"Israël a envie de réagir": l'interview intégrale de David Petraeus, l'ancien directeur de la CIA

  • il y a 6 mois
le Général David Petraeus, ancien directeur de la CIA, était l'invité de BFMTV ce mardi soir.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Bonjour Général David Petraeus, merci infiniment d'avoir accepté notre invitation.
00:06 Votre parole est rare sur un média français et votre regard, votre expérience sont précieuses pour comprendre les enjeux du moment.
00:14 Ma première question, est-ce que vous êtes convaincu qu'Israël va riposter avec certitude et si oui, quand ?
00:26 Je suis plutôt sûr qu'ils ont cette envie de réagir, je l'ai entendu de la part de différentes personnes en Israël et dans le cabinet de guerre depuis deux jours.
00:36 C'est un sujet où, lorsqu'on est à Washington, lorsqu'on est à Paris, évidemment on préférerait voir qu'Israël ne poursuive pas et ne lance pas une riposte ou de représailles.
00:54 Étant donné les préoccupations quant à l'économie mondiale, une augmentation du prix du brut, etc.
01:00 Mais si vous êtes à Tel Aviv ou à Jérusalem, à ce moment-là vous venez de vivre quelque chose de totalement inédit, la toute première attaque venant directement de l'Iran.
01:14 Plus de 300 drones, des missiles surface-surface et des missiles de croisière qui ont été envoyés.
01:20 Évidemment la défense a été spectaculaire, l'association de systèmes de défense israéliens et des États-Unis a été formidable.
01:30 Un tiers des missiles et des drones ont été abattus par les États-Unis et le résultat a été une réelle victoire.
01:36 Quoi qu'il en soit, l'ampleur de cette attaque est telle que les habitants de Jérusalem et de Tel Aviv se sentent obligés de réagir.
01:48 Est-ce que vous avez une idée de quand pourrait avoir lieu cette riposte ?
01:54 Pas du tout, aucune idée. Ils ont dit qu'ils le feraient à un moment de leur choix, mais il faut garder en tête qu'ils vont vraiment devoir agir avec beaucoup de précision.
02:08 Ils veulent une attaque précise, mais ils ne veulent pas d'escalade non plus.
02:12 Ce n'est pas facile, ça va être un numéro 2, soudain en bulle, et les décisions se prennent dans le cabinet de guerre à huis clos.
02:22 Évidemment, ça n'a pas forcément besoin d'être une action kinétique, vous pouvez avoir différentes attaques, il peut y avoir des attaques cachées.
02:32 Vous avez l'air de dire que la riposte israélienne est quasiment attendue. Quel type de riposte ?
02:43 Est-ce que par exemple, Israël pourrait aller jusqu'à bombarder les sites nucléaires iraniens ou des bases des gardiens de la révolution,
02:51 ou bien plutôt à l'extérieur du territoire iranien, par exemple au Liban, le Hezbollah ou bien au Yémen ?
02:59 Quelle est à votre avis la précision de cette cible dont vous parlez ? Est-ce que c'est plutôt sur le territoire iranien ou à côté ?
03:07 Ce sont les discussions qui se tiennent à huis clos. Je ne pense pas qu'ils vont s'attaquer au programme nucléaire iranien ou s'attaquer à des bases directes,
03:19 mais il pourrait y avoir des attaques qui ciblent les bases de lancement, ce qui permet d'envoyer des drones et des missiles.
03:31 Mais cela pourrait inclure des attaques dans le cyberspace. Vous savez qu'il y a eu des actions importantes dans ce domaine ces dernières années également.
03:42 Joe Biden a clairement dit à Benyamin Netanyahou qu'il ne voulait pas d'escalade. Quel type de réponse serait acceptable pour les États-Unis ?
03:52 Je ne peux pas parler au nom du gouvernement américain. Je sais que votre président et le Premier ministre britanniques ont repris à leur compte la demande des États-Unis.
04:05 Prenez cette victoire pour ce qu'elle est. C'est une victoire d'Israël. Évitons l'escalade. Évitons que les combats s'intensifient.
04:16 Voilà de quoi est en train de discuter Israël. Ils sont en train d'essayer de définir une réaction qui serait suffisante pour réaffirmer la dissuasion
04:27 sans donner la possibilité à l'Iran de réagir à nouveau. Ce n'est pas simple.
04:33 Est-ce que si la riposte israélienne passait par les relais et qu'effectivement Israël décidait de frapper le Hezbollah, est-ce que c'est une riposte qui serait acceptable pour les États-Unis ?
04:47 Une fois de plus, je ne peux pas parler au nom du gouvernement américain. Israël a ciblé le Hezbollah et le cible au quotidien.
04:59 Il y a eu plusieurs attaques du Hezbollah dans le nord d'Israël qui sont perpétrées chaque jour.
05:05 Israël a également ciblé des membres de la Révolution à Damas en Syrie, là où ses bases iraniennes sont établies.
05:18 Donc c'est déjà quelque chose qui se produit aujourd'hui et je ne pense pas que ce serait extraordinaire de le refaire.
05:24 Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que cela satisferait le désir d'Israël d'agir de manière suffisante pour restaurer la dissuasion comme il souhaite le faire.
05:35 Il y a différentes évaluations en fonction d'où vous vous trouvez, à Washington, Paris ou Londres.
05:40 Si il frappe sur le territoire iranien, vous avez cité par exemple les engins de lancement des missiles et des drones qui ont atteint Israël,
05:53 ou en tout cas qui ont survolé la Jordanie, l'Irak et qui sont arrivés au-dessus du ciel israélien, quelle sera la réaction de l'Iran ?
06:00 Et est-ce que là, on ne risque pas une escalade ? Est-ce qu'à votre avis, s'il y a riposte israélienne, il y aura une réponse iranienne ?
06:08 Eh bien, cela dépend. Cela dépend de quel type d'action sera lancée par Israël.
06:20 Évidemment, il y a différentes opportunités sur la table. Je ne sais pas exactement ce qui est dans la tête des dirigeants de l'Iran non plus.
06:29 Cette attaque iranienne générale a été largement déjouée grâce aux renseignements américains qui avaient vu venir cette opération,
06:37 qui avaient anticipé ces tirs massifs de drones et de missiles. Comment ont-ils été aussi bien informés ?
06:43 Eh bien, vous savez, il y a différents pays, mais en particulier le commandement central des États-Unis.
06:54 J'y ai travaillé, notamment pendant la guerre en Afghanistan. Il y a différents services de renseignement,
07:05 différents actifs de renseignement qui donnent des informations aux agences de renseignement des États-Unis.
07:10 Donc, ces forces sont mobilisées. Et bien évidemment, tout cela est lié au système des pays dans la région.
07:23 Ils coopèrent, il y a une coordination et bien évidemment, tout cela est lié à Israël également.
07:30 Par ailleurs, Israël ne faisait pas partie du commandement central américain par le passé.
07:38 Cela n'a été ajouté que très récemment et cela valide cette décision, car vous voyez un niveau de coordination et d'opération
07:46 et de partage d'informations entre les différentes sources de renseignement qui permettent d'avoir ces résultats.
07:53 La clé est de savoir quel système d'armement pourra arrêter les drones et les missiles qui sont envoyés.
08:02 C'est l'art et la science qui a été maîtrisé par Israël lors de cet événement.
08:12 Mais Général, est-ce que l'Iran avait prévenu les États-Unis ?
08:19 On dit qu'il y a eu des contacts notamment entre le ministre des Affaires étrangères iranien, Hauman, avec des émissaires américains.
08:25 Est-ce que selon vos informations, Téhéran a prévenu d'une manière ou d'une autre les États-Unis que l'Iran allait attaquer Israël ?
08:33 Il y a eu une déclaration publique de la part de l'Iran. Ils ont dit publiquement qu'ils allaient attaquer Israël.
08:40 C'était très clair. Et je pense qu'il est possible qu'une des raisons pour cette déclaration était de s'assurer qu'ils n'allaient pas faire trop de dégâts.
08:48 Mais je ne sais pas s'ils avaient pu anticiper que 99% de tout ce qu'ils avaient lancé allait être intercepté,
08:55 et que le Hezbollah et les Houthis allaient également lancer une attaque contre Israël et que cette attaque allait être contrée.
09:05 Si les systèmes n'avaient pas fonctionné aussi bien qu'ils ont fonctionné, il y aurait eu beaucoup plus de dégâts et de victimes que ce qui s'est passé.
09:16 Il n'y a eu qu'une jeune fille qui a été blessée.
09:18 Le renseignement américain a averti les Russes de l'attentat contre la salle de concert, a averti Israël de l'attaque de l'Iran.
09:30 Il y a une règle dans la législation américaine qui est le "duty to warm", c'est-à-dire le devoir d'informer une partie prenante d'un risque, d'un projet d'attentat.
09:43 Est-ce que vous pensez que dans l'état actuel de sécurité internationale, cette règle ne risque pas de se retourner contre les démocraties ?
09:51 Ne faut-il pas envisager de la supprimer ou du moins de la revisiter ?
09:59 Je pense que cette politique est solide et on l'a vu validée dans la situation avec la Russie.
10:08 Si nous avons connaissance d'un plan, d'une attaque par une organisation terroriste, une attaque contre un autre pays, que ce soit un allié ou un ennemi,
10:18 nous avons la responsabilité d'avertir ce pays. C'est exactement ce que nous avons fait dans le cas de l'attentat à Moscou.
10:25 Et malheureusement, les services de renseignement russes n'ont pas été en mesure de détecter cette menace ou de l'éviter.
10:35 Général, est-ce que Israël peut répliquer à l'attaque de l'Iran sans l'accord des États-Unis et surtout sans la protection des États-Unis en cas de réplique nouvelle de l'Iran ?
10:46 Est-ce que Israël a cette marge de manœuvre sans que Washington donne sa bénédiction ?
10:51 Oui, absolument. Washington, Londres et Paris en ont bien conscience en définitive. C'est une décision qui n'appartient à Israël.
11:04 Il est question de la sécurité d'Israël et les porte-parole des États-Unis de la Maison-Blanche ont été très clairs.
11:10 C'est à Israël de prendre cette décision. Ils ont été très clairs sur le fait qu'il fallait éviter l'escalade.
11:20 Et une fois de plus, c'est une des sources de débat au sein du cabinet de guerre. Ils sont en train de préparer leur réaction, leur réponse.
11:30 Est-ce que les États-Unis ont encore un poids à l'égard d'Israël ? Est-ce que quand Biden dit « nous ne voulons pas une escalade »,
11:36 est-ce que Benjamin Netanyahou écoute le président Biden ou pas ?
11:41 Oh, il l'écoute absolument. Mais cela ne signifie pas qu'il va forcément faire ce que demande le président Biden.
11:49 Et nous le comprenons. Comme je l'ai dit précédemment, votre position dépend d'où vous vous trouvez dans le monde.
11:57 C'est très différent d'être à Tel Aviv ou à Jérusalem et être à Washington, Londres ou Paris.
12:04 Une dernière question générale. On évoquait il y a un instant l'efficacité des services de renseignement américains
12:10 qui avaient vu venir l'attaque iranienne, qui ont vu venir la guerre en Ukraine.
12:14 Néanmoins, la CIA n'a pas vu venir l'attaque du Hamas du 7 octobre. Selon le New York Times, les renseignements avaient eu des signaux.
12:21 Mais rien qui ne laissait présager la gravité des événements qui allaient survenir. Comment vous l'expliquez ?
12:31 Mon explication est la suivante. C'était le plus grand échec de préparation dans le renseignement et les affaires militaires de l'histoire,
12:41 pour Israël notamment. Il faut savoir que les services qui se chargent de cela, Andrés, Shinde, les services internes,
12:52 ce n'est pas le Mossad qui s'occupe du renseignement extérieur. Le Hamas, Gaza, la CIS Georgie-Annie sont des affaires internes.
12:59 Et donc s'ils n'identifient pas les informations, les renseignements, ils ne les partagent pas avec les États-Unis,
13:04 il est très peu probable que les États-Unis identifient les signaux d'autre façon, bien que lorsqu'on fait une étude "post-mortem",
13:13 il y a différents signaux qui auraient dû être identifiés. Mais nous l'avons déjà dit très clairement et publiquement,
13:19 les analystes dans le sud d'Israël avaient les informations à l'avance, ils avaient connaissance de ce plan,
13:28 mais ça avait l'air tellement sophistiqué que cela a été mis de côté ou cela a été envoyé à un autre niveau dans la chaîne de commandement en Israël.
13:37 Il y a eu un autre échec, nous n'avons pas réussi à imaginer ce qui pouvait se passer, comme on l'a pensé pendant les attaques du 11 septembre.
13:46 On ne pensait pas qu'Al-Qaïda pouvait faire ce genre d'attaque et on ne pensait pas que le Hamas serait en mesure de mener une attaque aussi sophistiquée,
13:53 aussi coordonnée et aussi barbare. Nous ne pensions pas que le Hamas allait devenir un voisin responsable.
14:04 Merci infiniment Général d'avoir réagi ce soir sur l'antenne de BFM TV et de nous avoir fait part de votre expertise.

Recommandations