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TW : violences se*uelles / vi0ls
Clara (@surviv_hante sur Instagram) est la 8e personne à avoir porté plainte contre la France auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, pour dénoncer la victimisation secondaire qu'elle a subie, face à l'acquittement de son vi0leur. Elle revient pour nous sur cette procédure qui est toujours en cours.

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Transcription
00:00On n'attend pas que tous les violeurs soient condamnés sur notre parole,
00:04mais on attend d'être au moins considérés et respectés.
00:08Si quand on entre dans un commissariat,
00:09on sait qu'on va ressortir dans un pire état que quand on y est entré,
00:12ça ne vaut pas le coup.
00:13Je m'appelle Clara Achour, j'ai 25 ans, je suis violencelliste,
00:16et j'ai porté plainte contre la France auprès de la Cour européenne des droits de l'homme
00:20pour dénoncer la victimisation secondaire que j'ai subie.
00:22J'avais tout juste 19 ans, j'ai été violée par un ami dans son appartement pendant une soirée,
00:26et j'ai su par la suite que j'avais été droguée à mon insu.
00:29J'ai porté plainte contre lui,
00:31et le procès a eu lieu quatre ans après aux Assises de Paris.
00:34Et il a été acquitté sur des motifs sexistes et sur la question de l'intention.
00:39La Cour a dit qu'en fait, il aurait pu croire à mon consentement
00:43parce que j'étais allée dormir avec lui alors qu'il m'avait déjà agressée sexuellement auparavant,
00:47parce que j'étais en petites culottes et en débardeur,
00:50parce que j'avais déjà dit non à un autre gars précédemment,
00:55donc apparemment, là, si lui, il n'avait pas pu l'entendre,
00:58c'est que je ne l'avais pas dit assez.
00:59D'un autre côté, il y a une experte qui a dit que je ne savais pas dire non à quelqu'un,
01:05et que donc, comme je ne sais pas dire non, il n'aurait pas pu le savoir.
01:08Pour moi, c'était hyper violent.
01:09J'avais quand même un dossier solide.
01:11Comme j'ai porté le lendemain, du coup, j'ai été vue par une gynécologue aux urgences.
01:15Elle a eu le temps de constater beaucoup de lésions gynécologiques
01:18qui correspondaient exactement à mon témoignage,
01:20plus du coup, l'expertise toxicologique qui montre que j'ai été droguée.
01:24Et puis, elle a avoué qu'il m'avait déjà agressée auparavant,
01:27dans les mêmes circonstances.
01:28Donc, en fait, ça me paraissait évident que là,
01:30ce n'était pas un problème de compréhension entre lui et moi,
01:33c'est que vraiment, il savait ce qu'il faisait.
01:34En fait, la semaine juste avant mon procès,
01:37il y a eu celui des violeurs d'Emily Spenton,
01:39la Canadienne qui a été violée par des policiers au 36 Quai des Orfèvres.
01:42Du coup, j'ai su dans la presse que, comme ils ont été relaxés en deuxième instance,
01:46elle a fait ce recours-là à la Cour européenne.
01:48C'est un formulaire qu'on télécharge en ligne, qu'on remplit, qu'on envoie.
01:51Et n'importe qui peut saisir la Cour européenne.
01:54La seule chose, enfin les deux seules choses,
01:57c'est qu'il faut avoir épuisé tous les recours internes.
01:59Donc, ça veut dire qu'il faut avoir fait appel si on peut faire appel.
02:02Et en plus, à partir de la dernière décision de justice
02:05qui peut être prononcée dans le pays,
02:07il y a quatre mois pour faire un recours auprès de la Cour européenne.
02:09Donc, c'est assez court en temporalité.
02:11Moi, le procès, il l'a eu en avril 2022.
02:13J'ai fait le recours à la Cour européenne en août 2022.
02:16Et ma plainte, elle a été reçue en mars 2023.
02:19On est huit plaignantes à avoir fait ce recours-là pour les mêmes raisons.
02:22Donc, on a toutes porté plainte initialement pour des faits violents sexuels.
02:24Et on dénonce toutes plusieurs choses,
02:26entre autres la victimisation secondaire,
02:28qui je pense est le point le plus urgent, disons,
02:30à changer dans le traitement des victimes.
02:32Après, là, la Cour européenne, elle va donner sa décision.
02:35Vraiment, c'est des gens qui se réunissent dans une salle et on ne sera pas là.
02:39Ce n'est pas du tout comme un procès contre quelqu'un.
02:41Et puis, en fait, je pense qu'en étudiant le dossier,
02:44ils vont décider si oui ou non la France a bafoué des lois.
02:47Si la France est condamnée, en réalité, c'est plus symbolique qu'autre chose.
02:51C'est quand même notre dernière possibilité d'être reconnus comme des victimes
02:54et de pouvoir mettre une pression au gouvernement pour leur dire
02:57« là, votre pays, il est condamné, donc en fait, il faut vraiment changer quelque chose ».
03:01Il y a la campagne Notre Orage,
03:03qui est fondée par Rachel Dano et Hélène Martinelli,
03:06pour visibiliser ce qu'on bat là auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.
03:09Même si on est huit à avoir porté plainte,
03:10ce qui en soi n'a pas l'air d'être beaucoup,
03:12en fait, on est huit à avoir eu la possibilité aussi,
03:15parce que ce n'est pas donné à tout le monde de connaître ce recours,
03:19d'avoir l'entourage et l'énergie pour le faire
03:22et d'avoir son recours accepté, tout simplement.
03:23Donc, en fait, on veut montrer que là, on parle pour nous,
03:26mais on parle aussi de toutes les autres victimes
03:28qui sont traitées vraiment de la même façon que nous.
03:30C'est hyper long.
03:31Moi, j'ai 25 ans, donc sa vraie six ans de procédure,
03:33c'est un cinquième de ma vie, c'est énorme.
03:36Et en même temps, je ne me voyais vraiment pas,
03:39juste que ça se termine sur un acquittement.
03:41Et moi, vraiment, ça m'a brisé.
03:43Donc, juste après, j'ai fait une tentative de suicide,
03:45ça m'a mis des années pour aller mieux.
03:47Et maintenant, en plus, si je subissais de nouveau quelque chose,
03:50je pense quoi que ce soit, d'ailleurs, pas que des violences sexuelles,
03:53ça m'est impossible de me tourner vers la police.
03:55Si quand on entre dans un commissariat,
03:57on sait qu'on va ressortir dans un pire état que quand on y est entré,
04:00ça ne vaut pas le coup.
04:01On n'attend pas que tous les violeurs soient condamnés sur notre parole,
04:05mais on attend d'être au moins considérés et respectés.
04:09Et ce n'est pas du tout fait.
04:10Pour les victimes en soi,
04:12je vais répéter un peu ce que tout le monde dit,
04:14c'est qu'en fait, vous êtes légitimes en dépôt de plainte
04:16ou hors dépôt de plainte,
04:17ou que vous soyez écrits par vos entourages ou nous.
04:20Mais je dirais surtout aux entourages des victimes,
04:23vous êtes un peu aussi notre dernière chance qu'on aille bien malgré tout.
04:27Donc même si, bien sûr, tout le monde a sa vie,
04:29on ne peut pas demander à quelqu'un de donner tout son temps et toute son énergie
04:33pour une victime de violences sexuelles.
04:35Sachez quand même que c'est hyper important de se renseigner
04:38quand on n'a pas été victime soi-même,
04:39pour comprendre les mécanismes
04:40ou pour comprendre qu'il y a des phrases qui sont violentes, qui blessent.
04:43Et comme on est déjà hyper vulnérables,
04:46il suffit parfois d'une phrase pour nous faire plonger.
04:48« Ecoute, me mêle pas à tes problèmes. »
04:50Ou des choses qui renvoient le fait que,
04:52en fait, c'est nous le problème,
04:53c'est nous qui avons créé cette situation-là.
04:55Alors que c'est ce qu'on entend déjà,
04:57mais quotidiennement quoi,
04:58que ce soit du coup quand on s'adresse à la police ou à la justice,
05:02quand on tombe sur des mauvais thérapeutes.
05:03Quand il s'agit de notre entourage proche,
05:05c'est d'autant plus violent.
05:06Essayez de vous renseigner
05:07et de faire au mieux pour que,
05:09si vous avez des limites à mettre,
05:10que ce soit pas en responsabilisant l'autre personne.

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