Jeudi 4 avril 2024, un projet de loi inédit a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Il vise à interdire sur le territoire français la fabrication et la vente de PFAS, ces substances chimiques communément appelées « polluants éternels », utilisées par tout un tas d’industries pour leurs propriétés remarquables et inégalées.
L’acronyme PFAS regroupe plusieurs milliers de molécules dites « per et polyfluoroalkylées ». Il s’agit de composés de synthèse fabriqués par l'homme, dans lesquels des atomes de carbone sont généralement liés à du fluor. Et c’est notamment cette liaison, la plus stable de toute la chimie organique, qui confère à ces substances leur exceptionnelle résistance.
Ce qui est plus embêtant, et qui ne manque d'ailleurs pas d’inquiéter une bonne partie du monde scientifique, c’est que la toxicité de certaines de ces substances est établie de façon robuste depuis plusieurs décennies. Et comme les PFAS regroupent des molécules solides, liquides et gazeuses, elles se répandent facilement dans tous les compartiments de l’environnement, provoquant une pollution diffuse à l’égard de laquelle les pouvoirs publics deviennent pressés d'agir.
Pour prendre toute la mesure de la menace sanitaire que laissent planer ces composés chimiques éternels et des efforts, scientifiques comme législatifs, actuellement menés pour nous en protéger, nous avons interrogé Dr Marie-Pierre Krafft, directrice de recherche au CNRS et Stéphane Vuilleumier, professeur de microbiologie à l’Université de Strasbourg.
L’acronyme PFAS regroupe plusieurs milliers de molécules dites « per et polyfluoroalkylées ». Il s’agit de composés de synthèse fabriqués par l'homme, dans lesquels des atomes de carbone sont généralement liés à du fluor. Et c’est notamment cette liaison, la plus stable de toute la chimie organique, qui confère à ces substances leur exceptionnelle résistance.
Ce qui est plus embêtant, et qui ne manque d'ailleurs pas d’inquiéter une bonne partie du monde scientifique, c’est que la toxicité de certaines de ces substances est établie de façon robuste depuis plusieurs décennies. Et comme les PFAS regroupent des molécules solides, liquides et gazeuses, elles se répandent facilement dans tous les compartiments de l’environnement, provoquant une pollution diffuse à l’égard de laquelle les pouvoirs publics deviennent pressés d'agir.
Pour prendre toute la mesure de la menace sanitaire que laissent planer ces composés chimiques éternels et des efforts, scientifiques comme législatifs, actuellement menés pour nous en protéger, nous avons interrogé Dr Marie-Pierre Krafft, directrice de recherche au CNRS et Stéphane Vuilleumier, professeur de microbiologie à l’Université de Strasbourg.
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00:00 C'est un sujet important qui est pris très au sérieux par mon gouvernement.
00:05 On a quand même 25 ans de retard
00:08 sur un des scandales sanitaires les plus graves peut-être qu'on ait à affronter.
00:15 PFAS, ça signifie Substance Pair et Poli Fluoroalkylée.
00:27 C'est une molécule qui est en train de se décomposer.
00:29 Ce sont des composés de synthèse fabriqués de la main de l'homme.
00:35 C'est plusieurs milliers de molécules.
00:37 Généralement, ce sont des molécules où les carbones sont essentiellement liés à du fluor.
00:55 C'est une découverte comme souvent un petit peu par hasard dans les années 30.
00:59 Et ensuite, ça a été développé pendant la Deuxième Guerre mondiale
01:03 pour des applications en militaire, pour la bombe atomique aussi.
01:06 Par exemple, un des PFAS qui a été le plus utilisé, qu'on appelle le PFOA,
01:11 a été produit pour étanchifier les chars d'assaut de l'armée américaine.
01:16 D'autres PFAS ont eux été développés pour manipuler l'exafluorure d'uranium.
01:21 On est tombé sur des molécules imperméabilisantes, hydrophobes, dipophobes.
01:34 De ce fait, ils ont été utilisés pour des centaines d'usages.
01:37 On a commencé par la fameuse poêle en téflon,
01:40 mais il y a des applications dans tous les domaines du quotidien et tous les domaines industriels.
01:45 Par exemple l'électronique, les batteries, la biotechnologie, la construction,
01:49 l'industrie chimique, l'énergie, l'industrie pharmaceutique aussi.
01:53 La liaison carbone-fluor, c'est la liaison simple qui est la plus stable de toute la chimie organique.
02:00 Par exemple, les polymères fluorés résistent à des températures extrêmes.
02:04 C'est pour ça qu'ils sont utilisés dans l'aérospatial, dans l'aéronautique.
02:07 Il y a des molécules solides, il y a des molécules liquides, il y a des molécules gazeuses.
02:16 Donc le transfert se fait un petit peu par tous les compartiments
02:20 et se passe également par les airs via absorption sur des particules essentiellement.
02:24 Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui on va trouver des PFAS dans l'Antarctique, dans l'Arctique, au Tibet,
02:29 sachant que dans ces endroits-là, il n'y a jamais eu de production industrielle de ces molécules.
02:34 Les premières études ont été publiées fin des années 80.
02:46 C'est-à-dire globalement le PFOS et le PFOA.
02:48 C'est une toxicité hépatique, c'est vraiment pas bon pour le foie.
02:57 Une toxicité rénale avec un risque accru de cancer du rein.
03:00 Des problèmes immunologiques.
03:02 Et l'exemple le plus emblématique, c'est la diminution de la réponse au vaccin chez les enfants.
03:08 C'est quand même un problème très important.
03:10 Et enfin, le quatrième point, c'est des troubles de la fertilité et de la reproduction
03:15 avec, de façon sûre, un poids moyen des nouveaux-nés insuffisant à la naissance
03:20 chez les nouveaux-nés qui ont été exposés à ces PFAS.
03:23 Les PFAS entraîneraient des troubles du fonctionnement de la thyroïde,
03:31 des taux élevés de cholestérol et également des risques accrus des maladies cardiovasculaires.
03:44 Pour remplacer ces composés, d'autres tensus actifs fluorés ont été développés
03:49 qui ont, en fin de compte, été découverts tout aussi toxiques,
03:52 voire plus que le PFOA et le PFOS.
03:55 Entre 2006 et 2021, on a progressivement restreint l'utilisation de certains PFAS,
04:06 à commencer par les PFAS qui avaient les chaînes les plus longues.
04:09 Et puis progressivement, Rich s'intéresse aussi aux composés qui sont plus courts.
04:14 Les PFAS sont des composés qui migrent jusqu'à des régions
04:22 qui normalement ne devraient pas être contaminées par de la pollution industrielle.
04:25 Il y a la pollution à la source, là où les produits sont fabriqués,
04:40 où ils sont utilisés industriellement, là où on a des risques de concentration les plus importants.
04:45 Et puis il y a la pollution diffuse dans l'environnement, dans les eaux, dans les sols, dans l'air également.
04:50 Ça peut être de la sorption, c'est-à-dire qu'on va essayer d'attacher ces molécules à d'autres molécules.
05:00 Il y a aussi des méthodes qui utiliseront beaucoup d'énergie.
05:04 On a dit que la liaison carbone-fluor était très stable,
05:07 donc pour la casser, il faut énormément d'énergie, donc ça peut être de la chaleur, ça peut être de la radiation.
05:12 La technologie qu'on propose, c'est de regarder bien une bactérie après l'autre.
05:23 Dans un gramme de sol, vous pouvez avoir 10 milliards de bactéries différentes.
05:26 Donc l'idée, c'est de pouvoir regarder un maximum de ces bactéries différentes
05:31 et leur demander, une à une, est-ce que toi, tu es capable de casser cette liaison carbone-fluor ?
05:36 Si on met une bactérie capable de défluorer, et 100 ou 1 000 ou 10 000 qui ne le sont pas,
05:42 on est capable de la sortir.
05:43 Si on a fait cette preuve de concept, on montre au moins qu'il y a un espoir
05:51 de casser cette liaison carbone-fluor en utilisant des méthodes biologiques.
05:55 Et l'avantage, on n'a pas forcément besoin de très hautes températures, etc.
06:00 Au niveau de l'eau du robinet ou de l'eau des rivières, ça devient tout de suite assez dantesque
06:05 parce qu'on est à des niveaux qui sont toxiques, mais extrêmement faibles.
06:08 Ça signifie traiter énormément d'eau.
06:11 Ça devient très vite, économiquement, assez difficilement envisageable.
06:15 Il n'y a pas eu, jusqu'à l'année passée, des événements de la nature
06:22 qui ont fait que la nature a été enlevée.
06:24 Il n'y a pas eu, jusqu'à l'année passée, d'obligation de faire un inventaire
06:31 des substances qui sont utilisées.
06:32 Maintenant, il va y avoir une obligation d'en analyser un certain nombre,
06:36 mais on est loin d'avoir une vue d'ensemble complète là-dessus.
06:40 Actuellement, on ne décontamine pas les zones polluées, en tout cas en France.
06:49 Il y a beaucoup d'endroits en France où les seuils sont dépassés.
06:53 On peut dépolluer ou nettoyer une eau à un certain niveau,
07:03 mais après, si elle passe dans trop de tuyaux par derrière,
07:05 elle va de nouveau être contaminée par l'eau ambiante ou par le matériel des tuyaux
07:10 et on se retrouve avec une eau qui dépasse les seuils.
07:13 Ce n'est pas parce qu'on arrive à trouver des méthodes de dépollution,
07:21 vu les énormes enjeux, qu'il ne faut pas essayer d'arrêter d'utiliser ces polluants
07:26 et de trouver des alternatives.
07:28 Ça risque d'être essentiellement dans le domaine médical.
07:36 Il faut savoir que de nos jours, il y a plus de 25% de ces molécules
07:40 qui sont développées par les grands groupes pharmaceutiques,
07:42 qui sont parmi les plus actifs contre les cancers
07:45 et également les maladies neurodégénératives, qui sont d'épais face.
07:49 Et il se trouve que ces atomes de fluor sont indispensables aux propriétés pharmacologiques.
07:54 Eux ne seront pas restreints.
08:00 Donc il faut toujours insister sur le fait qu'il faut absolument qu'il y ait des niches
08:10 et que pour la médecine, comme c'est le cas pour le développement des batteries
08:14 et pour le véhicule du futur, on ne pourra pas se passer de certains composés fluorides.
08:18 [Musique]