Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:04Hiraj Gurden.
00:06Vous êtes directeur de recherche en neurosciences,
00:09au CNRS, ce qui n'est pas rien,
00:11et spécialiste de l'odorat.
00:13Vous publiez
00:14Comment les odeurs agissent sur notre cerveau.
00:17Première chose étonnante, on sent les odeurs,
00:20nous tous ici, avant même notre naissance.
00:23Avant ?
00:24Oui, tout à fait.
00:25Dès le 3e trimestre de grossesse,
00:27dans notre vie intra-utérine, à l'âge fétale,
00:30nous sentons les molécules odorantes
00:32dans le liquide amniotique,
00:33qui proviennent souvent des aliments consommés par la maman.
00:37Quatre genres d'odeurs.
00:38Les aliments sont très présents,
00:40qui vont passer, après digestion,
00:42dans le sang, puis dans le liquide amniotique.
00:45A la naissance, avec quelques heures de vie du bébé,
00:48on a des préférences olfactives inscrites dans son cerveau,
00:51et sa mémoire olfactive est déjà là.
00:53Alors, le petit, dans le ventre de sa maman,
00:57si elle mange du chocolat, ça sent le chocolat.
00:59Tout à fait. La plupart des aliments vont avoir une odeur,
01:02nous, en tant qu'adultes,
01:04mais ça passe aussi dans le liquide amniotique.
01:06Ma maman a dû en manger beaucoup.
01:08Vous avez une grande préférence pour le chocolat.
01:11Concrètement, qu'est-ce qui se passe dans notre cerveau
01:14quand on sent quelque chose ?
01:16Il y a deux grandes étapes.
01:18Il y a d'abord notre nez, notre organe,
01:20en plein milieu de notre visage,
01:22pour la détection, quand on dit ça sent quelque chose,
01:24tout le travail du cerveau pour dire ce qu'on sent.
01:27Pour dire ça, on a besoin d'aligner plusieurs sensations
01:31qui sont du plaisir, des émotions et des souvenirs,
01:35des mémoires qu'on a accumulées.
01:37Le cerveau a-t-il une bibliothèque des odeurs ?
01:39Il vous dit, ça, c'est l'odeur de la vanille, ça, la fraise ?
01:42Exactement. Il y a une bibliothèque
01:45où on a rangé les odeurs suivant des groupes.
01:47On a le groupe des odeurs fruitées, des épices, etc.
01:51On les a de naissance ou c'est l'habitude ?
01:55Après la naissance, il y a toute l'enfance et l'adolescence.
01:58On construit notre bibliothèque.
02:00Comme un millefeuille qui va se faire une couche.
02:03Là, on va avoir vraiment quelque chose.
02:05Je sens, ça sent au chocolat.
02:08Je sais, c'est parce que j'ai cette odeur dans mon crâne.
02:11J'ai déjà cette odeur-là.
02:13J'imagine que, comme le goût,
02:14notre perception des odeurs est différente selon les individus.
02:18Ou alors, il y a des odeurs universelles.
02:20C'est les mêmes pour tout le monde.
02:22Il y a quelques odeurs universelles, même à la naissance.
02:25Les petits bébés vont préférer la vanille.
02:28Je pense qu'on est autour de cette table
02:30et nos amis téléspectateurs aiment la vanille.
02:33Il y a des odeurs dégoûtantes, comme tout ce qui est souffré,
02:36qui va sentir l'œuf pourri.
02:38L'œuf pourri.
02:39Ça, ça va être à la naissance, mais aussi toute notre vie.
02:42Après, quand même,
02:44il y a les associations qu'on va faire dans notre vie.
02:46Si on a un bon gâteau au chocolat, un cacao sympathique,
02:50c'est positif, c'est bon.
02:51Mais si vous avez un accident après avoir mangé le bon gâteau,
02:55vous allez vous dire que le cacao, c'est peut-être pas si bon.
02:58C'est dans la bibliothèque ?
03:00Dans la bibliothèque. Ça va peut-être prédire un choc,
03:03donc on va être plus méfiants.
03:04Ça allie odeur et expérience, et ça enregistre tout.
03:07Tout le temps. C'est le job du cerveau.
03:09Les hommes et les femmes sentent les odeurs de la même manière ?
03:13Pas tout à fait.
03:14Les tests qu'on a faits en laboratoire à travers le monde
03:17montrent que les femmes sont toujours plus sensibles que les hommes.
03:20Pour toujours, évidemment.
03:22Non seulement parce qu'il y a beaucoup de récepteurs
03:25aux oestrogènes dans le système olfactif,
03:27donc beaucoup moins pour la testostérone,
03:30mais même dans les structures du cerveau,
03:32souvent, il y a plus de neurones qui sont consacrés chez les femmes
03:36par rapport à ce sens.
03:37Est-ce que ça dépend des moments de la vie ?
03:39Pardon de vous raconter ma vie personnelle,
03:42mais je me suis rendu compte, quand j'étais enceinte,
03:45que j'avais un odorat surdéveloppé.
03:47Exactement. Pendant le cycle menstruel ou la grossesse,
03:50il y a des pics d'hormones sexuelles chez les femmes
03:53qui font que le système olfactif se trouve hypersensible.
03:56C'est très important pour la survie de l'être humain.
03:59Chez les garçons aussi.
04:00J'en connais un qui a un odorat, mais c'est effrayant.
04:03À certains moments, en particulier.
04:05De tout. Je sens tout, tout le temps.
04:07Même si c'est loin.
04:08C'est vos hormones féminines.
04:10Avec le pif que j'ai, c'est normal, mais en dehors de ça...
04:13On partage ça.
04:14Rires
04:15Comment est-ce qu'on explique que, parfois,
04:18quand on sent quelque chose,
04:19ça nous rappelle un souvenir très précis, en plus ?
04:22Oui, tout à fait.
04:23Si on regarde le câblage de ce système olfactif,
04:26qui nous permet de reconnaître les odeurs,
04:28c'est complètement enchâssé dans les régions du cerveau
04:31qui sont responsables de la mémoire.
04:33C'est pour ça que Marcel Proust,
04:35quand il a raconté cette anecdote de la madeleine,
04:38c'est tellement prégnant et vivace.
04:40On sait que les mémoires olfactives,
04:42même chez des personnes âgées, sont très puissantes et vivantes.
04:45On entend souvent dire que le chien a un meilleur odorat que l'homme.
04:49Tout le monde dit que c'est vrai, mais ce n'est pas tout à fait vrai.
04:53Ce n'est pas tout à fait vrai.
04:55Les dernières découvertes et études montrent que,
04:57si on compare 12 espèces de mammifères différents,
05:00l'homme n'est jamais dernier.
05:02C'est une légende urbaine qu'on ait un odorat faible.
05:04Notamment, on peut concurrencer le chien sur certains types d'odeurs.
05:08Lui, ses odeurs carnées, il va être très fort,
05:11mais nous, on va être très fort sur les végétaux,
05:13où on va vraiment battre le chien.
05:15Votre livre est aussi truffé d'anecdotes historiques.
05:18On découvre des souverains qui étaient addicts aux parfums
05:22jusqu'à ce que la Révolution y mette fin.
05:25La Révolution, elle était anti-parfum.
05:27Effectivement, Louis XIV était vraiment très addict aux fleurs d'oranger.
05:32Il était obligé, et ça sentait très mauvais à Versailles.
05:35La fleur d'oranger, c'est différent.
05:37A Versailles, on mettait des odeurs beaucoup plus musquées,
05:40beaucoup plus puissantes pour cacher les effluves,
05:43mais lui avait ses plantes, ses orangers qui étaient là,
05:47et en fait, il bénéficiait de cette odeur-là.
05:49Et donc, effectivement, c'était le signe de l'aristocratie,
05:54du pouvoir souverain.
05:55La Révolution a remis ça en doute,
05:57mais Napoléon a repris ça,
06:00et puis il était addict à l'eau de colonne.
06:03Il se faisait ce qu'on appelle des canards farinats,
06:05un petit dé de sucre avec de l'eau de colonne
06:08tous les jours qu'il ingérait.
06:09Il le mangeait ?
06:10Il le mangeait.
06:12Le parfum, au début, c'est vraiment une question spirituelle,
06:15communiquer avec les divinités et les esprits,
06:17mais aussi une question de santé.
06:19Dès les Égyptiens, il y avait ce pouvoir d'ingérer le parfum
06:22et de se faire du bien.
06:24C'est bien, hein ?
06:25Super.
06:26Interessant.
06:27Hiraj Gurdon, c'est lui, c'est l'auteur.
06:30Ça s'appelle
06:31« Sentir, comment les odeurs agissent sur notre cerveau ».
06:34C'est scientifique, mais c'est très abordable.
06:36Je l'écris vraiment pour le plus grand public.
06:39Il n'y a pas de vocabulaire trop compliqué.
06:41On peut le lire comme un roman.
06:43C'est bien joué, parce que c'est le cas.
06:45C'est un livre essentiel pour découvrir
06:48les pouvoirs extraordinaires de l'odorat.
06:50Merci de votre visite.