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La philosophe, historienne et essayiste Elisabeth Badinter est l'invitée du Grand Entretien de France Inter pour son nouveau livre "Messieurs, encore un effort" aux éditions Flammarion-Plon.

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin une historienne et philosophe pour la publication
00:06de son nouveau livre intitulé « Messieurs, encore un effort » publié aux éditions
00:13Flammarion Plon.
00:14Elisabeth Badinter, bonjour ! Et merci d'être avec nous ce matin pour parler de ce nouvel
00:22essai « Contribution à la réflexion intellectuelle sur la place des femmes et des mères dans
00:27la société contemporaine ».
00:29Nous allons en parler longuement, mais avec Léa, nous tenions d'abord à vous dire
00:35combien nous sommes touchés de vous recevoir ce matin.
00:38C'est votre première intervention dans un média depuis la disparition de votre mari
00:43Robert Badinter, une disparition qui nous laisse, nous, et qui laisse sans aucun doute
00:52des millions de Français orphelins.
00:54Ça, nous voulions vous le dire et vous demander comment vous avez reçu la ferveur mais aussi
01:01l'attachement du pays à Robert Badinter lors de l'hommage national qui lui a été
01:07rendu.
01:08Je l'ai reçu avec une certaine forme d'étonnement et surtout, le mot qui me vient d'abord,
01:18c'est avec reconnaissance.
01:21Pourquoi reconnaissance et pourquoi étonnement ?
01:25Étonnement parce que Robert était assez discret, que c'était un très vieux monsieur,
01:36qu'on ne sortait pas du tout de chez nous.
01:43C'était un peu étonnant après des années souvent difficiles pour lui.
01:51L'étonnement, c'était qu'au fond, tant de gens se souviennent de ce qu'il avait fait.
02:00On oublie vite aujourd'hui, vous savez.
02:03C'est la raison de l'étonnement.
02:07Mais la reconnaissance est immense.
02:10Je ne peux pas vous dire à quel point le fait de recevoir des messages, des longs messages,
02:18souvent très émouvants, c'est absolument bouleversant.
02:23Et j'ai envie de dire merci, merci, merci.
02:26Et vous avez tout un tas de maires qui veulent faire des rues, des avenues Robert Badinter
02:30partout.
02:31On vous demande des hommages partout, tout le temps.
02:32Oui.
02:33Parce qu'il était l'une des dernières consciences.
02:38C'est vous qui jugez.
02:39Il était la République, il l'a dit Emmanuel Macron.
02:44Je n'ai pas, moi, de commentaire à faire là-dessus.
02:48Juste encore un mot avant d'arriver à votre livre important.
02:52Vous vous êtes mariée quand vous aviez 22 ans.
02:54Oui.
02:55Elisabeth Badinter.
02:56Vous avez eu 57 ans de mariage avec lui, ce qui est colossal.
02:58Comment vous allez aujourd'hui qu'il n'est plus là ?
03:02Le moins mal possible, mais je ne vous en dirai pas plus.
03:07On va passer au livre.
03:08Voilà, on vient, je reprends.
03:11« Venons-en donc à ce livre, Messieurs, encore un effort ». Il résonne, ce livre,
03:17comme une injonction faite aux hommes, on va en parler.
03:20Son sujet, vous vous attaquez à la baisse structurelle du taux de natalité en France
03:27et en Europe qui ne cesse de s'accentuer ces dernières années.
03:30La France n'y échappe plus depuis le Covid, alors que pendant longtemps, il y avait en
03:34la matière une véritable exception française.
03:38Dites-nous pour commencer ce qui vous a poussé à écrire, à travailler sur cet implacable
03:45constat de la dénatalité qui touche tous les pays en Occident.
03:51Ce qui m'a poussée, si vous voulez, à écrire quelque chose très vite, c'était
03:59l'année dernière.
04:00C'est que j'ai ressenti un vrai danger pour les libertés des femmes, pour la maîtrise
04:08de leur corps.
04:09Parce qu'en fin de compte, en dernière ressource, c'est quand même elles qui décident.
04:13Par conséquent, si la natalité continue à baisser au rythme, nous l'avons vu entre
04:222010 et aujourd'hui, je pense qu'on finira, ou on finirait plutôt, j'espère, par interroger
04:32les femmes et faire des pressions sur elles.
04:34C'était la première réaction.
04:36Et puis, en même temps, deuxième réaction, j'ai été aussi intéressée par le conflit
04:45possible entre deux légitimités.
04:48Première légitimité, à mes yeux, c'est de protéger à tout prix les libertés de
04:54la femme, respecter absolument ses désirs concernant la natalité ou pas, et en même
05:05temps reconnaître les devoirs d'un État pour maintenir quand même une certaine forme
05:12de croissance, pour pouvoir payer les retraites.
05:17Et d'une certaine façon, si ça continuait, je n'en sais rien, mais il y a aussi une
05:26question de survie de l'État et de mode de vie.
05:30Donc, il y avait les devoirs de l'État et en même temps les droits des femmes et que
05:37j'ai imaginé que peut-être ces deux légitimités pourraient rentrer en conflit.
05:43Ce livre résonne en tout cas comme un prolongement de votre essai qui fut un choc, un événement
05:46en 1980, « L'amour en plus, une histoire de l'amour maternel », un livre qui a contribué
05:51par le biais de l'analyse historique à démonter les clichés qui entouraient l'amour
05:55maternel, l'instinct maternel, bref, à séparer, comme vous le dites, dans le livre
05:59d'aujourd'hui, 45 ans plus tard, la femme de la mère.
06:03Mais aujourd'hui, vous faites ce constat, les femmes sont parvenues à se libérer en
06:07ces dernières années, la révolution féministe a été là, il y a eu MeToo, mais les mères
06:12restent très contraintes.
06:14Vous pointez ce paradoxe, la libération de la femme ne libère pas la mère au XXIe siècle.
06:20Expliquez-nous pourquoi ?
06:21Pour plusieurs raisons, mais notamment parce que la révolution féministe qui naît en
06:301970, dans les années 70-2000, est très active, il y a Simone de Beauvoir, il y a
06:36des féministes, le MLF, etc., et qui incline les jeunes femmes à être indépendantes
06:47professionnellement, d'être libres de leurs choix, etc.
06:52Le fait est que ça a très bien marché pendant une trentaine d'années, et puis, c'est-à-dire
07:01professionnellement, ça a avancé de façon significative l'égalité entre hommes et
07:07femmes, même si les salaires ne sont pas toujours du côté de l'égalité, mais quand
07:13même il y a eu des progrès inouïs.
07:15Et puis, un frein est apparu, où on en a pris conscience, je dirais, au début des
07:22années 2000, tout d'un coup, les signaux d'égalité sont devenus de plus en plus
07:29lents à évoluer, et la raison en est finalement qu'il reste une inégalité entre hommes
07:38et femmes que nous n'avons pas surmontée, et cette inégalité est difficile à combattre
07:43parce qu'elle concerne l'intimité du couple, l'intimité de les familles, et c'est le
07:48fait que si les femmes sont capables, et elles le montrent tous les jours, d'être aussi
07:54efficaces et aussi bonnes professionnellement, à l'intérieur de la famille, au sein de
08:00la famille, il reste une inégalité sur laquelle on a beaucoup de mal à agir.
08:05Je ne peux pas imaginer un instant qu'on fasse des lois punissantes de je ne sais pas
08:10quoi.
08:11Parce qu'on ne fait pas le ménage, l'homme ne fait pas le ménage, ou ne met pas la mèche
08:15de laver.
08:16Les hommes, exactement, ne partagent pas le monde privé intime de la famille, de la maison,
08:23à l'égal de ce qu'on peut espérer professionnellement.
08:26Voilà, vous le dites Elisabeth Badinter, les inégalités salariales persistent, les
08:32tâches ménagères et parentales sont encore mal réparties, la charge mentale, concept
08:39que vous reprenez, reste du côté des femmes.
08:42Donc le féminisme s'est démocratisé, comme le disait Léa, il y a eu Me Too, mais quand
08:49on regarde les chiffres, les faits, le réel, l'égalité, et dans les discours, mais pas
08:54dans la vie réelle.
08:55Me Too, ça concerne principalement, je dirais, le respect des femmes, sexuellement, et ça
09:04touche particulièrement les violences sexuelles.
09:08C'est une part de l'inégalité des sexes, mais dans le quotidien de tout le monde, c'est
09:16ce qu'on vit au jour le jour.
09:18Or, si on y réfléchit deux secondes, pour les femmes, la vie quotidienne, quand elles
09:25sont à plein temps, et c'est de plus en plus le cas, quand elles sont à plein temps
09:31et qu'elles vivent avec leurs compagnons, c'est le moment où on est au plus proche
09:38de l'égalité.
09:39Chacun partage à peu près les charges du quotidien, de la maison, du ménage, etc.
09:46Et en général, ce sont les classes moyennes qui sont en tête de ça.
09:52Quand l'enfant paraît, tout change.
09:58Tout change pour les femmes, parce qu'elles continuent à assumer la plus grosse charge,
10:06la plus grosse responsabilité, la plus grosse culpabilité, parce qu'elles sont en ce
10:12moment particulièrement, et c'est ce qui me frappe beaucoup, l'objet de deux obligations,
10:20si j'ose dire.
10:21La première, c'est qu'on nous a inventé une nouvelle éducation, qui vient des psychologues.
10:30L'éducation positive.
10:31Oui, bienveillante.
10:32Bienveillante.
10:33Bienveillante.
10:34Dont vous parlez dans ce livre, et d'ailleurs, vous prenez clairement dans ce livre partie
10:37pour la pédopsychiatre qu'on a beaucoup entendu sur France Inter cet été.
10:41Caroline.
10:42Caroline Goldman.
10:43Exactement.
10:44Parce que si on y réfléchit deux minutes, le problème est le suivant.
10:49Dès lors que vous pouvez ne pas avoir d'enfant, avec la contraception et la possibilité
10:58de l'avortement, ça veut dire que vous choisissez d'être mère, de mettre un enfant
11:04au monde, et donc vous êtes mentalement dans l'idée que vous lui devez tout, on n'est
11:13pas obligé.
11:14Et donc quand on choisit d'avoir un enfant, il naît comme ça, peu à peu, l'idée
11:21qu'il faut être la mère parfaite.
11:22On lui doit tout.
11:24C'est ça qui bloque aussi, parce que vous essayez de trouver les causes de cette baisse
11:28de la natalité.
11:29On rappelle quand même que ça ne cesse de baisser, notamment en France, il n'y a plus
11:31d'exceptions françaises, avec les derniers chiffres qui sont paris par l'INSEE cette
11:35année, où c'est vraiment le plus bas jamais atteint, une baisse entre 2022 et 2023 de
11:397% des naissances en France.
11:42Donc vous essayez de comprendre les causes.
11:44Il y a d'autres causes que vous mentionnez dans ce livre-là, vous signalez plusieurs
11:47phénomènes qui bloquent cette envie de maternité chez les femmes, où de plus en plus, et notamment
11:51aux Etats-Unis, on se vante d'être « child free », comme on dit, vous citez l'expression
11:55« je ne veux pas d'enfant, je n'en veux pas ». Alors il y a la médicalisation de
11:59la grossesse, on doit désormais renoncer à tout, alcool, cigarettes, comme elles sont
12:03loin, écrivez-vous, les années 70, où l'on pouvait vivre sa grossesse avec insouciance.
12:08Et puis il y a une autre pression nouvelle.
12:10C'est le moment où je dis, l'embryon devient le patron.
12:14L'embryon devient le patron, donc maintenant on n'a plus le droit à rien pendant les
12:179 mois.
12:18Il y a des médecins qui vont nous écouter, qui ne vont pas être d'accord avec ce qu'on
12:21dit.
12:22Mais ce n'est pas grave.
12:23En tout cas, c'est vous qui le dites.
12:24Et puis il y a une autre pression nouvelle, très juste et très intéressante sur les
12:29femmes, c'est l'allaitement.
12:30Maintenant, c'est vrai que c'est devenu quasiment une obligation et qu'on vous regarde
12:36de manière très suspecte quand vous osez ne pas allaiter votre enfant parce que vous
12:41seriez une mauvaise mère.
12:43Et ça aussi, ça bloque ?
12:44Alors ça bloque, ça bloque moins les Françaises que les autres, comme vous avez pu le voir.
12:48Mais c'est vrai que les femmes se sont senties obligées d'allaiter, d'ailleurs au moment
12:55où vous allez accoucher, les infirmières passent et vous dites naturellement Madame,
12:59vous allez allaiter.
13:00Il faut dire non, ce n'est pas si facile.
13:02Et donc, pour être la bonne mère, puisqu'on vient de choisir, allons bon, mais seulement
13:07les Françaises, et c'est pour ça qu'elles me sont très sympathiques, les Françaises
13:12contrairement au reste des Européennes, allaitent moins longtemps que toutes les
13:18autres.
13:19Au bout de deux mois, ça y est, la majorité reprend le biberon et ne s'occupe plus de
13:25la pression qui pèse sur elles.
13:26Et ça, c'est typique français.
13:29Les femmes françaises bénéficient par rapport aux autres femmes de nombreuses autres démocraties
13:36d'un passé où, justement, on faisait le distinguo entre les intérêts de la femme
13:43et les intérêts de l'enfant, de la mère.
13:47Et donc, on s'est conduit très très mal à l'égard des enfants au XVIIIe siècle.
13:52Toutes celles qui pouvaient s'en débarrassaient.
13:54Au bout de 24 heures, ils étaient baptisés et hop, ils partaient à la campagne chez
14:00des nourrices dont on perdait souvent l'adresse.
14:03Vous ne prenez pas ça non plus, je voudrais rassurer ceux qui nous écoutent.
14:06Vous n'êtes pas pour vous débarrasser de l'enfant.
14:08Non, pas du tout, je ne suis pas pour.
14:10Le premier jour !
14:11Oui, mais ça voulait dire que la société ne pesait pas sur les femmes comme elle pèse
14:18aujourd'hui.
14:19Donc, on se retrouve, les femmes aujourd'hui, se retrouvent au sein d'une contradiction
14:27formidable.
14:28Elles doivent être des mères parfaites.
14:31Alors oui, pendant qu'elles sont enceintes, à l'été, finalement adopter l'éducation
14:40bienveillante qui est extrêmement lourde, à mon avis, pour les femmes.
14:45Et en même temps, nous sommes dans une nouvelle phase de nos mœurs, de nos valeurs, qui d'ailleurs
14:54a été renforcée par l'expérience du Covid, qui fait que depuis peu de temps finalement,
15:03quand même peu de temps par rapport à l'histoire des femmes, nous sommes dans une époque où
15:10la priorité, c'est moi, moi d'abord.
15:13La priorité, c'est l'épanouissement personnel.
15:17La priorité, c'est effectivement d'avoir un peu de temps pour soi, un peu de liberté
15:22pour soi en tant que femme, ou en tant qu'homme bien sûr.
15:27Et par conséquent, comment concilier tout pour le bébé et moi d'abord ? Voilà,
15:37et donc je pense que c'est un facteur important également, parce que quand même, de ma génération,
15:45c'est-à-dire ayant eu des enfants avant 70, nous ne posions pas la question « est-ce
15:53que j'ai envie d'un enfant ? ». Pas du tout, parce que ça semblait comme l'aboutissement
16:00du bonheur féminin.
16:01Personne ne se posait cette question, ne réfléchissait au désir.
16:05Et aujourd'hui, toutes les jeunes se posent cette question, vous parlez de rupture anthropologique
16:10sur cette question-là.
16:11Absolument, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, c'est le calcul des plaisirs et des peines.
16:16Un enfant, c'est quand même 15 à 20 ans de compagnonnage avec l'enfant, qu'est-ce
16:23qu'un enfant va m'apporter comme plaisir et comme charge, comme lourdeur, comme travail
16:29? Et ce calcul-là, il était impensable, impensable il y a 30 ans.
16:34Mais il est bon ce calcul-là ou pas ?
16:37Écoutez, bon ou mauvais, non, il est humain, c'est comme ça, c'est notre évolution,
16:45individualiste, il faut bien le dire, égoïste si vous voulez, mais c'est comme ça, il
16:53faut faire avec.
16:54Et le fait, c'est renforcé, c'est rendu possible justement parce que nous avons la
16:59capacité de ne pas faire d'enfant.
17:01Alors si on en fait, il faut tout assumer.
17:04Elisabeth Badinter, vous alertez sur le risque que des pouvoirs autoritaires réduisent les
17:10droits des femmes dans les années à venir et je vais vous citer.
17:13Il est à craindre que certains États fassent payer aux femmes la note de la dénatalité,
17:20notamment en s'appuyant sur des principes d'ordre religieux.
17:23Faute de les convaincre par diverses allocations, un gouvernement peut décider de limiter,
17:29voire de supprimer l'interruption volontaire de grossesse ou le recours à des moyens contraceptifs.
17:36Cette hypothèse, qui paraît invraisemblable aujourd'hui, peut ne plus l'être d'ici
17:42une quinzaine d'années si la chute de la natalité se poursuit au même rythme et
17:46deux sur trois donc si les religions s'en mêlent.
17:50C'est un scénario qui vous semble vraiment possible d'ici à 15 ans ?
17:55Alors écoutez, si on m'avait dit il y a deux ans que la plus grande démocratie
17:59du monde prendrait une loi, permettrait aux États des États-Unis de légiférer là-dessus
18:09contre l'avortement, c'est le cas dans 14 États, je ne l'aurais jamais cru.
18:16Vraiment, je ne l'aurais jamais cru.
18:19Si on m'avait dit aussi qu'en Italie, dans les années 75, après les années 78
18:28quand ils ont voté l'avortement, il y avait plus de 220 000 femmes italiennes qui procédaient
18:35à des avortements, si jamais j'aurais pensé qu'aujourd'hui, faute de médecins pour
18:44avorter.
18:45Pensez qu'en Italie du Sud, 80% des médecins refusent l'avortement, c'est la clause
18:50de conscience.
18:51Et dans le reste de l'Italie, c'est 62%, c'est-à-dire que c'est devenu très difficile
18:55d'avorter.
18:56C'est un chemin de croix pour les Italiens.
18:58Vous n'auriez jamais imaginé ça il y a deux ans encore ?
19:00Voilà, exactement.
19:01Et c'est vraiment ce qui vous inquiète ? Là, c'est aussi pour ça ce livre.
19:06Moi, quand j'entends un certain nombre d'hommes politiques, je dis bien d'hommes, j'ai
19:10jamais entendu une femme dire ça.
19:11Quand j'entends des hommes politiques, comme ça s'est passé il y a quelques semaines
19:16ou quelques mois, dire à propos de porter le droit à l'avortement dans la Constitution,
19:24mais c'est impossible en France, alors je me dis, mais c'est impossible en France.
19:29On ne reviendra jamais en arrière, c'est ça ce qu'on entend.
19:33On n'est pas les Etats-Unis, non on n'est pas les Etats-Unis, c'était ça que disaient
19:38les adversaires à la Constitution de l'avortement.
19:41Oui, oui, c'était ça, ça ne peut pas arriver en France, et bien je dis, c'est d'une légèreté
19:45incroyable.
19:46Personne ne sait ce qui va se passer.
19:50Pour pouvoir dire ça, il faudrait aussi que nous ayons une vue peut-être plus claire
19:56des désirs des femmes, ce que montrent les femmes, ce que je viens d'expliquer, à savoir
20:01et bien on regarde bien à vendeur, comment on va faire pour que nous ne perdions pas
20:09plus d'habitants en France, mais la France encore, elle est toujours la première en
20:15Europe à faire des enfants, quand même, à cause de nos traditions, mais comment peut-on
20:21affirmer que ça ne peut pas arriver ? Et bien si, moi je ne suis pas d'accord.
20:27Et bien si, et surtout vous avez une solution qui repose un petit peu dans le titre du
20:31livre, messieurs encore un effort, votre solution, vous pensez qu'on pourra, alors j'ai utilisé
20:38le terme du président de la République, réarmer démographiquement la France en partageant
20:43encore plus, en allant encore plus loin dans l'égalité, ça m'a fait sourire de voir
20:47que vous repreniez le terme de charge mentale, qui est un terme très contemporain, mais
20:51vous le reprenez, oui, la charge mentale repose encore, toujours, sur les femmes quand l'enfant
20:57arrive, comme vous le dites, c'est-à-dire peut-être pas quand il n'y a pas d'enfant,
21:00mais ensuite c'est vraiment sur la femme que ça repose.
21:02Oui, et non seulement la charge mentale, mais je dirais aussi une fatigue physique.
21:06C'est extraordinairement fatiguant d'assumer la double journée de travail, alors, charge
21:11mentale, parce qu'il faut penser à tout tous les jours, au moindre détail de la vie
21:15de la famille, de la vie des enfants, et en même temps, continuer à travailler sur son
21:21ordinateur pour certaines, c'est trop, c'est trop lourd, et c'est d'autant plus lourd
21:28que les femmes sont en train d'atteindre, peu à peu, mais plus vite, l'égalité avec
21:35les hommes professionnellement.
21:37Ce n'est pas encore aujourd'hui, mais on voit que ça avance, mais ce n'est pas le
21:41cas à la maison.
21:42Vous appelez les hommes à être plus féministes, au fond.
21:44J'appelle les hommes à être enfin égalitaires, féministes, égalitaires surtout, respectueux
21:56de la justice qui doit régner dans un couple, enfin, au sein d'un couple, et donc, si
22:02eux ne bougent pas, ça risque de durer assez longtemps, et donc, je voudrais quand même
22:09préciser que dans ce petit livre, je ne suis pas cruelle à l'égard des hommes, je ne
22:17les agresse pas trop, mais en même temps, je pense qu'il faut absolument qu'ils prennent
22:24conscience qu'ils ont des marches encore à...
22:27Vous dites que les politiques natalistes, si apolitiques natalistes, elles doivent s'adresser
22:31aux femmes, mais pas seulement aux femmes, aux hommes aussi.
22:33Non, je dis pire que ça, je dis qu'elles doivent s'adresser d'abord aux hommes.
22:37Les femmes font tout ce qu'elles peuvent, c'est à eux, mais pour autant, je ne présume
22:44pas qu'il faut prendre des mesures, force, la vie privée des gens, c'est aussi un lieu
22:51qu'on va respecter.
22:53Encore un mot, Élisabeth Badinter, sur un autre sujet, vous êtes intervenue dans le
22:58débat sur la fin de vie, vous avez écrit une lettre au député Olivier Falorni, rapporteur
23:05à l'Assemblée Nationale sur le projet de loi Fin de Vie, une lettre publiée dans la
23:09Tribune dimanche qui répondait à ceux qui utilisaient, instrumentalisaient la parole
23:15et la pensée de Robert Badinter pour affirmer qu'il n'aurait pas soutenu cette loi au nom
23:21du fait qu'il était l'homme de l'abolition de la peine de mort.
23:25Vous écrivez dans cette lettre « Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine
23:30de mort.
23:31Mon mari s'efforgeait au fil des ans la conviction qu'une évolution vers une aide active à
23:36mourir était acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et selon des
23:42conditions précisément définies par la loi ». Vous avez souligné que Robert Badinter
23:49vous avait exprimé cet avis en 2021, il avait évolué sur le sujet ?
23:54Il avait évolué en vérité à propos du terme euthanasie qui en 2008 lui faisait assez
24:03peur euthanasie.
24:05Il a évolué effectivement sur ses positions qui étaient plus, je dirais, avec plus de
24:13recul mais ce qui m'a frappé c'est qu'il a évolué et en même temps il s'en est ouvert
24:22à différentes personnes et ce qui m'a un peu gêné pour ne pas dire indigné c'est
24:28qu'on se servait d'un témoignage dans une commission de 2008 alors que moi je savais
24:37aussi son évolution vers une position précise, positive quant à la loi et monsieur Falorni
24:49m'a joint en me disant écoutez j'ai moi-même consulté votre mari en 2021, pendant une
25:01heure et demie il était d'accord avec ce projet et moi personnellement, Elisabeth,
25:09j'ai participé en septembre de l'année dernière, 2023, à un entretien avec la ministre
25:20déléguée à l'époque de la santé, madame Lebaudot, qui était venue à la maison avec
25:28une assistante et qui a entendu elle-même, elle peut en témoigner aujourd'hui comme
25:33moi, qu'il aurait voté cette loi s'il était, et c'est évident.
25:38Il n'y a pas de doute.
25:39Ah non, il n'y a pas de doute.
25:41Donc vous dites ce matin aux adversaires de cette loi qu'ils ont le droit d'être adversaires
25:45de cette loi mais qu'ils ne doivent pas utiliser le nom de Robert Badinter.
25:50Exactement.
25:51Merci infiniment d'avoir été avec nous ce matin.
25:54Messieurs, encore un effort, trois petits points, c'est le titre de votre livre Elisabeth
26:00Badinter, publié chez Flammarion et Plon.
26:03Merci encore d'avoir été là.

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