Quand j'étais petit, la websérie de Sophie Loridon, des enfants de 6 à 10 ans interrogent des Anciens de plus de 80 ans sur leur passé. De belles émotions !
L'objectif est double, familiariser les enfants avec la pratique de la vidéo et provoquer des rencontres enrichissantes des deux côtés.
L'objectif est double, familiariser les enfants avec la pratique de la vidéo et provoquer des rencontres enrichissantes des deux côtés.
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TVTranscription
00:00 *musique*
00:19 Euh... Grisille... Grisille, scène 1.
00:22 Claire.
00:24 *musique*
00:40 Bonjour.
00:42 Bonjour.
00:43 Comment vous allez ?
00:45 Ben ça va bien, et toi ?
00:46 Ouais ça va aussi.
00:48 Ça va ?
00:49 Vous avez quel âge ?
00:50 Ah, voilà une bonne question.
00:52 Eh bien j'ai 88 ans depuis quelques jours.
00:56 *musique*
01:01 Ça te paraît beaucoup, hein ?
01:02 Un peu, oui.
01:03 Et toi, tu as quel âge ?
01:04 8 ans.
01:05 8 ans !
01:06 Alors qu'est-ce que tu en penses ?
01:08 Ben que c'est jeune par rapport à vous,
01:11 et que vous avez quand même 80 ans de plus que moi.
01:14 Exactement !
01:15 Voilà, voilà, voilà.
01:17 *musique*
01:20 Et alors, tu te plais à l'école de Murianette ?
01:23 Ben oui, c'est bien, la maîtresse elle est cool,
01:25 et il y a beaucoup de copains.
01:27 *musique*
01:30 Vous avez des enfants ?
01:32 Oui, j'ai 4 très grands enfants,
01:36 qui sont même âgés maintenant.
01:39 Et ils ont tous été à l'école de Murianette, mes enfants.
01:45 Vous savez que l'école était dans la mairie, hein ?
01:47 Autrefois, vous savez ça.
01:49 Enfin, non, je ne savais pas, mais maintenant je sais.
01:52 Voilà, il y avait 2 classes, 3 classes,
01:55 dans le bas de la mairie, là où il y a la salle des fêtes maintenant,
01:59 pas si tu connais, mais il y avait 2 classes,
02:02 et puis il y avait une autre classe dans la petite maison du fond.
02:06 Donc mes enfants ont connu l'école de Murianette.
02:10 Mes petites filles sont allées dans cette école-là aussi.
02:14 *musique*
02:18 *musique*
02:22 *musique*
02:26 *musique*
02:53 Frigide, salle 5, Amélie.
02:56 Superbe, le bandou, hein ?
02:58 C'est un serre-tête ?
02:59 Oui, un serre-tête, pardon.
03:00 Merci.
03:01 *musique*
03:04 Bonjour !
03:05 Bonjour, Amélie.
03:07 Comment vous allez ?
03:09 Ça va bien, merci. Et toi ?
03:11 Ça va.
03:12 Je vais vous poser 2-3 questions sur l'école.
03:15 Oui.
03:16 Alors, déjà, est-ce qu'il y avait 2 ou 3 disputes dans votre école,
03:21 où tout se passait bien, correctement ?
03:23 Tout se passait bien.
03:24 Les élèves étaient sages ?
03:25 Les élèves étaient sages. Il n'y avait pas d'histoire.
03:28 Et peut-être qu'il y avait, comme tu sais, j'ai beaucoup parlé de la guerre,
03:33 peut-être qu'il y avait un climat très sérieux quand même, je pense.
03:37 On prenait la vie... pas à la rigolade, hein.
03:40 La vie était assez grave, et puis Paris était assez austère, tu vois,
03:46 il ne se passait pas grand-chose.
03:47 Du coup, il n'y avait pas d'histoire non plus.
03:49 Il n'y avait pas de clans, tu vois, il n'y avait pas de harcèlement,
03:54 toutes ces histoires-là, je n'en ai jamais entendu parler.
03:56 Quand vous étiez enfant, est-ce que vous aimez bien jouer dans la cour de récré ?
04:01 Est-ce que vous avez une grande récré ?
04:03 Alors, on avait une récré que je trouvais trop courte, mais j'aimais beaucoup.
04:08 Toi aussi, tu aimes bien la récréation ?
04:10 Oui.
04:11 Oui, c'est un bon moment, se retrouver entre copains.
04:14 Et tu aimes bien l'école aussi ?
04:16 Bah oui, on apprend des choses.
04:18 Voilà.
04:19 Scène Brigitte-Marie, prise 2.
04:22 Bonjour, c'était comment l'école quand vous étiez petite ?
04:27 Alors, quand j'étais petite, l'école était assez stricte.
04:35 Alors, c'était aussi une école pendant la guerre.
04:38 Quand j'étais toute petite, c'était pendant la guerre.
04:41 On avait des plumes, on n'avait pas de stylo déjà.
04:43 On avait des plumes, alors pas des plumes doigts quand même,
04:46 mais des plumes qu'il fallait tremper dans les encriers.
04:48 Des plumes sergent-major ?
04:49 Des plumes sergent-major, mais je ne sais pas si c'était sergent-major,
04:52 parce qu'elles marchaient très mal, elles crachaient partout.
04:54 On avait un papier épouvantable qui accrochait aussi,
04:57 donc on avait un matériel.
04:59 On avait des vieux bouquins, enfin, là, c'était quand même pas rigolo.
05:04 Et puis, il fallait… on ne parlait pas, il fallait répondre aux questions.
05:10 La discipline était très stricte.
05:13 Alors, ce qui était marrant aussi, c'est que comme on manquait de beaucoup de choses,
05:18 on nous distribuait des vitamines.
05:20 Et c'était les seuls bonbons qu'on avait.
05:23 On avait des petites pastilles roses, grosses comme ça,
05:26 qu'on nous donnait, qui étaient soi-disant des vitamines.
05:29 Et on était quand même assez contents, parce que c'était sucré.
05:32 Ça, c'était à l'école, on nous donnait ça de temps en temps.
05:36 Ah oui, alors ce que j'ai oublié de te raconter aussi,
05:38 c'est que ce qu'on devait faire, c'est qu'on devait tricoter des couvertures
05:45 qu'on envoyait aux prisonniers.
05:47 Alors, pour tricoter des couvertures, on faisait en tricot des carrés de 10 cm sur 10.
05:53 Et alors, comme j'étais quand même petite, puisque c'était jusqu'en 44,
05:58 donc jusqu'à 7-8 ans, je crois que je n'ai jamais réussi à faire un carreau entier.
06:05 J'étais honteuse, mais je perdais des mailles, je faisais des trous,
06:10 je n'arrivais pas au bout, faire mes 10 cm.
06:13 Mais ça, on avait à l'école, comme ça, il fallait tricoter nos carreaux de laine,
06:19 pour après ça, les monter pour faire des couvertures.
06:23 Et après, on les accrochait ensemble, les carreaux ?
06:25 Oui, mais alors ça, je ne sais pas qui faisait ça,
06:27 mais moi, j'aurais été incapable et ce n'est pas moi qui le faisais.
06:29 [Musique]
06:41 Brigitte, scène 3, Yanis.
06:44 Bonjour Brigitte.
06:46 Bonjour Yanis.
06:47 Ça va ?
06:48 Ça va, ça va. Et toi ?
06:50 Ça va. Alors, nous sommes d'accord, vous avez connu la guerre.
06:54 Donc, je vais te poser des questions sur la guerre, ok ?
06:57 Enfin, si tu as des souvenirs.
06:59 Oui, j'ai beaucoup de souvenirs de la guerre.
07:02 C'est assez lointain quand même.
07:04 Ça doit être marquant quand même.
07:06 Pour moi, ça me fait beaucoup de peine, parce que ce qui s'est passé, c'était horrible,
07:10 ça a dû être horrible.
07:11 Alors, est-ce que vous avez beaucoup souffert ?
07:15 Alors, non, tu vois, non, non, je n'ai pas souffert comme ça.
07:19 C'était désagréable, il y avait effectivement, on avait peur des bombardements,
07:25 mais Paris n'a pas été détruit, Paris n'a pas été très bombardé.
07:30 Et puis, j'ai mangé à ma faim, enfin, je n'ai pas eu faim, tu vois,
07:38 il faut dire que je n'avais pas du tout d'appétit.
07:40 Ce qui était désagréable, c'est qu'on avait peu à manger,
07:44 et que c'était quand même assez mauvais.
07:47 Et puis, ce dont j'ai souffert, enfin, ma famille, etc., c'était le froid aussi,
07:53 parce qu'il a fait vraiment des hivers très froids pendant la guerre,
07:56 on était très mal chauffés, et puis pas très couverts,
08:00 on n'avait pas beaucoup de vêtements chauds,
08:03 et donc, là, je me souviens avoir souffert du froid.
08:06 Et puis alors, il y a eu des bombardements, notamment près de chez moi, à Paris.
08:10 Il y avait les usines Citroën qui ont été bombardées et démolies,
08:15 et c'est une des fois où on est descendu dans la cave.
08:18 Quand il y avait des bombardements, on descendait, tous les gens de l'immeuble,
08:21 on descendait se réfugier dans la cave, et on attendait.
08:25 Il y avait des sirènes, comme il y a, d'ailleurs, on entend les sirènes,
08:29 tu sais, le premier mercredi du mois, ça me fait penser à chaque fois,
08:33 donc il y avait des sirènes comme ça, mais quand on l'entendait, là,
08:37 ici, ce sont des essais, tandis que nous, c'était pour de bon.
08:41 Quand il y avait la sirène, on descendait à la cave,
08:44 et puis après, quand il y avait la sirène, on repartait, on remontait.
08:48 Voilà. Donc ça, c'est ce que j'ai connu de la guerre,
08:52 mais qui n'était pas... tu vois, je n'ai pas connu de drame.
08:55 - Pourquoi vous n'allez pas au marché noir ? Enfin, qu'est-ce que c'était ?
09:11 - Oui. Oui, alors, on avait beaucoup de mal à se procurer de quoi manger,
09:17 mais il y avait ce qu'on appelle des tickets de rationnement.
09:21 Donc, on avait des cartes avec des tickets, selon l'âge.
09:25 Alors, moi, j'ai été J1 et J2, c'est-à-dire jeûne 1, jeûne 2.
09:29 Les J3, c'était les adolescents, et c'était eux qui avaient le plus de mal,
09:33 parce que c'est l'âge où on mange beaucoup, on a très faim,
09:36 et les J3, ils souffraient parce qu'ils n'avaient vraiment pas assez à manger.
09:40 Et puis, alors, après, il y avait les adultes, les vieillards, enfin, bon.
09:44 Et on avait des tickets, donc on pouvait acheter telle quantité de nourriture avec ces tickets.
09:50 Et alors, il y avait des gens qui essayaient de se faire un peu plus d'argent
09:56 en vendant en dehors des tickets, directement, tu vois, sans passer par les magasins.
10:02 Il n'y avait pas de marché noir dans les magasins, évidemment,
10:04 mais il y avait des gens qui se procuraient comme ça de la nourriture avec beaucoup plus cher,
10:09 et c'est ce qu'on appelait le marché noir.
10:11 Mais mes parents n'ont jamais voulu…
10:15 Ils auraient peut-être eu les moyens, parce qu'ils n'étaient pas bien riches, mais enfin, quand même.
10:19 Mais ils n'ont jamais voulu trafiquer comme ça.
10:22 Donc, je savais que ça existait, mais je n'ai pas connu, moi, le marché noir.
10:28 Mais ce que tu dis qui était horrible, moi, ce dont je me souviens d'horrible,
10:34 et puis compte tenu de ce qu'on voit en ce moment, c'est le traitement des Juifs.
10:42 Et alors, évidemment, j'en avais une idée très, très vague,
10:46 et personne, je pense, n'imaginait les camps de concentration et les camps d'extermination
10:53 où les Juifs ont été vraiment massacrés par millions.
10:57 Donc, ça, on n'avait pas du tout l'idée.
10:59 Mais ce qu'on savait, c'est qu'il y avait des Juifs qui étaient arrêtés,
11:02 et eux-mêmes pensaient aussi qu'ils allaient en Allemagne, mais pour travailler,
11:07 ou dans des camps comme les camps de prisonniers, etc.
11:11 Et donc, alors, c'était totalement scandaleux.
11:14 Et ma famille, mes parents étaient bouleversés,
11:18 parce qu'ils connaissaient des gens qui étaient Juifs et qui étaient menacés,
11:24 et puis qui avaient perdu leur travail, etc. Enfin, c'était terrible.
11:28 Et à partir de 1942, je crois, les Juifs ont eu l'obligation de porter une étoile jaune.
11:37 Et donc, moi, j'ai connu des gens, des voisins, qui portaient une étoile jaune sur eux.
11:44 Et c'était bouleversant.
11:46 Enfin, tu vois, quand tu as l'air d'être touché par cette période,
11:50 eh bien, c'était effrayant de voir des gens marqués comme ça,
11:54 alors que c'était des gens comme tout le monde.
11:56 Enfin, c'était terrible, honteux.
12:00 Et ça, c'était le gouvernement français de l'époque qui l'imposait.
12:04 Et alors, je me souviens qu'il y avait deux dames,
12:09 enfin, une voisine et sa fille, et qu'on connaissait un petit peu.
12:14 Et c'est un souvenir d'enfance que ma mère ait traversé la rue pour aller leur serrer la main.
12:19 Tu vois, j'avais trouvé ça bien.
12:21 C'est un beau souvenir de ma mère qu'elle ait fait ça, alors qu'on les connaissait à peine, tu vois.
12:25 Mais pour leur montrer notre sympathie et puis la réprobation totale
12:31 qu'elle soit obligée de porter cette étoile.
12:34 Et alors, après, quand j'étais plus grande, que la guerre était finie,
12:38 un souvenir que j'ai aussi, c'est une amie que j'ai bien connue,
12:43 qui était vraiment une amie d'enfance, et qui me racontait qu'eux, ils se cachaient.
12:47 Et que quand ils sortaient de leur cachette, il fallait qu'ils marchent en chaussette sans faire de bruit.
12:53 Mais je m'en souviens encore, tu vois, ça m'a marqué quand même.
12:58 - Et est-ce que, par exemple, si vous trouvez des choses, est-ce que vous les balancez sur les Allemands ?
13:05 Par exemple, si vous trouvez des grenades par terre ?
13:08 - Oui, alors on ne risquait pas de trouver des grenades par terre.
13:13 Non, nous, alors, on s'amusait avec...
13:16 J'avais une cousine et on s'amusait à gratter la rouille des balcons.
13:19 Parce que, évidemment, les immeubles n'étaient pas très bien entretenus pendant la guerre.
13:24 Et alors, quand il y avait des Allemands qui passaient, on jetait la rouille pour faire un geste de résistance.
13:31 Parce qu'on avait un esprit de résistance, quand même, on savait qu'il fallait lutter.
13:34 - Tout jeune ?
13:35 - Tout jeune, oui, oui, oui, on suivait la résistance, oui.
13:38 - Ah ben, c'est juste pour vous dire que ça a dû être formidable d'entendre toutes ces cloches sonner,
13:44 toutes les personnes qui crient parce qu'elles sont heureuses quand la guerre est terminée.
13:48 - Eh oui.
13:49 - Ça vous a marqué, ça ?
13:51 - Beaucoup, beaucoup. Ça m'a beaucoup marqué, oui.
13:53 Le 8 mai 1945, tout le monde aux fenêtres, toutes les cloches de Paris qui sonnaient.
13:58 C'était formidable, oui. Formidable, formidable.
14:01 Une ambiance extraordinaire dans Paris, extraordinaire.
14:05 - Scène Brigitte-Marie prise 2.
14:08 - Est-ce que vous pouvez me raconter le Noël de 1944 ?
14:13 - Ben, écoute, oui, je veux bien.
14:15 Je suis allée chez une de mes tantes.
14:18 Et je ne sais pas pourquoi, ça c'est un mystère que personne, que j'ai jamais cherché à éclaircir,
14:26 et maintenant il n'y a plus personne pour m'expliquer,
14:30 mais chez ma tante, il y avait un prisonnier allemand qui, notamment, travaillait dans la maison, etc.
14:40 Et comme j'étais petite et que j'avais surtout ma petite sœur qui était encore plus petite que moi,
14:46 quand la famille est allée à la messe de minuit,
14:50 et ils sont tous partis à la messe de minuit,
14:52 et ils m'ont laissée avec ce soldat allemand pour s'occuper de moi.
14:58 Et on le chargeait de me garder avec ma sœur.
15:04 Donc c'était déjà un sentiment un petit peu bizarre.
15:08 Mais il était très gentil.
15:10 Et j'ai passé la soirée avec lui.
15:12 Il m'a raconté qu'il avait une fiancée en Allemagne,
15:15 et qu'il avait hâte de la retrouver.
15:18 Et il m'a chanté une chanson sur Paris qui était occupée, qui allait être libérée.
15:27 Enfin bon, c'était très amusant, il m'a chanté ça.
15:30 Et le lendemain matin, la famille m'a dit,
15:33 ben tu sais, figure-toi qu'il s'est évadé pendant la nuit.
15:37 Et alors moi j'étais aussi une autre stupeur,
15:41 c'est que j'avais un oncle qui avait été prisonnier pendant la guerre,
15:46 et qui s'était échappé.
15:48 Et tout le monde avait dit, c'est formidable, bravo, super.
15:51 Et alors Hans qui s'était échappé, là c'était pas bien.
15:54 Enfin tu vois, donc c'est à Noël,
15:56 dont je me souviens très très très bien,
15:58 qui m'a énormément frappé.
16:00 Et il y a peu de Noël dont je me souvienne autant.
16:03 Voilà.
16:04 Il n'avait pas chanté une petite chanson ce prisonnier ?
16:06 Ah si, il avait chanté une chanson de Maurice Chevalier.
16:09 Je me l'avais chanté là-dedans.
16:11 Oui.
16:12 Je ne sais même plus si je vais m'en souvenir.
16:14 C'est une fleur de Paris.
16:16 C'est une fleur de Paris,
16:20 du beau Paris qui sourit.
16:23 Et c'est la fleur du retour,
16:27 du retour des beaux jours.
16:30 Pendant quatre ans, dans nos cœurs,
16:33 elle a gardé ses couleurs.
16:36 Fleur de Paris.
16:39 Alors je sentais quand même la bizarrerie
16:44 que ce soit un prisonnier allemand qui me chante ça.
16:47 Une chante à libération.
16:48 C'est vrai que c'est bizarre.
16:51 Il allait rejoindre sa fiancée.
16:53 Eh bien oui, voilà, moi j'ai trouvé que c'était très bien qu'il soit sauvé.
16:56 C'est une fleur de Paris,
16:59 du vieux Paris qui sourit.
17:03 Car c'est la fleur du retour,
17:06 du retour des beaux jours.
17:09 Régis, scène 6, Jolyne.
17:13 Action.
17:14 Bonjour.
17:15 Bonjour Jolyne.
17:17 Vous mangez quoi quand vous étiez petite ?
17:20 Alors je te dis, on mangeait assez mal.
17:22 On ne mangeait pas grand-chose.
17:24 Un peu toujours la même chose.
17:26 Et puis, alors pendant la guerre par exemple,
17:29 on n'avait pas de beurre du tout.
17:32 Vous voyez, je ne savais à peine ce que c'était que le beurre.
17:34 Pratiquement pas de sucre.
17:37 On achetait du pain quand même,
17:39 mais qui était vraiment très très mauvais.
17:41 On avait l'impression qu'il y avait de la poussière dedans
17:43 plutôt qu'autre chose.
17:45 Et puis il n'y avait pas du tout de bonbons,
17:47 de chocolat, de gâteaux.
17:50 Alors j'avais quand même ma grand-mère
17:52 qui avait réussi à faire des tartelettes aux haricots.
17:55 Et alors elle mettait un peu de sucre dedans,
17:59 parce qu'on avait quand même un peu de sucre,
18:01 avec les tickets, tu sais, tu as entendu quand je disais
18:03 qu'on avait quand même des choses avec des tickets.
18:05 Puis alors elle faisait des gâteaux de carottes.
18:07 Et alors on trouvait ça très bon aussi.
18:10 Et alors après la guerre, on lui a dit
18:12 « Mais alors il faut que vous nous refassiez
18:14 un excellent gâteau de carottes. »
18:16 Elle aura dit « Mais non, c'était pas bon du tout. »
18:18 Et alors elle nous l'a refait.
18:21 Et on lui a dit « Mais non, ce n'est pas le même,
18:23 celui-là pendant la guerre il était bon,
18:25 mais celui-là il n'est pas bon. »
18:27 En fait, on arrivait à trouver bon des choses
18:29 qui n'étaient pas très bonnes.
18:31 Et je me souviens de ma mère justement,
18:52 qui avait une boulangerie qui avait en bas de chez nous.
18:54 Un jour elle m'a dit « Tu vois sur les grilles qu'il y a,
18:57 avant la guerre il y avait des gâteaux dessus qui étaient posés. »
19:01 Alors on me dit « Il y a bon des gâteaux
19:03 qui étaient posés sur la boulangerie ? »
19:05 Je m'en souviens encore, je vois encore ces grilles.
19:08 Alors à l'époque, il y avait beaucoup de femmes
19:15 qui travaillaient, mais les femmes pauvres.
19:21 Mais les femmes bourgeoises,
19:23 ou déjà d'un certain niveau social,
19:25 travaillaient beaucoup moins que maintenant.
19:29 Et les femmes qui travaillaient,
19:32 c'était des femmes qui avaient des diplômes aussi.
19:34 Il y avait des femmes médecins,
19:36 il commençait à y en avoir,
19:38 beaucoup moins que maintenant.
19:40 Il y avait des femmes commerçantes aussi.
19:44 Donc on ne peut pas dire que les femmes ne travaillaient pas.
19:47 Mais il y en avait beaucoup moins.
19:49 Quand il y avait des enfants,
19:51 il n'y avait pas de garderie,
19:54 il n'y avait pas de maternelle.
19:58 Les enfants allaient à l'école qu'à partir de 6 ans.
20:01 Donc il fallait bien aussi quelqu'un pour s'en occuper.
20:06 Et il faut dire, le résultat c'était que la France,
20:11 à cette époque-là, et à l'époque où je suis née à peu près,
20:15 il y avait très peu d'enfants.
20:17 C'était une très faible natalité, on dit.
20:21 Et c'est après la guerre qu'il y a eu des lois
20:25 qui ont facilité les choses,
20:28 qui ont notamment décidé des allocations familiales.
20:31 Tu sais ce que c'est les allocations familiales ?
20:33 Non.
20:34 C'est que les gens qui ont des enfants,
20:36 ils touchent un peu d'argent pour justement les aider.
20:41 Alors que là, avant, les enfants,
20:43 c'était entièrement à la charge des parents.
20:46 Et les conditions étaient plus difficiles.
20:49 Ce qui était plus difficile aussi pour les femmes,
20:51 c'est que tout à l'heure, tu as peut-être entendu que je disais
20:54 qu'il n'y avait pas de frigo, pas de congélateur, etc.
20:59 Donc il fallait faire les courses tous les jours.
21:02 Tous les jours, aller au magasin, faire au marché.
21:07 Et bon, ça c'est un peu incompatible aussi avec le travail, tu vois.
21:11 C'est difficile.
21:12 Donc les femmes qui travaillaient,
21:13 souvent, elles avaient une domestique à la maison.
21:16 Et c'était ces domestiques qui allaient faire les courses et tout ça.
21:20 Donc la vie des femmes, de toute façon, était beaucoup plus difficile.
21:23 Et donc les femmes travaillaient beaucoup moins que maintenant.
21:27 Alors quand ma mère a voulu retravailler,
21:30 quand on a été plus grande,
21:31 eh bien mon père disait "mais je gagne assez,
21:34 tu n'as pas besoin de travailler".
21:37 Et donc là aussi, c'était un frein aussi,
21:40 enfin un empêchement pour les femmes de travailler.
21:42 C'est que les hommes trouvaient que si leurs femmes travaillaient,
21:46 c'est parce qu'eux ne gagnaient pas assez.
21:48 Donc ça les diminuait, tu vois.
21:50 Ils avaient l'impression qu'ils n'étaient pas à la hauteur
21:52 pour faire vivre la famille.
21:55 Et il y avait ce rôle-là.
21:57 Les hommes devaient gagner l'argent pour faire vivre la famille.
22:01 Et la femme, à la maison, elle s'occupait des enfants de la maison.
22:05 Et donc chacun avait un rôle comme ça, bien déterminé.
22:08 Et ça a mis longtemps pour que les hommes changent de position.
22:14 Très très longtemps, des années.
22:17 Maintenant, je pense qu'ils ont quand même bien évolué.
22:20 Et puis maintenant, il y a beaucoup des besoins de consommation importants
22:24 et on a bien besoin de salaire.
22:28 Et donc les femmes, à l'époque,
22:33 elles ne pouvaient pas avoir de compte en banque
22:36 sans l'accord de leur mari.
22:39 Et ça, il y a quand même pas mal d'années maintenant.
22:43 Moi, j'ai connu cette époque où il fallait l'autorisation du mari
22:47 pour avoir un compte en banque.
22:49 Mais il n'y avait évidemment pas de lave-vaisselle, ça, évidemment.
22:54 Mais pas de lave-linge.
22:56 Donc il fallait laver, tout laver à la main.
22:59 Alors sauf les draps, en général, on les mettait quand même dans une blanchisserie.
23:03 Il y avait des blanchisseries dans les quartiers.
23:05 On allait apporter les grands morceaux comme ça, comme les draps.
23:09 Mais sans ça, tous les jours, tous les jours, il fallait laver.
23:12 Et vos parents, ils étaient gentils ?
23:14 Oh, mes parents étaient gentils.
23:16 Oui, oui, c'était des bons parents.
23:18 Mais une grande différence avec maintenant,
23:22 c'est que les parents, les miens, mais je crois assez souvent,
23:26 ils ne s'occupaient pas beaucoup des enfants.
23:29 On vivait avec eux, on se parlait un peu.
23:34 Mais par exemple, ils ne s'occupaient pas du tout de ce qu'on faisait à l'école,
23:38 sauf qu'ils regardaient les notes de temps en temps.
23:41 Ils nous racontaient un peu des histoires.
23:44 Mais on n'avait pas tellement d'intimité avec les parents.
23:48 Mais ils étaient sympas.
23:50 Oui, oui, ça allait à peu près.
23:52 Mon père était assez sévère quand même.
23:54 On avait un peu peur quand même.
23:56 Ça, c'est sûr.
23:57 [Musique]
24:05 Est-ce que tu aidais plus tes parents ou tu ne les aidais pas souvent ?
24:10 Si, j'aidais.
24:11 J'aidais bien sûr un petit peu pour la cuisine ou un peu le ménage,
24:17 mais bon, pas trop.
24:19 Et puis mon père, alors non, je ne l'aidais pas.
24:21 Sauf à la campagne, c'est quand on était à la campagne.
24:23 Alors là, pour le jardin, si.
24:25 Je détestais ça.
24:27 Je trouvais ça d'un ennui, de la fatigue.
24:31 Je n'aimais pas ça du tout.
24:33 Et maintenant, j'aime bien.
24:35 Maintenant, j'aime beaucoup, mais quand j'étais enfant, je n'aimais pas.
24:39 Et toi, tu aimes ça ? Tu aides tes parents, toi ?
24:42 Des fois, pas tout le temps.
24:44 Pas tout le temps, voilà.
24:45 C'est pareil, tu vois.
24:47 Ouh là là, oui, c'est très, très mal écrit.
24:49 Est-ce que ça ne s'écrit pas comme ça ?
24:52 Non, c'est toujours là.
24:54 Bonjour, où habitez-vous dans Murianet ?
25:04 Bonjour Liam, j'habite Chemin Colomb,
25:08 qui est un chemin qui coupe la rue du Précotin.
25:12 Et c'est un ensemble qui a été construit en face de la mairie.
25:18 Est-ce que vous vous baladez souvent à pied ?
25:21 Oui, j'aime bien parce qu'on a la chance d'avoir une plaine
25:25 où c'est facile de se promener sans trop se fatiguer.
25:28 Et je parcours bien la plaine, sauf quand il pleut.
25:32 Et en ce moment, il pleut un peu trop, mais sans ça, j'aime beaucoup me promener dans la plaine.
25:36 Est-ce que les paysages ont changé à Murianet ?
25:39 Ah ben, les paysages ont beaucoup changé, oui, bien sûr,
25:41 parce qu'il y a eu beaucoup de constructions depuis que je suis arrivée,
25:47 donc il y a très longtemps.
25:49 Et comme tu as vu, on a construit des immeubles.
25:52 D'abord, cette école aussi a été construite, alors qu'il y avait des champs avant.
25:57 Et puis, il y a eu les immeubles en face, là, sur la route,
26:02 les immeubles en bas de la mairie.
26:05 Et puis, il y a eu plusieurs lotissements aussi,
26:09 qui ont été construits depuis que j'habite ici.
26:12 Et la population, donc, a pas mal augmenté.
26:15 Donc, il y a beaucoup de changements.
26:18 Et ça garde quand même encore un peu un caractère de campagne, heureusement.
26:23 Est-ce qu'il y avait des magasins ou des commerces à Murianet ?
26:39 Alors, il y avait un commerce très important, c'était le bar de Monsieur Roche.
26:45 Il servait de téléphone à une grande partie du village qui n'avait pas de téléphone.
26:50 Donc, c'était très utile.
26:52 Et il avait ouvert un bar, mais sa mère,
26:56 donc, tu vois, là, je te parle d'il y a très, très, très longtemps,
26:59 elle avait un excellent restaurant qui s'appelait La Bonne Auberge et qui était très réputé.
27:04 Alors, donc, il y a eu un temps où il y avait un restaurant à Murianet.
27:08 Et il y a eu un bar jusqu'à ce que Monsieur Roche décède.
27:12 Et après ça, sa fille Fabienne a fermé le restaurant.
27:17 Et alors, après ça, ce qui existe aussi depuis longtemps maintenant,
27:22 c'est Babette, avec sa vente de légumes et de tas d'autres choses.
27:27 Tu connais chez Babette ?
27:28 Oui, je suis allée plein de fois.
27:30 Ah, plein de fois, et tu connais les chèvres alors ?
27:33 Je ne sais pas comment elles s'appellent, mais je les vois souvent.
27:37 Ben voilà, elles sont sympas. Oui, moi, quand j'y vais aussi avec des enfants, ils aiment bien.
27:42 Est-ce que c'est vrai qu'il y avait 14 nationalités à Murianet ?
27:50 Eh bien, écoute, c'est ce que mon mari disait.
27:53 J'en ai répertorié beaucoup. Je ne suis pas sûre d'être arrivé à 14.
27:57 Mais Murianet, comme la région de Domaine aussi, la région de Grenoble,
28:03 c'était une région où il y a beaucoup d'étrangers.
28:06 C'est une région de France où il y a beaucoup d'activités,
28:10 beaucoup d'entreprises et tout ça.
28:12 Et il y avait donc beaucoup d'étrangers.
28:15 Je ne sais pas si maintenant il y a toujours 14 nationalités différentes.
28:20 Ce n'est pas sûr.
28:21 Ben après…
28:22 Alors peut-être d'ailleurs que ces étrangers, ils avaient aussi la nationalité française, à mon avis.
28:28 Est-ce que c'est vrai que votre mari était maire ?
28:32 Ah oui, mon mari a été maire pendant très longtemps de Murianet.
28:36 Oui, oui, absolument.
28:38 Il aimait beaucoup cette fonction de maire.
28:40 Et il aimait beaucoup Murianet.
28:42 Il était très, très attaché à Murianet.
28:44 Et il est encore en vie ?
28:46 Eh non, il est mort il y a longtemps.
28:48 Mais oui, il était malade.
28:50 C'est vrai qu'il se battait pour le village, la métropole ?
28:54 Oui, oui, enfin, il se battait.
28:56 Il n'a jamais pris d'armes et même pas ses poings.
29:00 Enfin, il s'est donné beaucoup de mal.
29:02 Il était très attentif à essayer de développer aussi les ressources,
29:08 parce que Murianet, c'est un petit village.
29:11 Et les ressources d'un village, ça permet de refaire les routes,
29:17 d'améliorer le réseau d'eau, des choses comme ça.
29:20 Donc il a essayé de trouver de l'argent pour améliorer la vie des gens comme ça.
29:25 [Musique]
29:35 Scène 4, Milan.
29:37 Est-ce que vous faisiez des... non, ben non.
29:41 [Rires]
29:43 Quels étaient vos jouets ?
29:45 Alors les jouets...
29:47 Écoute, on en avait très peu.
29:50 Donc quand j'étais toute petite, tu vois, on en avait très peu.
29:52 Moi, je me souviens d'une poupée,
29:56 parce que j'aurais bien aimé avoir une belle poupée, mais...
30:00 Alors ce qu'on avait, que j'aimais bien, c'était...
30:04 On avait comme... ça faisait comme un livre.
30:08 Ça s'ouvrait comme ça en carton.
30:11 Et puis il y avait des personnages qu'on découpait en papier
30:14 et puis qu'on glissait dans des fentes comme ça,
30:16 alors pour faire la marchande ou l'école.
30:19 Alors ça, c'était très sympa, ça.
30:21 J'en arrivais à jouer à plusieurs comme ça, tu vois.
30:23 - Ah ouais ? - Oui.
30:24 - C'était bien. - Avec ma sœur, ma cousine.
30:26 Oui, ça, je m'en souviens bien.
30:28 Ça, on le coloriait.
30:29 Alors je faisais beaucoup des découpages aussi, ça.
30:31 J'aimais beaucoup ça.
30:32 Découpage, coloriage.
30:34 T'as quand même eu de la joie quand t'avais pas trop de jouets.
30:37 T'as quand même trouvé de la joie quand même.
30:39 Oui, bien sûr, bien sûr.
30:40 Mais oui, on jouait avec pas grand-chose.
30:42 On s'amusait très bien quand même, bien sûr.
30:44 Est-ce que vous jouez aux jeux vidéo ?
30:48 Alors là, vraiment non.
30:50 Il y avait presque personne qui avait le téléphone, pour te donner une idée.
30:54 On avait la radio, mais il y avait pas la télévision.
30:59 On allait très, très peu au cinéma.
31:01 Est-ce qu'il y avait des cartes Pokémon avant ?
31:09 Eh non plus.
31:10 Non, non, ça, ça n'existait pas.
31:12 Pourtant, là, ça fait longtemps que ça existe.
31:14 Et tu joues, toi, tu aimes ça ?
31:16 Ben, j'en ai plein.
31:17 T'en as plein ?
31:18 Oh là là, très bien.
31:20 Eh ben voilà, moi, j'ai pas connu.
31:22 Et c'était quoi, votre travail ?
31:25 Alors, j'ai fait plusieurs choses.
31:27 Ce que j'ai été le plus longtemps, c'est magistrat, c'est-à-dire juge.
31:34 Au tribunal de Chambéry et puis au tribunal de Grenoble.
31:38 Et j'ai trouvé ça très intéressant.
31:41 Beaucoup de responsabilité.
31:45 Mais très intéressant de décider comme ça,
31:52 dans les difficultés que peuvent rencontrer les gens,
31:57 comment aussi les aider.
31:59 Parce que j'ai été longtemps juge des tutelles.
32:01 C'est une fonction que j'ai bien aimée.
32:04 C'est les personnes qui sont adultes et qui ont des difficultés,
32:10 soit des personnes très âgées,
32:12 soit des personnes qui sont malades mentales ou handicapées.
32:15 Et il faut quelqu'un pour les aider.
32:17 Voilà, donc le juge s'occupe de ça.
32:20 Alors, comment tu as...
32:22 Ça t'a intéressé, le film et tout ça ?
32:25 Ouais, parce que moi, je voudrais être célèbre dans le monde.
32:28 Ah, tu veux être célèbre ?
32:30 Ah, d'accord.
32:31 Et alors, comment tu le feras pour être célèbre ?
32:33 Je sais pas, je serai joueur de foot.
32:35 Ah oui, ben c'est bien.
32:37 Merci.
32:38 Très bien.
32:39 [Musique]
32:47 Merci beaucoup pour cette journée.
32:50 Merci Loïc.
32:51 Merci, c'est gentil.
32:52 Merci beaucoup Brigitte.
32:54 Merci.
32:55 Merci Loïc.
32:57 Merci à toute l'équipe.
33:00 [Applaudissements]
33:04 [Musique]
33:10 [Musique]
33:39 [Musique]
34:08 [Musique]
34:28 [Musique]