• il y a 7 mois
Aliya n'avait que 14 ans lorsqu'Alexandre, un homme qu'elle avait rencontré sur internet, lui a demandé avec insistance des photos intimes. Sous la pression, elle a cédé. Mais Alexandre a diffusé les nudes à tout son entourage...

Son livre "juste une histoire de nudes" est disponible via son compte Instagram : @aliya_chartier au prix de 10 euros !
Son podcast - du même nom - est disponible sur toutes les plateformes d'écoute.

Transcription
00:00 Alexandre m'envoie "écoute, tu m'as bien fait rire, j'ai pu te faire faire tout ce que je voulais,
00:04 tu vas continuer à m'envoyer tout ce que tu m'envoyais jusque là.
00:07 Si jamais t'avertis quelqu'un, je diffuse.
00:09 Si jamais tu me bloques, je diffuse."
00:10 Je m'appelle Alia Chartier, j'ai 22 ans et j'ai été victime d'un chantage au nude.
00:15 Tout a commencé sur un jeu en ligne qui s'appelle "Abo".
00:18 J'avais 14 ans, je parlais avec n'importe qui, c'est ce qui me plaisait.
00:21 Je sortais de mon quotidien de la vie qui n'était pas forcément appréciée au collège.
00:26 Très vite, celui qui me disait s'appeler Alexandre, avoir 17 ans et habiter Nanterre,
00:30 voulait au départ que j'aille, qu'on parle via Snapchat.
00:34 Et Alexandre m'a envoyé un message pour me dire "écoute,
00:37 je commence à développer des sentiments pour toi,
00:40 je suis sûre de rien avec toi donc j'ai besoin que tu me prouves ton amour.
00:43 Et dans trois jours sinon je te quitte."
00:45 Alexandre m'a envoyé une photo comme ça, sans que je demande quoi que ce soit.
00:49 Et c'était pas sa tête que j'avais en photo, mais c'était bien son sexe, son érection.
00:53 Donc moi, à cet âge-là, je me suis dit "waouh, qu'est-ce que c'est ? C'est quoi ce délire ?"
00:57 Alexandre, à la suite de cette photo, m'a envoyé "Alors, t'aimes ? J'attends les tiennes."
01:01 Et à force des messages que je recevais d'Alexandre pendant des heures et des heures
01:06 pour qu'il finisse par avoir ce qu'il voulait de moi finalement,
01:09 j'ai envoyé la moitié de ma poitrine on va dire.
01:12 Et en fait, Alexandre, après avoir reçu ma photo,
01:14 m'a envoyé un message pour me dire "waouh, t'es magnifique, t'as les seins les plus beaux du monde."
01:19 Et moi quelque part, même si je savais qu'il en faisait des tonnes,
01:21 ça me touchait jusqu'à ce que je lise la deuxième partie de son message
01:25 où là, il me précise que je n'avais pas joué le jeu,
01:29 je ne l'avais pas respecté en quelque sorte, puisque je n'avais pas tout envoyé.
01:33 À force, une nouvelle fois, du chantage qu'il était en train d'exercer sur moi,
01:38 j'ai fini par renvoyer une photo de moi et cette fois-ci, ma poitrine entièrement.
01:41 Donc là, je prenais un peu plus la conscience du risque que je prenais.
01:45 Et à partir de cette deuxième photo, ce sont enchaînés...
01:48 Je ne peux même pas donner de chiffres en fait.
01:49 J'ai envoyé un nombre monstre de photos de moi,
01:53 de longs et larges en travers, des vidéos aussi.
01:55 Pour lui, c'était juste une porte ouverte, une porte supplémentaire
01:58 par laquelle il est rentré pour me demander plus, toujours plus.
02:01 Un lundi, en revenant du collège, j'ai un message de sa part.
02:04 Déjà, ce n'était pas une photo, donc je me disais "ça change de d'habitude".
02:07 Alexandre m'envoie "écoute, tu m'as bien fait rire,
02:10 j'ai pu te faire faire tout ce que je voulais.
02:12 Tout ce qui s'est passé entre nous, c'était un film.
02:14 Vu qu'il n'y a jamais rien eu jusque là,
02:16 tu vas continuer à m'envoyer tout ce que tu m'envoyais jusque là.
02:19 Si jamais tu avertis quelqu'un, je diffuse.
02:21 Si jamais tu me bloques, je diffuse".
02:22 Donc moi à ce moment, je me dis "waouh, qu'est-ce que c'est que ça ?"
02:25 Et après, j'ai encore plus paniqué
02:28 parce que quand il me parlait de diffuser,
02:30 il me précisait ensuite qu'il pouvait envoyer à mon collège, à mes amis.
02:34 Et le problème en me disant tout ça,
02:36 c'est qu'il me citait des prénoms de personnes réelles dans ma vie.
02:39 Donc moi forcément, après tout ça, j'étais mal.
02:42 Donc j'ai décidé de prendre ce qui brillait dans ma trousse,
02:46 un compas que j'ai planté dans mon poignet.
02:47 Ça m'a soulagée.
02:48 Alors j'ai pas fait ça longtemps parce que j'ai pris peur quelque part.
02:52 Après avoir passé la nuit à lui envoyer tout ce qu'il voulait
02:54 pour pas qu'il exécute toutes ses menaces,
02:56 je me suis retrouvée au collège et deux de mes copines viennent me voir.
02:59 Il y en a une, Marion, qui me dit
03:02 "Bah écoute, Ali, on a un truc à te dire, c'est pas simple.
03:04 On a vu tes photos".
03:05 Et après, elles m'ont dit que les photos avaient fait le tour,
03:07 qu'elles étaient avant dans les mains de garçons que j'aimais pas trop,
03:12 qui avaient bien rigolé.
03:13 J'ai passé la journée après à avoir le sourire, comme d'habitude.
03:16 C'est mon masque.
03:16 J'ai continué à me scarifier, en fait.
03:18 C'était le seul moyen que j'avais pour me soulager,
03:20 pour redevenir pure quelque part.
03:22 Parce que je me dégoûtais, j'avais honte.
03:24 Le soir même, je me retrouve encore à faire des photos et des vidéos pour mon bourreau.
03:28 Je lui ai envoyé mon corps que j'avais sali.
03:30 Il m'a renvoyé "Hm, tu me fais rire.
03:32 Tu te rends juste plus ridicule qu'autre chose à faire ça.
03:35 Tu sais, en fait, tu peux te tuer.
03:37 Je te conseille de prendre un couteau et de le planter directement.
03:39 Ça ira plus vite".
03:40 Et le lendemain, je me suis retrouvée dans le bureau du directeur
03:43 pour la première fois de ma vie
03:44 et pour lui avouer des choses qu'on n'a pas envie de dire à qui que ce soit.
03:48 Quelque part, il m'a écoutée.
03:49 Donc, ça m'a fait du bien.
03:51 Et il m'a juste dit "Bah écoute, je vais prévenir tes parents".
03:53 J'ai attendu.
03:54 Ma maman m'a récupérée.
03:55 Elle me dit "Mais tu te rends compte ?
03:57 J'aurais pu te perdre".
03:58 Je me suis dit "Waouh, mais heureusement que je n'ai rien fait, en fait".
04:00 Parce que j'étais à ça.
04:02 Et on s'est retrouvées au commissariat.
04:04 À la base, elle ne voulait pas nous laisser rentrer.
04:06 La dame nous a dit "Revenez plus tard, je ferme".
04:08 Elle nous a finalement laissé rentrer, sous la pression de ma maman.
04:11 Je dis d'ailleurs pas "accueillie".
04:13 Parce qu'elle m'a regardée de haut en bas
04:15 pour me dire "Mais tu te rends compte de ce que tu as fait ?
04:17 Non, parce que quand même, tu as vu ton âge ?
04:20 Tu aurais pu te retrouver découpée dans le coffre d'une voiture.
04:21 Tu le sais, ça ?"
04:22 J'avais 14 ans.
04:23 Je suis tombée sur la mauvaise personne.
04:25 Donc, elle nous a laissé repartir sans rien, bredouille.
04:28 En me disant "Faut revenir, dimanche".
04:31 Avec des preuves.
04:32 En me disant ça, et après le discours qu'elle a eu avec moi,
04:36 j'ai cru qu'elle ne me croyait pas.
04:37 Elle me voyait coupable.
04:38 On est revenus quelques jours plus tard,
04:40 avec des preuves que ma maman s'est amusée à faire.
04:43 Donc, les preuves consistaient à quoi ?
04:45 Recueillir toutes les informations que j'avais par rapport à lui.
04:48 Qui il était.
04:49 On a du coup, toutes envoyées à la gendarmerie.
04:52 Elle m'a dit qu'il fallait que je témoigne.
04:53 C'est plus ma mère qui a parlé que moi.
04:55 J'en n'étais pas trop capable.
04:56 J'ai dit au collège que j'étais d'accord
04:58 pour qu'ils disent que j'avais porté plainte
05:00 pour aider d'autres personnes.
05:01 Le souci, c'est que ça s'est retourné contre moi une nouvelle fois.
05:03 J'ai reçu un nombre dingue de messages.
05:06 La plupart des garçons disaient "je suis intéressée",
05:08 "je suis pas un bâtard, t'inquiète, je diffuse pas".
05:11 Et ça a duré jusqu'en terminale.
05:12 Jusqu'en terminale, j'ai été harcelée.
05:14 Et ça s'est arrêté le jour où j'ai pris la décision,
05:18 sans le vouloir, mais de parler.
05:20 À la suite d'une conférence que donnait Véronique Agrappard,
05:22 avec qui j'intervenais,
05:24 une sage-femme sexologue.
05:25 Un débat a été organisé à la suite de cette conférence sur les nudes
05:28 par des jeunes du lycée.
05:30 J'ai dit à mes copines "moi j'y vais".
05:32 Je me suis mise à parler pendant 35 minutes.
05:35 Y'a rien qui m'arrêtait.
05:36 Même pas les regards des personnes qui m'avaient harcelée.
05:38 Et à la fin, j'ai été...
05:41 J'ai été subjuguée en fait, parce qu'on m'applaudissait.
05:44 Et les gens venaient me voir pour me dire "waouh, franchement,
05:47 t'en as du caractère, t'en as de la force".
05:49 Et la sexologue qui était là, elle m'a dit "écoute,
05:52 à tes 18 ans, je veux que t'interviennes avec moi,
05:54 face aux jeunes, pour leur raconter".
05:56 Et elle me dit "en même temps, je sais pas si t'as pensé à écrire, à parler,
05:59 mais faudrait que tu le fasses".
06:00 J'ai commencé à écrire, j'ai publié ça sur internet après.
06:04 Et en une journée, j'ai eu 2000 ou 3000 lectures.
06:07 Et depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais reçu de menaces,
06:10 de messages, en tout cas des personnes que je connaissais.
06:13 Ça a vraiment changé ma vie.
06:16 C'est ce que je conseille aux jeunes quand je suis face à eux,
06:18 je leur dis de parler en fait.
06:19 Ça m'a construite.
06:20 Et souvent, enfin on m'a demandé une fois,
06:22 si j'étais fière de ce que j'étais,
06:24 si c'était à refaire,
06:26 est-ce que je revivrais la même expérience ?
06:29 Bah oui.
06:29 Ce par quoi je suis passée, c'est pas drôle.
06:31 Mais en même temps, bah...
06:32 Moi, je suis toujours là, je peux en parler.
06:34 Je peux parler pour celles et ceux qui sont partis.
06:37 Puis je changerais ça pour rien au monde.
06:39 Donc j'ai eu la chance d'avoir du soutien toute ma vie,
06:42 avec ma famille.
06:43 Par contre, la justice, c'était autre chose.
06:44 La gendarme que j'ai eue m'a appelée la veille du brevet des collèges
06:49 pour me dire "écoute, on n'a retrouvé personne,
06:52 ta plainte, elle est classée sans suite."
06:53 Donc je n'ai pas attendu la justice non plus pour me reconstruire.

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