 Hors de son sentiment, on a pu l'entraîner.
01:05:47 Et jamais différent si bizarre, je pense,
01:05:51 n'avait de ces messieurs occupé la prudence.
01:05:54 Non, messieurs, disait-il, je ne me dédie point
01:05:59 et tomberai d'accord de tout, hors de ce point.
01:06:03 De quoi s'offense-t-il, et que veut-il me dire ?
01:06:06 Y va-t-il de sa gloire à ne pas bien écrire ?
01:06:09 Que lui fait, mon avis, qu'il a pris de travers ?
01:06:12 On peut être honnête homme et faire mal des vers.
01:06:15 Ce n'est point à l'honneur que touchent ces matières.
01:06:18 Je le tiens galant homme en toutes les manières,
01:06:20 homme de qualité, de mérite et de cœur,
01:06:23 tout ce qui vous plaira, mais fort méchant auteur.
01:06:28 Je l'ouerai, si l'on veut son train et sa dépense,
01:06:31 son adresse à cheval, aux armes, à la danse.
01:06:34 Mais pour louer ses vers, je suis son serviteur.
01:06:37 Et lorsque dans mieux faire on n'a pas le bonheur,
01:06:39 on ne doit de rimer avoir aucune envie
01:06:41 qu'on y soit condamné sur peine de la vie.
01:06:46 Enfin, toute la grâce et l'accommodement
01:06:48 où c'est avec effort plier son sentiment,
01:06:51 c'est de dire, croyant adoucir bien son style,
01:06:57 Monsieur, je suis fâché d'être si difficile,
01:07:01 et pour l'amour de vous, je voudrais de bon cœur
01:07:04 avoir trouvé tantôt votre sommeil meilleur.
01:07:09 Et dans une embrassade dont Laura, pour conclure,
01:07:11 fait vite envelopper toute la procédure.
01:07:13 Dans ses façons d'agir, il est fort singulier.
01:07:17 Mais j'en fais, je l'avoue, un cas particulier.
01:07:20 Et la sincérité dont son âme se pique
01:07:22 a quelque chose en soi de noble et d'héroïque.
01:07:26 C'est une velture rare au siècle d'aujourd'hui.
01:07:29 Et je la voudrais voir partout, comme chez lui.
01:07:32 Pour moi, plus je le vois, plus surtout je m'étonne
01:07:35 de cette passion où son cœur s'abandonne,
01:07:37 de l'humeur dont le ciel a voulu le former,
01:07:39 je ne sais pas comment il s'avise d'aimer.
01:07:41 Et je sais moins encore comment votre cousine
01:07:43 peut être la personne où son penchant l'incline.
01:07:45 Cela fait assez voir que l'amour dans les cœurs
01:07:48 n'est pas toujours produit par un rapport d'humeur.
01:07:53 Et toutes ces raisons de douce sympathie
01:07:56 dans cet exemple-ci se trouvent démontées.
01:07:59 Mais croyez-vous qu'on l'aime aux choses qu'on peut voir ?
01:08:02 C'est un point qui n'est pas fort aisé de savoir.
01:08:06 Comment pouvoir juger s'il est vrai qu'elle l'aime ?
01:08:09 Son cœur, de ce qu'il sent, n'est pas bien sur lui-même.
01:08:12 Il aime quelquefois sans qu'il le sache bien,
01:08:15 et croit aimer aussi parfois qu'il n'en est rien.
01:08:18 Je crois que notre ami près de cette cousine
01:08:21 trouvera des chagrins plus qu'il ne s'imagine.
01:08:24 S'il avait mon cœur, à dire vérité,
01:08:26 il tournerait ses voeux tout d'un autre côté,
01:08:28 et par un choix plus juste, on le verrait, madame,
01:08:32 profiter des bontés que lui montre votre âme.
01:08:34 Pour moi, je n'en fais point de façon,
01:08:36 et je crois qu'on doit sur le tel point être de bonne foi.
01:08:39 Je ne m'oppose point à toute sa tendresse, au contraire.
01:08:43 Mon cœur pour elle s'intéresse,
01:08:46 et si c'était qu'à moi la chose eût pu tenir,
01:08:49 moi-même à ce qu'il aime, on me verrait le lire.
01:08:53 Mais si, dans un tel choix, comme tout peut se faire,
01:08:58 son amour éprouvait quelque destin contraire,
01:09:02 s'il fallait que d'un autre on couronna les feux,
01:09:08 je pourrais me résoudre à recevoir ses voeux,
01:09:13 et le refus souffert en pareille occurrence
01:09:15 ne m'y ferait trouver aucune répugnance.
01:09:19 Et moi, de mon côté, je ne m'oppose pas, madame,
01:09:24 à ces bontés qu'ont pour lui vos appâts,
01:09:28 et lui-même, s'il veut, il peut bien vous instruire
01:09:30 de ce que là-dessus j'ai pris soin de lui dire.
01:09:38 Mais si, par un hymène qui les joindrait eux deux,
01:09:51 vous étiez hors d'état de recevoir ses voeux,
01:09:57 tous les miens tenteraient la faveur éclatante
01:10:00 qu'avec tant de bonté votre âme lui présente.
01:10:03 Heureux si, quand son cœur s'y pourra dérober,
01:10:08 elle pouvait sur moi, madame, retomber.
01:10:16 - Oh ! vous divertissez, Philante.
01:10:20 - Non, madame, je vous parle ici du meilleur de mon âme.
01:10:23 J'attends l'occasion de m'offrir hautement
01:10:25 et de tous mes sourais j'empresse le moment.
01:10:27 - Ah ! faites-moi raison, madame,
01:10:29 d'une offrance qui vient de triompher de toute ma constance.
01:10:33 - Et ce, donc, avez-vous qui vous puisse émouvoir ?
01:10:35 - J'ai que ce que sans mourir je ne puis concevoir,
01:10:38 et le déchaînement de toute la nature
01:10:40 ne m'accaparerait pas comme cette aventure.
01:10:42 Sans effet, mon amour, je ne saurais parler.
01:10:46 - Que votre esprit un peu tâche à se rappeler.
01:10:48 - Oh ! justiciel ! faut-il qu'on jouagne à tant de grâces
01:10:52 des vices odieux des âmes les plus basses ?
01:10:54 - Mais encore, qui vous peut ?
01:10:56 - Ah ! tout est ruiné. Je suis trahi, je suis assassiné.
01:11:01 Célimène ! Putons plus croire qu'il se me nouvelle.
01:11:04 Célimène me trompe et n'est qu'une infidèle.
01:11:07 - Avez-vous pour le croire un juste fondement ?
01:11:09 - Peut-être est-ce un soupçon conçu légèrement,
01:11:11 et votre esprit jaloux prend parfois des chimères.
01:11:13 - Ah ! mort bleue, mêlez-vous, monsieur, de vos affaires.
01:11:15 C'est de sa trahison d'être que je suis trop certain
01:11:17 que l'avoir dans ma bouche, écrite de sa main.
01:11:20 Oui, madame, une lettre écrite pour Horoute
01:11:23 a produit à mes yeux ma disgrâce et sa honte.
01:11:26 Horoute ! donc j'ai cru qu'elle fuyait les soirs,
01:11:28 et que de mes rivaux j'en redoutais le moins.
01:11:30 - Une lettre peut bien tromper par l'apparence
01:11:32 et ne pas quelquefois si coupable qu'on pense.
01:11:34 - Monsieur, encore un coup, taisez-vous, s'il vous plaît,
01:11:36 et ne prenez souci que de votre intérêt.
01:11:38 - Vous devez modérer vos transports, et l'outrage...
01:11:40 - Madame, c'est à vous qu'appartient cet ouvrage.
01:11:43 C'est à vous que mon cœur a recouvert aujourd'hui
01:11:45 pour pouvoir s'affranchir de son cuisante ennui.
01:11:48 Vengez-moi d'une ingrate et perfide parente
01:11:50 qui trahit lâchement une ardeur si constante.
01:11:53 Vengez-moi de ce trait qui doit vous faire horreur.
01:11:55 - Moi, vous vengez ? Comment ?
01:11:57 - En recevant mon cœur.
01:11:59 Acceptez-le, madame, au lieu de l'infidèle.
01:12:02 C'est par là que je puis prendre vengeance d'elle,
01:12:05 et je la veux punir par les sincères voeux,
01:12:07 par le profond amour, les soins respectueux,
01:12:10 les devoirs empressés, et l'assidue service
01:12:12 dont ce cœur va vous faire un ardent sacrifice.
01:12:19 Je combattis sans doute à ce que vous souffrez,
01:12:22 et ne méprise au point le cœur que vous m'offrez,
01:12:24 mais peut-être le mal n'est pas si grand qu'on pense,
01:12:28 et vous pourrez quitter ce désir de vengeance.
01:12:31 Lorsque l'injure part d'un objet plein d'appât,
01:12:35 on fait fort ce dessein qu'on n'exécute pas.
01:12:37 On a beau voir pour ombre une raison puissante,
01:12:40 une coupable aimée est bientôt innocente.
01:12:43 Tout le mal qu'on lui veut se dissipe aisément,
01:12:46 et l'on sait ce que c'est qu'un courroux d'un amant.
01:12:49 Non, non, Madame, non, l'offense est trop mortelle,
01:12:53 il n'est point de retour, et je romps avec elle.
01:12:56 Rien ne saurait changer le dessin que j'en fais,
01:12:59 et je me punirai de l'estimer jamais.
01:13:02 La voici, mon courroux redouble à cette approche.
01:13:07 Je vais de sa noire sœur lui faire un vif flanche,
01:13:11 pleinement la confondre, et vous portez après
01:13:13 un cœur tout dégagé de ses trompeurs intraits.
01:13:16 Oh ! ciel ! ne m'étrange pas, puis-je être ici le maître ?
01:13:31 Ouais, quel est donc le trouble où je vous vois paraître ?
01:13:40 Oh ! j'ai du chanvre.
01:13:42 Et que me veulent dire ces soupirs poussés,
01:13:47 et ces sombres regards que sur moi vous lancez ?
01:13:50 Que toutes les horreurs dont une âme est capable
01:13:54 à vous déloyauter n'ont rien de comparable.
01:13:58 Que le sort, les démons, et le ciel du courroux
01:14:01 n'ont jamais rien produit de si méchant que vous.
01:14:05 Voilà certainement des douceurs que j'admire.
01:14:08 Ah ! ne plaisantez point, il n'est pas temps de rire.
01:14:12 Rougissez bien plutôt, vous en avez raison,
01:14:15 et j'ai de sûrs témoins de votre trahison.
01:14:18 Voilà ce que marquait les troubles de mon âme.
01:14:24 Ce n'était pas en vain que s'alarmait ma flamme.
01:14:27 Par ces fréquents soupçons qu'on trouvait odieux,
01:14:29 je cherchais le malheur pour rencontrer mes yeux.
01:14:32 Et malgré tous vos soins et votre adresse,
01:14:35 à fin d'heure, mon astre me disait ce que j'avais à craindre.
01:14:39 Mais ne présumez pas que sans être vengé,
01:14:41 je souffre le dépit de me voir outragé.
01:14:44 Je sais que sur les voeux, on n'a pas de puissance,
01:14:47 que l'amour veut partout naître sans dépendance,
01:14:50 que jamais par la force on entrera dans un cœur,
01:14:52 et que tout âme est libre à nommer son vainqueur.
01:14:55 Ou si ne couvrais-je aucun sujet de plainte,
01:14:57 si, pour moi, votre bouche avait parlé sans feinte,
01:15:00 et rejetant mes voeux dès le premier abord,
01:15:02 mon cœur n'aurait le droit de s'en prendre qu'au sort.
01:15:05 Mais d'un aveu trompeur, voir ma flamme applaudie,
01:15:08 c'est une trahison, c'est une perfidie
01:15:10 qui ne serait trouvée de trop grand châtiment,
01:15:12 et je puis tout permettre à mes ressentiments.
01:15:15 Oui, oui, redoutez tout à présent tel outrage.
01:15:20 Je ne suis plus un noir, je suis tout à la rage.
01:15:23 Percez du coup mortel dont vous m'assassinez.
01:15:25 Mes sens, par la raison, ne sont plus gouvernés.
01:15:28 Je cède au mouvement d'une juste colère,
01:15:31 et je ne réponds pas de ce que je puis faire.
01:15:34 D'où vient donc, je vous prie, un tel emportement ?
01:15:41 Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ?
01:15:45 Oui, oui, je l'ai perdu, lorsque, dans votre vue,
01:15:49 j'ai pris pour mon malheur le poison qui me tue,
01:15:52 et que j'ai cru trouver quelque sincérité
01:15:54 dans les traîtres à pas dont je fus enchanté.
01:15:58 De quelle trahison pouvez-vous donc vous plaindre ?
01:16:01 Ah ! que ce cœur ait double, et c'est bien la raison.
01:16:06 Mais pour le mettre à bout, j'ai des moyens tout près.
01:16:10 Jetez ici les yeux, et connaissez votre air.
01:16:18 Ce billet de découverte suffit pour vous confondre,
01:16:22 et contre ce témoin, on n'a rien à perdre.
01:16:26 [Rire]
01:16:28 Voilà donc le sujet qui vous trouble l'esprit.
01:16:53 Vous ne rougissez pas en voyant cet écrit ?
01:16:55 Et par quelle raison faut-il que j'en rougisse ?
01:16:59 Quoi ? Vous joignez ici l'audace à l'artifice ?
01:17:05 Le désavouerez-vous pour n'avoir point de seins ?
01:17:08 Pourquoi désavouer un billet de ma main ?
01:17:11 Et vous pouvez le voir, sans demeurer confuse,
01:17:13 du crime dont, vers moi, son style vous accuse.
01:17:16 Vous êtes, sans mentir, un grand extravagant.
01:17:20 Quoi ? Vous bravez ainsi ce témoin convaincant.
01:17:24 Et ce qu'il m'a fait voir de douceur, pour Horonte,
01:17:27 n'a donc rien qui m'outrage et qui vous fasse honte.
01:17:30 Horonte !
01:17:33 Qui vous dit que la lettre est pour lui ?
01:17:39 Les gens, qui dans mes mains l'ont remise aujourd'hui.
01:17:46 Mais je veux consentir qu'elle soit pour un autre.
01:17:49 Mon cœur en a-t-il moins à se plaindre du vôtre ?
01:17:52 En serez-vous, vers moi, moins coupable, en effet ?
01:17:55 Et si c'est une femme qui va à ce billet,
01:17:59 en quoi vous blesse-t-il et qu'a-t-il de coupable ?
01:18:02 Ah ! Le détour est bon, et l'excuse admirable.
01:18:13 Je ne m'attendais pas, je l'avoue à secret.
01:18:17 Et me voilà par là convaincu tout à fait.
01:18:20 Osez-vous recourir à ces ruses grossières ?
01:18:24 Et croyez-vous, les gens, si privés de lumière ?
01:18:27 Voyons, voyons un peu, par quel billet,
01:18:30 de quelle ère vous voulez soutenir un mensonge si clair,
01:18:33 et comment vous pourrez tourner pour une femme
01:18:35 tous les mots d'un billet qui montre tant de flamme,
01:18:38 ajusté pour couvrir un manquement de foi, ce que je m'en vais lire.
01:18:42 Ne me plaîtes pas, moi.
01:18:44 Je vous trouve plaisante d'user d'un tel empire,
01:18:47 et de me déronner ce que vous m'osez dire.
01:18:49 Non, non, sans s'emporter.
01:18:51 Prenez un peu souci de me justifier les termes que voici.
01:18:53 Non, je n'en veux rien faire, et dans cette occurrence,
01:18:55 tout ce que vous croirez m'est de peu d'importance.
01:18:57 De grâce, montrez-moi, je serai satisfait
01:19:00 qu'on peut pour une femme expliquer ce billet.
01:19:03 Non, il est pour Horonte, et je veux qu'on le croie.
01:19:07 Je reçois tous ses soins avec beaucoup de joie,
01:19:10 j'admire ce qu'il dit, j'ai l'impression
01:19:13 que j'ai compris ce qu'il dit, j'estime ce qu'il est,
01:19:15 et je tombe d'accord de tout ce qui vous plaît.
01:19:17 Faites, prenez partie, que rien ne vous arrête,
01:19:20 et ne me rompez pas davantage la tête.
01:19:23 Ciel !
01:19:28 Rien de plus cruel peut-il être inventé,
01:19:32 et jamais cœur fut-il de la sorte traité.
01:19:36 Quoi ?
01:19:38 D'un juste couroux, je suis ému contre elle.
01:19:41 C'est moi qui me viens plaindre, et c'est moi qu'on querelle.
01:19:45 On pousse ma douleur et mes soupçons à bout,
01:19:49 on me laisse tout croire, on fait gloire de tout,
01:19:53 et cependant mon cœur est encore assez lâche
01:19:56 pour ne pouvoir briser la chaîne qui l'attache,
01:19:58 et pour ne pas s'armer d'un généreux mépris
01:20:00 contre l'ingrat objet dont il est trop épris.
01:20:03 Vous savez bien, ici, contre moi-même,
01:20:05 perfide de vous servir de ma faiblesse extrême,
01:20:09 et ménager pour vous l'excès prodigieux
01:20:12 de ce fatal amour né de votre être zieux,
01:20:16 défendez-vous au moins d'un crime qui m'accable,
01:20:21 et cessez d'affecter mon cœur.
01:20:25 Je vous en prie,
01:20:27 ne me laissez pas me faire de la mort.
01:20:30 Rendez-moi, si de ce peu, ce billet innocent,
01:20:34 à vous prêter les mains ma tendresse qu'on se rend.
01:20:38 Efforcez-vous ici de paraître fidèle,
01:20:41 et je m'efforcerai, moi, de vous croire tel.
01:20:57 (toc-toc-toc)
01:21:00 Allez, vous êtes fous dans vos transports jaloux,
01:21:16 et ne méritez pas l'amour qu'on a pour vous.
01:21:21 Je voudrais bien savoir qui pourrait me contraindre
01:21:24 à descendre pour vous au bassesse de feindre.
01:21:28 Et pourquoi, si mon cœur penchait d'autre côté,
01:21:31 je ne le dirai pas avec sincérité ?
01:21:35 Quoi ?
01:21:37 De mes sentiments, l'obligeante assurance
01:21:39 contre tous vos soupçons ne prend pas ma défense.
01:21:42 Auprès d'un tel garant sont-ils de quelque poids ?
01:21:46 N'est-ce pas moutrager que d'écouter leur voix ?
01:21:50 Et puisque notre cœur fait un effort extrême
01:21:53 lorsqu'il peut se résoudre à confesser qu'il aime,
01:21:57 puisque l'honneur du sexe, ennemi de nos feux,
01:22:01 s'oppose fortement à de pareils aveux,
01:22:04 l'amant qui voit pour lui franchir un tel obstacle,
01:22:07 doit-il impunément douter de cet oracle ?
01:22:11 Et n'est-il pas coupable en ne s'assurant pas
01:22:13 ce qu'on ne dit point qu'après de grands combats ?
01:22:17 Allez, de tels soupçons méritent ma colère.
01:22:23 Et vous ne valez pas que l'on vous considère.
01:22:26 Je suis sainte et mal à ma simplicité
01:22:29 de conserver encore pour vous quelques bontés.
01:22:32 Je devrais autre part attacher mon estime
01:22:35 et vous faire un sujet de plainte légitime.
01:22:40 Ah !
01:22:42 Très très, mon faible est étrange pour vous.
01:22:48 Vous me trompez sans doute avec des mots si doux.
01:22:52 Mais il n'importe, il faut suivre ma destinée.
01:22:57 À votre foi, mon âme est toute abandonnée.
01:23:00 Je veux voir jusqu'au bout quel sera votre cœur,
01:23:03 et si de me trahir, il aura la noirceur.
01:23:06 Non, vous ne m'aimez point comme il faut que l'on aime.
01:23:10 Rien n'est comparable à mon amour extrême,
01:23:13 et dans l'ardeur qu'il a de se montrer à tous,
01:23:18 il va jusqu'à former des souhaits contre vous.
01:23:22 Oui, je voudrais qu'aucun ne vous trouvât aimable,
01:23:27 que vous fussiez réduite en un sort misérable,
01:23:31 que le ciel en naissant ne vous eût donné rien,
01:23:35 que vous n'eussiez ni rang, ni naissance, ni bien,
01:23:39 afin que de mon cœur l'éclatant sacrifice,
01:23:42 ou plus d'un pareil sort, réparer le justice,
01:23:45 et que juste la joie et la gloire en ce jour
01:23:49 de vous voir tenir toutes les mains de mon amour.
01:23:53 C'est me vouloir du bien d'une étrange manière.
01:23:57 Me préserve le Ciel que vous ayez ma tière.
01:24:01 Voici monsieur du pouvoir, les amants figurés.
01:24:06 Que veut cet équipage et cet arrêt faré ? Qu'as-tu ?
01:24:09 Monsieur ?
01:24:10 Eh bien ?
01:24:11 Voici bien des mystères.
01:24:12 Qu'est-ce ?
01:24:13 Nous sommes mal, monsieur, dans nos affaires.
01:24:15 Quoi ?
01:24:16 Parlerais-je haut ?
01:24:18 Oui, parle, et promptement.
01:24:20 N'est-il point là quelqu'un ?
01:24:22 Que d'amusement ! Veux-tu parler ?
01:24:25 Monsieur, il faut faire retraite.
01:24:27 Comment ?
01:24:28 Il faut d'ici déloger son trompette.
01:24:30 Et pourquoi ?
01:24:31 Je vous dis qu'il faut quitter ce lieu.
01:24:33 La cause ?
01:24:34 Il faut partir, monsieur, sans dire adieu.
01:24:36 Mais par quelle raison me tient-il ce langage ?
01:24:38 Par la raison, monsieur, qu'il faut plier bagage.
01:24:40 Arrête de cassurer la tête. Assurément,
01:24:42 si tu ne veux marrant, explique autrement.
01:24:45 Monsieur, un homme noir et d'habit et de mine
01:24:48 est venu nous laisser jusque dans la cuisine
01:24:50 un papier griffonné d'une telle façon
01:24:52 qu'il faudrait pour le lire être pique-d'aimant.
01:24:55 C'est de votre procès, je n'en fais aucun doute,
01:24:57 mais le diable d'enfer, je crois, n'y verrait goût.
01:24:59 Et bien quoi, ce papier qu'a-t-il à démêler,
01:25:01 traître avec le départ dont tu viens me parler ?
01:25:03 C'est pour vous dire ici, monsieur, qu'une heure ensuite,
01:25:05 un homme, qui souvent vous vient rendre visite,
01:25:08 est venu vous chercher avec empressement,
01:25:10 et ne vous trouvant pas, m'a chargé doucement,
01:25:13 sachant que je me sers avec beaucoup de zèle,
01:25:15 de vous dire... Attendez, comment est-ce qu'il s'appelle ?
01:25:18 Laisse la sournom, traître, et dis ce qu'il t'a dit.
01:25:21 C'est temps de vous... Oui, enfin, cela suffit.
01:25:23 Il m'a dit que d'ici, votre péril vous chasse,
01:25:26 et que d'être arrêté, le sort vous y menace.
01:25:29 Mais quoi, n'as-tu voulu que rien spécifier ?
01:25:32 Non, il m'a demandé de l'encre et du papier,
01:25:34 et vous a fait un mot, où vous pourrez, je pense,
01:25:36 du fond de ce mystère, avoir la connaissance.
01:25:38 Donne-le donc.
01:25:40 Que pour en faire ceci ?
01:25:47 Je ne sais, mais j'inspire à mon barricade-ci.
01:25:50 Comment tu viens ton fait, un patinant diable ?
01:25:55 Je l'ai, monsieur, laissé sur votre table.
01:25:57 Je ne sais où il vient.
01:25:59 Ne vous en portez pas, et courez des mêlées à pareil en bavard.
01:26:02 Il semble que le sort, quelque soin que je prenne,
01:26:04 ait juré d'empêcher que je vous entretienne.
01:26:07 Vous pourrez en triompher, souffrez à mon amour,
01:26:10 de vous revoir, mesdames, avant la fin du jour.
01:26:14 (Musique)
01:26:17 (Musique)
01:26:20 La résolution en est prise.
01:26:45 Mais, quel que soit ce coup, faut-il qu'il vous oblige ?
01:26:47 Non, vous avez beau faire et beau me raisonner,
01:26:51 rien de ce que je digne ne peut détourner.
01:26:54 Trop de perversité règne au siècle où nous sommes,
01:26:59 et je veux me tirer du commerce des hommes.
01:27:03 Soit, contre ma partie, on voit tout à la fois l'honneur,
01:27:08 la probité, la pudeleur et les lois.
01:27:12 On publie en tous lieux l'équité de ma cause.
01:27:16 Sur la foi de mon droit, mon âme se repose.
01:27:20 Cependant, je me vois trompé par le succès.
01:27:24 J'ai pour moi la justice, et je perds mon procès.
01:27:28 Un traître dont on sait la scandaleuse histoire
01:27:32 est sorti triomphant d'une fausseté noire.
01:27:35 Toute la bonne foi cède à sa trahison.
01:27:39 Il trouve en m'égorgeant moyen d'avoir raison.
01:27:43 Le poids de sa grimace, où brille l'artifice,
01:27:46 renverse le bon droit et tourne la justice.
01:27:50 Il fait par un arrêt couronner son forfait,
01:27:54 et non comptant encore du tort qu'on lui fait,
01:27:57 il court parmi le monde un livre abominable,
01:28:01 et de qui la lecture est même condamnable.
01:28:04 Un livre à mériter la dernière rigueur
01:28:07 ne m'ouvre à le fond de me faire le teum.
01:28:10 Et là-dessus, on voit Auronte qui murmure
01:28:14 et tâche méchamment d'appuyer l'imposture.
01:28:18 Lui qui d'un homme est homme, à la cour tient grand,
01:28:22 à qui je n'ai rien fait qu'être sincère et franc,
01:28:25 qui me vient, malgré moi, d'une ardeur oppressée
01:28:28 sur des vers qu'il a fait demander ma pensée,
01:28:30 et parce que j'en use avec honnêteté et ne le veux trahir,
01:28:33 lui nie la vérité, il est d'un macablé d'un crime imaginaire.
01:28:38 Le voilà devenu mon plus grand adversaire,
01:28:41 et jamais de son cœur je n'aurai de pardon
01:28:44 pour n'avoir pas trouvé que son somnet fut bon.
01:28:47 Et les hommes, morbles, sont faits de cette sorte,
01:28:51 c'est à ces actions que la gloire les porte.
01:28:54 Voilà la bonne foi, le zèle vertueux,
01:28:58 la justice et l'honneur que l'on trouve chez eux.
01:29:02 Allons, c'est trop souffrir les chagrins que nous forgent,
01:29:07 tirons-nous de ce bois et de ce coupe-gorge,
01:29:11 puisqu'entre humains, ainsi, vous vivez en vrai loup,
01:29:15 traître, vous n'aurez de ma vie avec vous.
01:29:18 Je trouve un peu bien pronc le dessin où vous êtes,
01:29:21 et tout le mal n'est pas si grand que vous le faites.
01:29:24 Ce que votre parti ose vous imputer
01:29:26 n'a point eu le crédit de vous faire arrêter.
01:29:29 On voit son faux rapport lui se détruire,
01:29:32 et c'est une action qui pourrait bien lui nuire.
01:29:34 Lui, de semblable tour, il le craint point l'éclat.
01:29:37 Il a permission d'être le franc scélérat.
01:29:40 Et loin qu'à son crédit nuise cette aventure,
01:29:42 on l'enverra demain en meilleure posture.
01:29:44 Enfin, il est constant qu'on a point trop donné au bruit
01:29:47 que contre vous sa mavie s'est tournée.
01:29:49 De ce côté déjà, vous n'avez rien à craindre.
01:29:52 Et pour votre procès, dont vous pouvez vous plaindre,
01:29:54 il vous est en justice aisé d'y revenir.
01:29:56 Et contre cet arrêt...
01:29:57 Non, je veux m'y tenir.
01:30:01 Quelques sensibles tordent qu'un tel arrêt me fasse.
01:30:04 Je me garderai bien de vouloir que le casse.
01:30:07 On y voit trop à plein le bon droit maltraité,
01:30:10 et je veux qu'il demeure à la postérité
01:30:14 comme une marque à un signe,
01:30:16 un fameux témoignage de la méchanceté des hommes de notre âge.
01:30:21 Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter,
01:30:24 mais pour vingt mille francs,
01:30:26 j'aurai droit de pester contre l'iniquité de la nature humaine
01:30:30 et de nourrir pour elle une immortelle haine.
01:30:33 Mais enfin...
01:30:34 Mais enfin, vos soins sont superflus.
01:30:36 Que pouvez-vous, monsieur, me dire là-dessus ?
01:30:39 Aurez-vous bien le front de me vouloir en face,
01:30:42 excuser les horreurs de tout ce qui se passe ?
01:30:46 Non, je tombe d'accord de tout ce qui vous plaît.
01:30:50 Tout marche par cabale et par pur intérêt.
01:30:53 Ce n'est plus que la ruse aujourd'hui qui l'emporte,
01:30:55 et les hommes devraient être faits d'autre sorte.
01:31:00 Est-ce une raison que l'on peut équiter
01:31:02 pour vouloir se tirer de leur société ?
01:31:05 Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie
01:31:08 des moyens d'exercer notre philosophie.
01:31:11 C'est le plus bel emploi que trouve la vertu.
01:31:15 Et si de probité tout était revêtu,
01:31:17 si tous les cœurs étaient francs,
01:31:20 justes et dociles,
01:31:23 la plupart des vertus nous seraient inutiles,
01:31:27 puisqu'on en met l'usage à pouvoir sans ennui
01:31:29 supporter dans nos droits l'injustice d'autrui,
01:31:32 et de même qu'un cœur d'une vertu profonde.
01:31:34 Je sais que vous parlez, monsieur, le mieux du monde.
01:31:39 En beau raisonnement vous abondez, toujours,
01:31:42 mais vous perdez le temps,
01:31:44 et tous vos beaux discours,
01:31:46 la raison, pour mon bien, veut que je me retire.
01:31:51 Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire.
01:31:54 De ce que je dirais, je ne répondrai pas,
01:31:56 et je me jetterai sans chose sur les bras.
01:31:59 Laissez-moi, sans dispute, attendre Célimène.
01:32:04 Il faut qu'elle consente au dessein qui m'amène.
01:32:07 Je vais voir si son cœur a de l'amour pour moi,
01:32:10 et c'est ce moment-ci qui doit m'en faire voir.
01:32:14 L'ont-on chez Eliante, à tendance avenue ?
01:32:17 Non, de trop de soucis, je me sens l'âme émue.
01:32:21 Allez-vous en la voir,
01:32:23 et me laissez enfin dans ce petit coin sombre,
01:32:28 avec mon noir chagrin.
01:32:31 C'est une compagnie étrange pour attendre,
01:32:35 et je vais obliger Eliante à descendre.
01:32:41 Et c'est à vous de voir si, par des noeuds si doux,
01:32:45 madame, vous voulez m'attacher tout à vous.
01:32:49 Il me faut de votre âme une pleine assurance.
01:32:52 Un amant là-dessus n'aime pas qu'on balance.
01:32:56 Si l'ardeur de mes feux a pu vous émouvoir,
01:33:00 vous ne devez point feindre à me le faire voir.
01:33:03 Et la preuve, après tout, que je vous en demande,
01:33:06 c'est de ne plus souffrir qu'Alceste vous prétende,
01:33:10 de le sacrifier, madame, à mon amour,
01:33:14 et de chez vous enfin le bannir dès ce jour.
01:33:18 Mais quel sujet si grand contre lui vous y rivez !
01:33:22 Vous à qui j'ai tant vu parler de son mérite !
01:33:24 Madame, il ne faut point ces éclaircissements.
01:33:27 Il s'agit de savoir quels sont vos sentiments.
01:33:32 Choisissez s'il vous plaît de garder l'un ou l'autre.
01:33:36 Ma résolution n'attend rien que la vôtre.
01:33:40 Oui, monsieur a raison, madame, il faut choisir.
01:33:45 Et sa demande ici s'accorde à mon désir.
01:33:48 Pareil ardeur me presse, et même soin m'amène.
01:33:51 Mon amour veut du vôtre une marque certaine.
01:33:54 Les choses ne sont plus pour traîner en longueur,
01:33:57 et voici le moment d'expliquer votre cœur.
01:33:59 Je ne veux point, monsieur, d'une flamme importune,
01:34:02 Troubler raucunement votre bonne fortune.
01:34:06 Je ne veux point, monsieur, jaloux ou non jaloux,
01:34:09 Partager de son cœur rien du tout avec vous.
01:34:12 Si votre amour au mien lui semble préférable,
01:34:15 Si du moindre penchant elle est pour vous capable,
01:34:18 Je jure de n'y rien prétendre désormais.
01:34:21 Je jure hautement de ne la voir jamais.
01:34:24 Madame, c'est à vous de parler sans contrainte.
01:34:28 Madame, vous pouvez vous expliquer sans crainte.
01:34:31 Vous n'avez qu'à nous dire où s'attache vos voeux.
01:34:34 Vous n'avez qu'à trancher et choisir une d'eux.
01:34:37 Quoi ? Sur un pareil choix, vous semblez être en peine.
01:34:44 Quoi ?
01:34:47 Votre âme balance et paraît incertaine.
01:34:52 Mon Dieu, que cet instant s'y est là hors de saison,
01:34:55 Et que vous témoignez tout de peu de raison.
01:34:57 Je sais prendre partie sur cette préférence,
01:35:00 Et ce n'est pas mon cœur maintenant qui balance.
01:35:03 Il n'est point suspendu sans doute entre vous deux,
01:35:06 Et rien n'est si tôt fait que le choix de nos voeux.
01:35:09 Mais je souffre, à vrai dire, une gêne trop forte
01:35:13 À prononcer en face un aveu de la sorte.
01:35:16 Je trouve que ces mots qui sont désobligeants
01:35:19 Ne se doivent point dire en présence des gens,
01:35:21 Qu'un cœur de son penchant donne assez de lumière
01:35:24 Sans qu'on le fasse aller jusqu'à rompre en visière,
01:35:27 Et qu'il suffit enfin que de plus doux témoins
01:35:30 Instruisent autonomement du malheur de ses soins.
01:35:33 Ah non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende,
01:35:38 J'y consente pour ma part.
01:35:40 Et moi, je le demande.
01:35:42 C'est son éclat, surtout qu'ici j'ose exiger,
01:35:48 Et je ne prête en point vouvoir rien nager.
01:35:51 Conservez tout le monde et votre grande étude,
01:35:54 Mais plus d'amusement et plus d'incertitude.
01:35:57 Il faut vous expliquer nettement là-dessus,
01:36:00 Ou bien pour un arrêt je prends votre refus.
01:36:03 Je saurai de ma part expliquer ce silence,
01:36:05 Et me tiendrai pour dit tout le mal que je pense.
01:36:08 Je vous sais fort bongré, monsieur de secourir,
01:36:13 Et je lui dis ici même chose que vous.
01:36:17 Que vous me fatiguez avec un tel caprice !
01:36:20 Ce que vous demandez a-t-il de la justice ?
01:36:22 Et ne vous dis-je pas quel motif me retient.
01:36:25 J'en vais prendre pour juge, et y hante qui vient.
01:36:30 Je me vois, ma cousine, ici, persécutée par des gens
01:36:34 Dont l'humeur y paraît concertée.
01:36:37 Ils veulent l'un et l'autre avec même chaleur
01:36:39 Que je prononce entre eux le choix que fait mon cœur,
01:36:42 Et que par un arrêt qu'en face il me faut rendre,
01:36:45 Je défende à l'un d'eux tous les choix qu'il peut prendre.
01:36:48 Dites-moi si jamais cela se fait ainsi.
01:36:52 N'allez point là-bas si me consultez l'ici.
01:36:55 Peut-être y pourriez-vous être mal adressée.
01:36:58 Et je suis pour les gens qui disent de leur pensée.
01:37:02 Madame, c'est en vain que vous vous défendez.
01:37:09 Tout vous détour ici sur ma seconde.
01:37:12 Il faut parler et lâcher la penance.
01:37:16 Il ne faut que poursuivre à garder le silence.
01:37:18 Je ne veux qu'un seul mot pour finir nos débats.
01:37:21 Et moi, je vous entends si vous ne parlez pas.
01:37:25 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:41 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:44 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:47 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:50 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:53 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:56 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:37:59 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:02 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:05 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:08 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:11 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:14 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:17 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:20 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:23 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:26 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:29 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:32 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:35 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:38 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:41 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:44 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:47 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:50 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:53 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:56 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:38:59 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:02 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:05 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:08 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:11 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:14 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:17 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:20 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:23 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:26 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:29 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:32 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:35 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:38 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:41 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:44 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:47 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:50 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:53 Madame, nous venons tous de vous voir.
01:39:56 Pour l'homme au ruban vert, vous le dîtes, monsieur,
01:39:59 pour l'homme au ruban vert, il me divertit quelques fois.
01:40:03 [Rire]
01:40:05 Avec ses brusqueries et son chagrin bourru,
01:40:08 mais il est ce moment où je le trouve le plus fâcheux du monde.
01:40:12 Et pour l'homme à la veste, voici votre paquet,
01:40:16 et pour l'homme à la veste qui s'est jeté dans le bel esprit
01:40:20 et veut être auteur malgré tout le monde,
01:40:23 je ne puis me donner la peine d'écouter ce qu'il dit,
01:40:26 et sa prose me fatigue autant que sévère.
01:40:30 Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien que vous pensez,
01:40:35 que je vous trouve à dire plus que je ne voudrais dans toutes les parties où l'on m'entraîne,
01:40:40 et que c'est un merveilleux assaisonnement au plaisir qu'on goûte,
01:40:43 que la présence des gens qu'on aime.
01:40:47 Me voici maintenant, moi.
01:40:52 Votre cuit tendre dont vous me parlez,
01:40:55 et qui fait tant le doux heureux,
01:40:57 est le dernier des hommes pour qui j'aurai de l'amitié.
01:41:00 Il est extravagant de se persuader qu'on l'aime,
01:41:03 et vous l'êtes de croire qu'on ne vous aime pas,
01:41:06 changer pour être raisonnable vos sentiments contre les siens,
01:41:10 et voyez-moi le plus que vous pourrez pour m'aider à porter le chagrin d'en être obsédé.
01:41:16 D'un fort beau caractère en voilà le modèle, madame,
01:41:19 et vous savez comment cela s'appelle?
01:41:22 Il suffit. Nous allons l'un et l'autre en tous lieux
01:41:25 montrer de votre cœur le portrait glorieux.
01:41:28 J'aurai de quoi vous dire, et belle est la matière,
01:41:33 mais je ne vous tiens pas digne de ma colère,
01:41:35 et je vous ferai voir que les petits marquis ont pour se consoler des cœurs
01:41:40 de plus haut prix.
01:41:42 D'accord.
01:41:44 Quoi de cette façon je vois qu'on me déchire
01:42:01 après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire,
01:42:05 et votre cœur paraît de beau semblant d'amour
01:42:08 à tout le genre humain se promet tour à tour.
01:42:12 Allez, j'étais trop dupe, et je ne vais plus l'être.
01:42:17 Vous me faites un bien me faisant vous connaître.
01:42:20 J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez,
01:42:24 et trouve ma vengeance en ce que vous perdez.
01:42:28 Monsieur, je ne fais plus d'obstacle à votre flamme,
01:42:31 et vous pouvez conclure affaire avec madame.
01:42:36 Certes, voilà le trait du monde le plus noir.
01:42:41 Je ne m'en saurais taire et me sans émouvoir.
01:42:44 Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres ?
01:42:48 Je ne prends point de part aux intérêts des autres,
01:42:50 mais, monsieur, que chez vous fixait votre bonheur
01:42:54 un homme comme lui, de mérite et d'honneur,
01:42:57 et qui vous chérissait avec idolâtrie de bêtise.
01:43:00 Laissez-moi, madame, je vous prie,
01:43:02 ider mes intérêts moi-même là-dessus,
01:43:04 et ne vous chargez point de ces soins superflous.
01:43:07 Mon cœur a beau vouloir prendre ici sa querelle,
01:43:10 il n'est point en état de payer ce grand zèle.
01:43:12 Et ce n'est pas à vous que je pourrais songer,
01:43:14 si par un autre choix je cherche à me venger.
01:43:17 Croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée,
01:43:21 et que de vous avoir en soin tant empressé ?
01:43:24 Je vous trouve un esprit bien plein de vanité,
01:43:27 si de cette créance il peut s'être flatté.
01:43:29 Le rebut de madame est une marchandise
01:43:33 dont on aurait grand tort d'être si fort épris.
01:43:36 Détrompez-vous de grâce, et portez-le moins haut.
01:43:39 Ce ne sont pas des gens comme moi qu'il vous faut.
01:43:42 Vous ferez bien encore de soupirer pour elle,
01:43:46 et je brûle de voir une union si belle.
01:43:51 Eh bien, je me suis tu malgré ce que je vois,
01:43:56 et j'ai laissé parler tout le monde avant moi,
01:44:00 et je pris sur moi-même un assez long empire,
01:44:03 et puis je maintenant...
01:44:05 Oui, vous pouvez tout dire.
01:44:09 Je suis un peu déçu.
01:44:12 Je suis un peu déçu.
01:44:15 Je suis un peu déçu.
01:44:18 Vous en êtes en droit lorsque vous vous plaindrez,
01:44:22 et de me reprocher tout ce que vous voudrez.
01:44:26 J'ai tort, je le confesse,
01:44:31 et mon âme confuse ne cherche à vous payer
01:44:35 d'aucune vaine excuse.
01:44:38 J'ai aidé d'autres ici, méprisé le coureau.
01:44:42 Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous.
01:44:48 Votre ressentiment sans doute est raisonnable.
01:44:51 Je sais combien je dois vous paraître coupable,
01:44:55 que toute chose dit que j'ai pu vous trahir,
01:45:01 et qu'enfin vous avez le sujet de me haïr.
01:45:06 Faites-le.
01:45:09 Faites-le.
01:45:12 Je consents.
01:45:15 Et me puis-je traîtresse,
01:45:21 puis ainsi triompher de toute ma tendresse,
01:45:25 et quoique avec ardeur je veuille vous haïr,
01:45:27 trouvaise un cœur en moi tout prêt à m'obéir,
01:45:34 vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
01:45:37 et je vous fais tous deux témoins de ma faiblesse.
01:45:40 Mais à vous dire la vraie, ce n'est pas encore tout,
01:45:44 et vous allez me voir la pousser jusqu'au bout,
01:45:47 montrer que c'est à tort que ça je vous nomme,
01:45:51 et que dans tous les cœurs, il est toujours de l'homme.
01:45:56 Oui, je veux bien, père Fide, oublier mon forfait.
01:46:02 J'en saurais dans mon âme excuser tous les traits,
01:46:06 et me les couvrirais du nom d'une faiblesse
01:46:08 où le vice-futant porte votre jeunesse,
01:46:13 pourvu que votre cœur veuille donner les mains
01:46:16 aux desseins que j'ai fait de fuir tous les humains,
01:46:20 et que dans mon désert, où j'ai fait vœu de vivre,
01:46:23 vous soyez sans tarder résolu à me suivre.
01:46:28 C'est par là seulement que dans tous les esprits
01:46:30 vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
01:46:33 et qu'après cet éclat qu'un noble cœur aborde,
01:46:36 il peut mettre permis de vous aimer encore.
01:46:43 Moi, renoncer au monde a manque de vieillir,
01:46:51 et dans votre désert, aller non-sevelir.
01:46:57 Et s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde,
01:47:00 que vous doite importez tout le reste du monde,
01:47:03 vos désirs avec moi ne sont-ils pas contents ?
01:47:13 La solitude effraie une âme de vingt ans.
01:47:17 Je ne me sens pas la mienne assez grande,
01:47:21 assez forte, pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte.
01:47:29 Si le don de ma main peut contenter vos vœux,
01:47:35 je pourrais me résoudre à serrer de tel meu, et l'hymen...
01:47:39 Non, le cœur à présent vous déteste,
01:47:44 et ce refus lui seul fait plus que tout le reste.
01:47:48 Puisque vous n'êtes point en des liens si doux
01:47:50 pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous,
01:47:52 allez, je vous refuse, et ce sensible outrage
01:47:56 vous indigne au fer pour jamais de me dégager.
01:48:10 Madame, sans vertu orne votre beauté,
01:48:14 et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité.
01:48:17 De vous, depuis longtemps je fais un cas extrême,
01:48:21 mais laissez-moi toujours vous estimer de même,
01:48:24 et souffrez que mon cœur, dans ses troubles divers,
01:48:26 ne se présente point à l'honneur de vos fers.
01:48:29 Je m'en sens trop indigne, et commence à connaître
01:48:33 que le ciel pour ce nœud ne m'avait point fait naître,
01:48:36 que serait pour vous un hommage trop bas
01:48:38 que le rebut d'un cœur qui ne vous valait pas, et qu'enfin...
01:48:41 Vous pouvez suivre cette pensée.
01:48:44 Ma main de ce donné n'est pas embarrassée,
01:48:47 et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter,
01:48:51 si je l'en priais, la pourrez-vous accepter ?
01:48:58 Ah !
01:49:02 Cet honneur, madame, est toute mon envie,
01:49:06 mais j'y sacrifierai mon sang et ma vie.
01:49:09 Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements,
01:49:13 l'un pour l'autre, à jamais garder ses sentiments ?
01:49:20 Trahi de toutes parts, accablé d'injustice,
01:49:25 je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices,
01:49:28 et chercher sur la terre un endroit écarté
01:49:32 où d'être homme d'honneur on ait la liberté.
01:49:39 Allons, madame, allons employer toute chose
01:49:43 pour rompre le dessein que son cœur se propose.
01:49:52 (Applaudissements)
01:49:56 (...)
01:50:25 (...)
01:50:54 (...)
01:51:23 (...)
01:51:52 (...)
01:52:21 (...)
01:52:50 (...)
01:53:09 (...)

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